Doutes et questionnements sur la revente de fichiers d’occasion
L'occasion fait le larron
Le 04 novembre 2013 à 16h26
6 min
Droit
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Les travaux se poursuivent au CSPLA sur le sujet de la revente des fichiers d’occasion, marché joliment appelé « seconde vie des œuvres numériques ». Les réunions s’enchaînent alors que les acteurs du numérique envisagent de se libérer des jougs des modèles traditionnels.
Verra-t-on bientôt apparaître un iTunes des MP3 d’occasion ? Pourra-t-on revendre plus cher et en toute légalité un poussiéreux disque dur, rempli ras la gueule d’ebooks acquis ? C’est à ce genre de question que le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique planche actuellement.
Une commission sur le marché de l’occasion a été constituée le 15 juillet dernier pour discerner les problématiques juridiques liées à la « seconde vie des biens culturels numériques ». Les inquiétudes sont ici vives puisque les ayants droit savent qu’ils ne peuvent actuellement rien toucher sur ces futurs LeBonCoin du MP3. La règle dite de l’épuisement interdit en effet à l’ayant droit de contrôler la revente des copies légalement achetées. Faut-il malgré tout réguler ? Faut-il aller jusqu’à l’interdiction de ces reventes au motif qu’un fichier ne s’abime pas malgré l’écoulement du temps ?
La CJUE a déjà accepté d’étendre la règle de l’épuisement des droits aux téléchargements de licences de logiciel. ReDiGi, un site américain spécialisé dans la revente de fichiers musicaux d’occasion, envisage de venir sur le marché européen. Ajoutez à cela qu’Apple et Amazon ont tous les deux déposés des brevets en ce secteur, preuve de leur intérêt, et on comprend pourquoi la vague des nouvelles technologies n’attendra pas le château de sable du droit.
CheeseVidéo, une copie privée déportée
Lors d’une rencontre organisée voilà quelques semaines, les offres de plusieurs plateformes ont été présentées. Ce fut le cas de CheeseVideo, déjà exposée dans nos colonnes. Le principe ? Des particuliers envoient leur DVD à cette société qui les numérise accompagné d’un identifiant unique. Le consommateur peut alors regarder son film en streaming et téléchargement direct jusqu’à ce qu’il décide de récupérer son bien ou le revendre. Le cas échéant, son identifiant est alors périmé.
L’initiative est cependant vue d’un mauvais œil par le Syndicat de l’Edition vidéo, qui chapeaute le marché du DVD. Le principe de la copie privée impose en effet que celui qui réalise la copie doit être le même que celui qui en est propriétaire. En dehors de ce cas, il est nécessaire d’obtenir le consentement explicite des ayants droit. CheeseVideo pousse ainsi les frontières d’autant que la plateforme envisage de permettre la revente des biens numériques.
Autre problème, « ils font sauter des mesures de protection protégées par la loi » regrette Jean-Yves Mirsky, du SEVN. Malheureusement, le syndicat, qui se fait simplement porte-parole de ses membres ayants droit, ne veut cependant pas rentrer dans le débat sur l’efficacité sédimentaire de ces DRM, une des conditions à leur protection juridique. Selon le SEVN, en tout cas, des ayants droit ont déjà alerté la plateforme pour leur demander le retrait des contenus problématiques.
Cette fameuse autorisation des ayants droit est le cœur de l’initiative UltraViolet, elle-aussi présentée au CSPLA. Cette offre couplant Cloud et DRM permet à celui qui a acheté un DVD de le visionner sans nécessairement détenir le support au moment du visionnage. Sony, Philips, Microsoft, Intel, Skype, Deutsche Telecom, etc. sont quelques unes des sociétés participant à cette offre américaine qui compte déjà 10 000 titres et tout de même 14 millions d’utilisateurs.
Lors de cette réunion, un représentant du SNEP a également exposé les principes de fonctionnement de l’offre ReDigi. Des fichiers sont envoyés sur un serveur aux fins d’être revendus et un logiciel vérifie que l’uploadeur s’est dessaisi du fichier. Cependant le SNEP a exprimé des doutes « sur l’effectivité du dessaisissement ».
Les brevets Apple et Amazon
Les brevets Apple et Amazon font eux aussi l’objet d’un état des lieux. Le premier vise à encadrer le transfert de fichier « d’occasion » sur une place de marché, laquelle prélève une marge lors de ces opérations de revente. Le brevet Apple vise lui des opérations similaires mais cette fois entre utilisateurs. Dans ce cadre, les ayants droit auraient la possibilité dans le « track usage data » de définir plusieurs variables dont le temps à écouler avant d’autoriser la revente. Plus ce temps est long, plus la rémunération perçue serait décroissante. Une partie de cette rémunération reviendrait au final au créateur.
L’impact du second marché
D’ores et déjà, la Sacem a élaboré un scénario d’évaluation de l’impact de l’offre de ReDigi en France à partir d’une étude PriceMinister-La Poste. « D’après cette étude, 55 % des livres et 25 % des CD ont été acquis d’occasion auprès d’un particulier. » À partir de là, les évaluations vont bon train : « pour le livre comme pour le CD, le taux de substitution de l’offre d’occasion à l’offre de neuf retenu est de 45 %, correspondant au taux de personnes qui citent le prix comme justification d’un achat d’occasion entre particuliers, quel que soit le produit échangé. Pour les MP3, un taux de substitution de 100 % est choisi, étant considéré qu’à copie identique, la substitution est parfaite. »
Selon le scénario exposé, « l’existence d’un marché de l’occasion pour le MP3 entraînerait une perte de valeur de 18 % pour le marché et 35 % pour les ayants droit ». Cependant, ce ne sont là que des hypothèses faites à partir de calculs non détaillés. Les membres de la Commission sur les biens numériques d’occasion veulent du coup approfondir ces données qui permettent de mesurer l’impact de ce second marché sur les autres secteurs de la création. « Au vu des données existantes et des éléments manquants pourront ainsi être examinées l’opportunité et la faisabilité d’une étude spécifique » ont exposé les membres du CSPLA.
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CheeseVidéo, une copie privée déportée
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Les brevets Apple et Amazon
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L’impact du second marché
Commentaires (37)
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Abonnez-vousLe 04/11/2013 à 17h18
Le 04/11/2013 à 17h26
Le 04/11/2013 à 17h36
Le 04/11/2013 à 17h48
Et dire que si les majors vendaient des musiques moins chères quand elles ne sont plus des nouveautés, ça permettrait d’enrayer ce marché de l’occasion, et en plus ce sont elles qui vendraient ces occazes et ramasseraient le pactole… Elles n’ont vraiment rien compris !
Le 04/11/2013 à 18h22
Le 04/11/2013 à 18h45
Le 04/11/2013 à 19h19
Le 04/11/2013 à 19h22
Le 04/11/2013 à 19h24
Le 04/11/2013 à 19h50
pour le livre comme pour le CD, le taux de substitution de l’offre d’occasion à l’offre de neuf retenu est de 45 %, correspondant au taux de personnes qui citent le prix comme justification d’un achat d’occasion entre particuliers, quel que soit le produit échangé. Pour les MP3, un taux de substitution de 100 % est choisi, étant considéré qu’à copie identique, la substitution est parfaite.
Taux de substitution: pourcentage d’individu qui aurait achete le “produit” neuf si une alternative n’etait pas proposee.
Ici, ce mec part d’un postulat errone. A savoir que si le prix est le seul facteur de choix, l’acheteur d’occasion aurait achete neuf. Son taux de substitution (en particulier le 100% sur le MP3) est donc une pure anerie. Pour bon nombre d’acheteur d’occasion, meme en ne comptant que ceux pour lesquels le prix est effectivement le seul facteur de choix, ils n’auraient pas plus achete neuf si l’achat d’occasion n’etait pas possible.
Donc, soit sa definition de “taux de substitution” est tres large, soit il nous enfume consciemment pour gonfler ses chiffres. Devinez pour quelle hypothese je penche.
Le 05/11/2013 à 01h37
Si on résume ce qui gêne dans cette histoire:
Tu payes pour une licence qui te permet d’écouter de la musique.
Tu peux choisir le support fichier ou physique.
Seulement, avec un fichier, tu peux le garder et le revendre, ce qui n’est pas possible avec des biens matériels.
Ils feraient mieux de mettre du demat à 30-50% moins cher que du physique et d’interdire la vente d’occas.
Sinon, on va encore et toujours se retrouver avec un CD au même prix qu’un album en flac " />
Acheter du demat au même prix qu’un CD, j’ai jamais compris comment ça pouvait marcher.
Le 05/11/2013 à 05h40
Le 05/11/2013 à 07h29
Le 05/11/2013 à 07h46
Le 05/11/2013 à 08h25
Etude complètement biaisée comme d’habitude, qui considère que les ressources des clients sont infinies et ne prend pas en compte dans le taux de substitution et de perte de valeur que la personne qui vend d’occasion (que ce soit en support physique ou dématérialisé) peut réinvestir toute ou partie de la vente pour acheter à nouveau en neuf. De même l’acheteur d’occasion peut réutiliser en partie l’économie réalisée en occasion pour également acheter du neuf. Le marché de l’occasion numérique profite donc au marché du neuf numérique
Le 05/11/2013 à 08h36
Quand je pense qu’il y a des gens qui revendent des antivirus ou firewall d’occasion… " />
Le 04/11/2013 à 16h41
Je comprends même pas qu’on puisse se poser la question, si plus tard on veut revendre on achète pas dématérialisé, et puis c’est tout " />
Le 04/11/2013 à 16h44
Le 04/11/2013 à 16h48
Il faut une commission pour connaître le montant de la future taxe." />
Le 04/11/2013 à 16h49
Sans verrous DRMs et avec des acteurs décentralisés, ce genre de transactions n’a aucun sens. Un fichier se duplique à l’infini et les métadonnées peuvent être facilement altérées. Ce serait stupide de revenir en arrière (> réinstauration des DRM pour un simple morceau de musique).
Le 04/11/2013 à 16h49
Le 04/11/2013 à 16h50
Le 04/11/2013 à 16h51
Le 04/11/2013 à 16h52
Le 04/11/2013 à 16h53
Vu l’arnaque que constitue bien trop souvent le prix de vente du dématérialisé, m’est d’avis que le droit à la revente d’occasion est d’une impérieuse nécessité pour le consommateur, ou alors il faut drastiquement baisser le prix de vente !
Parce que revendre du dématérialisé au même tarif que du physique, sans pour autant en avoir les droits qui y sont associés, perso j’appelle ça de l’escroquerie pure et simple du consommateur.
Le 04/11/2013 à 16h54
En même temps, quand je vois le prix des jeux sur le playstore de la PS3, ça me donne pas envie de les acheter: ils sont plus cher que le neuf, que l’occasion et on peut pas les revendre!
Si un jeu dématérialisé coûtait 30€ à sa sortie (au lieu de 70€…) je l’achèterai comme ça, sinon aucun intérêt
(mais si ils continuent de le proposer, peut-être qu’il y a des pigeons qui les achètent…" />)
Le 04/11/2013 à 16h54
Bizarre, ils n’ont pas encore parlé d’un prélèvement de disons 25% sur le prix d’occaz à reverser aux ayant droits (bien sur en se dédouanant genre c’est pour payer le cloud toute votre vie), pourtant on a le SEVN, la sacem et autres dans l’article.
Le 04/11/2013 à 16h54
Et quid de l’héritage ?
Peut-on hériter de fichiers achetés (neufs ou d’occasion) ?
Le 04/11/2013 à 17h07
Le 04/11/2013 à 17h07
Le 04/11/2013 à 17h07
Le 04/11/2013 à 17h10
Le 05/11/2013 à 08h59
Le seul fichier qui puisse techniquement être revendu (ou cédé), amha, c’est un fichier auquel est rattaché des droits en particuliers (par drm du coup) et dont la transmission peut être contrôlée (sachant que c’est le drm qui va déterminer le propriétaire, l’âge, la durée de vie restante et donc déterminer un degré d’usure de l’occasion du fichier), ou alors on ne dit pas vendre un fichier mais vendre une copie d’un fichier, ce qui se fait déjà.
Bref, pour pouvoir vendre un fichier, il faut au préalable accepter une belle merde en amont dont le but est de rendre rare et périssable ce qui est commun et immuable.
Le 05/11/2013 à 12h41
Le 04/11/2013 à 16h33
En lisant le titre, j’ai cru à un article du Gorafi.
Le 04/11/2013 à 16h34
Vendre des fichiers, je trouve déjà ça ridicule mais en plus les revendre, je trouve ça pire encore " />
Je ne sais pas pour les autres, mais j’ai toujours du mal à payer pour de l’immatériel.
Selon moi, un fichier, c’est fait pour être créé/détruit/partagé.
Mais ça ne convient pas au commerce. Selon moi, encore une fois.
Le 04/11/2013 à 16h35