État d’urgence, surveillance internationale : la France inquiète les Rapporteurs spéciaux de l’ONU
Liberté, égalité, sécurité
Le 20 janvier 2016 à 09h10
5 min
Droit
Droit
Cinq experts indépendants des Nations Unies, spécialisés dans les droits de l’Homme, ont adressé au gouvernement français « une série de questions concernant la loi relative à la surveillance des communications électroniques et la loi sur l’état d’urgence ». Deux textes qui suscitent leurs inquiétudes, détaillées dans une déclaration commune.
En juillet 2015, le comité consultatif des droits de l’Homme de l’ONU avait déjà publié un rapport contre la loi sur le renseignement. Ils critiquaient tout autant la loi sur le terrorisme de novembre 2014, notamment « l’utilisation de termes vagues et imprécis pour la criminalisation et la définition de faits constitutifs d’acte de terrorisme, de provocation ou d’apologie du terrorisme ».
La loi sur l'état d'urgence
Janvier 2016, rebelote avec la loi sur l’état d’urgence du 20 novembre 2015 ! Ces experts tiquent face à la possibilité désormais offertes aux forces de l’ordre d’assigner à résidence une personne contre laquelle existent des « raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ». En effet, avec de tels critères, le champ de la loi sur l’état d’urgence va bien au-delà de la lutte contre le terrorisme. Ils se disent du coup « alarmés » que « des militants écologistes aient pu faire l'objet de perquisitions et d’assignations à résidence, en application des mesures relatives à l'état d'urgence, pour prévenir des manifestations pacifiques liées à la Conférence COP 21 ou d'autres rassemblements ».
Autre préoccupation, que l’État puisse décider de la dissolution d’associations sans contrôle judiciaire préalable et sans que cette décision ne stoppe à la fin de l’état d’urgence. Fin février, jouera en effet une mesure passée inaperçue dans la loi sur l’état d’urgence, venue modifier la loi sur le renseignement. Les services de surveillance pourront utiliser l’arsenal des moyens à leur disposition pour vérifier si la dissolution d’un groupement de fait (un groupe de personnes) ou de droit (une association, une entreprise, etc.) s’est bien maintenue dans le temps et/ou n’a pas été contournée par une reconstitution sous une forme quelconque.
Ces spécialistes des droits de l’Homme taclent au passage le blocage administratif des sites, certes facilité par la loi sur l’état d’urgence, mais non mis en œuvre sur ce fondement. Plus solidement, ils s’alarment des perquisitions administratives, notamment informatiques. En raison d’une formulation encore très vague, la loi autorise « des perquisitions sur d'autres ordinateurs en réseaux, ce qui peut amener à la perquisition de très nombreux systèmes de stockage et équipements, de la vie sociale et activité numérique de la personne, en fonction de ce qui sera accessible depuis les équipements initiaux ». Rappelons que ce point est actuellement ausculté par le Conseil constitutionnel, à la suite d’une QPC victorieusement déposée par la Ligue des Droits de l’Homme.
La loi sur la surveillance des communications internationales
La loi du 30 novembre 2015 catalyse également son lot de critiques chez David Kaye (Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression), Maina Kiai (Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d'association), Michel Forst (Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme), Ben Emmerson (Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le cadre de la lutte antiterroriste) et Joseph Cannataci (Rapporteur spécial sur le droit à la vie privée).
Les finalités autorisant ce déploiement des grandes oreilles électroniques sont jaugées trop nébuleuses, avec des délais de conservation prolongés, mais non accompagnés des « garanties nécessaires d’une autorisation et d’un contrôle judiciaire indépendant préalables ».
Ces critères vagues sont par conséquent susceptibles d’entrainer de multiples restrictions non justifiées à la liberté d’expression et au droit à la vie privée. Ils rappellent ainsi à la France quelques principes démocratiques de base pour tout État qui voudrait respecter les droits et libertés fondamentales : la loi doit être rédigée « avec suffisamment de clarté et de précision quant à la nature et à la portée des restrictions et leurs conséquences, notamment afin de fournir aux individus une protection adéquate contre les abus lors de recours aux techniques de renseignement »... Une vraie petite leçon de base.
La position délicate de la France
Pour se protéger des textes relatifs aux droits de l’Homme, la France a déjà indiqué au Secrétaire général du Conseil de l’Europe qu’elle pourrait déroger à la Convention européenne des droits de l’homme, suite à la déclaration de l’état d’urgence dans tout le pays. Cette procédure exceptionnelle est prévue par l’article 15 de la Convention, qui autorise les États à déroger au texte en cas de guerre, mais également « d’un autre danger public menaçant la vie de la nation ».
Remarquons d’ailleurs que l’article 4 du PIDCP autorise également les signataires à mettre entre parenthèses les droits et libertés protégés, mais seulement « dans le cas où un danger public exceptionnel menace l'existence de la nation ».
État d’urgence, surveillance internationale : la France inquiète les Rapporteurs spéciaux de l’ONU
-
La loi sur l'état d'urgence
-
La loi sur la surveillance des communications internationales
-
La position délicate de la France
Commentaires (58)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 20/01/2016 à 17h57
Une douille dans la nuque ce n’est pas très grave :)
Le 20/01/2016 à 19h00
Le 20/01/2016 à 19h32
Le 20/01/2016 à 19h33
Haha " />
Sous-entendu, avec le reste qui est passé direct dans la bouche " />
Le 20/01/2016 à 21h51
Le 21/01/2016 à 04h22
Le régime français est sur une mauvaise pente. Souvenons-nous que les députés socialistes ont donné les pleins pouvoirs à Pétain. La démocratie n’est pas une valeur de gauche.
Le 21/01/2016 à 09h47
Le 21/01/2016 à 11h59
Le 21/01/2016 à 12h15
Si il suffit de quelques attentats pour que la France abandonne les droits de l’Homme et la démocratie (suppression du pouvoir judiciaire), ça va encourager les résistants à poser des bombes à l’avenir " />
Au moins après les attentats de Madrid, l’Espagne a compris la leçon en retirant son armée du Moyen-orient " />
Le 21/01/2016 à 13h38
Le 21/01/2016 à 13h52
Le 21/01/2016 à 15h45
J’ai de la famille qui galère encore avec le copier-coller, alors le reste… " />
Le 20/01/2016 à 13h55
Le 20/01/2016 à 13h57
Le 20/01/2016 à 14h05
Le 20/01/2016 à 14h06
Le 20/01/2016 à 14h27
Le 20/01/2016 à 14h50
Le 20/01/2016 à 14h58
Bof…
En paraphrasant le petit Père des Peuples: l’ONU combien de divisions ?
Le 20/01/2016 à 15h08
certains hommes veulent juste voir le monde brûler " />
Le 20/01/2016 à 15h23
Le 20/01/2016 à 15h25
Ah oui, la France, ce petit pays qui se la pétait avec les droits de l’homme, donnait des leçons au monde entier et qui abandonne maintenant tout ses beaux principes juste à cause d’une petite poignée de terroristes.
Pitoyable.
Le 20/01/2016 à 15h48
Le 20/01/2016 à 16h47
Le 20/01/2016 à 16h55
Le 20/01/2016 à 17h32
Le 20/01/2016 à 17h39
Je crois que tu n’as pas saisi toute l’ironie de son message… " />
Le 20/01/2016 à 17h56
oui là j’aurais mieux fais de me le fermer, je ne sais absolument pas pourquoi j’ai écris chiffrage à la place de chiffrement (excuse à deux balles je regardais mes comptes au moment ou j’ai écris cette ligne)
Le 20/01/2016 à 09h14
donc la question à laquelle doit répondre l’ONU est : “la France est-elle en train de ressembler à la Chine ou alors à la Corée du Nord ?”.
Le 20/01/2016 à 09h15
A la Chine je dirais qu’on s’en rapproche dangereusement (cf. l’enfermement des écologistes à la COP21, mais heureusement pas de peine de mort), la Corée du Nord y a encore de la marge. " />
Le 20/01/2016 à 09h21
L’important, c’est de savoir que pour nous protéger, l’état d’urgence va être prolongé
Le 20/01/2016 à 09h24
Le 20/01/2016 à 09h27
Le 20/01/2016 à 09h31
Le 20/01/2016 à 09h31
C’est vrai, on ne bloque pas les contenus, on les scanne
Le 20/01/2016 à 09h32
Le 20/01/2016 à 09h35
Le 20/01/2016 à 09h36
Le 20/01/2016 à 09h40
ET après nos énarques osent jouer les défenseur de la démocratie au MO ou en affrique.
Quel honte d’être mis au même niveau que la chine ou la Corée du nord par l’onu.
Le 20/01/2016 à 09h46
J’aime assez la réponse de la France dans le dernier paragraphe.
Parce qu’on est en état d’urgence bah on fait tout qu’est ce qu’on veut nah et on vous emmerde.
En fait il aurait fallut que l’article 15 de la convention indique que les Etats doivent pouvoir prouver qu’un danger imminent menace la vie de la nation sous peine de voir invalider l’état d’urgence et toutes les mesures prises sous ce régime. Parce que le terrorisme menace la vie des citoyens certes mais surement pas la vie de la nation.
Cette article est au final destiné à une guerre ce qui n’est pas le cas actuellement ou à une invasion menaçant de faire disparaitre la nation ce qui n’est pas le cas. Aucune armée n’attaque notre pays ni aucune armée se trouve à nos portes. Des terroristes ça n’a pas les moyens ni le nombre de faire disparaitre des nations de notre taille, tout juste les moyens de la désorganisé un peu.
Bref, Hollande et Valls se sont foutu dedans au lendemain du 13 Novembre en s’engouffrant dans cet état d’urgence et en en abusant et maintant ils se prennent le retour de bâton. Comment en sortir? Comment justifier que du jour au lendemain on estime que le péril est passé pour en sortir? L’émotionnel étant retombés toutes les lois et mesures sont scrutés et vivement critiqués aussi bien par des organismes compétents que de plus en plus par l’opinion publique.
Restera plus qu’à nous augmenter les impôts pour payer les milliards d’euros du déploiement des forces navales et aériennes en Syrie, les heures de vols et les milliers de bombes inutiles et ça achèvera les derniers qui soutiennent encore tout ce merdier. lol
Le 20/01/2016 à 09h52
C’est assez amusant. L’état d’urgence n’autorise même pas le dixième de ce que le patriot act, ainsi que les mesures qui ont suivies, a mis en place aux USA mais c’est la france qui est comparée aux dictatures communistes " />
Le 20/01/2016 à 09h56
mais est-ce normal de devoir passer par des outils de cryptage pour comuniquer avec nos proches sans être espionner par notre propre pays ? " />
Le 20/01/2016 à 09h59
Chiffrage pas cryptage (mauvaise traduction anglaise)
Le 20/01/2016 à 09h59
Le 20/01/2016 à 10h05
Le 20/01/2016 à 10h10
Qu’est-ce que t’en sait ?
Ils ont la possibilité pourquoi ils s’en priveraient ?
Le 20/01/2016 à 10h13
Ah donc, des experts spécialisés sur les questions de droits de l’Homme n’applaudissent pas des mesures sécuritaires ? Captain obvious approuve cette conclusion.
Le 20/01/2016 à 10h17
Ne pas oublier que ces mesures ne sont pas vraiment liées aux attentats récents qui sont un bon prétexte mais plutôt à l’approche des prochaines élections présidentielles et ils sont prêts à tout (tous bords confondus) pour grapiller
Le 20/01/2016 à 10h17
2015: Chine
2017: Corée (grace au parti_des_vrais_francais_blancs_catholiques)
Le 20/01/2016 à 10h19
La vraie question est :
Que pense Kim Jong-un de tout ça ? " />
Le 20/01/2016 à 10h31
Le 20/01/2016 à 10h44
Le 20/01/2016 à 12h00
Le 20/01/2016 à 12h22
Éventuellement, pourrions-nous avoir dans l’article un lien vers le texte de la déclaration svp ? :)
Le 20/01/2016 à 12h59
Le 20/01/2016 à 13h13
Le 20/01/2016 à 13h28
Le 20/01/2016 à 13h35