Supercalculateurs (exascale), IA, régulation, métavers : Emmanuel Macron tire tous azimuts à VivaTech
Qui veut gagner des millions ?
Le 15 juin 2023 à 09h24
8 min
Sciences et espace
Sciences
Emmanuel Macron profitait du salon Vivatech pour revenir sur les sujets du moment dans le monde de l'IA et des supercalculateurs. Machine exascale, performances quadruplées pour Jean Zay, formation, métavers, aides aux start-ups, régulation... tout y passe ou presque.
En mars 2018, il y a eu le plan sur l'intelligence artificielle, suivi en janvier 2021 par celui sur l'informatique quantique. Nous les avons à chaque fois longuement détaillés. Emmanuel Macron était hier après-midi au salon VivaTech à Paris, où il a notamment répondu à des questions d'entrepreneurs, profitant de l'occasion pour distiller des annonces sur ces vastes sujets.
- Intelligence artificielle : décortiquons les 235 pages du rapport de Cédric Villani
- Les détails du Plan Quantique : 1,8 milliard d’euros, un « ordinateur hybride » à l’horizon 2023
Il faut renforcer la formation... une redite de 2018 et 2021
Commençons avec les épineuses questions de compétitivité et de souveraineté de la France (et l'Europe) dans le domaine de l'intelligence artificielle. Pour Emmanuel Macron, une certitude : « On doit accélérer les formations », un discours déjà entendu à plusieurs reprises au cours des dernières années, aussi bien sur l'informatique quantique que l'intelligence artificielle. La formation des talents était d'ailleurs un des piliers des deux précédents plans.
« On a une chance sur cette bataille sur l'IA : on a en France les talents et les compétences fondamentales dont on a besoin [...] Il faut qu'on se donne comme objectif de doubler le nombre de formations », ajoute-t-il.
Là encore, rien de neuf, mais encore faut-il réussir à garder ces talents alors que des sociétés étrangères peuvent leur proposer des ponts d'or. Année après année, des objectifs du genre sont régulièrement mis en avant, sans pour autant voir de changement notable jusqu'à présent.
Emmanuel Macron souhaite « faire émerger 5 à 10 IA clusters [sans préciser vraiment de quoi il s'agit, ndlr] à hauteur de 500 millions d'euros pour avoir au moins parmi eux deux à trois références mondiales ». Il précise que ces chiffres sont « le fruit des concertations avec l'écosystème ». Pour les détails sur cette annonce, on repassera.
Les performances de Jean Zay vont quadrupler
Et puisque la formation, la recherche et la commercialisation de produits (aussi bien sur le quantique que l'intelligence artificielle) nécessitent des machines très puissantes, les capacités de calcul de la France vont être augmentées : « À court terme, on va investir 50 millions pour quadrupler les capacités du supercalculateur Jean Zay. On a déjà investi 40 millions, c'est quelque chose qui nous permet d'être dans la partie. On peut faire x4 avec assez peu de frais [...] on le fait tout de suite pour monter très vite ».
Selon le dernier classement du Top 500 des supercalculateurs, Jean Zay est 135e avec une puissance de 4,48 petaflops mais cela ne concerne qu'une seule des « partitions » du supercalculateur. Aujourd'hui, la machine dispose de deux extensions (été 2021 et juin 2022). « La puissance crête cumulée de Jean Zay est, depuis juin 2022, de 36,85 petaflops », reste donc à voir de quoi il est question précisément sur le « x4 ».
500 millions pour un supercalculateur exascale en France
Emmanuel Macron revient ensuite sur l'arrivée d'un calculateur exascale pour 2025 (nom de code Jules Verne) : « On a investi 250 millions d'euros. L'Europe, ça se décide normalement aujourd'hui, devrait faire pareil, et donc c'est 500 millions d'euros d'investissement. Là, c'est un changement de nature [...] on commence à être plus compétitif »... Mais « on peut aller plus loin », lui répond rapidement Arthur Mensch, CEO et cofondateur de Mistral AI, une très jeune start-up qui vient de lever 105 millions d'euros.
La France s'était pour rappel portée candidate pour ce projet il y a plusieurs mois, et elle va donc accueillir le second supercalculateur exaflopique européen. Le premier sera JUPITER en Allemagne : « Le système, installé sur le campus de Forschungszentrum Jülich sera détenue par l’entreprise commune EuroHPC et exploitée par le Centre de supercalcul de Jülich (JSC) », explique L’entreprise commune européenne de calcul à haute performance (EuroHPC JU).
Le cout estimé de JUPITER est de 273 millions d'euros, financé à moitié par l’entreprise commune EuroHPC et l'Allemagne. Pour le supercalculateur français, on est quasiment sur un montant doublé. Nous n'avons pas encore de détails techniques sur ces supercalculateurs exaflopiques. Il s'agit dans tous les cas pour l'Europe de rester dans la course et ne pas se laisser distancer par le reste du monde, notamment Frontier des Américains, le premier supercalculateur a dépassé l'exaflop sur le benchmark de Top 500.
Open source, BDD en langues françaises, fond Tibi 2...
Le président est ensuite revenu sur plusieurs sujets, notamment les IA génératives. Il souhaite qu'on développe « des modèles propres. On croit à l'open source, on croit en la transparence ». Il est aussi question de « créer des bases de données en langues françaises ». Enfin, il veut « lancer très vite une approche flash pour réfléchir sur le modèle de la propriété intellectuelle de l'ouverture ». Elle devrait aboutir d'ici à la fin de l'année afin de faire un point sur la situation, les risques et les avantages.
Dans la foulée de ce discours, Bpifrance annonce « 50 millions d’euros pour accélérer l’amorçage de startups spécialisées dans l’Intelligence Artificielle Générative ». La cible principale seront les « innovations émergentes capables de bouleverser les industries existantes ». Les moyens seront proposés « aux toutes premières phases de financement », ce qui permet à la France et à l'Europe de garder davantage la main par rapport à des investisseurs américains par exemple. C'était un des reproches fait au président hier à VivaTech : les investissements arrivaient tard dans la vie des start-ups, laissant le temps aux fonds étranger de venir la vampiriser.
Toujours sur les investissements, un fonds Tibi 2 arrive : « on a sécurisé 7 milliards d'euros auprès des fonds institutionnels, ce qui devrait nous permettre de mobiliser au moins 35 ou 40 milliards. En particulier, des fonds Tibi 2 dans la DeepTech et l'énergie, comme on a fait avec le Tibi 1 dans le healthcare », précise Emmanuel Macron.
« On a besoin d'une régulation », mais pas n'importe comment
La question de la régulation est évidemment arrivée sur le tapis. Pour Emmanuel Macron, « le pire des scénarios, c'est une Europe qui investirait beaucoup moins que les États-Unis ou les Chinois, qui n'arriverait pas à créer de grands champions, mais qui déciderait de commencer par la régulation. Ce scénario est possible [...] ce n'est pas celui que je soutiendrai. Un autre scénario, serait de dire [...] on ne régule pas. Ce scénario serait aussi mauvais [...] On a besoin d'une régulation ».
Le président de la république en rajoute une couche : « Le rythme de régulation qu'on a eu Europe n'est pas adapté. On est trop en retard en termes d’innovation et on régule trop lentement pour pouvoir avoir quelque chose de pertinent. Au moment où on va le sortir, on aura régulé sur des présupposés et des connaissances qui sont quasi déjà obsolètes ».
Hasard ou pas du calendrier, le Parlement européen vient d'adopter une loi sur l'intelligence artificielle, une première. Le dialogue avec le Conseil peut désormais débuter. Les officiels veulent aller vite, mais il faut que cette réglementation soit ensuite transposée en loi par les États membres avant d'être appliquée.
Vous prendrez bien un peu de métavers
À la fin de son intervention, le président revient sur un des buzzwords du moment : le métavers. « On va lancer un appel à projet [...], ça fait partie de France 2030, pour la culture immersive et le métavers, qui va permettre d'investir 200 millions d'euros. 150 millions d'euros sur les pratiques de culture immersive et de métavers, 50 millions d'euros pour les briques technologiques ».
Facebook s'y est jeté corps et âme pendant un temps avant d'en revenir, mais Apple a remis une pièce dans la machine avec son casque de réalité mixte. Difficile pour le moment de prévoir ce qu'il restera de tout cela dans les prochaines années. Le métavers va-t-il finir du côté des smartphones qui ont révolutionné (et modifié) dans la durée notre manière de vivre ou du côté des télévisions 3D qui ont... non rien.
Dans tous les cas, Emmanuel Macron ne veut pas laisser le train partir sans avoir au moins un pied dedans, et probablement ajuster la position de la France par la suite si besoin.
- Apple Vision Pro : la réalité mixte finira-t-elle par décoller ?
- WWDC 2023 : Vision Pro, la réalité mixte aboutie d'Apple au prix fort
Supercalculateurs (exascale), IA, régulation, métavers : Emmanuel Macron tire tous azimuts à VivaTech
-
Il faut renforcer la formation... une redite de 2018 et 2021
-
Les performances de Jean Zay vont quadrupler
-
500 millions pour un supercalculateur exascale en France
-
Open source, BDD en langues françaises, fond Tibi 2...
-
« On a besoin d'une régulation », mais pas n'importe comment
-
Vous prendrez bien un peu de métavers
Commentaires (21)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 15/06/2023 à 06h20
J’aurais bien commenté, mais je risque de me faire ban
Le 15/06/2023 à 06h30
C’est bien beau de vouloir, il faut savoir garder.
Parce que financer des “startup” pour qu’elles soient revendu plus tard au État Unis c’est nul.
Le 15/06/2023 à 07h14
Merci pour cet article très intéressant.
Il y a cependant quelques inexactitudes concernant le supercalculateur de l’Institut du développement et des ressources en informatique scientifique (IDRIS) du CNRS.
Le supercalculateur Jean Zay est composé de 3 tranches. Seules les performances de la première tranche ont été publiées dans le classement des 500 supercalculateurs les puissants (TOP500). La puissance théorique maximale de l’ensemble est d’actuellement 36,86 PFLOPs http://www.idris.fr/annonces/extension-jean-zay-2022.html. Si les trois partitions pouvaient être exploitées dans le même test de performance (en pratique compliqué car matériel différent), le supercalculateur serait déjà mieux classé que PANGEA III et se situerait dans les 30 premières machines de la liste.
Le 15/06/2023 à 07h29
Le Top500 est déclaratif et il ne comprend que la face visible de l’iceberg des clusters de calcul, ça n’a pas vraiment de sens de certifier l’ensemble.
Et un linpack sur de l’hardware différents avec potentiellement des moi différents cela n’est pas jouable.
Le 15/06/2023 à 08h08
Exactement, le TOP500 est loin d’être exhaustif. Aussi, un Linpack (HPL) sur du matériel différent (partitions différentes) n’est est pratique jamais réalisé pour diverses raisons techniques et pratiques.
Ici mon point concerne davantage la puissance maximale actuelle du supercalculateur. Il y a une grande différence entre multiplier par quatre la performance crête en partant de 7,35 PFLOPs vs 36,86 PLFOPs (ce qui potentiellement amènerait Jean Zay devant Adastra en termes de performance crête mais aussi Linpack, rien que sur sur cette 4e extension).
Le 15/06/2023 à 09h25
Merci du signalement, j’ai modifié la partie du Jean Zay pour parler des autres partitions
Le 15/06/2023 à 08h41
Tout à fait, investir des sommes + ou - folles c’est bien, payer correctement les doctorants et autres “têtes” qui bosseront dedans avec du bon matériel et pas du truc qui date des années 2000 c’est mieux
Le 15/06/2023 à 09h17
Tout à fait :
Le 15/06/2023 à 11h18
On peut éviter l’anglicanisme de la part nos dirigeants, SVP
On n’est pas au bingo loto🤬
Le 15/06/2023 à 16h53
Qu’est -ce que les religieux viennent faire là ?
Le 15/06/2023 à 20h44
Ils ont converti mon correcteur d’orthographe.
Je voulais dire anglicisme
Le 16/06/2023 à 09h33
Les chinois du FBI
La conversion c’est très à la mode dans les religions, de tous temps.
Le 15/06/2023 à 11h27
Pour le coup je trouve l’intervention de Macron pertinente sur la régulation. Il faut savoir dresser un cadre qui ne soit pas trop contraignant pour éviter de se retrouver largués une nouvelle fois tout en évitant que ce soit le far-west avec tous les risques que ça peut engendrer.
C’est là un exercice extrêmement difficile.
Le 15/06/2023 à 11h36
Nous on a déjà Jupiter en France.
Le 15/06/2023 à 12h24
à virgule flottante ?
Le 15/06/2023 à 13h57
très flottante oui,
avec toutes les promesses qu’il fait à chaque sortie où sont collés des journaleux, il va en falloir des milliards, mis bon les finances sont tranquilles, ça ne reste que des mots en l’air, ou alors on va attendre que l’europe distribue à la place.
Le 15/06/2023 à 18h24
C’est compliqué techniquement et le Top 500 n’autorise à ma connaissance pas les exécutions hybrides exploitant une partition CPU et une partition GPU.
A priori c’est bien x4 par rapport à la puissance actuelle, à voir en pratique.
Le 16/06/2023 à 12h12
A propos de Vivatech, qui a eu la curiosité de consulter leurs pages Data Privacy ?
On y voit qu’il n’est pas possible de participer à Vivatech sans autoriser à ce que vos données soient transmises aux “partenaires”, qu’elles seront transmises en dehors de l’UE, qu’elles seront conservées cinq ans, …
L’adresse [email protected] que j’ai interpellée sur ce sujet ne m’a jamais répondu.
Y’avait pas un truc qui s’appelle le RGPD et qui s’applique aussi à eux ?
Le 16/06/2023 à 16h14
Soumets la plainte à la CNIL dans ce cas avec la demande que tu as adressée au DPO. La non réponse de ce dernier dans le délai d’un mois est le point d’entrée.
Le 20/06/2023 à 08h31
vous 2
Le 20/06/2023 à 08h32
Le but de pas mal de startup c’est de se faire racheter. Ensuite, que ce soit par une boîte française ou étrangère, européenne ou américaine, quelle importance ? Ça rapporte de l’argent au pays dans tous les cas.