Optimisation fiscale : des députés veulent déballer les chiffres des entreprises sur le Net
Impôt de départ
Le 08 juin 2016 à 13h30
6 min
Droit
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Afin de lutter contre l’évasion et l’optimisation fiscale, les députés pourraient imposer aux grandes entreprises de mettre en ligne de précieuses données relatives à leurs chiffres d’affaires et impôts payés. Les modalités de mise en œuvre d’une telle réforme (périmètre exact, calendrier, Open Data ou non...) devraient faire l’objet de vifs débats cette semaine.
Les députés réussiront-ils à transformer l’essai, après leur tentative avortée de la fin 2015 ? Beaucoup d’ingrédients sont cette fois-ci réunis. Des élus de nombreux bords souhaitent que la France prenne l’initiative dans ce domaine : communistes, écologistes, quelques socialistes, centristes et radicaux de gauche. La Commission européenne, en dévoilant ses plans en la matière, rend désormais caduques les réticences du gouvernement (qui ne voulait pas d’un dispositif « franco-français »). Et ce d’autant que l’étude d’impact commandée par Bruxelles démontre qu’il n’y a globalement pas d’effets négatifs sur la compétitivité des entreprises impactées.
Concrètement, ces parlementaires souhaitent obliger, via le projet de loi « Sapin 2 », les plus grandes sociétés opérant en France à mettre en ligne, « sous la forme de données ouvertes, gratuites, centralisées et accessibles au public », de très nombreuses informations fiscales et financières relatives à leurs activités. En ventilant par État ou territoire dans lesquelles elles sont implantées, ces entreprises devraient notamment dévoiler :
- Leur chiffre d’affaires
- Leurs effectifs
- Leurs bénéfices ou pertes avant impôt
- Le montant de leurs impôts sur les bénéfices dus et acquittés
- Les subventions publiques qu’elles ont reçues
- Le montant de leurs ventes et achats
L’objectif ? « Exposer les éventuelles pratiques d’évasion fiscale des entreprises », expliquent les députés écologistes. « Il s’agit également d’exercer un effet dissuasif sur les entreprises qui se livrent à des abus en matière de délocalisation artificielle de leurs bénéfices tout en évitant les incompréhensions ou fausses accusations. Cette mesure permettra également de lutter contre la concurrence déloyale que subissent les PME par rapport aux grands groupes qui sont les seuls à avoir les moyens de pratiquer l’évasion fiscale à grande échelle et donnera plus d’informations aux parties prenantes (investisseurs ou salariés) de l’entreprise, ce qui leur permettra de mieux évaluer les risques qui pèsent sur elles (géopolitiques, juridiques, financiers, etc.). »
La dizaine d'amendements déposés par les différents promoteurs de ce qu’on appelle le « reporting public, pays par pays » comportent parfois quelques petites différences, notamment concernant les sociétés qui seraient visées par ces dispositions – si elles étaient adoptées. Mais globalement, seraient impactées :
- Les sociétés cotées en bourse
- Les sociétés employant au moins 500 salariés ou appartiennent à un groupe de sociétés dont l’effectif comprend au moins 500 salariés
- Les sociétés au chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros, ou selon certains amendements, 100 millions d’euros.
Anticiper ou attendre la directive ?
Force est de constater que ces dispositions se veulent bien plus ambitieuses que la copie de la Commission européenne, qui vise pour l’instant les seules entreprises disposant d’une filiale dans l'UE et dont le chiffre d'affaires net consolidé dépasse les 750 millions d’euros. Sur le plan pratique aussi, Bruxelles veut uniquement contraindre ces acteurs à publier annuellement une « déclaration d'informations relatives à l’impôt sur les bénéfices ». Soit un rapport dont on devine que le format sera bien éloigné des standards de l’Open Data...
L’association Regards Citoyens nous expliquait d’ailleurs à ce sujet : « Aujourd'hui, il est déjà très compliqué de connaitre les présences des banques dans les différents pays du monde (notamment dans les paradis fiscaux), parce que c'est enfoui dans de sombres rapports, dans des formats qui sont complexes à réutiliser (...). Et on peut compter sur ces acteurs-là – peu coopératifs car ils savent les conséquences que ça a sur l'opinion publique – pour s'assurer que ce ne soit pas facilement réutilisable. »
Restera maintenant à voir quelle sera la position du gouvernement. Celui-ci pourrait très bien inviter les parlementaires à attendre de connaître le texte définitif qui sera adopté par les institutions européennes (les eurodéputés ne se sont pas encore prononcés sur le projet de directive de la Commission), ou les encourager à anticiper sa mise en œuvre – qui pourrait n’intervenir qu’à compter de 2019.
Vers une réforme applicable dès 2017
Du côté de l’opposition, Les Républicains exhortent leurs collègues à attendre que l’Union européenne contraigne l’ensemble de ses États membres à mettre en place de tels dispositifs de reporting public. « En prévoyant la publicité d’informations sensibles, [cette réforme] entamerait la compétitivité des entreprises françaises, en livrant à leurs concurrentes étrangères des données stratégiques. Il pourrait également entraver le bon fonctionnement de l'échange automatique entre administrations fiscales. Si les entreprises françaises publient leurs informations, le fisc américain, par exemple, n'aurait aucun intérêt à échanger avec son homologue français. »
Ces élus demandent à ce que l’Assemblée revienne sur le premier pas vers du reporting public, introduit fin mai en commission des lois sous l’impulsion du rapporteur Sébastien Denaja (PS). Ce dernier s’est largement inspiré du projet de directive de la Commission européenne : les entreprises au chiffres d’affaires consolidé supérieur à 750 millions d’euros devraient publier « un rapport public annuel » (spécifiant notamment les montants des chiffres d’affaires, impôts, bénéfices non distribués...), dont les conditions de diffusion – Open Data ou non – seraient fixées ultérieurement, par décret en Conseil d’État.
Ces dispositions ne seraient en outre applicables qu’au lendemain de l’entrée en vigueur de la future directive européenne, « et au plus tard le 1er juillet 2017 ». Le seuil de 750 millions d’euros de chiffres d’affaires devrait ensuite être abaissé sous deux ans à 500 millions d'euros, puis, à nouveau deux ans plus tard, à 250 millions d’euros.
Différents amendements de repli ont été déposés par les promoteurs du reporting public, tant sur les montants envisagés par le rapporteur (voir par exemple là et là) que par la référence à l’utilisation obligatoire de formats ouverts.
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Anticiper ou attendre la directive ?
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Vers une réforme applicable dès 2017
Commentaires (47)
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Abonnez-vousLe 08/06/2016 à 13h51
Tout juste pour que les loups se jettent dans des OPA (la gangrène commence comme ça)
Le 08/06/2016 à 13h53
Le 08/06/2016 à 13h56
Le 08/06/2016 à 13h58
Maintenant on va pouvoir observer tout les moyens déployés par des boites comme Total et Dior pour bloquer une loi qui vise les grands méchants du web.
Le 08/06/2016 à 13h58
Non mais le Boycott l’est et donc si d’un seul coup une plateforme Open-data te permet de voir tous les fraudeurs simplement ça va juste simplifier les choses .
Pourquoi gueuler éternellement quand pour une fois ça va dans le bon sens ?
Le 08/06/2016 à 14h05
Le 08/06/2016 à 14h10
… (suite de mon précédant commentaire) C’est surtout pour les petites entreprises que je vois ça d’un mauvais oeil.
Connaître leurs données donnent des avantages de spéculations par des entreprises plus fortes (tant que le ministère des finances est seul au courant de ces chiffres, c’était suffisant, ouvrir une nouvelle boîte de Pandore arrange les Multinationales.)
Le 08/06/2016 à 14h11
L’optimisation fiscale ne l’est pas mais l’évasion fiscale si (il me semble).
Je vend un produit 100 dans le pays A et ma société est dans B
Optimisation: il n’y a que 30 de valeur ajoutée dans le pays A et 70 dans le pays B
Evasion: il y a 0 dans le pays A car en fait vous l’avez acheté à B.
L’évasion est considéré comme de la fraude.
(c’est ma vision… je m’inspire du cas google)
Le 08/06/2016 à 14h15
Le 08/06/2016 à 14h20
Une boite privée qui ait envie de prospérer sur des gens “pommés” en leur proposant des objets/services hors de prix, ça me choque pas, par contre un service publique que je finance qui refuse de me montrer ou va mon argent ça s’appelle une mafia.
Le 08/06/2016 à 14h28
Cool, EDF et Total vont être cloués au pilori " />
Le 08/06/2016 à 14h31
avant de vouloir balayer chez le voisin, ils devraient commencer par le faire chez eux.
L’utilisation de l’argent publique est l’une des plus grosses boites noires que je connaisse. Les entreprises, elles, sont tenues de publier tous les ans leurs chiffres et bilans.
Le 08/06/2016 à 14h33
Et tant qu’à faire ils devraient en même temps jeter un coup d’oeil à l’optimisation fiscale de SFR avant que ça ne coûte trop cher à l’Etat….
Le 08/06/2016 à 14h34
+1
Suffit de voir les numéros de Capital, montrant les divers gâchis et optimisations possible du budget de l’état.
Le 08/06/2016 à 14h40
Le 08/06/2016 à 14h43
Que les députés, payés à coup de subventions publiques aussi, commencent par donner l’exemple….
Le 09/06/2016 à 06h59
Vu toutes les subventions que la France verse libéralement à certaines entreprises (ce que le pleurnicheur en chef Gattaz évite bien de dire) ça ne va pas les décourager plus que ça car elles ont une mentalité de chasseurs de prime (une fois l’argent empoché, elles feront ce qu’elles font déjà, se barrer en virant des gens).
Le 09/06/2016 à 07h02
et puis ajouter la part des trains entiers de mesures d’assistanat d’entreprise de l’état dont elle bénéficient (exonérations, aides, dégrèvements, crédits d’impôts etc..)
Puis les salaires de chacun aussi…
En fait ce serait bien que l’on puisse connaitre ou passe l’argent qui manque dans les caisses publiques et qui empêchent nos gouvernements successifs de faire une école de qualité, une santé de référence, des transports sécurisés, un peuple heureux….
Le 09/06/2016 à 07h06
Et la vidéo-surveillance ou vidéo-protection sur les salaires, c’est pour quand ? " />(j’ai faim)
" />
Le 09/06/2016 à 07h25
Ou nous nageons une fois encore en pleine démagogie de nos braves dépitants socialistes … ou je ne comprends pas quelque chose.
Les entreprises doivent déjà faire apparaître ces informations en ligne ! CA annuel, salariés, répartition du capital ….)
Il suffit d’aller sur societe.com, site officiel, pour avoir ces informations en libre accès pour toutes les entreprises (je ne pense choquer personne en citant la SARL de NextInpact en exemple ).
Ensuite, il y a une différence entre ce qui doit être fait et l’application réelle.
Dans les faits, les entreprises ont parfois intérêt à ne pas montrer leur CA réel, ne serait-ce qu’à certains clients qui pourraient s’en servir pour exiger des réductions de prix (vous êtes petit, donc je vous tiens par les biiip et vous baissez vos prix si je vous prends car vous ne trouverez que moi) … ou bien préférer choisir une entreprise plus grosse, donc plus solide.
Ils peuvent faire toutes les lois qu’ils veulent ces députés, si elles ne sont pas appliquées et si rien n’est mis en place pour les appliquer (ça ne coûte réellement que de l’amour propre de payer une petite pénalité pour déclaration tardive ….. " /> j’avoue avoir l’expérience) … et bien les lois ne servent à rien. Dès lors, toute annonce de loi supplémentaire n’est ni plus ni moins que de la communication émotionnelle (de la démago quoi).
Le 09/06/2016 à 10h20
Si il y en a. (Voir les réactions de Eric Bocquet en comission des finances ou via les cannaux de CRC)
Le 09/06/2016 à 10h51
Le 09/06/2016 à 12h18
Ici :http://www.groupe-crc.org/activite-des-senateurs/tribunes-libres/article/il-faut…
Ici :http://www.franceinfo.fr/fil-info/article/societe-generale-et-panama-papers-le-s…
ou encore ici :http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/oudea-groupe-pcf-senat-denonce-un-choix-…
Il y a quand même des groupes dans les 2 assemblées, et il est fort fâcheux de toujours mettre les parlementaires dans le même panier !
EDIT : Et j’ai assez mal compris aussi " /> les sanctions doivent être voté. Avec Larcher à la tête du Sénat ….
Le 09/06/2016 à 12h24
Le 09/06/2016 à 12h31
D’après ce que j’ai compris aussi.
Mais comme le dit un autre sénateur (UDI) je crois : “On est dans une maison qui fait du droit. Il faut peut-être une prescription plus longue”
Rien n’est impossible. Après je vais rejoindre ton commentaire sur le manque de courage ou de volonté politique … des groupes majoritaires.
Le 09/06/2016 à 12h37
Les boites déposent des comptes chaque année à l’administration, c’est obligatoire. Des sites comme www.societe.com pullulent en mettant à disposition davantage de chiffres que ceux là, en 20 secondes on peut aller éplucher les bilans, assemblées générales, actionnaires et un tas d’autres données.
Pourquoi recréer en moins complet ce qui existe déjà? Il faut juste se donner la peine de faire des recherches pour trouver tout ca.
Edit : grillé par luxian
Le 09/06/2016 à 12h45
Le 08/06/2016 à 14h44
Pourquoi se contenter aux grosses entreprises quand on peut s’attaquer également aux “riches” individus " />
Le 08/06/2016 à 14h45
Ainsi que d’obtenir les subventions aussi, c’est une montagne de dossier à remplir.
Le 08/06/2016 à 14h46
Le 08/06/2016 à 14h46
Le 08/06/2016 à 14h47
Et si nos politiques déballaient leurs chiffres réels, parce que niveau évasion fiscale ils en connaissent un rayon eux aussi.
Le 08/06/2016 à 14h53
http://www.hatvp.fr/
Après les fraudes c’est une autre histoire.
Les présidents :
République Française
Le 08/06/2016 à 15h26
Le 08/06/2016 à 15h42
Owi owi owi
Le 08/06/2016 à 15h44
elles y sont tenues, mais combien ne le font pas !!
Le 08/06/2016 à 15h56
Heureusement que nos courageux élus luttent pour la transparence dans ce monde de brutes.
Quand ils en auront fini avec les entreprises et qu’ils seront bien chauds, je propose qu’ils s’attaquent à des sujets autrement plus difficiles : la transparence dans l’utilisation des fonds parlementaires, la publication des déclarations de conflit d’intérêt des députés…
Le 08/06/2016 à 17h02
Les fonds parlementaire déjà le cas je crois.
Le 08/06/2016 à 17h27
Le 08/06/2016 à 17h40
Si les comptes sont pas publiés, les subvention sont réclamés, et cela peut faire mal sur les comptes.
Le 08/06/2016 à 17h49
On remarque l’absence de la droite !!!!
Le 08/06/2016 à 19h05
Le 08/06/2016 à 13h36
Ca me parait incroyable qu’il n’y ai pas de transparence sur les subventions publiques :|
Le 08/06/2016 à 13h37
Un très bon pas en avant! Je pense qu’on va avoir quelques surprises.
Le 08/06/2016 à 13h40
En théorie c’est le cas, sauf qu’en pratique c’est la croix et la bannière pour obtenir ces informations.
Le 08/06/2016 à 13h46
Cocasse alors qu’il n’est pas possible à l’état Français combien ils réalise de CA, le nombre de personnes emploié par ministère, le nombre d’heures qu’il réalisent, voir leur salaire…
En tant que contribuable Français cela me semble plus important, que de connaitre le bénéfice d’une boite dont on ne connaitra pas les principaux ‘vrai’ actionnaires…
Le 08/06/2016 à 13h49
ça va rien changer, il vont donner le ça et les impôts payé en france et pas dans les autres pays