Le point d'échange Internet allemand DE-CIX a porté plainte contre son pays, à cause de la surveillance de son trafic par le BND. Selon l'entreprise, qui reprend l'analyse d'un expert, les requêtes des services de renseignement seraient illégales.
Le gestionnaire de points d'échange DE-CIX ne veut plus accepter la surveillance de son trafic par les services de renseignement allemands. La société a déposé plainte contre l'État fédéral, « représenté par le ministère de l'Intérieur », pour analyser la solidité légale des requêtes que le BND lui envoie.
L'an dernier, elle affirmait que les services allemands étaient directement connectés au point d'échange, récupérant le trafic qui y transite sans contrôle possible de sa part, au moins depuis 2009. Dans son communiqué, l'entreprise reprend une analyse récente (PDF) de Hans-Jürgen Papier, l'ancien président du Tribunal constitutionnel fédéral, qui estime que la surveillance appliquée par le BND est « illégale », notamment parce qu'elle ne vérifie pas si les données appartiennent à des Allemands ou des étrangers. Certaines de ces données seraient passées à la NSA.
Une clarification légale pour le DE-CIX
« Nous avons de sérieux doutes sur la légalité de la pratique actuelle » explique encore l'entreprise. Considérée comme l'un des points d'échange les plus importants au monde, l'entreprise dispose d'une dizaine de points de présence dans plusieurs pays, principalement en Europe, dont un à Marseille.
Le tribunal administratif fédéral de Leipzig devra donc déterminer si le dispositif est légal, alors que la loi sur laquelle il s'agit, dite « G10 », doit normalement n'autoriser que des traitements ciblés. Elle doit limiter les possibilités de surveillance, pour préserver la vie privée des Allemands. Ces mesures sont d'ailleurs soumises au contrôle d'une « commission G10 », liée au parlement.
Selon le DE-CIX, le BND pratique bien une surveillance de son trafic, sous-entendu de masse. « Avec ce procès, nous cherchons une clarification légale et, en particulier, une sécurité juridique pour nos clients et notre entreprise » affirme-t-il. Le contrôle de ces requêtes légales serait ainsi limité. « La commission G10 se réunit seulement un jour par mois et durant ces sessions, analyse une moyenne de 2 127 mesures de surveillance » en 2013, affirme le professeur de droit Russel A. Miller sur le Lawfare Blog.
Un contrôle des interceptions sous tension en France
En France, la loi Renseignement implique une validation a priori du renseignement intérieur. Mais cette surveillance des surveillants a aussi ses limites. Ainsi, les avis de la commission de contrôle, la CNCTR, sont rendus par les trois juges qui y siègent en permanence. Pourtant, le dispositif a un problème important : si la commission ne répond pas à une requête sous 24h, son silence vaut feu vert. En outre, son travail n'est pas facilité par le manque de centralisation des données collectées, dont elle se plaint publiquement.
Il suffit donc d'envoyer des demandes en masse pour saturer l'équipe. Notons également que si le Conseil constitutionnel venait à imposer l'encadrement des surveillances hertziennes, aujourd'hui exemptes de contrôle, la barque de la commission pourrait être une nouvelle fois chargée.
Ajoutons, pour être complets, que la même CNCTR doit contrôler en parallèle le versant international de la surveillance, mais dans cette hypothèse, elle n'intervient qu'a posteriori. Une délicatesse prévue par la loi sur la surveillance des communications électroniques internationales.
Pour le moment, aucun chiffre précis n'a émergé sur le travail de la CNCTR, dont le premier rapport annuel est attendu en octobre. Dans le meilleur des cas, il sera donc possible d'avoir des données exhaustives... Jusqu'aux frontières du secret défense, bien entendu.
Commentaires (28)
Le renard est entré dans le poulailler privé par effraction douce. Comme il va être difficile d’extirper l’intrus puisque les gallinacés n’ont plus le droit de donner des coups de griffes et ont à peine celui de battre des ailes, il va falloir qu’elles se protègent autrement : heureusement qu’on peut encore compter sur le secteur privé, les initiatives individuelles et groupées pour y parvenir.
Aucun outil ne permet actuellement de se protéger contre la surveillance de masse car on ne peut contrôler ce que des proches ou connaissances disent de nous. Et encore moins par quels outils et avec quel niveau de sécurité. La seule solution technique possible est de pousser la majorité de la population à se tourner vers des outils de communication de confiance. Pas évident donc…
Je connais que Caliopen qui cible ce problème de cette façon.
Ah mais c’est vrai que ton trafique ne passera jamais par un IX : SFINX, Equinix ou France IX pour ne citer qu’eux.
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Rêve pas, le prix d’un IX est tellement gros que t’es obligé d’avoir du trafique d’état dessus et donc forcément de la surveillance, même pour un opérateur privé.
Pire encore, l’état Français n’a même pas besoin de s’emmerder avec les lois sur le renseignement en France pour écouter le trafique internet : 80% du trafique passant par le LINX basé a Londre…
Et il n’est pas le seul !
De toute façon, n’importe quel opérateur est obligé de laisser passer des techniciens pour l’installation d’une blackbox dédiée aux renseignements
Personne ne peut s’y opposer pour des raisons de sécurité nationale et les responsables du FAI n’a pas le droit d’en parler, ils sont juste le droit de la fermer
Du moment qu’on a la fibre….
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le combat vie privée vie publique (état)
Bah dis-donc quand on voit le trafic écoulé à AMS-IX qui est le plus gros de toute l’Europe je serais eux je m’inquiéterais largement plus de celui-là…
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Il y a des gens qui qualifient Alphabet inc.https://abc.xyz/ et Facebook inc. comme des États privés, en raison du poids économique et social de ces entreprises et de leur importance dans la vie des individus.
qui ça “eux” ?
Ils s’inquiètent de ce qui se passent sur leur point d’échange. Pourquoi devraient-ils s’inquiéter de ce qui se passe dans un autre pays dans un point d’échange qui ne leur appartient pas ?
De plus, Wikipedia indique que DE-CIX est le plus gros point d’échange du monde avec un débit maximal de 4.3 térabits par seconde. Quand on regarde leurs stats de trafic respectives, DE-CIX a bien l’air d’avoir plus de trafic, même si c’est assez proche.
Sorry, j’ai oublié des mots…
Quant aux protocoles http/s, ftp, irc, il existe des solutions comme Tor. Mais, personnellement, je vois pas bien comment les démocratiser (plus).
Pour cette aspect là, un autre moyen est de passer par la création de loi restreignant les pouvoirs des agences de renseignement et en établissant des règles claires quant à l’utilisation commerciale des données personnelles. Oui, je sais, c’est pas la tendance actuelle…
Même si tu utilises pas google, la majorité des sites que tu visites utilisent google analytique. Tu es obliger de télécharger leur extension (néophyte) ou d’utiliser des add-on (avancé) pour t’en débarrasser.
De même que Facebook d’ailleurs, c’est à cause de la majorité de site qui l’utilise que tu peux difficilement les esquiver et que même si tu “n’utilise pas”, au final, Google te traque quand même.
bel article, qui dit les choses. Merci Mr Pépin.
Pourvu que ça dur (Nxi remonte sa qualité de “rédacteurs”)
Pays de Galles indépendant !
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D’autant plus avec le climat anti-terroristes arabes, ça ne risque pas de s’arranger.