Coup de rabot sur le registre numérique de lobbyistes : la gronde de députés LREM
Par l'opération du Saint-Esprit
Le 26 juin 2018 à 12h55
6 min
Droit
Droit
Dans ce qui ressemble à un ultime sursaut, quatre-vingts députés de la majorité vont tenter d’empêcher le Parlement d’exclure totalement les associations religieuses du registre numérique de lobbyistes. Une initiative qui suscite visiblement du « débat » au sein de La République en Marche.
« Au nom de la transparence de la vie publique, nous devons continuer de considérer [les associations cultuelles] comme des représentants d’intérêts », clament ces parlementaires LREM et Modem – parmi lesquels figurent quelques poids-lourds de la majorité : Laurianne Rossi, qui fait partie de la Questure de l’Assemblée nationale, Aurore Bergé... Mais aussi Paula Forteza.
L’opération sonne un peu comme un mea culpa, puisque la réforme a été validée en première lecture du projet de loi sur le droit à l’erreur, en janvier dernier, sans qu’aucun député n’en déplore le contenu lors des débats (en commission comme en séance publique).
Une dérogation totale votée sans aucun accroc en première lecture
À ce jour, les associations cultuelles (Église catholique, Témoins de Jéhovah, pour ne prendre que deux exemples parmi tant d’autres) ne sont tenues de s’inscrire en tant que représentants d’intérêts que lorsque leurs actions de lobbying ne concernent pas « leurs relations avec le ministre et les services ministériels chargés des cultes ».
Le gouvernement proposait d’exclure totalement ces associations du registre de lobbyistes tenu par la Haute autorité pour la transparence (HATVP). Mesure qui a passé le cap du Sénat, où les contestations ont cependant commencé.
Le 12 juin dernier, en commission spéciale, certains députés de la majorité ont commencé à faire part de leurs inquiétudes face à cette réforme. « Lorsqu’une association cultuelle vient nous voir pour nous expliquer, par exemple, qu’elle est opposée à la procréation médicalement assistée (PMA) – et c’est son droit –, elle tente d’influer sur la loi. Dès lors, cette association doit être considérée comme un représentant d’intérêt, au même titre que n’importe quel syndicat qui tenterait de nous convaincre que tel texte n’est pas bon », a notamment objecté Paul Molac (voir notre compte rendu).
Le rapporteur veut distinguer « représentants d'intérêts » et « représentants d'idées »
Le rapporteur, Stanislas Guérini, a alors rétorqué qu’il s’agissait de « distinguer les représentants d’intérêts et les représentants d’idées ». « Les associations cultuelles peuvent en effet chercher à influencer l’élaboration de la loi – et ce sera peut-être le cas lorsque nous examinerons le projet de loi bioéthique –, mais elles défendent des idées, ce en quoi elles se distinguent des représentants d’intérêts, qui tentent d’influencer le législateur pour en tirer un bénéfice financier. C’est pourquoi nous avons choisi de les exclure de la liste des représentants d’intérêts », s’est justifié l’élu LREM.
« Si [ces associations] représentent des idées, elles n’en sont pas moins des représentants d’intérêts, y compris financiers » tancent désormais certains parlementaires de la majorité au travers d’un amendement déposé à l’approche des débats en séance publique. « Elles ont pu, par exemple, défendre leurs intérêts sur la question des dons par SMS dans ce même projet de loi. Elles défendent alors un intérêt qui les concernent directement. »
Ces quatre-vingts députés font par ailleurs valoir que « la législation en vigueur est équilibrée ». Dès lors que certaines organisations religieuses ont « pour activité principale ou régulière d’influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire », elles « entrent donc pleinement dans la définition des représentants d’intérêts », insistent-ils.
Ce qui ne conduirait pas pour autant à « remettre en cause l’existence des associations cultuelles », soulignent les auteurs de l’amendement. Ces organisations continueraient simplement d’être « sur le même rang que les autres représentants d’intérêts ».
Débats au sein de la majorité
Avant même que cet amendement de suppression ne soit officiellement examiné (probablement demain ou jeudi), les discussions s’étaient amorcées en coulisses. Ainsi, Marianne citait avant-hier un post Facebook de Jean-Pierre Sakoun, président du Comité Laïcité République, selon lequel il y aurait des « pressions de la part de la direction du groupe LREM » pour que certains signataires de l’amendement se rétractent.
« Nous n'avons reçu aucune pression de la part de l'exécutif et démentons cette information », nous indique-t-on néanmoins dans l’entourage de Stéphanie Kerbarh, qui est à l’origine de cet amendement. « Le débat est ouvert au sein de notre majorité », a ajouté l’élue sur Twitter.
Ces quatre-vingts députés LREM et Modem devraient pouvoir compter sur le soutien des élus Nouvelle Gauche (PS) et La France Insoumise, qui ont également déposé des amendements visant à empêcher cette dérogation totale au profit des associations cultuelles. Laurence Trastour-Isnart (LR) pourrait également les rejoindre.
Les débats seront scrutés de près par l’association Transparency International, qui milite de longue date contre cette exclusion de principe des représentants des cultes. Les discussions en arrivent désormais à un point critique, puisqu'en lecture définitive, l’Assemblée réétudiera le texte qu'elle aura voté cette semaine. Les députés ne pourront alors introduire d’autres amendements que ceux adoptés d'ici là au Sénat (où la majorité de droite et du centre a déjà approuvé la réforme litigieuse).
Argument du rapporteur pour justifier que les Eglises ne doivent pas s'inscrire sur le registre du #lobbying ? Elles "défendent des idées et non des intérêts particuliers". Les associations laïques aussi, non ? Et pourtant elles s'inscrivent au registre... https://t.co/DIWBJuqCee
— Elsa Foucraut (@elsafouc) 26 juin 2018
Coup de rabot sur le registre numérique de lobbyistes : la gronde de députés LREM
-
Une dérogation totale votée sans aucun accroc en première lecture
-
Le rapporteur veut distinguer « représentants d'intérêts » et « représentants d'idées »
-
Débats au sein de la majorité
Commentaires (21)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 26/06/2018 à 13h20
Amen ! Heureux de voir que certains y compris de la majorité se mobilisent car la perméabilité du Président, dans ses fonctions, à la question religieuse devient préoccupante.
Le 26/06/2018 à 13h32
avec Hollande : la fronde
avec Macron : la gronde
logiquement avec le prochain ça sera la hronde (et ainsi de suite) " />
Sachant que notre président souhaite “réparer le lien entre l’Église et l’État”¹, je suis convaincu que cette mesure sera retoquée… ou pas.
¹ parce que oui ! le lien était abimé. Son inexistence depuis la loi de 1905 (qui était censée le rompre) était une plaie béante pour la France, fille ainée de l’Église. Nan mais sérieux quoi ! " />
Le 26/06/2018 à 13h33
Les monuments religieux font partie de notre patrimoine (même si je ne suis pas Chrétien). J’aime aussi Jean Sébastien Bach pour sa musique ( je ne suis pas un allergique maladif de la différence). j’aime les pyramides, ce n’est pas pour ça qu’on ferait partie d’un culte égyptien antique " />
Le 26/06/2018 à 13h41
Le 26/06/2018 à 13h41
Le 26/06/2018 à 13h44
J’ai mis ‘je’ au début de la phrase, j’ai oublié de changer le ‘on’ ensuite " /> (chacun ses goûts)" />
Le 26/06/2018 à 13h49
Le 26/06/2018 à 13h50
Le 26/06/2018 à 13h52
Le 26/06/2018 à 13h57
Le 26/06/2018 à 16h29
J’irais plus loin: j’ai moins peur peut des gens qui poussent des intérêts financiers que de ceux qui poussent des intérêts idéologiques. Les premiers auront au moins le soucis de maintenir une société stable pour pouvoir profiter des sous qu’ils auront obtenus, les seconds n’auront pour les plus extrêmes aucun remord à la détruire.
Le 26/06/2018 à 17h14
Ouais enfin quant tes intérêts financiers sont de vendre des armes, ou de faire un coup d’état pour placer un gouvernement fantoche qui te fournira du pétrole ou de l’uranium à exploiter, le résultat est le même " />
Le 26/06/2018 à 18h06
Le 26/06/2018 à 18h56
Le 27/06/2018 à 06h32
De fait, pour éviter le registre, on aura le droit à plein de lobbyistes qui défendent l’idée qu’il faut protéger leurs intérêts.
Plus sérieusement, je ne vois pas comment l’exception de religion peut être validée par la constitution.
Le 27/06/2018 à 08h04
Le 27/06/2018 à 08h19
Le parti est jeune et était structuré en bonne partie par la personnalité de Macron et sa campagne, avec des gens issus de la droite modérée et gauche modérée, avec la dynamique de l’élection c’était assez normal qu’il y ait peu de divergence affichée (en interne les discussions sont plus libres c’est normal).
C’est normal également que les personnalités, surtout parmi les nouveaux en politique, émergent. Rien ne “craque”.
Ta vision me semble simpliste, et ça n’a rien à voir avec un “fanboyisme” de Macron ou LREM que de t’expliquer ça. Si j’étais un fanboy, je serais adhérent au parti déjà. Le jour où j’expliquerai quelque chose sur un LR ou un PS, je serai fan d’un de ces partis, avec toi.
Le 27/06/2018 à 08h29
Le 27/06/2018 à 09h25
Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, après que ce fut l’UMP (2007-2012) puis le PS (2012-2017), c’est actuellement LREM qui est majoritaire à l’Assemblée.
Et non, je ne passe pas mon temps à causer LREM, c’est facile à vérifier avec la liste de mes commentaires. C’est juste qu’avec certains c’est pas du luxe.
(par ailleurs je ne suis même pas en train de défendre LREM sur quoi que ce soit, c’était des explications)
Le 27/06/2018 à 15h35
Le 29/06/2018 à 21h31
" />