Quand la vidéosurveillance européenne contrarie la vidéoprotection française
Dura Lex, Sed Luxembourg
Le 11 décembre 2014 à 16h20
7 min
Droit
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L’arrêt rendu ce matin par la Cour de Justice de l’Union européenne en matière de vidéosurveillance risque d’avoir de douloureux effets en France. Il remet en effet en cause les efforts du ministère de l’Intérieur pour se passer de la CNIL dans l’installation des caméras de « vidéoprotection. »
Les faits examinés par la CJUE visait le cas d’un Tchèque ayant installé une caméra de surveillance chez lui, mais dont le champ de vision débordait sur la voie publique. Les flux étaient stockés sur disque dur, chez lui. Par ce biais, ce particulier avait finalement permis à la police d’identifier une personne suspectée d’avoir caillassé les fenêtres de sa maison. Cependant, la CNIL locale lui a infligé une amende, faute pour ce particulier d’avoir zappé le consentement préalable des personnes filmées. On pourra revoir notre actualité sur les solutions proposées par la Cour, mais l’important n’est peut-être pas là car l’arrêt est supposé provoquer un vent de panique en France, au ministère de l’Intérieur. Explication.
Vidéosurveillance, donnée personnelle, traitement automatisé
La Cour a en effet posé qu’en principe la vidéosurveillance relevait du champ d’application de la directive de 1995 sur les données personnelles, du moins « dans la mesure où elle constitue un traitement automatisé ». Cette analyse fait suite à un développement très logique :
- La donnée personnelle embrasse « toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable. »
- Est réputée identifiable « une personne qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence [...] à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique. »
Du coup, « l’image d’une personne enregistrée par une caméra constitue une donnée à caractère personnel (…) dans la mesure où elle permet d’identifier la personne concernée ». En clair, une caméra de vidéoprotection capte donc des données à caractère personnelles quand les personnes filmées sont identifiées ou identifiables.
Mais y a t-il pour autant traitement automatisé de ces données ? La directive de 95 définit ce traitement par « toute opération ou [tout] ensemble d’opérations [...] appliquées à des données à caractère personnel, telles que la collecte, l’enregistrement [...] la conservation ». La CJUE considère donc qu’ « une surveillance effectuée par un enregistrement vidéo des personnes (…) stocké dans un dispositif d’enregistrement continu, à savoir le disque dur, constitue (…) un traitement de données à caractère personnel automatisé. »
Fort de ces enseignements, auscultons le régime français.
Les contrariété du régime français de la « vidéoprotection »
Une circulaire du 14 septembre 2011 décrit le cadre juridique applicable à l'installation de caméras de vidéoprotection, terme officiel pour repeindre de manière plus sympathique les outils de vidéosurveillance. Cette circulaire est importante puisqu’elle définit les (rares) cas où les autorités doivent effectuer une déclaration préalable auprès de la CNIL, et quand elles peuvent (très souvent) s’en passer.
Deux hypothèses sont envisagées par cette circulaire qui vient faciliter l'application du Code de la sécurité intérieure : des caméras installées sur la voie publique, des caméras installées sur des lieux non ouverts au public.
Les caméras installées sur la voie publique
Les caméras installées sur la voie publique (et dans des lieux ou établissements ouverts au public) nécessitent l’autorisation préalable du préfet après avis de la commission départementale de la vidéo protection. Donc sans passer par la CNIL.
Cependant, parfois, ce passage CNIL est nécessaire. Le ministère de l’Intérieur, épaulée par un avis du Conseil d’État (non public et concernant les caméras dans les prisons) l’estime inévitable seulement « si les traitements automatisés ou les fichiers dans lesquels les images sont utilisées sont organisés de manière à permettre, par eux-mêmes, l'identification des personnes physiques, du fait des fonctionnalités qu'ils comportent (reconnaissance faciale notamment). »
Décodons : en France, lorsque le flux permet l’identification via un système de reconnaissance faciale (ou de plaque d’immatriculation), il faut passer par la CNIL. L’Intérieur en déduit naturellement que « le seul fait que les images issues de la vidéoprotection puissent être rapprochées, de manière non automatisée, des données à caractère personnel contenues dans un fichier ou dans un traitement automatisé tiers (par exemple, la comparaison d'images enregistrées et de la photographie d'une personne figurant dans un fichier nominatif tiers) ne justifie pas que la CNIL soit saisie préalablement à l'installation du dispositif de vidéoprotection lui-même. »
On le voit, ce point est en exacte contradiction avec ce que vient de juger la CJUE : des personnes, une caméra, un flux, un stockage, nous voilà déjà plongé jusqu’au cou en Europe dans le règne du traitement automatisé de données personnelles. La France, pourtant un État membre, estime qu’il n’y a pas de traitement automatisé (donc pas de passage par la CNIL) faute de flux couplé à une reconnaissance faciale ou de plaque d’immatriculation. Un critère totalement surabondant !
Les caméras installées dans les lieux non ouverts au public
La circulaire précitée évoque aussi les caméras installées dans les lieux non ouverts au public (soit partout ailleurs que les voies publiques, la résidence privée ou la voiture). Ce régime n’est pas de la compétence de l’Intérieur, mais celui-ci donne malgré tout des pistes : il faut là encore l’avis de la CNIL « lorsque ces personnes sont identifiables ».
La Place Beauvau pose ici deux critères cumulatifs :
- D’une part des images qui font l'objet d'un enregistrement et d'une conservation, et non d'un simple visionnage.
- D’autre part, une identification possible parce que le lieu est fréquenté par des personnes « dont une partie significative est connue du responsable du système de vidéoprotection ou des personnes ayant vocation à visionner les images enregistrées. »
Cependant, ces deux critères ne se retrouvent pas dans les textes fondateurs :
- Si la captation n’est pas un traitement selon l'Intérieur, la loi de 1978 tout comme la directive disposent que la collecte et la transmission le sont bien.
- Le critère de la « connaissance » des personnes filmées par celui derrière la caméra est quelque peu restrictif : une reconnaissance indirecte est normalement suffisante, d’autant que même si personne ne peut identifier Mme Michu sur son écran de contrôle, elle aura son image et pourra le faire par la suite.
- Enfin, le critère de la « partie significative » n’est pas intégré dans les textes socles.
Bref, l’arrêt rendu ce matin par la CJUE devrait naturellement amener la CNIL à se pencher plus en profondeur sur le régime français, et l’Intérieur à revoir le périmètre de ses yeux électroniques. D’autres actualités seront à suivre en fonction des retours obtenus auprès de ces deux acteurs.
Quand la vidéosurveillance européenne contrarie la vidéoprotection française
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Vidéosurveillance, donnée personnelle, traitement automatisé
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Les contrariété du régime français de la « vidéoprotection »
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Les caméras installées sur la voie publique
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Les caméras installées dans les lieux non ouverts au public
Commentaires (28)
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Abonnez-vousLe 11/12/2014 à 21h46
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voila qui devrait passer " />
Le 11/12/2014 à 21h50
J’ai pas réussi a barrer des mots dans la citation " />
Le 11/12/2014 à 21h57
« La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force. Le travail, c’est la liberté. »
Le 12/12/2014 à 08h03
Allez,
Je vous offre mon histoire :
http://www.forum-auto.com/forum2.php?config=automobile-pratique.inc&cat=…
Pour résumer, on m’a tiré mes roues devant chez moi.
J’ai filmé les voleurs.
Donc je suis potentiellement réprimandable ?
Le 12/12/2014 à 08h18
C’est les voleurs dans les supermarchés qui vont être content… filmé, pas pris…
Le 12/12/2014 à 08h41
“La France, pourtant un État membre…..“il a aussi été signé une Charte européenne concernant les modifications territoriales qui devaient passer par un référendum.Les régions ont été modifiées, mais où est le référendum ?
Le 12/12/2014 à 08h43
Le 12/12/2014 à 11h39
ils ont été retrouvés ? (au passage pas mal de l’avoir mis sur YT " />)
Ca prouve quand même que les villes qui installent des caméras a tout va, ce n’est pas très utile, ca n’empêche rien les délits et ca ne sert pas forcément à les retrouver…
Le 12/12/2014 à 12h46
Exactement
Le 12/12/2014 à 13h26
Non, la CJUE ici part d’un cas particulier pour interpréter une exception à un principe de base. La dite exception ne s’applique que pour les personnes physiques. Donc l’interprétation de l’exception ne peut pas s’appliquer pour ce qui est de la vidéosurveillance qui procède de l’État, l’État n’étant pas une personne physique.
Toute la décision de la CJUE est à propos de cette exception, il n’y a aucun travail de définition de la vidéosurveillance, ni de la nature du traitement qui est effectué par la Cour dans cette décision.
Le 12/12/2014 à 13h49
Rien a voir mais “vidéoprotection” ca n’existe pas en francais, le terme exact est “vidéosurveillance”. Pour le coup c’est bien nomme, les cameras ne protegent rien, elle surveillent.
Le 12/12/2014 à 15h17
Le 12/12/2014 à 15h42
dommage, mais ca confirme qu’au final la videosurveillance (ou protection au choix) ca ne sert pas à grand chose. Ca n’empeche pas les delits et même pour résoudre une enquete il faut que les gens soient deja connus des services de police
Le 12/12/2014 à 15h54
T’as pas le bon matos, il te faut un dispositif complet avec reconnaissance faciale intégrée, lecture d’empreinte à la volée, et détecteurs en tout genre. On a ça en boutique, je te prépare un devis ? " />
Le 13/12/2014 à 06h50
non non, je sais déjà
Le 13/12/2014 à 22h32
Le 11/12/2014 à 16h39
C’est pourtant simple: “T’as le droit de mettre une webcam pour surveiller chez toi, mais faut simplement obtenir l’autorisation des voleurs potentiels avant de les filmer.”
C’est tout.
Le 11/12/2014 à 16h41
Et pour les radars ?
Le 11/12/2014 à 16h45
Le 11/12/2014 à 16h51
“Quand la vidéosurveillance européenne contrarie la vidéoprotection française”
Bah non ! La CJUE parle de vidéosurveillance.
Chez nous, on ne surveille pas Monsieur ! Chez nous on protège ! " />
Le 11/12/2014 à 16h55
Il faut interdire les smartphones à caméra, les google glass,…
Le 11/12/2014 à 16h58
Étonnant de faire ce rapprochement ! En effet, la décision de la CJUE concerne une exception prévue pour les personnes physiques. Bref, la décision n’a rien à voir avec ce que veut faire l’État ou une collectivité ou un magasin en terme de vidéosurveillance de la voie publique.
https://hroy.eu/posts/whatsGoingOnWithDataP/
Le 11/12/2014 à 17h06
pas très bien compris où tu veux en venir.
La CJUE part d’un cas particulier pour définir des principes de base qui valent dans toute l’EU.
Le 11/12/2014 à 17h13
je ne me place pas au niveau de l’exception, mais à celui de la définition de la vidéosurveillance et du traitement automatisé de données personnelles.
Le 11/12/2014 à 17h31
le consentement peut être implicite.
par exemple le fait d’avoir une pancarte visible indiquant que le lieu est sous “vidéosurveillance” peut être suffisant. Le cambrioleur, en pénétrant en toute connaissance de cause, accepte donc d’être filmé.
Le 11/12/2014 à 18h36
Yep, la caméra descend de son mât et va retenir le malotru avec ses petits bras jusqu’à l’arrivée des forces de l’ordre.
Le 11/12/2014 à 18h55
Et si la commune indique qu’elle est équipée d’un dispositif de vidéosurveillance, ça couvre notre domicile aussi, logique ! " />
Le 11/12/2014 à 20h47