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Diffamation et prescription : un lien vaut nouvelle mise en ligne

Un lien et bye-bye la prescription des 3 mois

Diffamation et prescription : un lien vaut nouvelle mise en ligne

Le 27 mars 2013 à 09h24

Un site Internet français avait évoqué dans trois articles publiés les 14, 28 juillet et 8 septembre 2011 la mort d’Abdellah S., présenté comme ancien garde du corps de Mohamed VI et commissaire de police. Une action en diffamation fut intentée contre ces trois articles en décembre 2011. Les contenus furent finalement jugés non diffamatoires, mais l’intérêt du jugement du TGI de Paris porte sur le calcul de la prescription de l’action en diffamation.

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Selon l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881, les actions en diffamation se prescrivent « après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ». Pour les articles publiés sur Internet, le point de départ est fixé au jour de la première mise en ligne. C’est à partir de là que se décomptent les trois mois et c’est au-delà de ce délai que toute action devient en principe impossible sur le terrain de la diffamation.

 

En principe, seulement. La 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris, dans un jugement diffusé par Legalis, rappelle qu’ « une nouvelle mesure de publication du même texte fait courir un nouveau délai de prescription puisque le délit est à nouveau commis, c’est pourquoi la réédition d’un livre fait courir un nouveau délai de prescription ».

 

Mais dans l’univers Internet, les choses se corsent : le même TGI considère en effet qu’« il en va de même, pour des propos figurant sur le réseau internet, de la création d’un lien dit hypertexte permettant d’accéder directement à un article plus ancien, (...) la création d’un tel lien doit être analysée comme une nouvelle mise en ligne du texte auquel ce lien hypertexte renvoie ». Un article diffamatoire publié en 2003 mais appelé par lien dans un article de mars 2013 pourra donc être poursuivi.

 

Dans l’affaire qu’il avait à juger, l’article du 14 juillet était hors délai de cette action intentée le 5 décembre 2011. Il aurait dû être écarté mécaniquement par le TGI, sauf que l’article cité par un lien dans l’article du 8 septembre fut à cet instant ravivé et republié. « Il s’en déduit que l’article initialement mis en ligne le 14 juillet 2011 a fait l’objet d’une nouvelle publication le 8 septembre suivant en raison de l’insertion ans l’article publié à cette date, d’un lien hypertexte permettant au lecteur d’accéder directement à cet article plus ancien ».

 

En comparaison, l’article du 28 juillet 2011 n'a lui été appelé par aucun lien. Le délai de trois mois a donc expiré le 29 octobre 2011.

Commentaires (20)

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Natsume a écrit :



Mais du coup, si dans un magazine, on fait référence à un article diffamatoire publié ailleurs 1 ans plus tot, ça compte aussi comme nouvelle publication de cet ancien article ?



Un lien hypertexte n’est pour moi qu’une référence vers un contenu.

Tout comme l’est une phrase “cf. l’article X du numéro Y de janvier 2010 de tel magazine” glissée dans un autre article.







Entièrement d’accord. Quand je fais un une note de bas de page dans un texte avec une référence bibliographique, je référence le contenu exactement comme le fait un lien hypertexte. Pour autant, je ne crois pas qu’on considère que ça ramène à zéro le délai de prescription.



Je trouve que le Tribunal outrepasse ses droits en faisant dire à la loi ce qu’elle n’a jamais dite. Une publication, c’est une publication. Une référence, c’est autre chose.



Ça va d’autant plus poser problèmes que les liens se font de plus en plus de façon automatique ou semi-automatique et sans que la date ne soit très claire.



Quand je fais une recherche Google, Google génère de fait 20 liens par page tout frais (la page vient d’être générée pour moi, c’est pas une page en html fixe qui trainait dans un tiroir depuis toujours en attendant que quelqu’un recherche ce mot-clé là) : est-ce à dire qu’à chaque fois qu’on fait une recherche Google, il y a nouvelle publication de tout ce vers quoi Google pointe ?



Ce jugement me parait problématique à plus d’un titre.


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Pr. Thibault a écrit :



Avant d’entendre n’importe quoi sur la question, précisons qu’un jugement isolé d’un TGI ne crée pas une jurisprudence, un tel jugement n’a donc pas très grand intérêt en réalité (il pourrait très bien rester isolé, et la solution pourrait être contredite par la Cour de cassation si elle se trouve un jour saisie de la question).

Sinon la loi de 1881 apparaît quelque peu inadaptée aux problématiques nouvelles soulevées par Internet. {…}



Cette astuce du TGI pour contourner ce problème n’est peut-être pas mauvaise, l’article diffamant est plus ou moins voué à disparaître progressivement dans les abîmes d’Internet sauf si un nouveau lien vers celui-ci est posté (ça incite les gens à visiter à nouveau l’article, ça doit faire remonter la page dans les résultats de Google, etc).





+1







seboquoi a écrit :



Comme tu le sais surement, la 17ème Ch. du TGI de Paris est LA chambre spécialisée en matière de presse (au civil comme au pénal), pas besoin de te faire un dessin au sujet de son encombrement mais aussi, en conséquence, de l’expertise des juges qui la composent.





Je ne savais pas perso, merci pour l’info.





Takaï a écrit :



Il faut que ce lien soit créé par l’auteur de l’article qui pose problème ou n’importe quel pélerin créant un lien depuis son site fait l’affaire ?

Dans le second cas qui se fait taper dessus ?

C’est à devenir chèvre ce genre d’histoires. <img data-src=" />





À priori, le tribunal visait ici l’auteur originel du contenu diffamant qui ferait un nouveau lien vers ce contenu. Dans le cas contraire (n’importe quel lecteur pointe vers le contenu diffamant), cela ferait courir un gros risque pour l’auteur, ce serait àma difficilement gérable. En limitant au seul auteur originel, ils préservent àma un bon équilibre entre sécurité juridique du diffamant et protection du diffamé. Enfin en théorie, parce qu’après appliquer ce montage à un “simple” lien hypertexte, ça me paraît un peu trop large comme champ d’application.



Leur solution est ingénieuse, et assez osée (pas sûr que ça tienne comme raisonnement), en revanche il est bien dommage qu’ils n’aient pas précisé effectivement si seul l’auteur originel est concerné par ce montage.

Pour le coup ce serait bien que ça remonte jusqu’en Cass, là c’est plus une piste vers une vraie solution qu’un truc tout prêt.



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Natsume a écrit :



Mais du coup, si dans un magazine, on fait référence à un article diffamatoire publié ailleurs 1 ans plus tot, ça compte aussi comme nouvelle publication de cet ancien article ?



Un lien hypertexte n’est pour moi qu’une référence vers un contenu.

Tout comme l’est une phrase “cf. l’article X du numéro Y de janvier 2010 de tel magazine” glissée dans un autre article.







Le bon sens voudrait (en tout cas le mien) que le lien vale nouvelle publication s’il est fait par la même personne.



Si je fais référence à un ancien article, pourquoi devrais être tenu responsable des propos tenus par une tierce personne ? Ce n’est pas moi qui les ai dits, ces propos.



En revanche, si j’ai publié des propos diffamatoires dans le passé et que j’y fais référence aujourd’hui, on peut effectivement interpréter ça comme une remise en ligne des propos … Mais bon, je ne suis pas juriste.



Le fond de tout ça est encore une fois qu’une loi instaurée à la fin du 19e siècle n’est plus du tout adaptée aux usages actuels, et en particulier sur le web. Du coup, on bricole …



Edit : just grilled <img data-src=" />


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msx a écrit :



Tu sais que c’est un hoax, quand meme ?http://www.zdnet.fr/actualites/lynchage-par-courrier-electronique-l-affaire-hec-…









Je cite ton lien :



Vérifications

Anne-Valérie Delval, la dircom du groupe HEC, nous confirme que « les deux élèves existent bien ». Ils ont reconnu l’authenticité de leur prose. Bain & Cie, le cabinet de conseil, confirme à ZDNet l’histoire du rendez-vous manqué, en précisant que David avait déjà annulé un premier entretien.





Un hoax, pour moi, c’est quand toute l’affaire est fausse.

Là, nous parlons d’une histoire basée sur des faits réels qui a été amplifiée et déformée. … mais même ta source reconnaît que sa base est vraie.


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luxian a écrit :



Un hoax, pour moi, c’est quand toute l’affaire est fausse.

Là, nous parlons d’une histoire basée sur des faits réels qui a été amplifiée et déformée. … mais même ta source reconnaît que sa base est vraie.







http://www.hoaxbuster.com/dossiers/l-affaire-david-hirschmann



Je cite aussi, c’est à la mode apparement :)



Déclarations tronquées, identités usurpées, communiqués bidons, fausses interview et, pour terminer, un faux faire-part de décès. Tous les ingrédients du canular, de mauvais goût, étaient réunis pour faire un succès de cette triste histoire.





Je peux te sortir des chiées de hoax avec des personnes ayant réellement existé, ça n’en reste pas moins des histoires bidons <img data-src=" />


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tchize a écrit :



http://www.hoaxbuster.com/dossiers/l-affaire-david-hirschmann

Je peux te sortir des chiées de hoax avec des personnes ayant réellement existé, ça n’en reste pas moins des histoires bidons <img data-src=" />







Mais là aussi, si tu lis le dit hoaxbuster, tu verras qu’il ne démontre en rien !



Une fois lu, on ne sait pas choisir entre :





  • 1 - toute l’histoire est une fadaise



  • 2 - une partie de l’histoire est une fadaise, l’autre est vraie



  • 3 - toute l’histoire de base est vraie et les interprétations sont fausses





    Tel que c’est écrit (ta page web) une fois encore, je comprends que les 3 courriers “de base” de cette pagaille ont été vrais.



    Donc c’est pas un hoax total. Enfin tu ne m’as pas convaincu.


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Citan666 a écrit :



A priori, le tribunal visait ici l’auteur originel du contenu diffamant qui ferait un nouveau lien vers ce contenu. Dans le cas contraire (n’importe quel lecteur pointe vers le contenu diffamant), cela ferait courir un gros risque pour l’auteur, ce serait àma difficilement gérable. En limitant au seul auteur originel, ils préservent àma un bon équilibre entre sécurité juridique du diffamant et protection du diffamé. Enfin en théorie, parce qu’après appliquer ce montage à un “simple” lien hypertexte, ça me paraît un peu trop large comme champ d’application.





Il y a ce qu’il visait, et l’effet réel. Si un lien vers l’article fait par le site qui l’a initialement publié (et là il faut voir les effets connexes : qu’en est-il lorsque le site propose une section archives paginée et triable ou un moteur de recherche ? Les pages présentées sont dynamiquement générées, donc techniquement à chaque utilisation c’est un nouveau lien qui est fait… absurde), cela signifie que faire un lien vers quelque chose est une publication.



Dès lors, pour être cohérent avec cette logique, il faudrait donc que toute personne qui fait un lien vers le dit contenu soit considérée comme avoir publié le contenu. En même temps, c’est déjà plus ou moins ce qu’on fait avec le “piratage”, puisque procès après procès les juges considèrent qu’un lien vers une contrefaçon est lui-même une contrefaçon.



L’autre interprétation cohérente de la logique présentée par ce jugement, c’est qu’un quelconque lien fait vers un contenu équivaut à nouvelle publication de ce contenu par l’auteur initial. Mais dans ce cas, que ce soit machin ou bidule qui fait le lien, l’effet doit être le même.



C’est néanmoins un jugement particulièrement dangereux, et il faut espérer que ça aille en cassation et y soit cassé.



Il en va d’ailleurs ici d’une égalité des citoyens devant la loi : si “machin fait un lien vers l’article A” et “bidule fait un lien vers l’article A” est tantôt une nouvelle publication de l’article A par l’auteur du lien, et tantôt juste un lien, il y a inégalité ; de la même façon, avec la seconde interprétation, si la nouvelle publication dépend de qui a fait le lien, il y a encore inégalité devant la loi.


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La question c’est récemment posé à mon taf pour des élections à venir.

D’après un avocat, un F5 équivaut à une nouvelle publication si on s’en tient à la loi…

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La question c’est récemment posé à mon taf pour des élections à venir.

D’après un avocat, un F5 équivaut à une nouvelle publication si on s’en tient à la loi…

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OUPS…

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OUPS…

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OUPS…

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msx a écrit :



Tu sais que c’est un hoax, quand meme ?http://www.zdnet.fr/actualites/lynchage-par-courrier-electronique-l-affaire-hec-…







Il vaudrait mieux car c’est truffé de fautes d’orthographe et de français en général. Le niveau atteint difficilement la quatrième de transition, même si on sait qu’HEC n’est pas au niveau de sa réputation, quand même !


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Avant d’entendre n’importe quoi sur la question, précisons qu’un jugement isolé d’un TGI ne crée pas une jurisprudence, un tel jugement n’a donc pas très grand intérêt en réalité (il pourrait très bien rester isolé, et la solution pourrait être contredite par la Cour de cassation si elle se trouve un jour saisie de la question).



Sinon la loi de 1881 apparaît quelque peu inadaptée aux problématiques nouvelles soulevées par Internet. Une diffamation ou une injure publiée dans un quotidien ou une revue est largement oubliée trois mois après, en revanche sur Internet la diffamation ou l’injure peut rester accessible à tout le monde pendant de nombreuses années, et si la personne diffamée ou injuriée a laissé passer le délai de 3 mois elle devra supporter cela indéfiniment…



Cette astuce du TGI pour contourner ce problème n’est peut-être pas mauvaise, l’article diffamant est plus ou moins voué à disparaître progressivement dans les abîmes d’Internet sauf si un nouveau lien vers celui-ci est posté (ça incite les gens à visiter à nouveau l’article, ça doit faire remonter la page dans les résultats de Google, etc).

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Il faut que ce lien soit créé par l’auteur de l’article qui pose problème ou n’importe quel pélerin créant un lien depuis son site fait l’affaire ?



Dans le second cas qui se fait taper dessus ?



C’est à devenir chèvre ce genre d’histoires. <img data-src=" />

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Pr. Thibault a écrit :



Sinon la loi de 1881 apparaît quelque peu inadaptée aux problématiques nouvelles soulevées par Internet. Une diffamation ou une injure publiée dans un quotidien ou une revue est largement oubliée trois mois après, en revanche sur Internet la diffamation ou l’injure peut rester accessible à tout le monde pendant de nombreuses années, et si la personne diffamée ou injuriée a laissé passer le délai de 3 mois elle devra supporter cela indéfiniment…







Oui, pour exemple une petite histoire qui s’est passée en 1999 :

http://michel.buze.perso.neuf.fr/lavache/david_hirschmann.htm



Le figaro en avait parlé sur 5 lignes et ma grand-mère avait qualifié ça d’ “erreur de gamin après avoir lu le petit encart de 3cm*4cm dans son Voici hebdomadaire.



… le net n’oublie pas.


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Pr. Thibault a écrit :



Avant d’entendre n’importe quoi sur la question, précisons qu’un jugement isolé d’un TGI ne crée pas une jurisprudence, un tel jugement n’a donc pas très grand intérêt en réalité (il pourrait très bien rester isolé, et la solution pourrait être contredite par la Cour de cassation si elle se trouve un jour saisie de la question).



Sinon la loi de 1881 apparaît quelque peu inadaptée aux problématiques nouvelles soulevées par Internet. Une diffamation ou une injure publiée dans un quotidien ou une revue est largement oubliée trois mois après, en revanche sur Internet la diffamation ou l’injure peut rester accessible à tout le monde pendant de nombreuses années, et si la personne diffamée ou injuriée a laissé passer le délai de 3 mois elle devra supporter cela indéfiniment…



Cette astuce du TGI pour contourner ce problème n’est peut-être pas mauvaise, l’article diffamant est plus ou moins voué à disparaître progressivement dans les abîmes d’Internet sauf si un nouveau lien vers celui-ci est posté (ça incite les gens à visiter à nouveau l’article, ça doit faire remonter la page dans les résultats de Google, etc).







Totalement d’accord <img data-src=" />


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luxian a écrit :



Oui, pour exemple une petite histoire qui s’est passée en 1999 :

http://michel.buze.perso.neuf.fr/lavache/david_hirschmann.htm



Le figaro en avait parlé sur 5 lignes et ma grand-mère avait qualifié ça d’ “erreur de gamin après avoir lu le petit encart de 3cm*4cm dans son Voici hebdomadaire.



… le net n’oublie pas.







Tu sais que c’est un hoax, quand meme ?http://www.zdnet.fr/actualites/lynchage-par-courrier-electronique-l-affaire-hec-…


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Mais du coup, si dans un magazine, on fait référence à un article diffamatoire publié ailleurs 1 ans plus tot, ça compte aussi comme nouvelle publication de cet ancien article ?



Un lien hypertexte n’est pour moi qu’une référence vers un contenu.

Tout comme l’est une phrase “cf. l’article X du numéro Y de janvier 2010 de tel magazine” glissée dans un autre article.

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Pr. Thibault a écrit :



Avant d’entendre n’importe quoi sur la question, précisons qu’un jugement isolé d’un TGI ne crée pas une jurisprudence, un tel jugement n’a donc pas très grand intérêt en réalité (il pourrait très bien rester isolé, et la solution pourrait être contredite par la Cour de cassation si elle se trouve un jour saisie de la question).







Ta précision, si elle est bienvenue, n’est pas tout à fait exacte.



Comme tu le sais surement, la 17ème Ch. du TGI de Paris est LA chambre spécialisée en matière de presse (au civil comme au pénal), pas besoin de te faire un dessin au sujet de son encombrement mais aussi, en conséquence, de l’expertise des juges qui la composent.



De là à dire que ses décisions font jurisprudence, il n’y a qu’un pas que je ne franchirai absolument pas mais elles sont à tout le moins dotées d’une certaine aura en matière de presse et, en aucun cas, “sans grand intérêt”.



Par ailleurs, comme tu le précises, il faudrait encore que la Cour de cassation soit saisie de cette affaire pour qu’elle puisse s’exprimer sur le sujet, ce qui a tendance à renforcer l’idée que les jugements de cette chambre ne sont pas à prendre à la légère, quand bien même il ne s’agit que de jugements rendus en 1er ressort.


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