Le projet de loi « Sapin 2 » sur la modernisation de la vie économique contient un chapitre dédié à la protection des lanceurs d’alerte. Spécialement, une disposition a été ajoutée par amendement pour mieux protéger encore ceux des services du renseignement.
Dans le marbre de la loi, le rapporteur Denaja veut ainsi graver cette disposition :
« Le II de l’article L. 861 - 3 du code de la sécurité intérieure est ainsi rédigé :
« II.- Les articles 6 E et 6 F de la loi n° du relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique sont applicables, dès lors que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement a estimé que l’alerte avait été émise de bonne foi. »
Un « plus » de protection pour les lanceurs d’alerte du Renseignement
Explications. Le L861-3 du Code de la sécurité intérieure protège aujourd’hui les agents des services du renseignement qui viendraient alerter la Commission nationale de contrôle des techniques du renseignement (CNCTR) de vilaines contrariétés légales dans l’exercice de leur mission. Une disposition née de la loi sur le renseignement de juillet 2015.
Le projet de loi Sapin 2 vient rajouter une solide couche de protection, en indiquant qu’un tel valeureux citoyen ne pourra subir de mesures vexatoires pour sa liberté de ton. Il « ne peut être, pour ce motif, écarté d’une procédure de recrutement, de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, ou faire l’objet d’un licenciement, d’une sanction, d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération ou d’évolution professionnelle, ou de toute autre mesure défavorable, dès lors que le Défenseur des droits a estimé que l’alerte avait été émise de bonne foi ». C’est ce que nous dit l’article 6 E du projet de loi, déjà adopté en Commission.
En cas de litige, l’État ne serait pas démuni. Il pourrait malgré tout décider de sanctionner le cafteur mais en prouvant « que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à l’alerte ». Il reviendrait à un juge d’ordonner toute mesure d’instruction pour trancher le différend. D’ailleurs, l’article 6F organise un soutien financier du lanceur dans ses frais de procédure. Bravo !
En 2015, l’exécutif a démoli ce statut
Mais aussi belles soient ces idées, il faut néanmoins revenir aux débats autour du projet de loi Renseignement. À un stade antérieur, il avait été décidé qu’agent qui constaterait dans l’exercice de ses missions des « faits susceptibles de constituer une violation manifeste » de la loi pourrait alerter la CNCTR. Et celle-ci se verrait alors offrir l’option de saisir le Conseil d’État voire d’alerter le Premier ministre.
Surtout, il était même expressément prévu que ce valeureux agent puisse faire état devant la CNCTR « d’éléments ou d’informations protégés au titre du secret de la défense nationale ou susceptibles de porter atteinte à la sécurité des personnels ou des missions des services ».
Rangez vos cotillons : ce tableau à faire ronronner les Edward Snowden nationaux a été traité au cutter par l’exécutif. On se souvient en effet qu’en toute dernière ligne droite, le gouvernement a déposé un amendement dit « de précision » pour démolir ce bout de phrase crucial, parait-il histoire de garantir « que la sécurité des personnels ne sera pas mise en danger de ce fait, ni le bon déroulement des missions légitimes entravé ».
En l’ayant fait adopter, avec le soutien du rapporteur Jean-Jacques Urvoas, il a donc supprimé l’autorisation expresse pour l’agent de révéler des éléments couverts par le secret de la défense nationale. Et puisque tout son quotidien baigne dans ce secret, notre Snowden national n’a plus aujourd’hui la certitude de pouvoir en parler devant la CNCTR.
L’amendement « de précision » du gouvernement a ainsi apporté de l’imprécision pour la protection des lanceurs d’alerte. Alors certes, aujourd’hui, le projet de loi Sapin 2 a beau jeu de protéger ces agents des éventuelles mesures vexatoires, ceux-ci continueront malgré tout à témoigner un flingue sur la tempe.
Commentaires (37)
#1
Donc, à l’ancienne. On donne les docs à la presse et on les laisse se démerder.
#2
En gros ils ont le droit de lancer une alerte, mais pas d’en parler et de ne rien divulgué. :/
Ils sont fort quand même, Assan céef, si si c’est possible " />
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#4
L’agent qui constate un méfait doit en référer à la CNTR, ok.
Mais alors à qui faut-il que l’agent s’adresse pour dénoncer une violation manifeste de la loi par la CNTR ?
#5
#6
c’est dommage mais le législateur, croyant bien faire (oui oui je suis naïf), se tire une balle dans le pied (ou plutôt la tire dans celle du gouvernement): en gros rien ne change, donc rien ne va changer: les agents continueront à balancer les faits à la presse, qui se fera un plaisir de mettre ça sur la place publique, au lieu que ça soit traité dans les salons feutrés de la CNCTR.
un bon exemple: le dossier en 3 parties de Mediapart sur la vie quotidienne des services secrets, qui est juste à lire absolument, c’est édifiant.
tout ça est sorti en 2016, après le vote de la loi en question.
#7
Il « ne peut être, pour ce motif, écarté d’une procédure de
recrutement, de l’accès à un stage ou à une période de formation
professionnelle, ou faire l’objet d’un licenciement, d’une sanction,
d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière
de rémunération ou d’évolution professionnelle, ou de toute autre mesure
défavorable, dès lors que le Défenseur des droits a estimé que l’alerte
avait été émise de bonne foi ».
De toutes façons cela n’incluait pas les procès, le plus dur pour le rapporteur à mon avis.
#8
Toujours adoré le ton de ces articles ou l’hypothétique rencontre le fantasmé…
« que la sécurité des personnels ne sera pas mise en danger de ce fait, ni le bon déroulement des missions légitimes entravé »
Donc si le lanceur d’alerte dénonce une mission illégitime, tout est bon ?
D’ailleurs ce n’est pas comme si cela n’existait pas aujourd’hui: que je sache la surveillance illégale orchestrée par Guéant contre son rival est bien sortie tout comme bien d’autres “affaires”
Enfin et surtout, les lanceurs d’alerte ne concernent pas uniquement la sécurité intérieure (même si selon certains articles on vit sous la Stasi) mais à peu près tous les autres secteurs de la vie civile… Donc pour eux aussi cette loi ne sert à rien ?
Cette faculté à voir uniquement le côté (supposé) négatif des choses est très comique….
#9
Mais voyons tu sais bien que dans la pseudo dictature sous laquelle on vit aucune affaire ne sort jamais, vu la ribambelle de loi qui l’interdit… " />
#10
Ouah, du brassage de vent au niveau professionnel, ça rigole pas ! Promesses, débats, mensonges, re-débat, et au final des mecs comme Snowden doivent s’expatrier, d’autres comme Deltour doivent passer au tribunal, et d’autres encore comme Junker doivent diriger l’UE. #touvabien
#11
on parle bien uniquement du code de la sécurité intérieure, donc à priori le citoyen lambda n’est effectivement pas concerné.
quant à la définition d’une mission illégitime… ^^
#12
oh ben mon avis c’est que si on avait une loi efficace pour les lanceurs d’alerte, y’aurait vachement plus d’affaires à sortir. ^^
#13
#14
#15
Dans le marbre de la loi, le rapporteur Denaja veut ainsi graver cette disposition :
« Le II de l’article L. 861-3 du code de la sécurité intérieure est ainsi rédigé :
« II. - Les articles 6 E et 6 F de la loi n° du relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique sont applicables, dès lors que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement a estimé que l’alerte avait été émise de bonne foi. »
ton cynisme t’aveugle, Carbier. " />
#16
c’est ce que je sous-entendais. " />
#17
Est ce qu’une institution supranationale (Genre la Haye) ne pourrait pas prendre cela à sa charge?
#18
WHAAAAAT?
la France enverrait ses lanceurs d’alerte des services de renseignement à l’étranger? ben voyons. " />
#19
Nan, en taule pour crime de lèse-majesté contre l’humanité
#20
ah, alors là effectivement la Haye c’est nickel. " />
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Est ce que ce serait si mal que cela qu’un tribunal international juge du bienfondé de l’attitude d’un lanceur d’alerte? Ou juge du besoin ou non de condamner un état pour des crimes contre sa population?
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ça me fait penser a ce proviseur de collège qui disait l’autre jour lors d’une réunion sur la reforme des collèges : “et puis il faut bien rappeler que nous sommes fonctionnaires, donc tenus a une certaine loyauté”.
Un petit leitmotiv que l’on peut entendre un peu partout ces temps ci .
Non mais quand même !!
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Patriotisme et bouche cousue (la nouvelle devise républicaine et les étrangers on s’en fout ?)" />
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#25
Oui, effectivement les fonctionnaires doivent être loyaux, exemplaires même.
Ce serait quand même un vrai plus si les politiques de tous bords montraient l’exemple …
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évidement! t’en connais une autre? ;)
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Ok, dans ce sens la je comprends mieux. Problème, aujourd’hui t’as plus intérêt à etre loyal quitte a couler avec le navire plutot que de dénoncer
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J’ai pensé à J. Kerviel " />
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Pour tout avouer, pour le moment je fuis les réunions. La dernière que j’ai faite, je me suis endormi " /> (en présence du n+1, n+2, n+3, tant qua le faire, faut le faire bien " /> )
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