La Cour de cassation précise la protection des mails personnels du salarié
Message personnel
Le 28 mai 2013 à 13h26
4 min
Droit
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Une boîte mail utilisée par un salarié à des fins professionnelles et personnelles doit dans tous les cas être considérée comme étant « professionnelle », dès lors qu’elle est mise à sa disposition par l’employeur. Tel est le récent message envoyé par la Cour de cassation, qui a refusé de valider le raisonnement des juges du fond après que ceux-ci ont estimé qu’une boîte mail ne comportant pas le nom de l’entreprise pouvait être considérée comme « à l'évidence » personnelle.
Dans cette affaire, l’entreprise La Métallerie attaquait un ancien employé ainsi qu’une société concurrente pour détournement de clientèle et concurrence déloyale. Pour appuyer ses accusations, la firme avait fait réaliser en septembre 2008 un constat d’huissier sur la boîte mail de son ex-salarié. Sauf que la SARL plaignante n’a obtenu gain de cause ni devant les prud’hommes, ni en seconde instance. La cour d'appel de Pau a en effet jugé le 17 octobre 2011 que le procès verbal de l’huissier était « un moyen de preuve illicite », en ce qu’il avait été effectué son constat « sans autorisation judiciaire ».
En fait, toute la difficulté pour les juges du fond reposait sur la qualification de la boite mail en question. D’après le procès verbal de l’huissier, le salarié disposait sur son poste informatique d'une messagerie électronique Orange consultable via le site Internet de son employeur. Depuis la page d'accueil du site de la SARL, l’employé avait une icône à son nom, « Pierre X. », laquelle lui permettait d'accéder à ses courriels. Sauf que l’adresse mail de l’intéressé était [email protected], de telle sorte que ni l'icône d'accès à la messagerie, ni l'adresse électronique correspondante ne faisaient mention de La Métallerie.
Capture réalisée via Assistance Orange.
La question était donc la suivante : cette boite mail devait elle être considérée comme une messagerie personnelle, protégée à ce titre par le secret des correspondances, ou bien était-ce une messagerie professionnelle, dès lors accessible pour l’employeur en dehors de la présence du salarié ? Pour la cour d’appel de Pau, il fallait retenir la première option. « Si M. Pierre X. utilisait cette messagerie dans le cadre professionnel, il résulte des intitulés des messages (...) qu'il y recevait également des messages personnels, protégés par le secret des correspondances » ont ainsi fait valoir les magistrats dans leur décision. Pour eux, il s’agissait « à l'évidence d'une boîte mail personnelle ».
Mais pour la Cour de cassation, appelée à juger de l’application du droit par les magistrats de la cour d’appel, c’était la seconde solution qu’il aurait fallu retenir. Dans une décision rendue le 16 mai dernier, repérée par Maître Rocheblave, la haute juridiction a en effet relevé que la cour d’appel de Pau avait constaté « que les messages visualisés par l'huissier de justice provenaient de la messagerie électronique mise à la disposition du salarié par l'entreprise, et qu'ils n'étaient pas identifiés comme étant personnels ». Autrement dit, même si cette boîte mail ne comportait pas le nom de l’entreprise et qu’elle était utilisée à des fins personnelles par le salarié, elle restait malgré tout « professionnelle ». Dès lors, seuls les messages identifiés comme étant « personnels » pouvaient bénéficier d’une protection, et non pas la boite mail dans son intégralité.
En clair, les juges de seconde instance ont eu une interprétation erronée de cette règle posée de longue date par la jurisprudence. L’arrêt de la cour d’appel de Pau a donc été cassé et annulé par la Cour de cassation, qui n'a pas manqué de rappeler le principe : « les courriels adressés et reçus par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l'employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l'intéressé, sauf si le salarié les identifie comme personnels ». L’affaire sera donc à nouveau examinée, cette fois par la cour d’appel d’Agen.
Commentaires (29)
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Abonnez-vousLe 28/05/2013 à 13h45
A force de lire des actus sur le thême “Vie privée au travail”, je ne comprends pas ce que change la présence du salarié quand l’employeur veut regarder dans ses mails ou autres fichiers ?
Que le salarié soit présent OU PAS l’employeur pourra dans tous les cas regarder à l’intérieur et le résultat sera forcément le même
Le 28/05/2013 à 13h59
Hum, il y a pas mal d’ambiguïté.
Il semblerait que la messagerie soit hébergée par orange sur les serveurs d’orange.
Finalement, l’employeur ne fait que “louer” un service d’orange. C’est de mon avis, un peut comme la voiture de fonction là.
Je serait pour ma part, en faveur du premier jugement.
Si l’entreprise veux une vrai main mise, qu’elle utiliser un nom de domaine pour ses mails.
Le 28/05/2013 à 14h00
Ca m’a l’air un peu flou cette histoire.
La boite mail incriminée était fournie par l’employeur, mais le nom de l’entreprise n’apparaît nulle part dans l’adresse, c’est bien ça ?
Si on utilise une boite perso (par exemple qu’on a eue avant d’être embauché) pour occasionnellement envoyer un mail pro, elle devient automatiquement présumée professionnelle ?
Le 28/05/2013 à 14h01
Le 28/05/2013 à 14h07
Pour le coup, je suis assez d’accord avec l’interprétation de la cour : la boîte mail est mise à disposition par l’employeur, c’est un outil professionnel.
En ce qui concerne les voitures de fonction, c’est un avantage en nature avec des règles spécifiques –> la comparaison est un peu bancale.
Le 28/05/2013 à 14h09
Le 28/05/2013 à 17h56
Une décision de bon sens de la cour de cassation. Si l’outil est fourni par l’employeur, c’est un outil professionnel, pas d’ambiguïté. Le nom de domaine n’est qu’un élément très secondaire.
Est-ce que cet employé pouvait utiliser pour son usage personnel le matériel de l’entreprise, sous prétexte qu’il y avait marqué “Bosch” dessus, et pas “La Metallerie” ? Non. Pareil ici.
Le 28/05/2013 à 18h34
Le 29/05/2013 à 09h50
Le 29/05/2013 à 10h51
Le 29/05/2013 à 12h18
Le 29/05/2013 à 12h36
Le 30/05/2013 à 07h49
Le 28/05/2013 à 14h14
Le 28/05/2013 à 14h16
Non mais c’est l’employeur qui fourni la boite mail, même si elle est hébergé par un tier…
Donc la boite est pro, ça ne va pas plus loin.
C’est assez logique pour une fois.
Le 28/05/2013 à 14h18
Le 28/05/2013 à 14h42
S’il est prouvé que la BAL est mise à disposition de l’employé par l’entreprise, c’est donc bien une BAL professionnelle.
Il n’est en rien obligatoire de mettre le nom de son entreprise ou approchant dans le domaine des adresses mail professionnelles. C’est conseillé d’un point de vue purement marketing (ça fait plus sérieux), mais ce n’est en rien juridiquement obligatoire.
La décision de la cour de cassation est donc logique et il est bizarre qu’il faille passer par tant de jugements pour en arriver là.
Le 28/05/2013 à 14h56
Ca me parait aussi évident. Ce que ta boite te donne est présumé servir pour ton travail, c’est pas un cadeau perso.
C’est comme quand ta boite te fournis des crayons, agrafeuse et portable, c’est pas des objets personnels pour autant. Pourquoi la boite mail le serait ? ils sont bizarre ces juges. " />
Si on va dans leur sens il faudrait graver le nom de la boite sur tous les crayons, gommes et portes-documents " />
Le 28/05/2013 à 15h03
Notons que la notion de “preuve illicite” sert systématiquement à protéger le “délinquant” au détriment de la “victime”.
Le législateur serait bien avisé d’accepter les preuves qu’elles qu’en soient l’origine, et d’autoriser le “délinquant” à se retourner contre sa “victime” pour violation de la vie privée le cas échéant.
Le 28/05/2013 à 15h06
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Le 28/05/2013 à 15h11
Le 28/05/2013 à 15h33
Le 28/05/2013 à 15h34
Le 28/05/2013 à 16h13
Le 28/05/2013 à 16h16
Hum, imaginons qu’un employeur mette une connexion internet à disposition d’un employé à des fins de télétravail, la messagerie disponible dans le cadre de cette connexion ne pourrait plus être considéré comme privée ?
Même si je ne suis pas complètement en désaccord avec cette jurisprudence, je pense qu’il vaudrait beaucoup mieux que les limites soient posées de manière un peu plus claires.
Un droit insuffisamment précis crée de l’insécurité juridique.
Le 28/05/2013 à 16h26
Le 28/05/2013 à 16h34
Le 28/05/2013 à 17h00
Donc si je comprends bien l’arret de la court de cassation
desormais il faut :
PERSONNEL COURRIERS PERSONNELS
ou un truc du genre … comme le cas du des dossiers personnels sur l’ordinateur de l’employé qui doivent etre formates de telle maniere a ce qu’ils soient identifies comme etant pesonnels ainsi que leurs contenus
a ce propos, il y a tout de meme un cas de litige :
il suffit que le salarie soit en periode de preavis, periode pendant laquel il continue de travailler tout en ayant latitudes pour chercher un autre poste dans une autre boite …, pour que l’employeur l’attaque sur Faute graves en incriminants les echanges de mails avec d’autres boites du meme secteur que celle qu’il quitte …
Le 28/05/2013 à 17h28