Une sénatrice veut protéger la vie privée des mineurs sur Internet
Un défi majeur
Le 21 janvier 2019 à 11h10
5 min
Droit
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Céline Boulay-Espéronnier, sénatrice LR de Paris, a déposé une proposition de loi visant à renforcer la protection de la vie privée des mineurs, en particulier sur Internet. Avec son texte, elle estime nécessaire de renforcer les outils offerts notamment par le règlement général sur la protection des données personnelles.
« La révolution numérique marquée par l'essor toujours croissant des nouveaux acteurs d'internet et, tout particulièrement, des réseaux sociaux appelle l'élaboration de mesures nouvelles » explique-t-elle en introduction de sa « PPL » republiée sur le site du Sénat vendredi dernier.
De fait, la protection de la vie privée existe déjà sur Internet. On ne compte plus le nombre de condamnations dans cet espace de droit. Ainsi, brièvement, celui qui porte atteinte volontairement à la vie privée d’une personne en captant ses paroles ou en enregistrant son image sans son consentement, encourt aujourd’hui jusqu’à un an d’emprisonnement et 45 000 euros. Selon l’article 226 - 1 du Code pénal, son consentement est néanmoins présumé lors que ces actes sont faits « au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire ».
De même, selon l’article 226-2-1 du même code, lorsque ces mêmes paroles ou images enregistrées ou diffusées présentent un caractère sexuel, qu’elles soient glanées dans un lieu public ou privé, alors la peine maximale est de deux ans de prison et 60 000 euros d’amende. Et ce, même lorsque ces captations ont été faites avec le consentement de la personne.
L’élue entend toutefois renforcer ce régime à destination des mineurs.
Protéger les photos de mineurs par une infraction spécifique
Dans sa proposition de loi, la sénatrice entend rajouter une couche normative ciblée cette fois sur les seuls mineurs. À son article 1, elle programme un an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende pour qui porte « à la connaissance du public », des images concernant une personne mineure, même obtenues avec son consentement présumé ou exprès ou par elle-même.
Cette infraction supposera préalablement un défaut d’accord d'un des parents du mineur (ou de la personne chargée de l’autorité parentale) à la diffusion de ces contenus. Un tel dispositif, voté dans les mêmes formes par les sénateurs et députés, pourrait entraîner d’importants effets face au déferlement de photos sur les réseaux sociaux, en particulier Facebook.
Les parents sanctionnés en cas d'atteinte grave à la vie privée
L’article 2 va plus loin encore. Il institue deux infractions à l’encontre des parents eux-mêmes, lorsqu’on dépasse un seuil laissé à l’appréciation du juge. Un parent pourra d’une part être sanctionné de 3 750 euros d’amende s’il porte « gravement atteinte à la vie privée » de son enfant.
D’autre part, sa responsabilité pourra être retenue lorsque son enfant porte là encore gravement atteinte à la vie privée cette fois d'un autre enfant mineur. Dans ce second cas, il faudra démontrer une négligence coupable dans les obligations légales du parent.
Enfin, le dernier article de la proposition veut obliger les distributeurs d’ordinateurs, téléphones, tablettes, et autres appareils électroniques permettant d’accéder à Internet, d’accompagner ces produits « d'un message d'information quant aux risques découlant de l'utilisation de ces technologies par les enfants ». La sénatrice veut profiter de ce véhicule pour insuffler deux recommandations : l’une « sur les dangers liés à l'exposition prolongée aux écrans », l’autre « sur la nécessité de veiller à la protection de la vie privée des mineurs ».
Épauler le RGPD et la loi pour la République numérique
Pour la parlementaire, le RGPD et la loi pour la République numérique ont été de précieuses avancées. En particulier, « en définissant le droit à l'effacement pour l'ensemble des données collectées pendant la minorité de la personne concernée, ils ont contribué à une réactualisation du cadre juridique relatif à la protection de la vie privée des prochaines générations ».
Selon elle, l'adoption de sa proposition de loi est malgré tout nécessaire « s'il n'est pas associé à une adaptation du code pénal lui permettant de revêtir un caractère plus coercitif ».
Le RGPD prévoit également des dispositions ciblées sur les mineurs, en particulier en fixant un âge à partir duquel un jeune peut consentir à ce que ses données personnelles soient aspirées par Facebook ou les autres responsables de traitement. Seulement, les sanctions administratives associées n’obéissent pas aux mêmes règles que les infractions pénales prévues par cette proposition de loi.
Une sénatrice veut protéger la vie privée des mineurs sur Internet
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Protéger les photos de mineurs par une infraction spécifique
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Les parents sanctionnés en cas d'atteinte grave à la vie privée
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Épauler le RGPD et la loi pour la République numérique
Commentaires (24)
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Abonnez-vousLe 21/01/2019 à 12h58
Pour une fois, c’est un PL plutôt bien réfléchi, et en plus on inclut la responsabilité des parents, ce que je trouve normal. A voir ce que ça donnera.
Le 21/01/2019 à 13h01
Condamner n’a jamais aidé à responsabiliser les parents.
Éduquer oui !
La en l’occurrence la condamnation peut intervenir en cas d’atteinte grave de la part des parents, ce qui permet un garde fou / rappel à l’ordre dans les cas extrêmes.
Proposition intelligente cela dit, surprenant en cette période !
Le 21/01/2019 à 13h12
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Le 21/01/2019 à 13h20
En même temps, les parents sont les premiers à foutre dans les mains de leurs enfants un smartphone dès l’école primaire sans souvent rien y piger eux-mêmes quoi que ce soit.
Et ne parlons même pas de ces irresponsables qui placardent allègrement la vie trépidante de leurs enfants sur les réseaux sociaux, quand ce n’est pas sur YouTube pour engranger de l’argent.
Éduquons déjà les parents pour leur mettre dans le crâne que leurs enfants ne sont pas des animaux de foire.
Le 21/01/2019 à 13h53
en taule les ados qui s’échangent des photos d’ados " />
Le 21/01/2019 à 14h03
Le 21/01/2019 à 14h32
L’articulation sur le fait de sanctionner les parents pourrait paraître une bonne idée, sauf que dès à présent les parents aussi bien sur le plan civil que pénal sont condamnables pour la violation de la vie privée de leurs enfants.
Rappelant au passage que la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989 est d’application directe, prévoyant notamment;
“Nul enfant ne fera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation
L’enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.”.
Du coup en rajouter une couche n’a pas grand intérêt, et à l’inverse prétendre que le RGPD serait une progrès pour le consentement des mineurs c’est oublié que justement notre droit était bien plus protecteur en renvoyant au fait de savoir si le mineur avait la capacité juridique de contracter.
Là à partir de 15 ans (le RGPD permettait d’aller pourtant jusqu’à 16), le consentement du mineur a utiliser les réseaux sociaux est valable point barre y a plus à discuter…
Le 21/01/2019 à 15h19
Bon, je vais me taire, les lecteurs semblent valider l’idée que
“Un parent pourra d’une part être sanctionné de 3 750 euros d’amende s’il porte « gravement atteinte à la vie privée » de son enfant.”
Définissez vie privée, pour votre enfant. Adieu photos de bambin qui dort, en bavant?
Ne parlons pas de deux petiots qui s’embrassent sur la bouche: quelle horreur!
Le 21/01/2019 à 15h19
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Le 21/01/2019 à 15h30
Je ne crois pas qu’il y ait de problème si les photos restent dans un cadre privé. En revanche, les balancer à tous les vents sur Facebook pourrait enfin devenir répréhensible.
Le 21/01/2019 à 15h44
Le 21/01/2019 à 20h03
Le 21/01/2019 à 22h39
Cette infraction supposera préalablement un défaut d’accord d’un des
parents du mineur
Il faudrait que ça soit aussi le cas pour les adultes non ?
Le 22/01/2019 à 08h08
Le problème majeur c’est que les jeunes parents ont grandi avec internet et sont souvent aussi totalement accrocs (voire totalement dépendants) à internet.
Peut-être qu’à l’avenir ce sont les enfants qui tenteront d’expliquer à leurs parents que “trop c’est trop”… " />
Le 22/01/2019 à 21h49
hum , il y a pas déjà eu une affaire de ce genre là. Elle date de 2016, mais je sais pas la suite de l’histoire.
Le 22/01/2019 à 21h57
Le 21/01/2019 à 11h36
Ils ont déjà droits à la prime du charbon et maintenant ils ont droit à un traitement de faveur de la part de l’état.
Toujours les mêmes qui sont favorisés…
Le 21/01/2019 à 12h07
À voir…
Je m’étais dit “une de plus” en lisant le titre, mais la lecture de l’article me laisse à penser que cette initiative se place plus dans l’adaptation du droit aux réalités du terrain.
Le renforcement de la protection des mineurs, tel qu’il est présenté, ne me paraît pas être une mauvaise chose per se.
Après, pour l’application et les éventuels effets de bord, c’est à discuter, je n’ai pas d’avis arrêté sur la question.
Le 21/01/2019 à 12h26
Je trouve cette initiative interessante et bien pensée. Les parents ont beaucoup de difficulté à réguler les contenues transmises par leurs enfants. Là on attaque directement le fond du problème : facebook et compagnie.
Tous les photos postées sur le net sont maintenant taguées, analysées via les IAs et relié a des entités physiques.
Pret a être utilisé pour on ne sait quoi.
Au moins jusqu’à 18 ans, les enfants auront le temps de se former, de bien comprendre les tenants et aboutissants de ces plateformes.
Le 21/01/2019 à 12h35
Le 21/01/2019 à 12h40
Intéressant et surprenamment pertinent.
Le 23/01/2019 à 00h00
Le 23/01/2019 à 00h09
Le 23/01/2019 à 00h13
Encore une raison de plus d’avoir bonne mine " />