Après un lancement sans encombre d’Ariane 5 le 13 décembre dernier, c’était au tour du lanceur léger Vega-C de décoller cette nuit. La deuxième mission de cette fusée est un cuisant échec et coup dur pour l’Europe spatiale.
Cette fin d’année devait être l’occasion pour l’Agence spatiale européenne de célébrer plusieurs lancements et événements. Le 13 décembre, la mission VA259 décollait avec le satellite MTG-I1 à bord d’une fusée Ariane 5 pour une des plus lourdes missions de ce lanceur, avec près de 11 tonnes de charge utile. Les opérations se sont déroulées suivant le plan.
Ariane 5 finit l’année en beauté, Vega-C en feu d’artifice
Hier, l’ESA se préparait (un peu en avance) à fêter le premier anniversaire du « lancement parfait du télescope spatial James Webb », qui s’était déroulé le 25 décembre. Ce télescope, digne héritier de Hubble, est le fruit d’une « collaboration de 15 ans entre la NASA, l’ESA et l’Agence spatiale canadienne ». Il tient ses promesses avec des images impressionnantes de notre Univers.
Plutôt que se lamenter sur les retards à répétition d’Ariane 6, l’heure était à l’auto-congratulation : « Webb n’était rien de moins qu’un "moment Apollo" pour l’astronomie, une mission extraordinairement complexe et ambitieuse ». L’ESA rappelle qu’elle a positionné le satellite avec une « extrême précision » résultant « d’adaptations additionnelles que l’équipe de Kourou avait effectuées ».
L’année devait se terminer par la mission VV22 avec la mise en orbite des satellites Pléiades Neo 5 et 6 par le nouveau lanceur Vega-C. Le lancement avait été reporté à cause d’un « équipement défectueux » et s’est finalement déroulé cette nuit. Problème, « une anomalie s'est produite sur le Zefiro 40 environ 2 minutes et 27 secondes après le décollage, mettant ainsi fin à la mission Vega-C ».
Le second étage Zefiro 40 en cause
Vega-C est pour rappel une version améliorée du lanceur Vega, avec premier étage propulsé par un moteur P120C. Si son nom vous dit quelque chose, c’est normal : on le retrouvera par deux ou quatre sur Ariane 6, avec les versions 62 et 64 respectivement.
Lors de son premier lancement cet été, Vega-C emportait le satellite LARES-2 pour le compte de l’Agence spatiale italienne (partenaire de l’ESA) et 6 cubesats d’universités et d’organismes de recherches européens. Cette mission VV22 revêtait un aspect particulier puisque c’était la première mission commerciale de Vega-C, opérée par Arianespace.
Le déroulement de la mission prévoyait une poussée du premier étage pendant 2 minutes et 26 secondes puis une séparation et un enchainement avec le Zefiro Z40… on pourrait s’arrêter là puisque la mission n’a été plus loin cette nuit. Mais pour la petite histoire, il était prévu que le troisième étage Zefiro 9 (Z9) prenne le relais, puis enfin le quatrième avec AVUM+.
Le déroulement de la mission
Sur la vidéo diffusée par Arianespace, on peut voir que l’allumage du P120C et le décollage se passent sans problème. Les « paramètres à bord sont nominaux » et « la trajectoire est nominale », indique la voix off du centre de lancement au cours des deux premières minutes.
À 2 minutes et 30 secondes, on peut entendre « séparation du P120 et allumage du Zefiro 40 », le second étage. Moins de quatre minutes après le lancement, on remarque sur la carte de suivi de la trajectoire une différence importante entre la courbe prévue et la réalité, du moins celle indiquée par les instruments. L’écart va s’accentuer au fil des minutes, ne laissant que peu d’espoir sur l’état de la mission.
7 minutes 30 après le lancement, le centre spatial diffuse la sentence : « À tous de DDO [Directeur D'Opérations, ndlr], suite à accident lanceur, que tous les moyens restent activés pour une mise en configuration d’arrêt de la base de lancement ». Les commentateurs officiels donnent quelques explications : « Ils font état d’un comportement en écart vis-à-vis du lancement prévu et ils mettent en arrêt la base […] Ils n’ont plus de données de télémesures et ils ne sont plus en capacité de suivre le lanceur », explique Rémy Chevrier, adjoint au chef de département analyse et mission chez Arianespace.
11 minutes après le lancement, Stéphane Israël (CEO d’Arianespace) prend la parole pour s’excuser et donner de premières informations : « on a eu un souci avec le deuxième étage et on a observé une déviation de la trajectoire avec une anomalie très importante. Malheureusement, nous pouvons dire que la mission est perdue ». « C’est un choc, c’était un enjeu important pour nous, on va attendre d’avoir des explications détaillées », ajoute Rémy Chevrier.
Une anomalie « peu après l'allumage du 2e étage »
Arianespace a depuis publié un communiqué des plus succincts : « Environ 2 minutes et 27 secondes après le décollage, une anomalie s'est produite sur le Zefiro 40 mettant ainsi fin à la mission Vega-C ». L’Italien Avio, maître d’œuvre industriel du lanceur et de l’infrastructure sol d’interface et responsable des opérations jusqu’au décollage, donne un tout petit peu plus de détails : « une anomalie s'est produite peu après l'allumage du 2e étage (Zefiro 40), entraînant l'arrêt prématuré de la mission ». Le premier étage et le moteur P120C semblent donc hors de cause, ce qui serait une bonne nouvelle pour Ariane 6.
Un second communiqué d’Arianespace vient confirmer ces premiers éléments : « Suite à l’allumage nominal du moteur du deuxième étage (Zefiro 40) environ 144 secondes après le décollage, une diminution de la pression a été observée, conduisant à la fin prématurée de la mission. Selon la procédure standard, l’ordre de destruction du lanceur a été donné par le CNES, l’autorité de sécurité du lancement ». Aucun dommage humain ou matériel, autre que la perte de la fusée et de sa cargaison, n’est à déplorer.
Les satellites Pléiades Neo 5 & 6 devaient venir soutenir les satellites de la constellation déjà en place. Cette dernière est pour rappel « entièrement financée, fabriquée, détenue et exploitée par Airbus ». Elle doit/devait « révolutionner le domaine de l’observation de la Terre ».
Coup dur pour l’Europe…
C’est un coup dur pour l’Europe spatiale. L’ESA n’a plus que deux lancements d’Ariane 5 (déjà réservés) et Ariane 6 ne fera son vol inaugural que fin 2023. Il faudra certainement attendre le résultat de l’enquête pour savoir quand Vega-C pourra revoler. Avec l’arrêt de Soyouz, les options de l’Europe sont plus que limitées.
Commentaires (17)
#1
pour le sous titre
la loose pour l’ESA et Airbus…
#1.1
Le Zefiro 40 est exclusivement développé par Avio. La “loose” est donc de sa responsabilité.
#2
En ce moment y’a une petite série noire entre le chinois Landspace qui eu sont lanceur au méthane qui a pété et Soyouz qui a des fuites (mais ça arrive avec l’âge).
Mais bon, quand on sait que le secteur spatial est tout sauf un acquis, ça ne surprend pas ce genre d’accident.
#3
Sale histoire pour l’Europe. Ça fait trois échecs de Vega pour 22 tirs :/
Sans compter que les Pléïades Neo à 300 M€ ont un intérêt stratégico-militaire, possiblement en concurrence avec Maxar (WorldView Legion)
SpaceX est de plus en plus dominant (si on exclut évidemment les lanceurs russes et chinois pour des raisons géopolitiques)
#4
Du coup ça se passe comment pour la cargaison ? Il y a des assurances pour ça ? Des possibilités d’interception ?
#5
Les charges utiles ont des assurances pour en cas d’accident au lancement oui.
#6
Il y a des assurances oui, mais pas sûr que Airbus décide de reconstruire des remplaçants pour PNEO5 et PNEO6.
Tout dépend de comment vont tourner les gros contrats qui avaient été négociés pour l’utilisation de ces satellites, notamment avec Google pour refaire une cartographie du globe à très haute résolution. Surtout que comme dit plus haut, il y a des concurrents comme Maxar qui ne vont pas hésiter à s’engouffrer dans la brèche.
Ça pue pour la partie observation de la terre d’Airbus…
#6.1
Bien évidemment qu’il y en a(ura) d’autres car une constellation est maintenue en permanence. Sans doute même y en a-t-il déjà en réserve. Le problème est plutôt de trouver un lancement adapté et disponible.
Space X fait ça très bien à Vanderberg pour les orbites polaires
#6.2
Pas compris ton argument sur la constellation. PNEO3 et 4 sont déjà en service, et n’ont pas besoin de PNEO5 et 6 pour fonctionner. Le lancement de PNEO5 et 6 était surtout prévu pour augmenter la capacité de capture et fourniture d’images par Airbus.
Si les gros contrats comme celui avec Google sont annulés parce qu’il fait attendre 2-3 ans minimum pour refabriquer deux nouveaux satellites Pléiades Neo et les lancer, cela risque fortement de remettre en question l’amortissement de ces satellites, donc la décision de les refabriquer.
Et non, il n’y a pas de satellites PNEO en réserve, pas plus qu’il n’était aujourd’hui prévu d’en lancer d’autres supplémentaires à PNEO3, 4, 5 et 6.
#7
[Mode complotiste ON]
Celà fait bcp d’incidents pour les lanceurs non américains…
Mystère…
[Mode complotiste OFF]
#8
n’est pas elon musk qui veut, n’est pas russe non plus qui veut.
#8.1
Ah ben oui, pour aller un peu plus loin:
N’est pas trisomique qui veut,
nait pas au bon endroit et tu te fais enrôler.
Sérieux, tu voudrais être russe ?
A part Depardieu, j’en connais peu dans ton cas, mais pourquoi pas.
Pour revenir sur le sujet de la news: vega, lanceur européen, …
T’as pas l’impression d’être un troll égaré avec Mr Musk et les russes ?
Voici de quoi te remettre dans le droit chemin :
Twitter va mal
#8.2
les mots que tu ne comprend pas c’est mieux de ne pas les utiliser
musk a réussi la ou l’europe à foiré et qui se foutaient de lui, les russes (je ne les aime pas, ce sont des méchant, ta compris je pense etc ad nauseam …) ont envoyé un homme dans l’espace en 1er, créer une station spatiale tous seul, et leur fusée était tellement performante/fiable que nous avions un accord pour les utiliser. tu comprend un peu mieux ? wikipedia devrait t’aider sur pas mal de sujet.
laisse les handicapés en dehors de cela tu te rabaisse.
#8.3
Merci pour ces éclaircissements, je vois mieux maintenant.
Mr Musk a réussi, tout comme Mr Poutine, à l’opposé de Mr Pain au Pout.
N’est pas golio qui veut !
#8.4
Ça c’était l’heure de gloire de l’URSS… Le secteur spatial russe est en lambeaux et n’est pas prêt de se relever.
https://arstechnica.com/science/2021/12/a-state-aligned-russian-newspaper-reviews-the-space-program-and-its-scathing/
#9
Actarus n’a du apprécier un lanceur nommé ‘Vega’…
#10
Un accident avec le traineau du Père Noël ?
Vega-C en feu d’artifice
Je n’aurai qu’un mot : lamentable !