Le gouvernement veut un délit de « cyber-harcèlement groupé »
Principe de l'égalité
Le 12 mars 2018 à 13h00
5 min
Droit
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Marlène Schiappa, la secrétaire d’État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, a annoncé que le gouvernement souhaitait introduire un nouveau délit de « cyber-harcèlement groupé », afin de lutter contre les effets de meute. Actuellement au Conseil d’État, le texte pourrait être présenté dès la semaine prochaine.
La dernière loi sur l’égalité femmes-hommes, qui remonte à 2014, avait déjà conduit le Parlement à légiférer sur la question du cyber-harcèlement. Ce dernier prend généralement de très nombreuses formes : insultes et humiliations sur les réseaux sociaux, menaces répétées par SMS, usurpation d’identité numérique, etc.
Dorénavant, « le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale » est passible de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende – dès lors que cette infraction est commise par le biais « d’un service de communication au public en ligne », tel qu’Internet (article 222-33-2-2 du Code pénal).
La sanction encourue peut même atteindre trois ans de prison et 45 000 euros d’amende si la victime est un mineur de 15 ans, une personne vulnérable (âgée, handicapée, etc.) ou subit une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours.
La « nouveauté » du projet de loi porté par Marlène Schiappa, dixit l’intéressée, « c’est que même si vous n’avez participé à du cyber-harcèlement qu’avec quelques tweets, ou quelques messages sur des forums, vous pourrez être condamné ».
Sévir contre les « effets de meute »
La secrétaire d’État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes a expliqué à 20Minutes que l’exécutif voulait sévir contre les « raids », « par exemple quand 200 internautes s’acharnent sur une même personne. C’est ce qui est arrivé à Henda Ayari, à l’ancienne actrice Nikita Belluci qui m’avait interpellée sur Twitter, ou à la journaliste Nadia Daam. Or le cyber-harcèlement provenant de multiples auteurs peut avoir des conséquences très graves pour la victime. »
Ces dispositions, qui seraient « actuellement en lecture au Conseil d’État », devraient être codifiées à l’article 4 du projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes. Un texte attendu pour le 21 mars en Conseil des ministres.
La secrétaire d’État n’a cependant pas évoqué les peines qui seraient encourues par les contrevenants. Pour l’heure, les éléments constitutifs du délit restent d’autre part extrêmement flous, Marlène Schiappa ayant simplement indiqué que la détermination de ce phénomène de groupe serait « laissé à l’appréciation du juge ».
« Comme pour l’outrage sexiste, l’inscription dans la loi de ce délit aura une valeur symbolique, a enfin souligné la militante féministe. À partir du moment où quelqu’un aura été condamné pour avoir cyber-harcelé une personne, en meute, cela aura valeur d’exemple. »
Une proposition émanant du HCE
Le caractère récent de cette annonce et les éléments de langage utilisés par Marlène Schiappa laissent néanmoins à penser que l’exécutif s’est inspiré du rapport qui lui a été remis début février par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE). L’institution plaidait notamment pour une extension des différents délits de harcèlement aux « raids » :
« Le droit actuel prévoit que le harcèlement est constitué lorsque les propos ou les comportements sont répétés par une même personne (...). Le HCE propose d’adapter la définition en prévoyant que la répétition puisse résulter de l’action unique mais concertée de plusieurs personnes. »
Le Haut conseil a d’ailleurs fourni des dispositions « clés en main » au gouvernement. Il était ainsi préconisé d’ajouter, dans le Code pénal, que « L’infraction [notamment de cyber-harcèlement, ndlr] est également constituée lorsque ces propos ou comportements sont commis de manière concertée par plusieurs personnes à l’encontre d’une même victime, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée. »
Projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles 👉🏾
✅ art. 4: permettre de condamner tout participant à un « raid numérique » ou cyber harcèlement groupé (réseaux sociaux, mails, forums...) sans se déresponsabiliser derrière le nombre
Cc @HCEfhhttps://t.co/8vZ23gW0VG pic.twitter.com/9h4rHbSRmJ— MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) 9 mars 2018
Certains se souviendront enfin qu’en 2014, au travers d’un rapport remis sur demande du gouvernement, le procureur Marc Robert avait prévenu les pouvoirs publics que l’introduction d’un nouveau délit de cyber-harcèlement ne relevait pas d’une « évidente nécessité eu égard aux incriminations déjà existantes, notamment en matière de violences ».
L’intéressé avait alors invité les pouvoirs publics à orienter leurs efforts vers la prévention et la pédagogie, tout particulièrement en milieu scolaire.
Le gouvernement veut un délit de « cyber-harcèlement groupé »
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Sévir contre les « effets de meute »
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Une proposition émanant du HCE
Commentaires (57)
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Abonnez-vousLe 12/03/2018 à 13h18
Plutôt que pondre encore une loi complète avec des articles inutiles en retombant dans le travers “un fait divers = une loi longue comme un jour sans pain”, ne suffisait-il pas de rajouter une circonstance aggravante “en réunion”, comme cela se fait pour d’autres crimes et délits ?
Le 12/03/2018 à 13h19
“L’infraction est également constituée lorsque ces propos ou comportements sont commis de manière concertée par plusieurs personnes à l’encontre d’une même victime, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée.”
Une sorte de reverse class-action.
Le 12/03/2018 à 13h20
l’inscription dans la loi de ce délit aura une valeur symbolique,
Dans mon imagination, la loi avait pour but d’être appliquée, pas d’être symbolique…
Le 12/03/2018 à 13h20
Tout ce qui est incompatible avec une justice de qualité dans une seule phrase :
Sans oublier que c’est plus grave sur internet d’après ce projet de loi (mais pourquoi ?).
Alors adapter la loi de manière à couvrir le “harcèlement distribué” (dans le sens comme le DDoS), c’est bien.
Faire des textes en plus en disant qu’on sait déjà qu’ils ne serviront à rien, c’est mal. On adapte le dispositif de harcèlement, on ne le rend pas compliqué à utiliser pour les juges !
Je ne comprends pas pourquoi ce serait plus grave que je reçoive 200 message haineux de 200 personnes sur internet plutôt que 200 lettres de la part de 200 personnes dans ma boite à lettres !
Pourquoi cibler un moyen de communication dans la loi, c’est aberrant, seule la volonté de nuire et la teneur des propos doivent entrer en compte.
D’autant plus que pour beaucoup, le harcèlement visible sur internet commence dans la cour du collège ou du lycée, c’est ancrer dans la loi que c’est moins grave là bas que sur internet.
Le 12/03/2018 à 13h35
Scoop: le gouvernement vient de découvrir qu’on dit pas en groupe mais en réunion, et que du coup il suffit de copier/coller l’alinéa 5 de l’article 222-33 du CP qui vise précisément “le groupe” comme y disent mais pour le harcèlement sexuel (étant précisé qu’il suffit d’être responsable de l’un des éléments constitutifs de l’infraction pour être condamné).
Demain, le gouvernement embauche un étudiant en deuxième année de droit.
Le 12/03/2018 à 13h36
Le 12/03/2018 à 13h50
Le 12/03/2018 à 13h52
Le 12/03/2018 à 13h54
Le 12/03/2018 à 13h57
Le 12/03/2018 à 14h19
Le 12/03/2018 à 14h27
L’intéressé avait alors invité les pouvoirs publics à orienter leurs
efforts vers la prévention et la pédagogie, tout particulièrement en
milieu scolaire.
Enfin, faudrait surtout que les pouvoirs publics s’orientent à appliquer de façon effective la loi.
C’est bien beau de cumuler les textes, s’ils ne sont que symboliques, ça ne changera rien.
Par contre, si à chaque insulte, c’est une sanction, les harceleurs vont vite arrêter de faire les cons.
Le 12/03/2018 à 14h38
Le 12/03/2018 à 14h44
Bon, l’autre détail, c’est que c’est fait en public. Et c’est généralement le plus difficile à supporter.
C’est une étrange pratique que de harceler en public en espérant que d’autres se joignent à toi pour harceler encore plus la personne.
Les voies des millenials sont impénétrables ?
Le 12/03/2018 à 14h52
Ce qui veut dire qu’au lieu de débattre de lois symboliques à chaque fois, ils devraient débattre d’effectifs de police, de personnel judiciaire ou autres personnes utiles pour faire respecter la loi et aider les victimes.
C’est comme souvent : on a à peu près tout l’arsenal légal, on fait une nouvelle loi, avec des peines améliorées et inapplicables qui devraient faire peur aux méchantes personnes. On rend le droit tout pourri et illisible quand ce dont on a besoin, c’est de plus de moyens pour la justice.
Faire du droit compliqué et de mauvaise qualité, c’est réduire la proportion de temps utile de tout le personnel judiciaire, c’est aussi faire en sorte que les criminels soient libérés pour des bêtises de procédure et d’oubli d’une virgule dans le nouveau texte de loi pourri.
Voilà, je ne les félicite pas, ils brassent de l’air autour d’une seule modification utile de la loi, qui risque elle-même de finir noyée dans l’océan d’inutilité symbolique et exemplaire !
Le 12/03/2018 à 14h54
Le 12/03/2018 à 14h54
Le 12/03/2018 à 14h58
S’ils ont trouvé le moyen d’enlever de la lourdeur aux procédures…
Mais je ne vois pas par quel miracle !
Le 12/03/2018 à 15h01
Le 12/03/2018 à 15h06
De plus, si le projet de loi reprend tel quel le texte proposé par le HCE, les débats dans les prétoires achopperont sur la démonstration du caractère “concerté” des actions de harcèlement. L’utilisation d’une messagerie cryptée permettrait-elle d’échapper à l’entrée en voie de condamnation ?
Le 12/03/2018 à 15h06
Le 12/03/2018 à 15h07
Le 12/03/2018 à 15h26
Le 12/03/2018 à 15h28
Le 12/03/2018 à 15h28
Le 12/03/2018 à 15h31
Le 12/03/2018 à 15h35
Le 12/03/2018 à 16h05
Le 12/03/2018 à 16h28
et surtout c’est déjà le cas sur le harcèlement en réunion.
Le 12/03/2018 à 17h12
Le 12/03/2018 à 17h25
Le 12/03/2018 à 17h26
Le 12/03/2018 à 17h31
Ah mais je suis d’accord sur le point soulevé par toi et d’autres, sur l’aspect aggravant de “en réunion” qui existe déjà.
PS : j’ai dit “Web” au lieu de “Net” car c’est le vecteur super majoritaire de nos jours, en particulier Twitter puisqu’en général les tweets sont publics.
Le 12/03/2018 à 18h09
Le 12/03/2018 à 18h12
N’oublie pas les vendeurs de fausses barbes pour que les femmes puissent assister aux lapidations.
Le 12/03/2018 à 18h16
Le 12/03/2018 à 18h17
Le 12/03/2018 à 19h32
Le 12/03/2018 à 20h20
Ça me semble un poil dangereux cette histoire.
Qu’est-ce qui empêcherait un politicien (ou n’importe qui de connu) de porter plainte pour “harcèlement” après avoir tweeté une grosse connerie et s’être fait repris par plusieurs centaines de personnes ? Il suffirait juste qu’il démontre “l’altération de sa santé mentale ou physique” (Je sais pas trop comment ça se passe, mais ça devrait pas être trop compliqué de dire qu’on ne peut plus dormir à cause des réponses) et pouf, plus personne n’oserait le contredire…
Le 12/03/2018 à 20h30
Il faudrait aussi démonter la concertation ce qui est un peu plus difficile.
Édit : Mais ça n’empêche pas que cette idée de loi est pourrie.
Le 12/03/2018 à 22h12
Le 12/03/2018 à 22h27
Article 113-2. La loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République.
Quelle partie d’Internet est un territoire de la République ?
Le 13/03/2018 à 07h56
Le 13/03/2018 à 08h34
Le 13/03/2018 à 09h13
Le 13/03/2018 à 09h34
Le 13/03/2018 à 09h44
Le 13/03/2018 à 10h02
Le 13/03/2018 à 10h49
Le 13/03/2018 à 11h27
Le 13/03/2018 à 13h17
Je rajouterai à cela toute la problematique des sites tiers. Je vais sur un site français. Je pense me rendre sur un site français où s’applique donc la loi française. Sauf qu’il y a des connexions à des sites tiers dont certains ne sont pas soumis à législation française mais à la législation d’un autre pays et ces sites tiers récupèrent des données sur moi et qui sont soumis à la loi d’autres pays sauf que je n’ai jamais voulu me connecter de manière volontaire à ces sites, j’y ai été contraint, pas par la menace, soit, mais sans que j’aies été consulté, sans mon accord. La loi est-elle toujours applicable dans ce cas-là sans que je n’aies eu la possibilité d’appliquer mon libre arbitre et de choisir de me connecter ou non à ces sites? (Je pense, en disant ça, au Patriot Act notamment : en naviguant sans protection, on se connecte à des centaines des trackers qui génèrent des données sur nous et qui sont stockées pour certaines aux Etats-Unis où les autorités peuvent accéder à ces données) C’est une véritable question, n’ayant pas une formation de juriste, je ne saurais y répondre.
Le 13/03/2018 à 13h41
Le 13/03/2018 à 13h45
concernant les données aux US, celles-ci sont en théorie considérées comme protégées de façon équivalente à l’UE par le mécanisme de Safe Harbor.
En théorie." />
Le 13/03/2018 à 14h00
Maintenant il s’appelle privacy shield, le safe harbor est tombé " />
Le 13/03/2018 à 14h17
Et on ne sait pas encore comment s’appellera le suivant quand celui-ci tombera. " />
Le 13/03/2018 à 15h32
Je conseille à Marlène et Marine de porter plainte préventivement.
Tant de votes négatifs, ça ne peut être que du harcèlement.
(Oui, cette loi est stupide, et pourrait être détournée dans tous les sens " />)
Le 14/03/2018 à 11h01
“sans mon accord” et “sans que j’aies été consulté” n’est pas forcément vrai.
Tu as lu les dizaines de pages des mentions légales / cgv / règles / chartes avant d’aller voir ta vidéo de chaton de 10 secondes ? " />