Epic Games relance une bataille judiciaire à l’encontre de Samsung et de Google. L’éditeur de Fortnite accuse les deux partenaires de volontairement entraver le parcours d’installation de son jeu sur Android, au motif que ce dernier n’est pas distribué par le Google Play Store. Il cible tout particulièrement les écrans d’alerte de la fonction Auto Blocker, activée par défaut sur les smartphones Samsung.
Google et Samsung auraient-ils sciemment cherché à enrayer l’installation d’applications tierce partie sur Android, pour défendre le monopole historique du Google Play Store ?
C’est l’accusation formulée par Epic Games, l’éditeur du célèbre Fortnite, qui a annoncé lundi le dépôt d’une plainte auprès d’un tribunal de Californie. Epic Games, qui a lancé mi-août son propre Store sur iOS (en Europe uniquement, du fait du DMA) et Android (dans le monde), y sollicite une injonction visant à interdire à Samsung et Google de poursuivre leurs pratiques anticoncurrentielles, une décision caractérisant le caractère illégal de ces dernières, ainsi bien sûr que le versement de copieux dommages et intérêts.
La fonction Auto Blocker en question
Epic Games, qui s’est déjà attaqué à Apple et Google pour soupçons de pratiques anticoncurrentielles, fonde cette fois sa plainte sur une fonctionnalité implémentée par Samsung au sein de One UI 6 (Android version 14). Baptisée Auto Blocker, elle vise à prévenir l’utilisateur lorsque celui-ci essaie d’installer, sur son smartphone, des applications provenant de sources « non autorisées ». Elle affiche pour ce faire une notification d’avertissement, qu’Epic qualifie dans sa communication de « scare screen ». Autrement dit, un « écran de frayeur », qui n’aurait pour objet que de dissuader l’utilisateur de poursuivre sa démarche.
Lancée par Samsung en octobre 2023, la fonction Auto Blocker fonctionnait au départ en mode « opt-in » : il fallait que l’utilisateur demande manuellement son activation. Mais, d’après Epic, Samsung aurait changé ce comportement en juillet dernier, un mois avant le lancement du Epic Games Store, passant d’un consentement explicite à un « opt-out », une activation par défaut. « L’activation par défaut d’Auto Blocker entraîne un processus particulièrement fastidieux, de 21 étapes, pour télécharger une application en dehors du Google Play Store ou du Samsung Galaxy Store », estime Epic Games, captures d’écran à l’appui. En pratique, quatre actions suffisent toutefois pour désactiver Auto Blocker.
Dans sa plainte, la société affirme qu’il n’existe pas aujourd’hui de voie permettant à un éditeur tiers de faire « autoriser » son kiosque d’applications. Elle accuse également Samsung d’entretenir une confusion, en évoquant une notion de sécurité dans ses messages d’alerte, alors que seule la provenance de l’application entrerait en compte dans l’activation, ou non, des écrans d’Auto Blocker. « Nous soutenons tous les efforts honnêtes de lutte contre les logiciels malveillants, mais dans ce cas, l’objectif déclaré de protection de la sécurité n'est qu'un prétexte », soutient Tim Sweeney, CEO d’Epic Games.
Démontrer une collusion entre Google et Samsung
Epic, qui a retiré en 2020 ses jeux phares des kiosques applicatifs d’Apple et de Google, mène depuis une intense bataille judiciaire contre ces deux géants, qu’il accuse de profiter de leur position dominante pour imposer des commissions allant jusqu’à 30 % aux développeurs d’application. Fin 2023, l’éditeur de Fortnite a obtenu gain de cause face à Google, au terme d’un procès très médiatisé, qui a mis en lumière plusieurs accords confidentiels susceptibles de nourrir les accusations de comportements anticoncurrentiels, par exemple entre Google et Spotify.
Dans sa plainte du 30 septembre, Epic Games fait directement référence à son précédent procès contre Google. Le studio recycle d’ailleurs certaines preuves versées au dossier, pour démontrer cette fois l’existence d’une collusion entre Google et Samsung. Epic pointe du doigt l’accord de partage de revenus conclu entre les deux partenaires. « Depuis cet accord, Samsung n’a conclu aucun accord exclusif avec les principaux éditeurs de jeux pour que ces derniers lancent leurs titres sur le Galaxy Store, n’a pas fait jouer la concurrence en offrant un meilleur taux que 30 %, et n’a pris aucune des mesures qui lui auraient permis de concurrencer sérieusement le Google Play Store », affirme l’éditeur de Fortnite qui, comme à son habitude, diffuse très largement la procédure sur ses canaux de communication et ses réseaux sociaux.
Google a de son côté répondu dans la nuit de lundi à mardi par l’intermédiaire de Dave Kleidermacher, son vice-président en charge de la sécurité et de la vie privée. « Le dernier procès intenté par Epic est une démarche dangereuse et sans fondement. Google n’a pas demandé à Samsung de créer sa fonction Auto Blocker », écrit-il sur LinkedIn.
« Bien qu’Android autorise le téléchargement depuis des sources tierces, Google et la communauté de la sécurité avertissent les utilisateurs depuis des années des risques réels associés au téléchargement d’applications directement depuis le Web », ajoute-t-il. Il affirme que les gouvernements et autorités du monde entier réclament des directives dédiées à cette problématique.
« C’est pourquoi Google propose ses propres fonctionnalités de sécurité, comme Google Play Protect, qui vérifie la présence d’applications nuisibles sur l’appareil d’un utilisateur, quel que soit l’endroit où l’application a été téléchargée. Les fabricants d’appareils Android sont libres d’innover et de concevoir des fonctionnalités de sécurité supplémentaires pour leurs appareils. Il est délibérément trompeur de faire passer cela pour une question d’accès à un jeu ; il s’agit de la sécurité des utilisateurs. Et le procès intenté par Epic place ses intérêts commerciaux au-dessus de la protection des utilisateurs », conclut-il.
Commentaires (25)
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#1.2
Historique des modifications :
Posté le 01/10/2024 à 21h07
x'D
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Le message d'alerte affiché en capture sur le site de Samsung (page liée dans l'article) paraît très similaire à celui affiché par mon OnePlus, si ce n'est l'absence d'un accès direct aux paramètres (le chemin d'accès est néanmoins donné).
Il serait pas temps qu'ils se calment un peu chez Epic ?
#3.1
Le seul vrai problème que je vois c'est qu'il n'y a apparemment pas la possibilité pour l'utilisateur de déclarer le store Epic comme un store légitime. Sinon, tout ça ne me choque pas.
#3.2
Le fait que cette fonction "auto-blocker" (quel nom de m soit dit en passant) soit un bloc incluant d'autres protections sans possibilité d'activation individuelle doit jouer aussi j'imagine.
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#3.4
Déjà possible d'autoriser une application à installer d'autres apps (ou lui-même).
Et depuis la version 14 ? possibilité de mettre à jour sans notification et en arrière-plan une application déjà installé par la source tierce.
Précision, testé sur Pixel 6 puis Pixel 9 avec F-droid avec client alternatif Droid-ify et mise à jour de Cromite.
Historique des modifications :
Posté le 02/10/2024 à 01h06
Faux ?
Déjà possible d'autoriser une application à installer d'autres apps (ou lui-même).
Et depuis la version 14 ? possibilité de mettre à jour sans notification et en arrière-plan une application déjà installé par la source tierce.
Précision, testé sur Pixel 6 puis Pixel 9 avec F-droid avec client alternatif Droid-ify et mise à jour de Cromite.
#3.5
#3.6
"il n'y a apparemment pas la possibilité pour l'utilisateur de déclarer le store Epic comme un store légitime." -> Faux, puisqu'il y a une autorisation d'application pour ça. Une fois installé, celle-ci est tagué comme installé par l'appli tierce et peut la mettre à jour ensuite.
Ici, on est sur un problème autre, qui est que Samsung a rajouté un système qui bloque l'installation d'APK peu importe la source (explorateur de fichier, adb, applications tierces, etc).
#3.7
D'ailleurs ta dernière phrase ne fait que redire ce que j'ai dit.
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