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Vidéosurveillance (1/3) : des caméras toujours plus nombreuses et intrusives

Souriez, vous êtes « vidéoprotégés »

Vidéosurveillance (1/3) : des caméras toujours plus nombreuses et intrusives

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Fustigeant la banalisation de la vidéosurveillance, et déplorant qu'elle « ne fait plus débat depuis longtemps », la Commission nationale consultative des droits de l’homme formule 10 propositions afin que les caméras ne se déploient plus sans contrôles, comme c'est le cas depuis des années. Première partie de notre dossier sur son long avis.

Le 15 juillet à 17h32

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) s'inquiète de la « banalisation » et de la « prolifération » des caméras de vidéosurveillance, « auxquelles se sont ajoutées récemment les caméras aéroportées (drones) », qui « dénaturent l’espace public en suscitant un sentiment de surveillance accrue au sein de la population ».

Elle déplore également l'insuffisance des contrôles en amont de ces dispositifs, le déficit de formation et de sensibilisation aux enjeux liés aux droits fondamentaux de l'usage de dispositifs de surveillance, notamment lorsqu'ils sont associés à des logiciels d'intelligence artificielle, et le défaut d'information claire pour le grand public.

Dans un avis adopté (à l'unanimité) le 20 juin, la Commission formule une série de recommandations pour que l’encadrement des dispositifs de vidéosurveillance garantisse davantage le respect des droits et libertés fondamentaux.

Notre dossier sur l’avis de la CNCDH :

Elle craint, en effet, que cette « société panoptique » n'induise « un nouveau type de rapport entre la police et la population, caractérisé par la défiance et la distance ».

De « profondes inquiétudes »

Elle rappelle aussi son opposition à l’identification biométrique à distance en temps réel dans l’espace public et les lieux accessibles au public, « en admettant pour seule exception son utilisation pour la prévention d’une menace grave et imminente pour la vie, ou la sécurité des personnes et celle des ouvrages, installations et établissements d’importance vitale ».

Dans son communiqué, la CNCDH rappelle que son président avait fait part aux parlementaires de ses « profondes inquiétudes » concernant l'expérimentation « à grande échelle » de la vidéosurveillance algorithmique (VSA) à l'occasion des Jeux olympiques et paralympiques 2024.

La commission s’inquiète également de l’« implication inédite des acteurs privés — les concepteurs des logiciels — dans l’exercice d’une mission régalienne », et « alerte sur les biais qui peuvent être générés par les logiciels eux-mêmes, ainsi que sur les risques de discrimination issus de leur utilisation ».

Le fait d’associer « une alerte à un sens de circulation piétonnière anormal », une personne marchant à contre-sens dans la foule par exemple, relève pour la commission d’« une conception de l’ordre public excessivement normalisée » et « expose ainsi le système à des signalements inopportuns qui peuvent conduire à des interpellations indues », souligne ainsi l'AFP.

La CNCDH estime en outre qu’« il sera difficile d’assurer le contrôle en pratique » des garanties prévues par la loi, faute notamment de moyens suffisants alloués à la CNIL, et craint que les citoyens développent « un sentiment de surveillance accrue » au cours des Jeux.

Elle demande aussi que les « pouvoirs publics reconsidèrent leur volonté d’accélérer le déploiement des dispositifs de vidéoprotection », expliquant « solliciter l’organisation d’un débat démocratique relatif à l’utilisation de la vidéosurveillance algorithmique », en association avec la CNIL, relève 01net.

Les crédits vont tripler au cours des cinq années à venir

La CNCDH indique que, « selon les dernières estimations, 90 000 caméras dédiées à la vidéoprotection seraient présentes sur le territoire français ».

Un chiffre amené à augmenter à mesure que le ministre de l’Intérieur a encore récemment adressé une instruction aux préfets leur demandant d’accélérer le déploiement de ces dispositifs, « notamment sur les sites exposés à la menace terroriste ».

La CNCDH note également que les crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) consacrés à la vidéoprotection « vont d’ailleurs tripler au cours des cinq années à venir » afin de « cofinancer les projets portés par les collectivités territoriales, principaux acquéreurs de ces caméras ».

Or, et comme l'indique à 01Net Robin Medard Inghilterra, maître de conférences en droit public et spécialiste des droits fondamentaux, « à ce stade, nous ne savons pas combien il y a de caméras sur le territoire, et quels sont les motifs de leurs installations » :

« On ne sait pas quelle est la réalité des besoins qui ont justifié leurs utilisations. [...] Je discutais il y a peu avec un responsable d’un CSU, un centre de supervision urbain dans le sud de la France, qui très clairement explique qu’il suffit de faire une demande, et c’est approuvé. C’est-à-dire qu’il n’y a pas de contrôle de la réalité du besoin quand on implante de nouvelles caméras, en pratique. Alors que juridiquement, il est bien censé y en avoir un. »

Par ailleurs, les caméras aéroportées – via des drones principalement – font l’objet d’une « utilisation massive depuis leur légalisation », relève la CNCDH. Mediapart avait en effet calculé que, pour la seule Préfecture de police de Paris, 144 arrêtés permettant l’usage de drones ou d’hélicoptères de surveillance ont été publiés depuis l’entrée en vigueur du décret d’application, le 19 avril 2023.

En 2019, le ministère de l’Intérieur recensait en outre 903 centres de supervision urbains (CSU), dans lesquels des agents scrutent des murs d’écrans qui diffusent les flux vidéos captés par les caméras. Des CSU de plus en plus augmentés de traitements algorithmiques de la VSA, « en mesure de détecter de manière automatisée et en temps réel des événements suspects prédéterminés » :

« Face à l’ampleur croissante des dispositifs de vidéoprotection, le constat est unanime : les capacités humaines de visionnage et d’analyse sont largement dépassées par la quantité d’images captées par toutes ces caméras. »

Ce pourquoi, à près d’un mois des Jeux olympiques et paralympiques et d’un déploiement plus significatif de la VSA, la CNCDH tient à formuler un certain nombre d’observations relatives à l’utilisation de cette nouvelle technologie et, plus largement, à l’égard de la vidéosurveillance.

Une caméra ne devrait pas, par principe, être active 24/7

La CNCDH relève que, si son objectif est de « renforcer la surveillance de l’espace public et tendre vers un objectif d’ubiquité de la police », la vidéoprotection, « qui s’est largement banalisée à partir des années 2000, ne fait plus débat depuis longtemps ».

Depuis quelques années, les principales critiques ciblent en effet « l’absence d’efficacité avérée de ces systèmes, qui pèsent pourtant lourdement sur le budget des municipalités, sans compter un investissement accru de fonds publics pour équiper les communes » :

« Autrement dit, les débats sur la proportionnalité des atteintes aux droits de l’homme par la vidéoprotection au nom du respect de l’ordre public ont été quasiment supplantés par des questionnements sur le rapport coût/avantage de cette technologie. »

Pour autant, si quelques ONG poursuivent leur engagement pour que le débat « ne soit pas totalement invisibilisé », les craintes exprimées dans les années 1990, relatives aux risques pour la liberté d’aller et venir ainsi que pour le respect de la vie privée, « sont d’autant plus d’actualité que les caméras de surveillance ont proliféré ».

Constatant que la vidéosurveillance – caméras de vidéoprotection et caméras aéroportées – « s’est considérablement développée à la faveur d’une législation peu contraignante », la CNCDH souligne qu'il convient de « remettre les exigences de nécessité et de proportionnalité au cœur de la légalité de ces dispositifs attentatoires à des droits et libertés fondamentaux, à plus forte raison lorsque l’on y adjoint de l’intelligence artificielle ».

C’est pourquoi la CNCDH tient à rappeler que « cette technologie policière ne doit être autorisée que dans de strictes limites motivées de lieux, de temps et de finalités, garanties par un contrôle effectif de leur installation et de leur mise en œuvre » :

« Une caméra ne devrait pas, par principe, être active à toute heure de la journée et à tout moment de l’année. La demande d’autorisation adressée au préfet devrait exposer les risques de troubles à l’ordre public justifiant l’installation de caméras, sur le modèle de ce qui est exigé de la part des autorités publiques dans l’exercice de leurs pouvoirs de police administrative. »

Le 15 juillet à 17h32

Commentaires (12)

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et encore, on parle pas de la sécurité su matos...
dans plus de la moitié des cas, suffit de se brancher sur un switch de rue ou a la place d'une caméra, de scanner un coup le réseau et de prendre une IP inutilisée, et hop, c'est la fête du slip: accès à toutes les autres caméras, antennes, switchs, voir même au logiciel du CSU (souvent visimax dont le mot de passse par défaut est... "a"... ouais, juste la lettre a) qui a toujours le mot de passe par défaut...
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Merci de pas avoir mis en titre "Vidéoprotection" mais "Video surveillance". La novlangue cela va bien ^^
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Juste pour rappel, parce que ça m'énerve bien aussi,

Article 17 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2)

élaborée par Michèle Alliot-Marie et Brice Hortefeux sous la présidence de Nicolas Sarkozy :
dans tous les textes législatifs et réglementaires, le mot : « vidéosurveillance » est remplacé par le mot : « vidéoprotection ».


Et c'est hallucinant comme ça a eu un impact même en dehors des lois et règlements…
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Mais voyons, une caméra, ca protège! Quand elle voit un problème, elle utilise ses petits bras pour descendre de son support, puis elle va protéger ce qui doit l'être!
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Et concrètement, maintenant que nous sommes habitués à la surveillance de masse et aux affaires résolues facilement grâce aux caméras, disent les médias, qui osera revenir dessus et expliquer que la vie privée vaut bien un peu plus d'insécurité ou d'impunité ? Le danger n'est pas palpable. De même que celui d'avoir une armée d'espions dans la poche.
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Je ne comprends pas pourquoi on veut toujours opposer vie privée et caméras.
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C'est sûr que l'État (ou la commune qui achète souvent les caméras de surveillance) qui enregistre en permanence la présence de tout le monde partout où il y a des caméras, ce n’est pas une atteinte à la vie privée (l'État n'a pas à savoir avec qui on sort ou où on va, ni à enregistrer nos habitudes). Il suffit que l'on n'aille pas où il y a des caméras et on sera tranquille.
Mince, ne pas aller où il y a des caméras pour avoir droit à l'intimité de la vie privée va à l'encontre d'un autre droit fondamental : la liberté de circulation.

Comme dit dans l'article, des caméras partout actives 24h/24 7j/7 ne devrait pas être la norme, cela viole le principe de proportionnalité.

Tu es un adepte du "je n'ai rien à cacher" ?
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Du coup, on stop les satellites d'imagerie, la téléphonie mobile qui permet la localisation facilement, tous les systèmes GPS, limite j'hésite à aller mettre une baffe à ma voisine qui passe sa journée sur le banc devant chez elle et qui connait mes habitudes, ou je porte plainte pour espionnage, j'hésite :)


Faut juste descendre d'un cran dans la psychose en fait...

Je ne suis pas pour avoir plus de caméra, mais il faut arrêter avec la privation de liberté. C'est pas parce qu'il y a une camera devant l'école de mes gamins que ma liberté est mise à mal. Tant qu'il n'y a pas de reconnaissance automatique et/ou de big data derrière, c'est juste une camera qui film et qui peut être consultée sur demande en cas de problème.

Et encore une fois, je ne suis pas pour et je pense que ce n'est pas assez encadré, mais c'est comme dans tous les domaines, il ne fait pas faire de quelques cas une généralité.
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C'est bien ce que je disais : tu n'as rien à cacher.

Sinon, les satellites ne permettent pas de te reconnaître.
Le stockage de la localisation par les opérateurs de téléphonie mobile sous prétexte de risque d'attentat est un autre scandale, effectivement.
Ta voisine ne travaille pas pour l'État, je pense, mais si tu avais été en Allemagne de l'Est à l'époque de la Stasi, oui, tu aurais eu peur de ta voisine.
Un système GPS permet de savoir où on est, pas de renseigner l'État sur ta position.
Faut juste descendre d'un cran dans la psychose en fait...


À appliquer à la multiplication des caméras qui ne protègent pas. Elles permettent tout au plus de retrouver les auteurs de méfaits a posteriori, mais ça ne dissuade personne.
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Ce ne sont pas les caméras le problème principalement mais les disques durs. Et oui, on stoppe tout, tout ça n'existait pas il y a à peine quelques décennies donc ça n'aurait rien d'incroyable. Et on revient au local, aux cartes papier, à l'imprévisibilité, ...
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A priori, les caméras ne seraient pas si efficaces sur la petite délinquance.
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Elle rappelle aussi son opposition à l’identification biométrique à distance en temps réel dans l’espace public et les lieux accessibles au public, « en admettant pour seule exception son utilisation pour […] la sécurité des personnes […] »


Bon, eh bien le même argumentaire déployé depuis quelques décennies pour justifier tous les abus sécuritaires va continuer, puisqu'il est toujours aussi peu défini.

Vidéosurveillance (1/3) : des caméras toujours plus nombreuses et intrusives

  • De « profondes inquiétudes »

  • Les crédits vont tripler au cours des cinq années à venir

  • Une caméra ne devrait pas, par principe, être active 24/7

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