L’Europe est déjà à la traîne sur ses objectifs de la décennie numérique : « nous devons redoubler d’efforts »
Voire quadrupler d’effort
Le 02 octobre 2023 à 07h07
7 min
Internet
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Le premier rapport sur l’état de la Décennie numérique de l’Union européenne montre une grosse différence entre les objectifs et les tendances actuelles sur plusieurs grands axes de développement : le déploiement des infrastructures, la numérisation des entreprises, les compétences humaines, etc. Maintenant que le constat est posé – avec des recommandations –, la Commission attend les feuilles de route nationales des États membres pour voir les mesures prises.
En guise d’introduction, citons Věra Jourová, vice-présidente et commissaire européenne chargée des valeurs et de la transparence : « La trajectoire vers la pleine réalisation des objectifs de la décennie numérique est encore longue. Le moment est venu de prendre toutes les mesures nécessaires pour combler le fossé et faire en sorte que la transition numérique complète soit achevée d’ici à 2030, sans laisser personne de côté ».
L’Europe à la traine sur la 5G et le FTTH (mais pas la France)
Le premier constat concerne les infrastructures numériques, véritables artères d’internet et des services numériques. Le bilan est amer pour la Commission : « les réseaux en fibre optique […] n'atteignent que 56 % des ménages, tandis que la couverture 5G représente 81 % de la population, proportion qui tombe à 51 % dans les zones rurales ».
Que ce soit sur les réseaux fixes ou mobiles, la France est largement au-dessus de la moyenne européenne. Sur la couverture FTTH par exemple, 82,7 % de locaux éligibles à la fibre optique de bout en bout dans l’Hexagone… mais on sent que les derniers pourcents seront difficiles à atteindre, même si arriver à 100 % ne sera jamais atteint (on ne l’atteint actuellement avec aucun réseau).
Dans les régions rurales de l'UE, la situation est inquiétante : « 9 % des ménages ne disposent d'aucune couverture de réseau fixe et 55 % ne sont desservis par aucun réseau fixe à très haute capacité ». En France, les RIP (réseaux d'initiative publique) permettent de donner un coup de boost dans les zones les moins intéressantes pour les opérateurs privés.
- FTTH : des déploiements toujours au ralenti, qui « confirment l'échec annoncé du 100% FTTH en 2025 »
Toujours selon le rapport, « des investissements supplémentaires d'au moins 200 milliards d'euros sont nécessaires pour garantir une couverture en gigabit totale dans l'ensemble de l'UE ainsi que la couverture 5G dans toutes les zones peuplées ». Chaque État membre est appelé à faire le point sur sa situation, puis à agir en conséquence.
Le Chips Act pour « sauver » les semi-conducteurs ?
La Commission passe rapidement sur la question des semi-conducteurs, alors qu’il y a de très fortes attentes : « L'objectif actuel pour 2030 est que l'UE double sa part dans la valeur de la production mondiale de semi-conducteurs de pointe, passant de 10 % à 20 % de part de marché mondiale en valeur »… mais dans un marché qui va doubler en volume sur le même temps, cela nécessite de quadrupler la production.
Le plan d’action repose sur le Chips Act, qui est entré en vigueur le 21 septembre. Son but est de « développer un écosystème des semi-conducteurs prospère et des chaînes d'approvisionnement résilientes ». Il vise cinq objectifs :
- « renforcer la recherche et le leadership technologique ;
- développer et renforcer la capacité de l’Europe à innover dans la conception, la fabrication et le conditionnement de puces avancées ;
- mettre en place un cadre adéquat pour augmenter la production d’ici 2030 ;
- remédier à la pénurie de compétences et attirer de nouveaux talents ;
- développer une compréhension approfondie des chaînes d’approvisionnement mondiales de semi-conducteurs ».
De belles paroles, dont on attend encore des actes concrets afin d’avancer sur le sujet. C’est d’autant plus important que les États-Unis et la Chine se livrent une guère féroce sur le sujet, avec l’Europe pris entre les deux. Chacun y va de ses restrictions et autres taxes à l’exportation/importation. Aux Pays-Bas, c’est par exemple le cas pour ASML.
- Semi-conducteurs : pour des raisons de « sécurité » les Pays-Bas vont limiter leurs exportations
- « Guerre » des semi-conducteurs et matériaux critiques : la Chine restreint les exportations, Bruxelles s'inquiète (nextinpact.com)
Cloud, IA, bigdata des entreprises : les comptes sont pas bons
La Commission a en outre fixé comme objectif qu’au moins 75 % des entreprises de l’UE utiliseront des services clouds (informatique en nuage), big data (données massives) et/ou d’intelligence artificielle en 2030.
Or, on est très loin du compte : « S'agissant de la cible en matière d'intelligence artificielle (IA), les données les plus récentes, qui datent de 2021, montrent que seules 8 % des entreprises de l'UE, soit à peine une sur dix, ont adopté une technologie de l'IA », peut-on lire dans la foire aux questions. On est à 14 % sur le bigdata et 34 % sur le cloud.
Les prévisions pour 2030 (avec les actions et les investissements actuels) sont très loin des objectifs fixés de 75 % pour chaque catégorie : seules 66 % des entreprises utiliseront le cloud, 34 % le big data et 20 % l'IA.
La Commission souhaite également que plus de 90 % des PME atteignent « au moins un niveau élémentaire d'intensité numérique », contre 69 % actuellement, « avec des progrès inégaux et insuffisants d'un État membre à l'autre ». Selon le rapport, il faut « sensibiliser aux avantages de la numérisation des entreprises, tout en promouvant et soutenant les pôles européens d'innovation numérique ». Il ne faut pas non plus oublier de parler du RGPD, des risques et de cybersécurité aux nouveaux venus.
En cas d’attaque, les conséquences peuvent être dramatiques (perte des fichiers, divulgation de données…) et certaines entreprises ne s’en relèvent pas. Les petites entreprises n’ont pas toujours les moyens, le temps et les connaissances pour bien se protéger. Ça tombe bien – d’une certaine manière –, ce mois d’octobre est le Mois européen de la cybersécurité, appelé Cybermoi/s en France.
Enfin, la Commission souhaite doubler le nombre de licornes (société dont la capitalisation dépasse le milliard d’euros). Sur ce point, l’Union européenne pourrait atteindre sa cible avant 2030, reconnait le rapport. L’Europe reste néanmoins loin de ses partenaires/concurrents : « début 2023, on comptait 249 licornes basées dans l'UE, contre 1 444 aux États-Unis et 330 en Chine ».
Le numérique de 16 à 74 ans
L’UE s'est en outre fixée pour objectif, d’ici à 2030, que 80 % des personnes de 16 à 74 ans aient des compétences numériques de base. Elle souhaite aussi atteindre 20 millions de spécialistes des TIC à la même échéance. Pour le moment, « 9,37 millions de spécialistes des TIC étaient en activité dans l'ensemble de l'UE en 2022 », avec un écart important entre les hommes et les femmes : « les femmes ne représentaient que 19 % de la main-d'œuvre totale des TIC ».
Là encore, les prévisions sont loin des objectifs si on prend en compte la progression actuelle : « 59 % seulement de la population maîtriseront au moins les compétences numériques de base, et que le nombre de spécialistes en TIC ne pourra pas dépasser 12 millions ». Le rapport souhaite donner la priorité à « une éducation et des compétences de qualité, et encourager la participation des femmes aux sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STIM) dès le plus jeune âge ».
« Redoubler d’effort »
Maintenant, la balle est dans le camp des États qui « décriront les mesures qu'ils comptent prendre pour atteindre les objectifs généraux et spécifiques dans leurs feuilles de route nationales qui doivent être publiées d'ici le 9 octobre ».
« Le message de notre premier rapport sur la décennie numérique est clair : nous devons redoubler d’efforts pour atteindre nos objectifs d’ici à 2030 ». explique le Commissaire Thierry Breton.
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« Redoubler d’effort »
Commentaires (14)
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Abonnez-vousLe 02/10/2023 à 08h10
Concernant le haut débit: tous les pays ne sont pas à la même enseigne. Certains sont très ruraux avec donc un travail à mener beaucoup plus long et couteux que pour d’autres pays.
C’est quoi une technologie de l’IA ? Sachant que derrière le terme IA on met tout et surtout n’importe quoi.
Pourquoi forcer les entreprises à aller sur le Cloud ? Cela n’a rien à avoir avec les compétences numériques: les TPE peuvent parfaitement travailler en local. De plus la souveraineté numérique du “cloud” étant à la traine en Europe, il faudrait d’abord se focaliser sur ce problème avant d’inciter un maximum d’entreprises de franchir le pas.
Pour les compétences informatiques, cela relève d’un doux rêve. A moins que par compétences informatiques ils parlent d’utiliser un téléphone dans ses fonctions basiques. Pour un ordinateur, je n’en parle même pas (demandez au SAV des constructeurs / revendeurs / fournisseurs d’accès)
Le 02/10/2023 à 08h16
Alors ça, ça me hérisse !
D’où une entreprise DEVRAIT utiliser des services Cloud ?
Qui sont, qui plus est dans la majorité des cas, d’origine non Européenne pour abriter, voire exposer, ses données les plus sensibles ?
Par ailleurs, je ne pense pas que la petite boite du coin se sente concernée par le big data et encore moins par l’intelligence artificielle pour vendre ses produits.
Si vraiment la commission et les états membres voulaient les promouvoir, ils devraient commencer à porter leur environnements vers les fournisseurs Européens plutôt que se jeter à corps perdu dans les offres Azure et AWS…
Le 02/10/2023 à 08h45
Avec des solutions souveraines ? On ne sent pas du tout le lobbyisme.
Quand je lis le paragraphe entier, je me dis que les commissaires Européens feraient bien de redescendre sur terre, en particulier dans les entreprises dont le CA est inférieur au million.
Le 02/10/2023 à 08h52
La Commission a en outre fixé comme objectif qu’au moins 75 % des entreprises de l’UE utiliseront des services clouds (informatique en nuage) made in UE, big data (données massives) et/ou d’intelligence artificielle en 2030.
Des services cloud en dehors d’Alibaba, d’Amazon, Google, Microsoft ?
Le 02/10/2023 à 09h15
Déjà que le cloud n’est pas forcément adapté à toutes les entreprises tech, j’ose même pas imaginer pour les autres secteurs, ajoutons à cela de l’IA et du Bigdata ?1 Ah oui et il faut aussi que ce big data soit conforme au RGPD. Quelle blague… Ce serait bien une politique cohérente et pas juste mettre bout à bout des mots tendance.
Le 02/10/2023 à 09h38
+1 c’est vraiment un boulot de bureaucrate qui veut du moderne et colle des mots à la mode dans son rapport
Le 02/10/2023 à 10h16
Totalement hors sujet mais au passage en parlant de Thierry Breton, personne n’a publié sur la cession actuel d’Atos.
Le 02/10/2023 à 12h12
+1
le torchon brûle de tout bois, pas comme si on l’avait vu venir
Le 02/10/2023 à 12h43
Comique ! Pousser des entreprises à aller vers le Cloud, quand ça commence à déchanter et que de grosses entreprises décident de laisser tomber.
Le 02/10/2023 à 13h38
+1, ça me paraît totalement débile et hors-sol comme « objectif ». Et encore pire quand ils parlent d’IA …
Le 02/10/2023 à 15h55
Le 03/10/2023 à 08h21
Thierry Breton, le gars qui a, grâce à ses compétences et ses manips court-termistes, coulé Atos en sortant avec des lauriers… promu Commissaire Européen du Marché Intérieur, rien que ça…
Magnifique monde.
Le 03/10/2023 à 20h04
Un des arguments de se diriger vers le Cloud, y compris pour les TPE serait de déléguer son infrastructure, ainsi de pouvoir être piloté par une personne non IT et donc de faire une économie d’une personne spécialisé dans l’IT.
Sur le court terme, la TPE s’y retrouve financièrement, mais sur le long terme, j’y crois pas trop. Les flux sortants / entrants sont facturés, on se retrouve emprisonnés.
D’un coté, je peux comprendre l’utilisation d’un cloud d’entreprise, cela évite d’avoir une salle des machines mais je trouve dommage cette perte de connaissance et d’après des surcouches compliqués.
Je reste persuadé que les GAFAM y sont pour quelques chose de la faible compétence informatique de manière générale.
Le vendeur de la FNAC :
De loin, j’ai pu entendre un vendeur de la FNAC conseiller MS Office à des utilisateurs ayant peu d’exigences, n’y connaissant peu en IT. Le vendeur conseillait de passer par la version en ligne pour ne pas payer.
Une fois les clients partis, je suis allé voir le vendeur et lui ai parlé d’une solution gratuite et complétement légale : LibreOffice. Il ne connaissait pas.
Le réparateur de téléphone de quartier
Mon téléphone tombant dans l’eau, je dois m’acheter rapidement un téléphone. Je l’achète dans une petite boutique de réparation. Je lui demande quel serait le téléphone le plus compatible avec LineageOS ou /e/. Il me réponds, je ne connais pas. Grosse surprise qu’un petit vendeur ne connaissent pas.
Et quand je vois ce type de commentaire sur Clubic, je me dis que les GAFAM sont très forts pour rendre dépendant les gens, et à se rendre dépendant eux même, et éviter toute prise de recul.
source : https://forum.clubic.com/t/commentaires-10-ans-de-mises-a-jour-materiaux-ecolos-reparabilite-la-riposte-de-google-sur-les-chromebook/478052/5?
Le 03/10/2023 à 21h15
Pas trop d’accord, le cloud c’est comme un VPS ou un serveur chez un presta. ça demande des compétences IT si on ne veut pas déja se retrouver à payer trop comme tu dis mais aussi pour sécuriser l’infrastructure.
Mettre tous sur le dos des Gafam est très pratique Microsoft ou google faisant tout pour enfermer l’utilisateur mais il y a aussi une très grosse responsabilité des décideurs au sein des entreprises et des utilisateurs.
Quant aux commentaires sur un office light je rappelle que Microsoft en a fournit plusieurs pendant des années et je ne parle même pas de la version éducation dans plusieurs pays.