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MIA, la nouvelle IA de l’éducation nationale, coûte 2,8 millions d’euros sur 3 ans

Ils dansent le MIA

MIA, la nouvelle IA de l’éducation nationale, coûte 2,8 millions d’euros sur 3 ans

En décembre 2023, Gabriel Attal annonçait la mise en place au lycée d'une IA de remédiation ou d’approfondissement en français et en mathématiques : MIA. Après avoir saisi la CADA, Next peut vous en dire un peu plus sur le sujet, même si le ministère ne fournit toujours pas d'informations sur les algorithmes utilisés ni le code source.

Le 10 avril à 17h15

En décembre dernier, Gabriel Attal, alors ministre de l'Éducation nationale, indiquait que, dès la rentrée 2024, les élèves de seconde auront accès à un nouveau dispositif nommé « Modules interactifs adaptatifs » ou MIA mis au point par l'entreprise EvidenceB.

Next voulait en savoir plus. Un mois après avoir envoyé une demande de documents au Bureau du droit des données et de l'information publique du Ministère, sans réponse, nous avions saisi la CADA. Celle-ci ne nous a pas encore répondu sur le sujet, mais depuis, le ministère nous a envoyé certains documents. Pas tous. Ceux-ci nous apprennent, entre autres, que le projet, signé en août 2022, a coûté 2,8 millions d'euros sur 36 mois.

Le ministère ne nous a, par contre, communiqué ni les informations sur les algorithmes utilisés par MIA ni le code source du projet que nous avions demandés.

2, 8 millions d'euros de prestations de DocaPoste et EvidenceB

Le premier document que nous a communiqué le ministère de l'Éducation nationale est l'acte d'engagement du marché public qu'il a passé avec ses deux prestataires : DocaPoste et EvidenceB [PDF].

Signé en août 2022, lorsque le ministère était encore occupé par Pap Ndiaye, il prévoit que la conception des modules pédagogiques, l'animation de l'écosystème éducatif, la relation avec les sous-traitants, partenaires et associations soient assurés par EvidenceB à hauteur de 2,04 millions d'euros.

C'est en 2021, sous Jean-Michel Blanquer que l'appel à projet a été lancé. L'hébergement, le pilotage, le développement, le maintien en condition opérationnelle (MCO) et l'assistance utilisateurs sont quant à eux assurés pour une somme de 751 000 euros par Docaposte, filiale du groupe La Poste revendiquant 28 000 clients du secteur public.

Le document précise que la durée d'exécution de ce marché public est de 36 mois après la date de notification du marché public et qu'il pourra être reconduit de deux fois 12 mois.

Un article de Libération publié en février évoquait un marché qui « représente ainsi 3,76 millions d'euros sur cinq ans ». Si une reconduction a été actée, les documents communiqués par le ministère n'en font pas état.

MIA concrètement ?

Le deuxième document communiqué par le ministère de l'Éducation nationale à Next est le « cahier des clauses techniques particulières » [PDF]. Les annexes de ce document ne nous ont pas été communiquées. Ce cahier décrit ce que doit être le projet MIA ainsi que les différentes étapes de livraison et les livrables du projet.

D'après ce qu'on lit dans ce projet, cette plateforme doit proposer des exercices de mathématiques et de français en s'adaptant au niveau de l'élève et en se basant sur les tests de positionnements de seconde déjà élaborés et mis en œuvre par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), le service d'évaluation du ministère.

Concernant la partie intelligence artificielle, elle concerne essentiellement l'adaptation des apprentissages en fonction de l'évolution du niveau de l'élève. Le document prévoit que MIA « assiste le professeur dans son action continue de suivi des apprentissages et de remédiation », qu'il l'informe de l'utilisation du logiciel par ses élèves et de leur progression et qu'il lui recommande « des pistes pédagogiques complémentaires permettant d’orienter le choix des activités à proposer, sous forme numérique ou non, en fonction d’un objectif donné : remédiation ciblée, entraînement spécifique, consolidation, approfondissement… ».

Ce cahier comporte aussi une section « exigences éthiques » qui demande que le service soit « centré sur l’utilisateur et ses besoins », ainsi qu'une « vigilance permanente et des études d'impact » sur « la sécurité, la qualité et la nature des données traitées, les risques de biais de données, de discrimination (discrimination impact assessment), etc ». Cette partie parle aussi de « transparence », d' « "interprétabilité" des propositions » et d' « ouvrir les boites noires » des IA.

En ne nous communicant ni les algorithmes, ni le code source de la plateforme, ni d'information permettant cette « "interprétabilité" des propositions », le ministère ne participe pas à cette exigence de transparence qu'il a lui-même appelé de ses vœux dans ce document.

En février, Libération avait pu tester la partie « Maths » de Mia Seconde dans les bureaux d'EvidenceB. « l'appli est facile à prendre en main, plutôt austère – pour un outil destiné à l'usage scolaire, les concepteurs n'ont clairement pas fait le choix de la "gamification" – et n'a rien de spectaculaire », expliquait la journaliste Amaelle Guiton.

« D'après le mémoire technique transmis en réponse à l'appel d'offres de 2021, que Libération a pu consulter, MIA Seconde s'appuie sur une combinaison de sept algorithmes : pour personnaliser les modules, affiner les "messages motivationnels" délivrés à l'élève, proposer des "exercices de révision adaptés", détecter les blocages… » expliquait-elle.

Le PDG d'EvidenceB, Thierry de Vulpillières, insistait auprès de Libération pour affirmer que « la décision pédagogique est chez l'humain ». Celui-ci n'est pas un novice concernant les contrats avec l'éducation nationale puisqu'il était directeur des partenariats éducatifs chez Microsoft entre 2005 et 2017, période pendant laquelle le ministère s'est associé au géant américain pour son plan numérique.

Pour Christophe Cailleaux du syndicat Snes-FSU interrogé par Libération, ce genre de projets correspond surtout « à des besoins industriels de créer une filière "EdTech" [technologies de l'éducation] française ».

Une bibliographie scientifique du projet

Enfin, d'un point de vue scientifique, le ministère nous communique une liste bibliographique des travaux de recherche sur lesquels s'est basé MIA [PDF]. On peut y trouver deux types de travaux scientifiques : ceux sur lesquels s'appuient les techniques de pédagogie différenciée de la plateforme et ceux sur lesquels s'appuie chaque module d'apprentissage.

En ce qui concerne l'adaptation de MIA à la progression de l'élève, l'équipe d'EvidenceB cite notamment les travaux de Fatima Harrak, François Bouchet datant de 2021, ceux de l'équipe du chercheur d'Inria Manuel Lopes de 2015, ceux de l'équipe de la chercheuse Yolaine Bourda et ceux de Mohammad M. Khajah.

MIA est actuellement en expérimentation dans huit académies selon le Ministère, « cela représente 150 lycées volontaires soit plus de 300 classes de seconde qui vont utiliser la ressource jusqu’à la fin de l’année scolaire ». Le déploiement généralisé est actuellement prévu pour la rentrée 2024. Celui-ci semble en retard d'une année si on se réfère à la version de décembre 2023 du site web de l'application.

Miaseconde.fr se présentait à ce moment-là comme un « dispositif riche et sécurisé, disponible gratuitement pour toutes les académies dès 2023 et pour les deux à quatre prochaines années scolaires ». Le site n'affiche maintenant qu'un message d'indisponibilité.

Si ces documents nous informent un peu plus sur MIA, le ministère ne nous a pas communiqué tous les documents que nous avions demandés et notamment le détail sur les algorithmes utilisés ainsi que le code du projet. Nous avons donc réitéré la demande de ces documents.

Commentaires (15)

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Ils ont une quelconque obligation de vous fournir les algo et le code source ?
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J'aurais tendance à répondre non à la lecture du CCTP, mais c'était difficile à savoir sans ce document.

En effet, on y lit :
Le titulaire peut mentionner sa marque et son logo sur le service proposé dont il est propriétaire.
Ce n'est donc pas le ministère le propriétaire du logiciel et des algos, le titulaire du marché offre simplement un service.
Donc les algos et le code source ne sont a priori pas des documents administratifs donc pas communicables.
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tout comme la FSFE, j'ai tendance à dire "argent public, code public"...
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C'est probablement plus compliqué que cela. Le titulaire du marché avait un produit avant et le ministère n'a acheté que le droit de l'utiliser et les adaptations à son besoin. Sinon, ça aurait été beaucoup plus cher.
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Ça sent encore un marché qui va coûter « un pognon de dingue » pour pas grand chose derrière et qui sera vite abandonné.
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C'est possible, et j'ai du mal à juger si la partie "IA" apporte vraiment quelque chose où si c est juste histoire d utiliser le buzz word du moment.

Mais honnêtement le budget n a rien de délirant, un projet similaire dans le privé ça serait aussi dans ces eaux là, voir plus
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Je suis bien d'accord, ce n'est pas cher et ça s'amortit plutôt vite si cela évite quelques postes supplémentaires d'enseignants que l'on a en plus du mal à trouver.
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Un pognon de dingue ? Compte tenu des attendus c'est un prix normal.
Pour info, le budget de l'EN c'est 64 Milliards €

Quant à l'utilité, cela vient en complément de l'enseignement classique. Je ne vois donc pas ce qui te fait dire que cela sera vite abandonné.
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Quand on verra que ça produit des allucinations que les élèves ne sont pas capables de décerner ?
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C'est malin, j'ai la chanson dans la tête maintenant 😅.

Sinon, cette "IA", c'est pour pouvoir virer des profs en licenciement économique ?
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Pas de pacotilles,
Chemise ouverte,
Chaine en or qui brille

Non moi ça va...
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l'url qui va mieux car ce n'est pas un site, c'est une "application"

https://app.miaseconde.fr qui renvoie vers https://wayf-natives.gar.education.fr/accueil

mais qui peut se connecter? je n'ai pas testé.
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Si ça fonctionne vraiment, 3M€ sur 2 ans c'est pas cher payé pour remonter le niveau en math...
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Après des exercices de maths à faire, il y en a des kilo de disponibles, sans parler des annales d'examens (bac brevets etc.) pour pouvoir les revoir....

J'ai vraiment du mal à comprendre l'usage de cette IA.
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Elle doit aider à choisir en fonction du niveau de l'élève. C'est mieux que de le laisser se perdre dans des kilos d'exercices disponibles.

MIA, la nouvelle IA de l’éducation nationale, coûte 2,8 millions d’euros sur 3 ans

  • 2, 8 millions d'euros de prestations de DocaPoste et EvidenceB

  • MIA concrètement ?

  • Une bibliographie scientifique du projet

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