À l’Assemblée, nouvelle offensive pour taxer les entrepôts des « drives » et cybermarchands
Tascom un ouragan
Le 15 octobre 2019 à 13h35
5 min
Droit
Droit
Des députés de tous bords plaident pour que les entrepôts des cybermarchands et autres « drives » soient soumis à la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom). La grogne se fait entendre jusque dans les rangs de la majorité.
« Pour mettre les plateformes de vente en ligne sur un pied d’égalité avec les commerces physiques, nous proposons d’assujettir leurs entrepôts à la taxe sur les surfaces commerciales – Tascom », a martelé hier le député Jean-Noël Barrot (Modem), en ouverture des débats sur le projet de loi de finances pour 2020.
La proposition est loin d’être nouvelle. Les objectifs, multiples : rétablir une forme d’équité fiscale entre cybermarchands et boutiques traditionnelles, freiner la construction d’entrepôts sur des terres agricoles, mais aussi rapporter quelques deniers supplémentaires aux collectivités territoriales...
Cette année, les parlementaires ne semblent cependant pas vouloir faire de cadeau au gouvernement, qui leur avait laissé entrevoir de potentielles discussions pour début 2019.
Le e-commerce accusé de participer à l’étalement urbain
À ce jour, la Tascom vise uniquement les commerces de vente au détail, de type supermarchés, de plus de 400 mètres carrés. Pour déterminer ce seuil, seuls sont pris en compte les espaces « affectés à la circulation de la clientèle » ou à « l'exposition des marchandises » – non les parties closes (entrepôts, couloirs dédiés à la circulation du personnel, etc.).
Concrètement, il s’agirait donc d’étendre le fameux prélèvement aux « établissements de stockage et de logistique servant à la vente de biens à distance, fermés au public ». Au-delà des grandes enseignes du e-commerce (Amazon, Cdiscount, etc.), une telle réforme impacterait également les « drives » des grandes surfaces traditionnelles.
L’idée est partagée sur de nombreux bancs, du PS aux Républicains, en passant par des élus de la majorité (LREM, Modem).
La commission du développement durable – saisie uniquement pour avis – a même adopté un amendement en ce sens, afin de lutter contre l’étalement urbain : « Le commerce en ligne va à l’encontre de la lutte contre l’artificialisation, le e-commerce requérant en moyenne 3 fois plus d’espace de stockage que la distribution physique traditionnelle. En effet, le tri, l’emballage des produits, la gestion des retours, et le modèle du « dernier kilomètre » (être au plus près des consommateurs pour une livraison toujours plus rapide) nécessitant des centres de stockage et de triage locaux à proximité des grandes villes, sont fortement consommateurs de foncier. »
Rejet en commission des finances
Saisie « au fond », la commission des finances a toutefois rejeté cette proposition, le 9 octobre dernier. Pour ne pas pénaliser certains acteurs du commerce traditionnel, certains députés avaient imaginé une déduction au profit des professionnels possédant à la fois des magasins physiques et des entrepôts logistiques. Une piste qui n’a pas davantage été retenue par les parlementaires.
« L’impact sur les recettes pour les collectivités territoriales me paraît incertain dans la mesure où nous ne connaissons pas véritablement la répartition actuelle entre centres commerciaux classiques et entrepôts de stockage », a tout d’abord objecté Joël Giraud, le rapporteur du projet de loi de finances. « Il faut bien voir que ces modulations vont faire perdre des recettes à [certaines collectivités] et en faire gagner à d’autres », a prévenu l’élu LREM.
Le député a ensuite fait valoir que la déduction envisagée par certains de ses collègues ne lui semblait « pas tout à fait compatible avec le principe d’égalité : si les surfaces de stockage de vente à distance sont soumises à la Tascom, la nouvelle Tascom doit s’appliquer à tous les acteurs ».
Joël Giraud a surtout invité les députés à attendre, au motif que l’Inspection générale des finances (IGF) doit remettre « prochainement » au gouvernement un rapport sur le sujet. Un argument qui n’a pas manqué d’irriter certains élus...
Une grogne qui s'étend jusque dans les rangs de la majorité
« Je regrette que l’on reporte encore ce débat que nous avons depuis la fin de l’année 2017 » a ainsi pesté Véronique Louwagie (LR). « Tout le monde est d’accord pour constater qu’il y a un problème. Face à l’iniquité fiscale, notre devoir de parlementaires est de trouver des solutions et de légiférer. S’il n’y a pas de propositions idéales, il y a des corrections à apporter. »
L’année dernière, la majorité avait assuré que le sujet pourrait être débattu début 2019, dans le cadre du projet de loi de finances pour les collectivités locales. Texte qui n’a finalement jamais été présenté au Parlement...
Matthieu Orphelin (ex-LREM) a ainsi embrayé : « Chacun a en tête nos débats de l’année dernière et l’engagement que le gouvernement avait pris en séance de se pencher sur ces questions au premier trimestre. Certes, il s’agit d’un sujet complexe qui implique de prendre en compte de nombreux effets de bords, mais je trouverais dommage que l’on perde à nouveau un an. »
Même les députés de la majorité n’ont pas caché leur agacement : « Le commerce physique représente 3,5 millions d’emplois, devant l’industrie. En un an, des plans sociaux ont été annoncés chez Carrefour, Auchan, Conforama et Orchestra. Si nous continuons à laisser perdurer une telle iniquité fiscale, ces emplois seront menacés », a ainsi déclaré Benoît Potterie (LREM).
L'exécutif est prévenu :il devra trouver des arguments plus percutants cette année.
À l’Assemblée, nouvelle offensive pour taxer les entrepôts des « drives » et cybermarchands
-
Le e-commerce accusé de participer à l’étalement urbain
-
Rejet en commission des finances
-
Une grogne qui s'étend jusque dans les rangs de la majorité
Commentaires (33)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 17/10/2019 à 08h49
J’entendais par là que les centres historiques ou les centres villes “riches” seraient tout de même assujettis à cette hypothétique taxe en vertu du principe d’égalité… égalité qui supposerait en contre partie du coût d’étalement une acceptation des communes de voir leurs centres historiques se densifier… c’est pas simple.
Le 18/10/2019 à 19h19
Le 18/10/2019 à 20h50
Le 15/10/2019 à 19h53
Le 16/10/2019 à 05h09
Le 16/10/2019 à 07h25
cela fait longtemps que tu n’es pas allé acheter un condensateur, selectronics n’existe plus.
Le 16/10/2019 à 08h14
Le 16/10/2019 à 09h15
Iniquité fiscale contre télétravail… taxer un particulier vendant depuis son domicile me parait hasardeux.
Le 16/10/2019 à 09h54
mon commentaire se référençait plutot au drive type Leclerc, Casino etc donc l’alimentaire.
Pour l’étronique, je passe aussi par amazon et co en grande partie pour les stocks effectivement puisque à chaque fois que j’ai pu passé par une boutique elle ne faisait rien d’autre que commander le produit par internet …
Par contre là les prix sont très différent en grande partie (mais pas que) à cause de la non application de la TVA (notamment aliexpress). C’est pas avec une enieme taxe qu’on changera ce point vu que de toute façon les entrepots d’Ali par ex ne sont meme pas en Europe …
Le 16/10/2019 à 09h54
Le 16/10/2019 à 11h45
Le 16/10/2019 à 13h09
Le 16/10/2019 à 15h34
Quelle sale bande ! Au final c’est bien le consommateur final qui paiera ces taxes crapuleuses. Honte sur eux !
Le 16/10/2019 à 16h42
Le 16/10/2019 à 17h00
Le 17/10/2019 à 00h56
Le 17/10/2019 à 01h24
Le 17/10/2019 à 05h55
Le 17/10/2019 à 07h19
Perso pour acheter des composants électroniques, Amazon n’est pas du tout le premier magasin qui me vient à l’esprit…
Pour acheter du chinois (clone ou pas clone), aliexpress a le meilleur choix et les meilleurs prix, et de très très loin. L’équivalent du ifixit driver kit vendu 30€ chez Amazon, je l’ai payé 0.68€ sur aliexpress (devinez qui marge le plus sur ce produit). Après, il y a en effet la question du délai.
Le 15/10/2019 à 13h49
Le commerce physique représente 3,5 millions d’emplois, devant l’industrie. En un an, des plans sociaux ont été annoncés chez Carrefour, Auchan, Conforama et Orchestra. Si nous continuons à laisser perdurer une telle iniquité fiscale, ces emplois seront menacés
Et personne ne se pose la question de savoir pourquoi ces commerces ne font plus recette ? à ce que je sache drive et magasin ont les même prix, si les premiers fonctionnent mieux (d’ailleurs est-ce le cas ?) c’est parce qu’ils répondent à un vrai besoin : qui a le temps ou même l’envie de passer 1h à faire ses courses quand ça peut prendre 15min en drive ?
perso j’ai des horaires incompatibles avec ces magasins à moins d’y passer mon samedi après midi ou tard en soirée… les drives me permettent d’aller chercher mes courses entre midi et 2 et ça me prend 15min, trajet compris.
Concernant amazone et co, le vrai problème c’est plus l’optimisation fiscale, qui a été rendu possible par des lois votées par ces députés (et prédécesseur), peut être qu’il serait plus logique de se pencher en premier lieu sur ce problème avant de pondre une loi qui touchera à la fois amazon (qui semble la véritable cible) et les commerçants plus classique.
Le 15/10/2019 à 14h05
« Le commerce en ligne va à l’encontre de la lutte contre l’artificialisation, le e-commerce requérant en moyenne 3 fois plus d’espace de stockage que la distribution physique traditionnelle. »
Là dessus, je serais curieux de voir leurs chiffres et leurs méthode de calcul. Parce que le commerce de détail n’a en général pas beaucoup de stock sur place et repose sur le stock chez le grossiste, alors qu’un dépôt d’un vendeur de e-commerce est équivalent lui-même à un grossiste. Prennent-ils en compte les entrepôts nécessaires au commerce de détail, ou juste la surface de la boutique ?
Le 15/10/2019 à 14h20
C’est bien connu que les entreprises sont trés généreuses et ne vont pas compenser sur leur prix les hausses ? " />
Sérieusement, ce leur arrive de réfléchir ??" />
Le 15/10/2019 à 14h35
J’ai une fascination sans cesse renouvelée pour la façon dont le législateur français résout les problèmes d’inquiété fiscale.
Afin de protéger les commerces locaux contre les super-marché, on met une taxe visant spécifiquement à distordre le marché en défaveur de ces derniers. Et là surprise, ça les pénalise face à un troisième type d’acteur. Du coup, forcément, on se dit qu’on va en remettre une couche pour freiner ce troisième acteur, en attendant qu’un quatrième apparaisse…
Par contre, à aucun moment l’option de la supprimer n’est évoquée. Faut pas pousser mémé dans les orties, on a besoin de ramasser du pognon.
Le 15/10/2019 à 14h50
En plus d’être d’accord avec 4 premiers commentateurs, j’approuve de que dit le rapporteur :
Le député a ensuite fait valoir que la déduction envisagée par certains de ses collègues ne lui semblait « pas tout à fait compatible avec le principe d’égalité : si les surfaces de stockage de vente à distance sont soumises à la Tascom, la nouvelle Tascom doit s’appliquer à tous les acteurs ».
Le 15/10/2019 à 15h05
Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement souhaite lutter contre l’étalement urbain, celui-ci est pourtant favorisé par les politiques publiques.
J’ai l’impression de voir Homer Simpson essayer de se donner un coup de marteau dans le doigt, mais ça lui finit dans l’œil
Le 15/10/2019 à 15h07
« Pour mettre les plateformes de vente en ligne sur un pied
d’égalité avec les commerces physiques, nous proposons d’assujettir
leurs entrepôts à la taxe sur les surfaces commerciales – Tascom »
Si le but est vraiment de les mettre sur un pied d’égalité, il faut obliger tout site e-commerce à ouvrir des boutiques physiques !
Et en plus ça permettra de taxer leurs surfaces commerciales " />
« Le commerce en ligne va à l’encontre de la lutte contre
l’artificialisation, le e-commerce requérant en moyenne 3 fois plus
d’espace de stockage que la distribution physique traditionnelle. En
effet, le tri, l’emballage des produits, la gestion des retours, et le
modèle du « dernier kilomètre » (être au plus près des consommateurs
pour une livraison toujours plus rapide) nécessitant des centres de
stockage et de triage locaux à proximité des grandes villes, sont
fortement consommateurs de foncier. »
Et les parkings à perte de vue, ça ne consomme pas du foncier peut-être ? Et les km de bouchons tous les samedis après-midi, dans toutes les agglomérations de France, ça ne génère aucune pollution ? C’est sûr que quand on compare des choux et des carottes, on ne risque pas de tomber sur une égalité…
Le 15/10/2019 à 15h10
Ce n’est pas le gouvernement mais les députés (de tous bords en plus) qui veulent cela.
Le 15/10/2019 à 15h30
Le 15/10/2019 à 15h59
Encore une idée de “génie” pour tenter de gratter de l’argent là où il est mais qui va tirer complétement à coté de la cible et soit ne rapportera strictement rien soit va toucher ceux qu’on voulait épargner…
Mais bon sang, y’a pas moyen d’arrêter de faire des conneries 5 min ?
Le 15/10/2019 à 16h01
Le 15/10/2019 à 17h20
Il y a des inégalités ? -> Taxons !
Et qui paiera ? Le consommateur… On ne parlait pas de pouvoir d’achat quand les gus en jaune manifestaient cet hiver ?
Le 15/10/2019 à 17h49
Le 15/10/2019 à 17h57
Toorist a écrit :
seuls sont pris en compte les espaces « affectés à la circulation de la
clientèle » ou à « l’exposition des marchandises » – non les parties
closes (entrepôts, couloirs dédiés à la circulation du personnel, etc.).
À oui, dans le genre comparons des choux* et des carottes… " />
(*) pour les choux, ne sont comptabilisées que les racines.