E-réputation : Google Inc. enjoint d’effacer les données personnelles d’un Français
Des effets telluriques de la jurisprudence Costejas
Le 17 juin 2016 à 14h30
5 min
Droit
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Un individu n’avait pas apprécié qu’en entrant ses nom et prénom sur Google, le moteur de recherche affiche en tête de ses résultats un lien vers un article intitulé : « Scandale Mr X. (…) impliqué dans une affaire sexuelle envers mineure ». Il a obtenu gain de cause en référé.
Cet article, rédigé dans un style jugé approximatif, dénonce sa prétendue attirance sexuelle pour les mineurs, la commission de plusieurs infractions sexuelles, sans oublier de citer le nom de son employeur ainsi que son adresse professionnelle…
Avant de saisir la justice, la personne mise en cause a frappé à toutes les portes : la CNIL, Pharos, etc. En décembre 2015, l’hébergeur de la page lui a répondu qu’il n’était pas en position de se prononcer sur le bien-fondé de sa demande de suppression. Même barrière chez Google.com : arguant que les pages en causes « contiennent des informations (...) concernant [ Monsieur X.] qui sont pertinentes et à jour », ils estiment que « la référence à ce contenu dans [ses] résultats de recherche est justifiée par l’intérêt du grand public à y avoir accès ». Et Google d’inviter le demandeur à régler plutôt ses comptes avec l’auteur de l’article.
L’intéressé s’est finalement retourné devant la justice, armé de la jurisprudence Costejas de la CJUE qui, outre la reconnaissance d’un droit à l'effacement dans les moteurs, a rappelé que les données indexées ne devaient pas être inadéquates, non pertientes ou excessives.
Seul Google inc. a été mis en cause, non Google France
Au fil de cette procédure, Google France et Google Inc. ont en chœur considéré que l’entité française du moteur devait être mise hors de cause : elle n’est pas « la personne responsable du traitement fautif des données personnelles ».
Saisi en référé, le président du TGI de Paris a validé l’analyse : Google France « n’a pas la qualité de responsable du traitement de données », cette qualité reposant sur les seules épaules de Google Inc. De plus, ce n’est pas Google France qui représente le moteur, son contrat de marketing excluant qu’elle ait le pouvoir d’engager l’entité américaine.
Sur le fond, coup de balai sur les arguments de Google
Pris dans l’étau des affirmations de l’un et des écrits de l’autre, Google répète qu’il ne dispose « d’aucun moyen pour apprécier le caractère inexact du contenu dont le déréférencement est demandé ». Selon lui, le contenu n’est donc pas manifestement illicite. Pire : en effaçant ces informations de ses résultats, ce service en ligne risquerait au contraire « de manquer à son obligation de concourir à la lutte contre la pornographie enfantine », une obligation pesant sur les hébergeurs et les fournisseurs d’accès en application de la LCEN. Dans son intrépide foulée, le moteur va ajouter que ce coup de gomme pourrait même « heurter le droit de l’auteur du contenu litigieux, qui a potentiellement agi comme un lanceur d’alerte, à informer légitimement le public sur un sujet sensible ».
Dans son ordonnance du 13 mai 2016, publiée par Legalis.net, le magistrat va s’appuyer directement sur la jurisprudence de la CJUE sur le droit à l’oubli (ou plutôt droit à l’effacement) pour forger sa décision. Et effectivement, au moins un des liens est « gravement attentatoire à la réputation du requérant ». Google ne peut soutenir que l’auteur de l’article est un lanceur d’alerte : l’information n’est pas démontrée, les infractions sexuelles simplement supposées, etc. Dès lors, « la page web à laquelle il est renvoyé a, à l’évidence, été écrite dans un esprit de vindicte et dans l’intention de nuire personnellement à Monsieur X., en mettant en cause son emploi, alors même que cet emploi est sans aucun rapport avec les faits dénoncés ».
Une atteinte directe au droit à la protection des données personnelles
Contrairement à ce que soutenait Google, le demandeur, qui avait un casier judiciaire vierge, a donc bien démontré que « le référencement de ce lien, en première page des résultats générés en entrant ses nom et prénom dans le moteur de recherche « Google », a directement porté atteinte au droit à la protection de ses données personnelles, sans que cette atteinte soit légitimée par le droit à l’information légitime du public ». Au regard de ce trouble manifestement illicite, le président du TGI va enjoindre Google Inc. de supprimer ou déréférencer le lien des résultats, du moins pour les seule requêtes formées à partir des mots « M » et du titre de l’article. Google a été condamné en outre à verser 2 500 euros au plaignant titre de ses frais de justice.
E-réputation : Google Inc. enjoint d’effacer les données personnelles d’un Français
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Seul Google inc. a été mis en cause, non Google France
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Sur le fond, coup de balai sur les arguments de Google
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Une atteinte directe au droit à la protection des données personnelles
Commentaires (41)
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Abonnez-vousLe 17/06/2016 à 14h48
La vache… Google qui argumente qu’il lutte contre la pédophilie en maintenant des accusations sur un mec sans casier … J’aurais demandé en prime des DI pour préjudice moral super conséquents…
Le 17/06/2016 à 14h48
Google a plus de sous, mais c’était une question rhétorique non ?
Le 17/06/2016 à 14h50
Qu’on donne accès à Google à la base de données des casiers judiciaires et il pourra vérifier tout ce qu’il a indexé s’pa compliqué tout de même " />
Le 17/06/2016 à 14h53
Le 17/06/2016 à 14h53
Il semble que la stratégie retenu par le plaignant soit le référencement de la page ; son hébergement et sa rédaction constituent d’autres infractions et peuvent faire l’objet de nouvelles saisies. L’hébergeur a déclaré ne pas être en mesure de répondre au bien fondé de la demande de suppression, c’est attaquable. De même la poursuite pour diffamation de l’auteur, s’il est identifié.
Pour obtenir gain de cause, la solution la plus “facile” a été le déréférencement mais le contenu est toujours là, sauf qu’il n’est plus indexé par Google (mais il doit l’être par d’autres moteurs…)
Ce qui est intéressant c’est que la jurisprudence prend corps et que le “droit à l’effacement” soit effectivement appliqué pour un individu lambda.
Le 17/06/2016 à 15h08
Le 17/06/2016 à 15h08
Franchement, je doute que l’auteur de l’article ne soit pas attaqué dans un autre procès.
Dans ce cas c’est un référé, en d’autre termes, une démarche accélérée.
Je pense que le but des avocats du plaignant est de virer cette page de Google le temps que le procès de l’auteur et de l’hébergeur ait lieu.
Edit: grilled :(
Le 17/06/2016 à 15h10
Le 17/06/2016 à 15h12
Vu les durées des procédures, je pense que tous les dossiers ont été déposés en même temps …
Le 17/06/2016 à 15h21
Le 17/06/2016 à 15h28
Le 17/06/2016 à 15h38
Pas que je défende qui ou quoi que ce soit, mais vos affirmations pourraient être interprétées comme de la diffamation.
Le 17/06/2016 à 15h43
Le 17/06/2016 à 15h53
La diffamation ce n’est dire des choses fausses ou des mensonges… c’est atteindre l’honneur de quelqu’un, que ce soit vrai ou faux. Donc méfie toi quand même.
Le 17/06/2016 à 15h56
Le 17/06/2016 à 16h10
La “diffamation” c’est la loi prévue pour que le bourgeois puisse payer la justice pour faire taire la plèbe? Désolé je ne reconnais pas les lois aristocratiques " />
Le 19/06/2016 à 16h29
Le 19/06/2016 à 18h15
Je suis tout à fait d’accord, une information ôtée par l’hébergeur, si c’est fait proprement et définitivement c’est techniquement plus sûr. Petite précision la procédure n’est pas pénale mais civile.
Par contre, agir contre l’hébergeur peut assez vite poser un nombre important de problèmes, ce qui en diminue l’efficacité. s’il est hors UE les choses se compliquent fortement par exemple. Ou si les données en question sont reprises de site en site et disséminées, ce qui arrive fréquemment avec les données de solvabilité. Ou encore si le lien renvoie à une page vide mais est présent quand même.
Un autre point est que le droit à la vie privée s’oppose à la liberté d’expression dans les demandes de suppression ou de déréférencement. Il faut faire la balance entre les deux dans chaque cas, et des fois l’intérêt du site à présenter la donnée peut l’emporter. Par contre l’intérêt de google à montrer la donnée en premier résultat peut, lui être moins important que le droit à la vie privée ne question. Donc c’est plus respectueux pour la liberté d’expression de déréférencer plutôt que d’ordonner la suppression.
Google lui est en Europe, et répond au droit européen. ça facilite les choses. C’est souvent plus facile d’entrer en contact avec google qu’avec l’hébergeur, et, déréférencer est souvent suffisant pour protéger sa vie privée puisque le quidam moyen ne se verra plus asséner l’information.
Maintenant rien n’empêche d’agir contre chacun dans un soucis d’efficacité. Je précise encore qu’on peut tout à fait agir contre les différents moteurs de recherche, Google n’étant pas le seul astreint.
Donc techniquement effacer c’est mieux que déréférencer (du point de vue du sujet des données) mais matériellement et surtout juridiquement, c’est plus efficace et moins coûteux de demander le déréférencement à Google pour une différence au final minime par rapport à une suppression dans ses effets.
Le 20/06/2016 à 05h02
C’est le terme donné par Google dans ses arguments contre de déréférencement.
Il n’y a aucun élément dans l’ordonnance disant que le plaignant a été condamné pour ça.
Le 20/06/2016 à 18h40
Le 17/06/2016 à 14h35
Et l’hébergeur de la page web ?
Et le rédacteur de cette même page ? Rien ? ou ce n’est que le début des poursuite ?
Le 17/06/2016 à 14h35
Ce que je n’arrive pas a comprendre c’est pourquoi attaquer Google et non l’auteur en diffamation?
Le 17/06/2016 à 14h38
Le 17/06/2016 à 14h46
Le 17/06/2016 à 14h46
C’est l’individu Roman Polanski ou Frédéric Mitterrand? " />
Le 17/06/2016 à 16h13
Le 17/06/2016 à 16h48
Super les arguments avancés pour ne pas vouloir répondre aux droits dont dispose cette personne… Surtout que ce n’est pas la première fois qu’il est démontré que les suggestions de recherche Google peuvent être détournées…
Le Google Bombing est loin d’être anecdotique.
Le 17/06/2016 à 17h38
Le 17/06/2016 à 17h42
Je suis dans le même cas (sauf pour l’affaire sexuelle " />)
Google affiche des infos sur moi (y compris l’adresse e-mail perso), en référançant un siteUS qui a racheté une base d’un site FR, et a publié ces infos (qui étaient à la base internes au site).
Sauf que le site n’est plus actif (seul le domaine l’est), et personne ne répond aux e-mails (2 adresses sur 3 retournent des Mail Undelivered…).
Et l’outil de Google me dit juste de contacter le webmaster du site. La boucle est bouclée, je ne peux rien faire " />
Le 17/06/2016 à 18h19
et allez un protégé de plus.
Ah si la page avait fait commerce de quelque chose elle aurait le droit de rester indexée sans doute.
Le 17/06/2016 à 19h13
a propos de la diffamation sur internet, il s’agit du droit de la presse, et de memoire au dela de 3 mois après la publication il n’est plus possible d’attaquer un article.
faut pas trainer !
Le 18/06/2016 à 07h26
Ils n’ont pas de casier judiciaire vierge 😈
Le 18/06/2016 à 08h25
Le 18/06/2016 à 10h29
Très juste, afficher une liste de liens d’après le nom de la personne et héberger ou publier des informations sur cette même personne sont deux choses différentes.
C’est plus simple de demander le déréférencement à google et certainement plus efficace.
Le 18/06/2016 à 11h24
Ton problème est épineux mais ce genre de situation arrive malheureusement souvent.
As-tu envoyé le formulaire que Google met à disposition? voici son lien le cas échéantAprès en effet c’est google qui, en premier décide s’ils trouvent légitime ta demande de déréférencement, mais encas de refus de leur part difficile de faire autre chose que d’emprunter la voie judiciaire avec les coûts et risques qui y sont associés.
De ma propre expérience ils sont assez réglo avec le traitement mais il faut un motif personnel plus important que l’intérêt public à accéder à l’information, et des fois ça peut coincer mais ils n’ont pas l’air de tout refuser à tout va.
En tout cas j’espère que tu réussira à obtenir satisfaction.
Le 18/06/2016 à 12h45
Tout ça parce qu’il s’est essuyé avec le doudou tout blanc du gamin… Amateur !
Le 18/06/2016 à 12h59
En fait pour eux le fait de voir son mail public (et spammé) n’est pas une cause de retrait.
Cette page n’a strictement aucun intérêt puisque le site est mort, il ne fait qu’afficher mes données perso, il n’y a rien d’autre à voir dessus. Forcément, elle est bien référencée, en tapant mon nom elle arrive en 1e page de résultats.
Ce qui me met les boules, c’est que je n’ai pas accepté que mes données soient ainsi publiées, même de la part du site français à qui je les avais confié au départ. Son hébergeur (US) n’a rien à faire d’écouter un petit français qui lui envoie un mail pour ça.
Mais le respect de la vie privée, Google s’asseoit dessus, ce qui n’est guère étonnant.
Le 18/06/2016 à 13h53
Aïe…
Difficile de faire valoir ton droit à la vie privée dans ce cas, surtout avec l’entreprise hors UE. Après tu peux toujours saisir la justice contre Google, mais avec les risques et les coûts que ça implique le calcul risque d’être difficile. Pourtant juridiquement traiter une donnée personnelle obtenue illicitement est illicite également.
C’est clair, une entreprise, surtout de cette taille est amorale. Le seul truc qui l’influence c’est le calcul perte/profits à accepter où non une requête, et ça peut des fois marché lorsqu’ils s’attendent à subir une publicité négative.
Mais le concept de droit à l’autodétermination en matière de données personnelles fait lentement son chemin. La nouvelle réglementation qui va entrer en vigueur ne réglera pas tout, loin de là mais il y a déjà une évolution.
Le 18/06/2016 à 23h37
plus efficace ?
Si google accepte, l info ne sera plus trouvable sur google, mais le restera sur tous les autres moteurs, ainsi que via n importe quel lien vers la page.
Si l hebergeur l efface, l info disparait partout, google y compris
Le 19/06/2016 à 08h22
À plus de 93 % de part de marché en Francecontre environ 4,5 % pour le suivant bing, oui, c’est assez efficace, surtout en référé où il s’agit d’aller vite.
Le 19/06/2016 à 12h03
Toujours moins que d agir contre l hebergeur…
Pourquoi la procédure pénale contre google aboutirai plus vite que celle contre l hebergeur ?