Au Journal officiel, le gouvernement a publié un des derniers décrets d’application de la loi sur le renseignement. Il organise l’accès au traitement des antécédents judiciaires par les services.
En pleine procédure parlementaire, le gouvernement avait fait adopter un amendement important. Il permet l’accès des services de renseignement au TAJ, le traitement des antécédents judiciaire, « un fichier d’antécédents commun à la police et à la gendarmerie nationales, en remplacement des fichiers STIC et JUDEX » selon le rappel de la CNIL.
Un tel accès « répond à un impératif opérationnel majeur pour les services » avait ainsi soutenu au Sénat le 4 juin dernier, Christiane Taubira, la garde des sceaux.
Ouvrir plus largement les vannes
Selon les explications fournies dans l’amendement du 2 juin, les services ne pouvaient jusqu'à présent avoir accès au TAJ que dans des circonstances jugées trop restreintes. D'une part, pour le recrutement des emplois publics sensibles et, d'autre part, lors de missions comportant des risques d'atteinte à l'ordre public ou à la sécurité des personnes et des biens.
Or, selon le gouvernement, « dans le cadre de leurs missions de renseignement, les services doivent pouvoir disposer, d’un accès partiel au traitement d’antécédents judiciaires, afin de pouvoir compléter utilement leurs informations sur les personnes qui font l’objet de surveillances particulières. En effet, l’évolution de la menace et la multiplicité des objectifs à surveiller ont conduit le Ministre de l’Intérieur, à confier à plusieurs de ses services de police et de gendarmerie un rôle moteur dans la détection des signaux faibles et la surveillance des lieux propices à la diffusion des messages radicaux ».
Dans la version initiale de l’amendement, l’accès au TAJ devait cependant être limité aux seules finalités de lutte contre le terrorisme et à « la prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions, des actions tendant au maintien ou à la reconstitution de groupements dissous et des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ». Ce qui est déjà large. Cependant, en Commission mixte paritaire le 16 juin, cet accès a été également autorisé au recueil des renseignements « relatifs à la défense et à la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation » liés à « l'indépendance nationale, l'intégrité du territoire et la défense nationale », une autre des finalités de la loi de juin 2015.
Un accès dépendant des finalités et des services concernés
L’article finalement voté permet donc aux agents concernés par l'une de ces finalités de prendre connaissance de tous les éléments du TAJ, « y compris pour les données portant sur des procédures judiciaires en cours » mais « à l'exclusion de celles relatives aux personnes enregistrées en qualité de victimes ». C’est enfin un décret en Conseil d’État qui devait déterminer les services concernés ainsi que les modalités et les finalités de l’accès aux traitements automatisés. Et c’est ce texte qui a été publié aujourd’hui au Journal officiel.
Dans le détail, l’accès au TAJ dépend du service et de la finalité :
L'indépendance nationale, l'intégrité du territoire et la défense nationale
- La direction générale de la sécurité extérieure
- La direction de la protection et de la sécurité de la défense
- La direction du renseignement militaire
- La direction générale de la sécurité intérieure
- Le service à compétence nationale dénommé « traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins »
- Les sections de recherches de la gendarmerie maritime, de la gendarmerie de l'air et de la gendarmerie de l'armement
- Les services du renseignement territorial de la direction centrale de la sécurité publique placés sous l'autorité du directeur général de la police nationale
- La sous-direction de la police judiciaire de la direction des opérations et de l'emploi
- La sous-direction de l'anticipation opérationnelle de la direction des opérations et de l'emploi
La prévention du terrorisme
- La direction générale de la sécurité extérieure
- La direction de la protection et de la sécurité de la défense
- La direction du renseignement militaire
- La direction générale de la sécurité intérieure
- Le service à compétence nationale dénommé “traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins”
- La direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières
- Les sections de recherches de la gendarmerie maritime, de la gendarmerie de l'air et de la gendarmerie de l'armement
- Les services du renseignement territorial de la direction centrale de la sécurité publique
- L'office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication de la direction centrale de la police judiciaire
- La sous-direction antiterroriste de la direction centrale de la police judiciaire
- L'unité de coordination de la lutte antiterroriste
- La sous-direction de la police judiciaire de la direction des opérations et de l'emploi
- La sous-direction de l'anticipation opérationnelle de la direction des opérations et de l'emploi
- Les sections de recherches de la gendarmerie nationale
- La sous-direction de la sécurité intérieure de la direction du renseignement
- La sous-direction du renseignement territorial de la direction du renseignement
- La section antiterroriste de la brigade criminelle de la direction régionale de la police judiciaire de Paris
La prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions, des actions tendant au maintien ou à la reconstitution de groupements dissous et des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique
- La direction générale de la sécurité extérieure
- La direction de la protection et de la sécurité de la défense
- La direction générale de la sécurité intérieure
- Les services du renseignement territorial de la direction centrale de la sécurité publique placés sous l'autorité du directeur général de la police nationale
- La sous-direction de l'anticipation opérationnelle de la direction des opérations et de l'emploi placée sous l'autorité du directeur général de la gendarmerie nationale
- La sous-direction de la sécurité intérieure de la direction du renseignement
- La sous-direction du renseignement territorial de la direction du renseignement.
La CNIL consultée dès mai 2015
Dans sa délibération sur le sujet, la CNIL révèle des éléments intéressants. Un mois avant le dépôt de l’amendement gouvernemental, elle avait déjà été soumise à une demande d’avis sur cette réforme à venir. Seulement, « les dispositions finalement adoptées par le législateur diffèrent substantiellement de celles qui lui avaient été soumises pour avis, s'agissant notamment des intérêts publics pour lesquels le TAJ pourra être consulté ainsi que des services qui pourront consulter ce fichier d'antécédents ».
Autre couac : « les observations formulées dans son avis n'ont en outre pas toutes été suivies d'effet, concernant notamment certaines des garanties encadrant cette consultation. »
En guise de différence, elle note que les finalités permettant cet accès sont désormais plus nombreuses, ce qui devrait justifier d’autant le respect de garanties substantielles. Si la CNIL estime normal que des services aient accès à ces informations, le gouvernement a, sur sa chaude recommandation, limité l'accès à la seule « consultation » sans que cela ne puisse « donner lieu à aucune interconnexion avec d'autres traitements », comme le prévoit désormais le décret.
Selon la Commission, en effet, ces accès ne peuvent pas permettre d’extraction de données, c'est-à-dire un « export automatique de la fiche de la personne concernée aux fins de son enregistrement dans les traitements mis en œuvre par les services concernés ». Autre exigence dont il faudra espérer le respect pratique : la mise en place de « mesures d'authentification et de traçabilité rigoureuses » pour savoir qui consulte quoi et quand.
Plus que quatre décrets d’application en souffrance
On notera pour finir qu’un autre décret a été publié aujourd’hui. Il concerne la compétence du Conseil d'État « pour connaître des requêtes concernant la mise en œuvre du droit d'accès aux traitements ou parties de traitements intéressant la sûreté de l'État » (article L841-2 du Code de la sécurité intérieure). Dans ce texte, on trouve une ribambelle de fichiers de sécurité qui relèvent désormais de ces dispositions et donc de la compétence de la juridiction administrative. La CNIL a là aussi été saisie, mais son avis n’a pas été diffusé (nous allons le réclamer, à toutes fins utiles).
Selon l’échéancier de mise en application de la loi sur le renseignement, il ne reste plus que quatre décrets à publier pour finaliser l’application intégrale de la loi sur le renseignement.
Commentaires (29)
#1
Cela fait combien de personnes grosso-modo?
#2
avec toi on est 2
combien de personnes concernées, ou combien de personnes ayant accès ?
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Concernés ? Avec le STIC, à peu près tout le monde vu comment le fichier est pourri.
#5
TAJ out, TAJ in
TAJ bien, TAJ mal
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#7
C’est tout à fait normal, aussi bien pour les antécédents judiciaires avec ou sans condamnation :
Il est donc tout à fait normal que nos services de renseignement aient accès aux antécédents soit de ceux que la justice a déjà repéré mais pas pu condamner, soit des parasites de la société qu’on connaît bien et qui récidiveront forcement.
Il est grand temps dans ce pays qu’on pense enfin aux honnêtes citoyens et qu’on serre la vis aux parasites, en donnant de vrais moyens aux personnes de grande qualité dévouées à notre sécurité, qu’on empêchait de travailler efficacement jusque là.
#8
Parfait tout ça, nous voilà comme les USA avec tout un tas d’organisations dont le but est de combattre le crime, qui ont toutes accès aux mêmes informations mais qui partageront que ce qu’elles veulent bien partager au final.
D’ici à ce que, comme aux USA, on finisse par se rendre compte que tout ce petit monde n’a pas communiqué comme il le devait pour empêcher un événement il n’y a qu’un pas. Mais qu’à cela ne tienne, on créera un organisme chargé de chapeauter tout ceci " />
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Je ne suis pas sûr mais je pense qu’il faut prendre son post au second degré " />
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J’ai le droit de supposer qu’ils ne font qu’officialiser ce qu’ils avaient déjà en sous-main ?
On a bien dit renseignements, non ? On va pas me dire qu’ils ont fait sans ce type d’infos depuis tout ce temps ?
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A commentaire ironique, réponse ironique " />
#14
le fondateur de debian vient de se suicider et pas une news
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Le mieux si vous voulez garder votre vie privée est encore de ne pas avoir d’“antécédents judiciaires”.
Je sais que de nos jours ne jamais avoir brûlé un abri de bus, une voiture, jamais cogné quelqu’un, jamais volé à un portable, etc, ça ne concerne qu’une minorité, mais voilà.
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La GAV, ca compte comme un antécédent judiciaire ou pas ?
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OH MON DIEU ! Tout l’monde va voir qu’en 20 ans de permis, j’ai été flashé une fois pour 1 km/h d’excès !!! " />
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Ah bon ?? Ils ont attendu que maintenant pour le faire ?
Ah oui, c’est vrai, le bénéfice du doute….
Ils faudrait peut-être demander l’accord du présumé innoncent multi-récidiviste avant de consulter son dossier, non ???
Merde, la vie privée quoi!!!
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#27
arrete de te balader avec du shit " />
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