Deux experts de l’ONU épinglent la France et sa future loi antiterroriste
Sécurité, égalité, fraternité
Le 29 septembre 2017 à 13h59
4 min
Droit
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« Deux experts des droits de l’homme de l'ONU exhortent la France à mettre son projet de loi antiterroriste en conformité avec ses obligations internationales en matière de droits de l’homme ». Voilà le titre peu diplomatique qu'on peut lire sur le site du haut-commissariat aux droits de l’Homme de l'ONU.
La France a pris plusieurs engagements internationaux destinés à garantir les droits fondamentaux. Voilà pourquoi, lorsque fut déclaré l’état d’urgence après les attentats du Bataclan, elle avait pris soin d’activer une clause du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
De manière exceptionnelle, elle s'autorisait alors à prendre plusieurs mesures attentatoires aux garanties inscrites dans ce document. Ainsi, depuis fin 2015, les garanties suivantes ne sont plus assurées par le texte signé par Paris : la prohibition des détentions arbitraires (article 9), la liberté de circulation (12) ou encore celle qui interdit les « immixtions arbitraires ou illégales » dans la vie privée des personnes (17).
Alors que la France s’apprête à sortir de l’état d’urgence le 1er novembre, des experts des Nations Unies sont visiblement tombés de leur chaise à la lecture du projet de loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.
Fionnuala Ní Aoláin, rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la protection des droits de l'homme dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, et Michel Forst, rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’homme, pointent leurs accusations sur le projet de loi contre le terrorisme, actuellement débattu par les parlementaires.
Une normalisation de l'état d'urgence dans le droit commun
Dans un communiqué, ils dénoncent une « normalisation des pouvoirs octroyés par l'état d'urgence » et anticipent déjà « de graves conséquences pour l'intégrité de la protection des droits en France, bien au-delà de la lutte contre le terrorisme ». Des critiques qu'on retrouve déjà dans celles qui furent adressées à la loi Renseignement.
« Alors que la France renforce sa lutte contre le terrorisme, le projet de loi comprend un certain nombre de mesures de sécurité qui intégreront dans le droit commun plusieurs des restrictions aux libertés civiles actuellement en vigueur dans le cadre de l'état d'urgence en France » ajoute la rapporteuse.
Voilà un texte qui « formule des définitions vagues du terrorisme et des menaces pour la sécurité nationale, ce qui exacerbe les craintes que les pouvoirs d’urgence puissent être utilisés de manière arbitraire ». Un texte qui au surplus « met fin à l'état d'urgence officiellement le 1er novembre, après près de deux ans, mais le remplace immédiatement par un certain nombre de mesures qui inscrivent des pratiques d'urgence exceptionnelles en droit pénal et administratif ».
Aucune carte blanche permettant d'ignorer les engagements internationaux
Le projet de loi, ajoute cette experte, « réduit le contrôle judiciaire sur l'exercice des pouvoirs accrus du préfet, ainsi que le droit d'appel pour les mesures limitant le lieu de domicile et pour la fermeture des lieux de culte », etc.
Dans un courrier adressé à l’exécutif français, elle dénonce les risques prévisibles quant à « l’exercice du droit à la liberté et à la sécurité personnelle, du droit d'accès à la justice, à la liberté de circulation, la liberté de réunion et d'association pacifiques, la liberté d'expression et la liberté de religion ou de conviction ». Rien de moins.
La dérogation au Pacte initiée en décembre 2015, rappelle-t-elle, « ne donne pas une carte blanche permettant d’ignorer l’ensemble des exigences de ces conventions ». Elle considère que « les pouvoirs exceptionnels ne sont pas censés devenir permanents, ce qui constituerait une atteinte grave à la pleine jouissance des droits de l'homme par tous les citoyens, et risquerait de saper l'esprit même de l’État de droit ».
Elle dézingue ainsi les pouvoirs accrus de l’autorité administrative, sans que les garanties judiciaires suffisantes ne soient inscrites dans le marbre du texte…
Selon nos informations, la France n'a toujours pas répondu aux deux rapporteurs. Le projet de loi est actuellement ausculté à l'Assemblée nationale après avoir été adopté par les sénateurs.
Pas sûr que les deux experts apprécient les différentes extensions sécuritaires votées cette semaine à l'encontre des personnes au comportement suspect, s'agissant en particulier des perquisitions et de l'obligation de remettre leurs identifiants.
Deux experts de l’ONU épinglent la France et sa future loi antiterroriste
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Une normalisation de l'état d'urgence dans le droit commun
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Aucune carte blanche permettant d'ignorer les engagements internationaux
Commentaires (20)
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Abonnez-vousLe 29/09/2017 à 14h07
Mon petit doigt me dit que le gouvernement, d’un ton dédaigneux, dira : “mais qui sont ces cloportes ?”, puis continuera sa dérive vers la démocrature sans ciller…
Le 29/09/2017 à 14h10
Le 29/09/2017 à 14h15
Anéfé rejeté
Le 29/09/2017 à 14h19
Michel Forst était invité du 13 h sur France Inter hier et c’était assez saignant.
Il expliquait entre autre que la France vue par beaucoup comme patrie des droits de l’homme et donc prise comme modèle ou justification se devait d’être particulièrement irréprochable.
Le 29/09/2017 à 14h31
Le 29/09/2017 à 14h54
La Corée du Nord est aussi une démocratie, la preuve le peuple vote !
Le 29/09/2017 à 15h06
Pourquoi s’inquiéter de tout cela ?
Après tout si on n’a rien à se reprocher on ne risque rien. Ce sont même eux qui nous l’assurent.
Si ça permet de combattre le terrorisme plus efficacement et d’assurer notre sécurité… des libertés en moins et des droits légèrement bafoués est un moindre mal, non ?
Là je pense qu’on peut pleinement dire que l’on vire à une société Orwellienne si même l’ONU s’y met…
Après ce n’est pas comme si l’ONU avait, malheureusement, un quelconque poids pour faire pencher la balance. Le gouvernement va juste leur rire au nez et sortir tout un tas de bons prétextes comme ils le font depuis près de 3 ans.
Le 29/09/2017 à 15h17
Le 29/09/2017 à 15h51
Même si la loi est censurée en fin de parcours, le fait est qu’on est allé très loin dans la direction du totalitarisme. Nos élus, qu’ils soient au gouvernement, au parlement ou au sénat ont désigné l’ennemi: les citoyens.
Avec un pouvoir exécutif que se veut juge et partie et pouvoir sanctionner sans réel recours légal le citoyen sans avoir vraiment de comptes à rendre dans une procédure à sens unique renforcée par un renversement de la charge de la preuve type ‘prouvez nous que vous n’êtes pas dangereux et on réfléchira à cesser de piétiner vos droits’ .
Cette loi sera certainement très pratique pour mettre des syndicalistes en résidence surveillée dans les prochains mois.
Un conseil pour les militants de tout poils, les journalistes, les avocats, les travailleurs du secteur social et de l’aide au citoyen … : considérez dès à présent que vous vivez en dictature, chiffrez vos données, réduisez votre surface d’exposition pour que les mesures infâmes votées ici ne puissent être utilisées contre vous ou ceux que vous défendez. Ne vous rendez pas complices malgré-vous, ne vous retrouvez pas devant le fait accompli.
Le 29/09/2017 à 16h32
Pour moi juste une manière de parodier ceux qui prétendent que la démocratie se résume au vote, cf. le sinistre Manuel Valls. L’impôt est à la base de la démocratie, au passage…
Le 29/09/2017 à 16h42
L’UMPS est train de mettre en place ce qu’ils dénoncent chez le FN, bientôt TRAVAIL, FAMILLE, PATRIE sur le mur des mairies " />
Le 29/09/2017 à 17h19
Comme d’autres l’ont fait en leur temps de l’autre côté du Rhin… Et on sait ce que ça a donné…
Le 29/09/2017 à 17h56
Pas besoin d’attendre des mois : ça été utilisé lors de la COP21 pour mémoire …
Le 29/09/2017 à 17h57
@tiret, quand tu dis que l’impôt est à la base de la démocratie, comment faire pour protester contre les dérives via ce biais ? Je me vois mal refuser de payer mes impôts… Et comment faire puisque voter semble également ne plus vraiment faire de différence ?
Je me désole semaines après semaines, plus le temps passe et plus je voudrais pouvoir agir, mais que peut-on encore faire d’INpactant..?
Le 30/09/2017 à 09h01
…patrie des droits de l’homme ….
oui…mais ça c’était AVANT !!!! " />
Le 30/09/2017 à 10h21
Le 30/09/2017 à 10h23
Le 02/10/2017 à 03h44
Oui, mais d’un autre côté un système représentatif ne l’est plus dès lors qu’on ne file au peuple que des candidats dont il ne veut pas. Et résumer la démocratie au vote est bien trop court étant donné que sans débat celui-ci n’a souvent que peu de sens. Et il faut que tous les citoyens puissent participer au débat.
Le 02/10/2017 à 07h35
Le 02/10/2017 à 10h59
Je ne vois pas d’exagération de ma part.
Aussi, ce n’est pas la seule loi du genre de ces dernier smois/années… ça s’empile, ça continue de s’empiler. Consciemment ou inconsciemment, la trajectoire se précise et personne ne fait marche-arrière, personne pour cesser l’escalade et réfléchir un peu à ce qu’on est occupés à perdre. A ce point c’est à se poser la question si c’est une attaque volontaire.