Depuis le 1er juillet, les tarifs du roaming ont baissé en Europe, mais ce n'est pas le seul changement. La Commission européenne en profite également pour mettre en place un « contrat spécial d'itinérance » afin de permettre aux clients mobiles de changer d'opérateur pour le roaming... du moins en théorie. De quoi s'agit-il exactement et comment cela fonctionne-t-il ? Nous avons décidé de faire le point et d'interroger différents acteurs du marché : opérateurs de téléphonie mobile, régulateurs et Commission européenne.
Durant les vacances, certains d'entre vous partiront en Europe. Comme nous avons déjà eu l'occasion de l'évoquer à de nombreuses reprises, les offres de plusieurs opérateurs incluent désormais le roaming dans certains pays européens, mais pas toujours les mêmes (la géographie étant parfois différente de l'un à l'autre). Souvent limitée à un certain nombre de jours par an, ce genre de solution montre vite ses limites pour ceux qui travaillent à l'étranger ou qui habitent près d'une frontière.
Au 1er juillet : baisse du roaming en Europe et... contrat spécial d'itinérance
Le coût du roaming peut rapidement grimper pour peu que l'on n'y fasse pas suffisamment attention (voir notre dossier). Il existe néanmoins quelques gardes fous. À partir de quelques dizaines d'euros par exemple, l'opérateur suspend généralement votre roaming en attendant une action de votre part.
Depuis plusieurs années les tarifs baissent régulièrement au 1er juillet, la Commission européenne, largement poussée par sa vice-présidente Neelie Kroes, s'attelant à cela. Pour rappel, le but d'ici fin 2015 est de supprimer complètement les frais de roaming en Europe. Si le Parlement européen a voté la proposition de règlement allant dans ce sens, elle doit encore être validée par les États membres.
Comme nous l'avions déjà évoqué, la baisse des plafonds du roaming en Europe n'est pas le seul changement à entrer en vigueur ce 1er juillet 2014. En effet, dans son communiqué de presse, la Commission européenne précise les éléments suivants :
« À compter du 1er juillet 2014, les opérateurs de téléphonie mobile en Europe offriront aux abonnés la possibilité de souscrire à un contrat spécial d'itinérance avant leur départ et, dans la mesure du possible, leur permettront de choisir un opérateur local de téléphonie mobile pour les services de données tels que la messagerie électronique, la consultation des actualités en ligne, le téléchargement de photos et le visionnage de vidéos en ligne, dans le pays visité. Les abonnés pourront ainsi comparer les offres d'itinérance et bénéficier de prestations et de tarifs plus attractifs pendant leur séjour ! »
Changer de fournisseur pour la data en roaming, y compris avec un opérateur local
En clair, il s'agit pour un utilisateur qui voyage dans l'Union européenne de pouvoir souscrire chez un autre opérateur pour la data en roaming et uniquement pour cela. Un des avantages est de pouvoir par exemple prendre un forfait local et ainsi supprimer la notion et les coûts de l'itinérance. Pour en profiter, on souscrit alors à une offre spécialement prévue pour ce genre d'utilisation (avec une limite sur la quantité de données et/ou la durée d'utilisation).
L'avantage c'est que l'on garde sa carte SIM et son numéro de téléphone, rien ne change de ce côté-là. Les appels et les SMS continuent de passer par votre opérateur principal, mais ce ne sera donc plus le cas de la data. Une petite modification sera tout de même à faire sur votre smartphone : changer votre APN par défaut par « EUInternet ». Notez que la Commission européenne a eu la bonne idée de proposer un nom unique, simplifiant ainsi les manipulations. Plus de détails sur cette manipulation sont disponibles sur cette page d'Orange par exemple.
Il faut distinguer deux cas. D'un côté, le contrat spécial d’itinérance (ou découpling) qui est un second contrat qui ne concerne que le roaming data qui passe par un opérateur tiers. De l'autre, le local break out qui ne concerne que la data dans un pays donné et avec un opérateur local.
Mais, dans la pratique, les choses sont-elles vraiment aussi simples et peut-on facilement souscrire à un contrat spécial d'itinérance ? Assurément non, que ce soit en France ou dans un autre pays d'Europe d'ailleurs. Pour faire le point sur ce service, nous avons contacté différents acteurs : opérateurs de téléphonie mobile, l'ARCEP (le gendarme des télécoms français), l'ORECE (le régulateur européen) et bien évidemment la Commission européenne qui est à l'origine de ce texte.
Orange et SFR sont prêts... enfin à moitié seulement
Chez Orange, la situation est assez simple, du moins en apparence. En effet, concernant le contrat spécial d'itinérance (aussi appelé decoupling/découplage), l'opérateur nous précise que : « aujourd’hui il n’existe aucun opérateur tiers sur le marché qui le propose. Orange sera prêt à dégrouper les services d’itinérance en Europe sur demande d’un client dès qu’une telle offre existera ».
De son côté, pour le local break out (un contrat spécial d'itinérance avec un opérateur local), la situation est identique : « il n’existe rien sur le marché à ce jour. Aucun de nos voisins européens n’a lancé d’offres pour l’instant ni même en France. Toutefois, Orange a techniquement rendu l’ensemble des lignes clients compatibles à une telle offre si un opérateur souhaitait en lancer une. Pour rappel le « local break out » concerne uniquement la data (internet mobile) dans un pays donné ».
Pour faire simple, Orange est prêt à ce que ses clients profitent de ces services, mais ce n'est pas encore possible étant donné que personne en Europe ne propose ce genre de services. Mais qu'en est-il de la réciproque : Orange propose-t-il des offres de ce genre aux usagers de passage en France ? Non : « Orange France ne propose pas à ce jour d’offre de type Local Break Out pour les touristes venant des pays de l’Union européenne ». L'opérateur ajoute qu'il propose tout de même deux offres pour ces derniers, mais il est simplement question de la carte prépayée Holiday et d'un kit Domino, ce qui implique un changement de carte SIM.
Du côté de SFR, la situation est identique à celle d'Orange. On nous confirme en effet que le contrat spécial d'itinérance et le LBO sont accessibles aux clients qui en font la demande et que c'est « une obligation européenne ». Néanmoins, la marque au carré rouge « n’a pas d’offre LBO pour touristes en France, à date ».
Bouygues Telecom est « dans l’attente d’un éclaircissement »
Chez Bouygues Telecom, on ne sait visiblement pas trop sur quel pied danser. Interrogé le 30 juin par nos soins, le discours était alors le suivant : « les Européens ont voté le « découpling » et le « local break out ». Puis quelques mois après ils ont poussé le roaming gratuit intra Europe, qui n’est toujours pas voté mais dont on peut penser qu’il le sera dans 6 ou 10 mois ».
Le service presse ajoute que « face à cette confusion les opérateurs ont tenté d’y voir clair et de voir où il fallait aller, clairement le roaming intra Europe s’est imposé comme la cible à atteindre : voir les offres de Bouygues Telecom début 2014. Ce qui rend de facto le decoupling obsolète : à quoi cela sert-il de choisir un autre opérateur que Bouygues Telecom pour faire de la data quand on est en vacances en Espagne, alors qu’avec Bouygues Telecom c’est déjà compris dans le forfait ? Nous sommes, comme les autres opérateurs, dans l’attente d’un éclaircissement de ce point par le législateur européen (le texte est actuellement en discussion au Conseil, c'est-à-dire entre les représentants des États membres) ».
La situation est aujourd'hui la même et Bouygues Telecom nous précise qu'il ne permet pas à ses clients de profiter d'un contrat spécial d'itinérance, alors qu'Orange et SFR nous indiquent le faire. Néanmoins, Bouygues Telecom ajoute que : « en ce qui concerne nos clients, ils bénéficient de toute façon (à partir du forfait Sensation à 29,99 €) des SMS / voix illimités et de 3Go de data par mois en Europe et dans les DOM, ce qui préfigure les règles qui devraient être prochainement adoptées en remplacement des règles actuelles, c’est-à-dire ce que l’on appelle le RLAH (pour « roam like at home ») ».
Si c'est vrai pour les forfaits Sensation 4G (dès 29,99 euros par mois), ce n'est pas le cas des autres abonnements. De plus, la limite est de 35 jours par an, ce qui peut arriver très vite pour ceux proches de la frontière. Pas de surprise par contre, concernant les clients étrangers de passage en France : aucune offre de ce genre ne leur est actuellement proposée. Là encore, l'opérateur met en avant sa formule touriste maison.
Free Mobile n'a pas souhaité répondre à nos questions pour le moment.
La situation est-elle identique pour les autres opérateurs Europe ? Apparemment, oui
Nous avons ensuite examiné les offres d'autres opérateurs de téléphonie mobile proches de nos frontières afin de comparer la situation avec celle de notre quatuor français.
Du côté de chez T-Mobile en Allemagne, on évoque bien la mise en place du contrat spécial d'itinérance à compter du 1er juillet 2014. Mais, dans la FAQ, on apprend que « actuellement, il n'existe toujours pas de fournisseur de services d'itinérance, soit concernant tous les services mobiles (appels/SMS/MMS/data), soit uniquement pour les données. Par conséquent, il n'est pas encore possible de changer pour un autre fournisseur de services d'itinérance ». Sur ce point, il est donc parfaitement en phase avec Orange.
En Belgique, la situation n'est guère plus reluisante avec Belgacom. En effet, ce dernier permet à ses clients de souscrire à un contrat spécial d'itinérance ou du local break out chez un autre opérateur, mais sans donner le moindre exemple de société proposant ce genre de service.
Comme les deux que nous venons de citer, Belgacom précise : « nous ne proposons aucune option ARP [NDLR : Alternative Roaming Provider, ou contrat spécial d'itinérance] ou LBO aux clients des autres opérateurs européens ». Ça deviendrait presque une habitude...
On peut également citer le cas de Swisscom qui permet à ses clients de profiter d'un contrat spécial d'itinérance et du local break out, mais sans en proposer lui-même. Notez qu'il s'agit d'un cas un peu particulier puisque ce pays ne fait pas partie des 28 états membres de l'Union européenne. Néanmoins, contacté par téléphone, le service presse de Swisscom nous précise que ses clients pourraient profiter d'un local break out avec un opérateur européen... du moins si l'un d'entre eux proposait ce genre de service.
Qu'en pensent la Commission européenne, l'ARCEP et le régulateur européen
Afin d'avoir de plus amples informations sur les obligations des opérateurs, que ce soit en France ou en Europe, nous avons contacté la Commission européenne.
La porte-parole de Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne, nous indique que « les opérateurs sont désormais obligés d'ouvrir leurs réseaux et de permettre aux clients de "découpler" s'ils trouvent un fournisseur de services d'itinérance intéressant et qu'ils veulent y passer ». Sur ce point, il ne semble pas y avoir de souci particulier, hormis pour Bouygues Telecom tout de même.
Nous avons ensuite voulu savoir s'il existait déjà des offres de ce genre en Europe et, le cas échéant, si la Commission européenne allait pousser les opérateurs afin qu'elles émergent plus ou moins rapidement. « Nous sommes au courant que certaines négociations sont en cours entre les opérateurs mobiles et les fournisseurs de services d'itinérance. Nous ne connaissons par contre pas encore le résultat de ces négociations. En cas de litiges, l'une des parties peut déposer une plainte auprès du régulateur national [NDLR : l'ARCEP pour la France] qui, en vertu du règlement sur l'itinérance, a un devoir de régler ces litiges ».
La porte-parole ajoute que « le règlement sur le roaming n'oblige pas les opérateurs alternatifs à proposer un service de "découplage", mais rend possible le fait de proposer de nouvelles offres en changeant le modèle économique, à la fois pour le bénéfice des opérateurs et pour celui des utilisateurs ». Notre interlocutrice conclut en indiquant : « dans le même temps, nous sommes impatients de voir un véritable marché unique des télécommunications, lorsque les États membres auront terminé le travail sur la réglementation du Continent Connecté ». Sur ce point, elle rejoint la position de Bouygues Telecom.
Également contacté par nos soins, l'ARCEP abonde dans la même direction : « il ne s’agit pas d’une obligation de proposer mais de laisser la possibilité à un autre opérateur de faire ce genre d’offres ». Jean-François Hernandez, responsable de la communication, ajoute : « encore faut-il qu’il y ait un offreur et qu’une offre soit lancée... ». C'est en effet là que se trouve le nœud du problème.
Le régulateur européen (ORECE) n'a pas encore répondu à nos différentes demandes. Nous mettrons cette actualité à jour lorsque cela sera le cas. En substance, il s'agit de savoir si des opérateurs européens proposent des offres d'itinérance de ce genre. Et, si ce n'est pas le cas, savoir si des actions seront mises en place afin de pousser ce genre de service.
Le contrat spécial d'itinérance : de la bonne idée théorique à la non-mise en pratique
Finalement, on se retrouve donc avec un contrat spécial d'itinérance mis en place et assumé par la Commission européenne. Sur le fond, il s'agit d'une bonne idée qui devrait notamment intéresser les frontaliers et ceux qui voyagent fréquemment. Néanmoins, cette initiative est largement contre-balancée par le fait qu'aucune offre n'est actuellement disponible. On ne sait d'ailleurs pas quand ce sera le cas.
En effet, les opérateurs semblent s'accorder sur un point : ils permettent à quasiment tous leurs clients de découpler leurs forfaits pour la data en itinérance, mais aucun d'entre eux ne propose d'offres pour en profiter... du coup, le contrat spécial d'itinérance ne sert à rien en l'état. Reste à voir combien de temps cette situation durera.
Commentaires (15)
#1
Pour info j’ai utilisé le forfait Europe de Joemobile la semaine dernière
( 2€ par jour qui prolonge en fait le forfait dans la plupart des pays d’Europe).
Vachement pratique " />
#2
Ah bah voilà une enquête à forte plus-value !
Ca se lit vite, c’est clair, varié… et ça a dû prendre un paquets d’heures à écrire (je dis cela pour quelques grincheux :p)
#3
Tiens, on sait maintenant que JoePike masque son statut abonné " />
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#6
Orange sera prêt à dégrouper les services d’itinérance en Europe sur demande d’un client dès qu’une telle offre existera
Mais comment va-t-il la demander puisque l’offre n’existe pas ? " />
#7
Les opérateurs avaient uniquement l’obligation de permettre l’arp et le LBO ce qui est fait, maintenant ils ne sont pas cons et personne ne veut lancer de guerre commerciale intra-européenne…
#8
Intéressant mais n’est-il pas un peu tôt pour faire un bilan? (même si on peut se douter que les opérateurs ne vont pas s’empresser de proposer des offres et donc, indirectement, de se concurrencer de l’autre côté de la frontière).
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Bref, je suis pas pret de lâcher mon Hotspot Mobile pour aller au boulot quoi. " />
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