Loi Création : Fleur Pellerin ne veut pas de définition positive du domaine public
D'Aurélie Filippetti à Fleur Pellerin, v2
Le 28 mai 2015 à 14h25
5 min
Droit
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À deux doigts près ! Aurélie Filippetti était bien prête à clarifier et mieux protéger les œuvres du domaine public. Cependant, Fleur Pellerin a décidé de gommer les dispositions prévues par sa prédécesseure, dans le projet de loi Création qu’elle porte désormais.
En avril 2014, aux rencontres européennes de l’Adami, à Metz, Aurélie Filippetti l’avait affirmé : la Rue de Valois compte profiter du futur projet de loi Création afin de clarifier la notion de domaine public, qui n’est pas définie dans le Code de la propriété intellectuelle. Ce n'était cependant qu'une confirmation. La ministre de la Culture s’était d’ailleurs fortement mobilisée sur ce chantier, comme on peut le voir dans cette vidéo mise en ligne par RomaineLubrique.org, captée en novembre 2013, à l’occasion de la remise des prix de l’automne numérique :
Lors de cette manifestation, d’ailleurs, la ministre avait publié ce document (PDF) où elle exposait plusieurs décisions clés, avec des éléments ambitieux : « Favoriser pour les projets numériques portés par les établissements publics ou les structures subventionnées à plus de 50% par l’État, la mise à disposition significative de ressources numériques culturelles sous licence libre », surtout, elle proposait à nouveau de clarifier cette fameuse notion « de domaine public dans la future Loi Création. »
Les recommandations du rapport Lescure
Cette initiative s’inscrivait d'ailleurs en harmonie avec les propositions du rapport Lescure, dévoilé plus tôt, le 13 mai 2013. Sa recommandation n°74 proposait par exemple d’assurer une « protection du domaine public dans l’univers numérique ». Comment ? En établissant dans le code, sa « définition positive », en indiquant « que les reproductions fidèles d’oeuvres du domaine public appartiennent aussi au domaine public », et en affirmant « la prééminence du domaine public sur les droits connexes ».
Dans sa proposition 76, Pierre Lescure embrayait, suggérant d’amender le droit actuel afin de « permettre aux auteurs d’autoriser par avance l’adaptation de leurs oeuvres et de les verser par anticipation dans le domaine public ». Sans cela, les utilisateurs sont en effet obligés d’attendre 70 ans après la mort de l’auteur, abstraction faite des éventuelles prorogations liées notamment au statut de mort ou aux guerres mondiales.
Aurélie Filippetti a bien tenté de protéger le domaine public
Comme annoncé dans cette actualité, nous avons pu mettre la main sur une version de l’avant-projet de loi Création, version Aurélie Filippetti. Et effectivement, on trouvait bien une série d’articles intéressants, préparés sous le titre « La protection et la valorisation du domaine public » :
L’ex-ministre proposait par exemple d’affirmer clairement qu’aucune protection du droit d’auteur ne peut s’appliquer sur les « idées en tant que telles ». De même, elle excluait de ce périmètre l’ensemble des livres, brochures et autres écrits composés d’« actes officiels ». Ce n’est pas tout. Parmi les exceptions au droit d’auteur, elle autorisait « la reproduction ou la représentation, intégrale ou partielle, d’une œuvre d’art graphique, plastique ou architecturale réalisée pour être placée en permanence dans un lieu public lorsque cette représentation ou cette reproduction est accessoire au sujet traité. »
Sur le strict terrain du domaine public, l’ancienne locataire de la Rue de Valois tentait visiblement de passer de la parole aux actes. Elle prenait un soin tout particulier à s’occuper des « œuvres composites » notamment les bases de données, lorsque celles-ci intègrent des œuvres du domaine public. Concrètement, cette intégration n’aurait alors pu refaire renaître un droit exclusif sur cette œuvre. De même, s’agissant des droits voisins, il était programmé qu’à l’expiration du délai de protection, « les interprétations, les phonogrammes, les vidéogrammes et les programmes peuvent être communiqués au public et reproduits librement. »
Alors, certes, dans cet avant-projet, manquait l’article phare, celui de la définition positive du domaine public. Selon nos informations, toutefois, il était bien en cours de gestation, dans le tourbillon des inévitables arbitrages.
L'opposition de Fleur Pellerin, désormais ministre de la Culture
Après le départ d’Aurélie Filippetti en août 2014, le projet de loi a solidement été mis sous cloche. Pas de souci ! Le sujet a inspiré la députée Isabelle Attard qui a tenté en novembre dernier de combler ce manque. Cependant, à l’Assemblée nationale, la nouvelle ministre de la Culture, Fleur Pellerin, s’y est déjà fermement opposée.
Cette opposition se confirme désormais. Dans le projet de loi Création dévoilé par le Conseil économique et social le 18 mai dernier, les esquisses apposées par Aurélie Filippetti ont tout simplement été gommées par l’actuelle ministre.
Alexis Kauffmann, de Romaine Lubrique et organisateur du Premier festival du domaine public se souvient lui aussi qu’ « à son arrivée au ministère, Aurélie Filippetti nous avait promis de "clarifier la notion de domaine public dans la future Loi Création" dans la foulée d'un Automne Numérique faisant la part belle au domaine public, avec notamment la mise en place d'un calculateur du domaine public. Cela n'est plus dans l'agenda de Fleur Pellerin qui semble davantage se soucier de protéger les ayants droit que du libre accès à la culture » déplore-t-il.
Un mouvement qui agace aussi Lionel Maurel, membre de la Quadrature du Net et animateur du blog S.I. Lex, qui commente le projet de Fleur Pellerin : « On est donc face à un texte de statu quo, qui a visiblement été pensé pour ne rien modifier substantiellement, dans une approche purement conservatrice. Aucun des vrais enjeux du numérique n’est véritablement pris en compte par cette nouvelle loi. »
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Commentaires (34)
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Abonnez-vousLe 29/05/2015 à 08h00
Mais qu’ils les fassent passer leur lois… mais qu’ils “protègent” leur petit copains. Personnellement, je fais fi de ces lois, ils peuvent en faire passer 30 de plus que je ne les respecterais pas, un point c’est tout.
Au point de rupture, il y a désobéissance civile. Je n’ai que faire de leur loi et de leur model économique.
Ce n’est que comme ça qu’on arrivera a rendre caduque tout ce beau monde !
Le 29/05/2015 à 10h31
Le 29/05/2015 à 12h42
Money for Nothing
Le 29/05/2015 à 20h14
La politique des saigneurs (République féodale) " />
Le 31/05/2015 à 09h58
Fleur Pellerin est tellement acoquinée avec les lobbies des ayants droits qu’elle n’a aucun égard pour le partage de la culture pour le peuple. Comme tous les énarques elle a une vision élitiste de la culture et il ne faut rien attendre d’elle pour faire entrer la culture dans l’ère numérique à laquelle elle ne comprend d’ailleurs rien.
Le 28/05/2015 à 14h30
Et voilà, un coup de baguette magique …
Le 28/05/2015 à 14h38
Donc une nouvelle loi pour ne rien changer ou presque ? Mais c’est super " />
Le 28/05/2015 à 14h42
en étant mauvaise langue on pourrait dire que Fleur a été mieux arrosé
==> []
Le 28/05/2015 à 14h50
Mais qu’est ce qui se passe avec tout ces ministres de la culture à la mord moi le noeud? A chaque fois j’ai l’impression que quand ils prennent le poste, ils se font laver le cerveau pour aller dans un seul sens, le status quo!
Franchement ça fait 15 ans que le numérique rentre dans les moeurs du grand public et à part avoir sortie une copie privé et un hadopi, ils ont ont fait quoi de significatif tous ces ministres pour mettre la culture à l’ère du temps numérique?
Le 28/05/2015 à 15h05
Bah… rien ?! Comme tous les politiques en général !!! " />
Le 28/05/2015 à 15h06
Ils ont fait PURE ———–|>" />
ils ont réinventé le FireWall
Ils ont officialisé le Web 2.0 Dixit lefebvre
Ils ont décidé que le mot Pirate désignait autant celui qui téléchargeait et celui qui hackait les mots de passe
Ils ont inventé le mot culture du numérique sans savoir ce que ça signifiait réellement.
Le 28/05/2015 à 15h32
Le 28/05/2015 à 16h01
Je la déteste.
Elle mange littéralement dans la main des ayants-droits.
Je la déteste.
Le 28/05/2015 à 16h10
Elle est peut être trop occupé a créer un poste fictif pour Agnes Saal ????
Le 28/05/2015 à 16h13
Enterrement de première classe AVEC Fleur.
Le 28/05/2015 à 16h26
L’ex ministre a réagi à cette actualité sur Twitter
Le 28/05/2015 à 16h46
Le 28/05/2015 à 16h59
Et dire que l’on râlait sur Aurélie Phillipéti " />
Mais rappelez vous, ceci
Le 28/05/2015 à 17h03
Notre chèr président devrais renommer son poste : Ministre des ayants-droits.
Le 28/05/2015 à 17h04
On protège l’économie de la rente à tout prix ! Et on essaie même de l’étendre par tous les moyens !
Le 28/05/2015 à 17h11
Le 28/05/2015 à 17h41
Allé hop, un coup de machine a remonter le temps.
Pauvre France
Le 28/05/2015 à 18h31
Erreur dans l’actu :
la nouvelle ministre de la Culture, Fleur Pellerin
Ca se saurait si c’était vrai " />
Le 28/05/2015 à 20h26
Pellerin tend elle-même son bâton pour se faire battre " />
Le 28/05/2015 à 21h54
Le 28/05/2015 à 22h12
Le 28/05/2015 à 23h36
Mais si je comprends bien, ça veut dire qu’Aurélie était moins à la botte des ayants droits que Fleur ?
C’est un comble ça :o
Le 28/05/2015 à 23h36
Ministère de la Culture, ça me donne envie de regarder les vidéos de Franck Lepage ;)
Si on cherche à réduire les dépenses de l’état…
Le 28/05/2015 à 23h59
C’est totalement conforme aux désiderata du Vice-Ministre de la Culturehttp://ecrans.liberation.fr/ecrans/2012/10/12/lescure-de-rattrapage-domaine-publ… qui , rappelons - le, avait promis sur twitter d’expliquer la vie à Mme la Ministre.
Le 29/05/2015 à 05h49
Le 29/05/2015 à 06h00
C’est le principe même de la politique représentative. Comme seul tu ne peux pas espérer grand chose, tu dois respecter, voire être, la volonté du groupe qui te soutient / t’a soutenu. Dans les faits, ta seule possibilité est de (re)diriger cette volonté du groupe, non sans une certaine inertie (à cause de l’age, de modesite face à la méconnaissance d’un sujet, de volontés et d’obligations nationales et internationales, …)
Le 29/05/2015 à 06h54
Désolé de rebondir sur mon propre commentaire, mais en parlant d’obligations et de volontés internationales, bien que cela ne concerne pas (directement) le domaine public, quand on voit ce qui a récemment fuité sur les accords internationaux sur le commerce des services, à savoir la prohibition de la license GNU, on peut se demander si le domaine public n’est pas aussi en discussion. D’où l’impression de lavage de cerveau de nos politiciens qui n’ont pas grand choix quant aux directions de certaines politiques Source (anglais)
Le 29/05/2015 à 07h13
Toute mes excuses j’ai moi même flanché digitale c’est trop soudain pour moi.
Le 29/05/2015 à 08h00
Un jour les ENArques s’approprieront la “culture internet”… Un jour.
Heureusement nous avons French Tech… Mouhahhahahaha !!