L’État commande une étude pour mesurer l’efficacité de la vidéosurveillance
Commande and conquer
Le 17 février 2014 à 07h40
7 min
Droit
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Alors qu’un rapport sénatorial réclamait l’année dernière le gel des investissements relatifs à la vidéosurveillance tant qu’aucune étude indépendante n’aurait été menée afin de mesurer l’efficacité de ce type de dispositifs, le ministère de l’Intérieur vient d’annoncer qu’il avait commandé une évaluation en ce sens. Il s’agissait d’ailleurs d’une recommandation assez ancienne de la Cour des comptes.
C’est une véritable salve de questions concernant la vidéosurveillance que le député écologiste Sergio Coronado avait transmis en octobre dernier au ministre de l’Intérieur, Manuel Valls. Ce dernier vient d’ailleurs de lui répondre avec plus ou moins de précision... L’occasion de faire un point sur la situation.
L’État a mis près de 150 millions d'euros de subventions sur la table depuis 2007
Combien l’État dépense-t-il chaque année pour les nombreuses caméras de surveillance disséminées sur le territoire, tant au titre de leur installation que pour en assurer le fonctionnement (frais de maintenance, etc.) ? Comme le rappelle le ministre de l’Intérieur, c’est par des subventions accordées au travers du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) que l’État participe en grande partie au développement de la vidéosurveillance en France. C’est donc ce levier que les collectivités territoriales - principalement des communes, les bailleurs sociaux et les établissements scolaires activent afin de prétendre à un coup de pouce financier.
L’on apprend surtout qu’au total, ce sont 144,52 millions d’euros qui ont ainsi été puisés dans le FIPD depuis 2007. Les enveloppes annuelles furent cependant très variables, allant quasiment du simple au triple. De 11,7 millions d’euros en 2008, on est par exemple passé à presque 30 millions d’euros en 2010. L’année 2013 se situe dans la moyenne des sept dernières années, avec 19,69 millions d’euros alloués. À noter que 2 millions d’euros supplémentaires ont été versés en 2010 et en 2011 dans le cadre du plan de relance. Au final, l’on avoisine donc les 150 millions d’euros.
Tout cet argent a servi au financement de « projets vidéo », et ne fut donc pas consacré qu’aux seuls achats de matériel. Néanmoins, l’exécutif précise que 136,23 millions d’euros ont été alloués à l'installation d’au moins 26 614 caméras au bénéfice des collectivités. Ce qui nous donne sur cette base une moyenne de 5 118,73 euros par caméra.
Environ 40 000 caméras sur la voie publique à ce jour
Combien y a-t-il de caméras installées sur la voie publique en France ? Si la seconde question du député Coronado était relativement simple, la réponse du ministère l’est en revanche beaucoup moins... Manuel Valls est en effet incapable de donner un chiffre précis, l’intéressé évaluant à « environ 40 000 » le nombre de caméras installée sur la voie publique.
Et pour cause : le « premier flic de France » explique qu’en se basant sur le nombre d’autorisations par les préfets pour l’installation de caméras, l’on arriverait à 43 230 appareils. Sauf que non seulement ces formalités visent à la fois les caméras « installées sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au public », mais il s'avère que de surcroît, toutes les autorisations délivrées ne donnent pas forcément lieu à l’installation d’une caméra.... « Le chiffre obtenu par ce moyen (43 230) est donc sans doute très légèrement supérieur à la réalité » écrit ainsi le ministre de l’Intérieur. La piste des financements sollicités au travers du FIPD se révèle elle aussi peu fructueuse... « Cette information reste une source incomplète dans la mesure où certains élus installent des caméras sans solliciter le FIPD » évacue Manuel Valls, qui préfère donc tabler sur cette évaluation à la louche de 40 000 caméras « environ ».
À titre de comparaison, ce chiffre correspond au double de ce qu’avait indiqué Michèle Alliot-Marie il y a quelques années. « Au 31 décembre 2007, on dénombrait près de 400 000 caméras autorisées en France dont près de 20 000 installées sur la voie publique » affirmait ainsi la ministre de l’Intérieur de Nicolas Sarkozy en réponse à un parlementaire. Se basant sur un rapport de la Place Beauvau datant de 2011, la CNIL relevait un peu plus tard que l’installation de 897 750 caméras avait été autorisée depuis 1995, « dont 70 003 pour la voie publique et 827 749 pour les lieux ouverts au public (commerces par exemple) ».
Le coût moyen d'une caméra oscille entre 8 650 et 13 800 €
Autre interrogation du député Coronado : quel est le coût moyen d'investissement pour une caméra de surveillance ? Si le ministère de l’Intérieur insiste sur le fait que ce coût moyen « recouvre des réalités très différentes », notamment en fonction du contexte local et du matériel retenu, il est indiqué que celui-ci était en 2013 de « 13 800 € en zone de police » et de « 8 650 € en zone de gendarmerie ».
Concernant les coûts de fonctionnement (maintenance et exploitation), les variations peuvent être une fois encore assez importantes selon la Place Beauvau :
« Le coût en fonctionnement d'un dispositif reste à la charge du propriétaire du système et comprend la maintenance (2 à 8 % des investissements) et l'exploitation qui varie selon l'existence ou non d'un centre de supervision. Si le dispositif se limite à une exploitation à posteriori le cas échéant, ce coût est infime puisque limité au temps passé par un agent désigné à la relecture ou/et à l'extraction des images. Si le dispositif comprend la mise en œuvre d'un centre de supervision, le coût de fonctionnement intègre le salaire des agents affectés à cette veille en direct et leur nombre varie selon le nombre de capteurs à exploiter et selon que le centre de supervision fonctionne en permanence ou seulement à certaines heures. Pour exemple, une centaine de caméras exploitées en direct 7/7 jours et 24 h/24 h implique d'affecter environ une douzaine d'agents à cette fonction. »
La Place Beauvau commande (enfin) une étude sur l'efficacité de la vidéosurveillance
Enfin, Sergio Coronado n’a pas manqué de rappeler au ministère de l’Intérieur l’une des recommandations formulées en 2011 par la Cour des comptes au travers d’un rapport consacré à « L'organisation et la gestion des forces de sécurité publique ». À l’époque, la juridiction regrettait déjà qu’aucune étude d'impact n’ait été réalisée afin de mesurer l’efficacité de la vidéosurveillance, et ce notamment en raison des montants d’argent public qui y sont consacrés. L’institution plaidait ainsi pour qu’une évaluation soit menée par les pouvoirs publics afin de jauger « de l’efficacité de la vidéosurveillance de la voie publique dans la prévention de la délinquance et l’élucidation des délits, selon une méthode rigoureuse [et] avec le concours de chercheurs et d’experts reconnus ».
À ce propos, Manuel Valls annonce au député Coronado que le ministère de l’Intérieur a finalement décidé de suivre l’avis des magistrats du Palais Cambon. Un appel d’offre a effectivement été lancé selon la Place Beauvau, afin qu’un prestataire extérieur soit chargé de mener à bien une « étude indépendante de l'efficacité de la vidéoprotection de la voie publique ». Il est précisé que cette étude « doit se dérouler sur 16 mois » et que « le prestataire retenu sera connu au tout début 2014 ». Autrement dit, rien ne devrait être dévoilé avant l’été 2015 au plus tôt.
Manuel Valls n’a cependant pas attendu les conclusions de cette étude pour se prononcer sur l’efficacité de la vidéosurveillance... Le mois dernier, l'intéressé affirmait ainsi à l’Assemblée nationale qu’il s’agissait d’un outil permettant « de lutter efficacement contre toutes les formes de délinquance ».
L’État commande une étude pour mesurer l’efficacité de la vidéosurveillance
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L’État a mis près de 150 millions d'euros de subventions sur la table depuis 2007
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Environ 40 000 caméras sur la voie publique à ce jour
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Le coût moyen d'une caméra oscille entre 8 650 et 13 800 €
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La Place Beauvau commande (enfin) une étude sur l'efficacité de la vidéosurveillance
Commentaires (55)
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Abonnez-vousLe 17/02/2014 à 08h43
Le 17/02/2014 à 08h47
Le 17/02/2014 à 08h53
Le 17/02/2014 à 08h55
Le 17/02/2014 à 08h58
Le 17/02/2014 à 09h09
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Le 17/02/2014 à 09h23
Le 17/02/2014 à 09h31
Le 17/02/2014 à 09h32
un truc inutile qui n’a que pour objectif de surveiller une population qui croit (comme des veaux) que l’état ne veut que son bien.. alors qu’on sait (enfin une minorité) que c’est juste du flicage … quel pays de m3rde qui se met rapidement au niveau du monde de m3rde dans lequel on vit ….
Le 17/02/2014 à 09h38
Le 17/02/2014 à 09h42
Je suis le seul à ne pas être dérangé quand je suis filmé dans la rue ?
Dans la rue, par définition c’est publique et t’es potentiellement vu par n’importe quoi, alors qu’on me film ou pas, je vois pas vraiment où est la grande différence.
Après pour ce qui est de l’efficacité des caméras, c’est un autre problème, mais si c’est inefficace pour aider les forces de l’ordre dans leur travail d’enquête, c’est inefficace pour vous pister aussi ? Donc pour le coup de l’espionnage, c’est raté…
Le 17/02/2014 à 09h46
Le 17/02/2014 à 09h49
Le 17/02/2014 à 09h52
Le 17/02/2014 à 09h55
Je serais curieux de connaitre l’argent mis dans les cellules anti-recels.
Pour un receleur, combien de voleurs derrière (de métaux, de voiture) ou de cambrioleurs ?
Le 17/02/2014 à 09h57
Le 17/02/2014 à 09h59
Le 17/02/2014 à 09h59
Le 17/02/2014 à 10h01
Le 17/02/2014 à 10h03
Le 17/02/2014 à 10h06
Le 17/02/2014 à 10h07
Le 17/02/2014 à 10h09
Le 17/02/2014 à 10h11
Le 17/02/2014 à 10h12
Le 17/02/2014 à 10h16
Le 17/02/2014 à 10h18
Le 17/02/2014 à 10h21
Le 17/02/2014 à 11h28
Vu qu’il y a de plus en plus de villes qui se servent des caméras de “videoprotection” pour en fait faire de la “videoverbalisation à la volée” avec elles vont peut être bien s’avérer rentables en fait : la rentabilité d’un agent devant une quinzaine d’écrans est incomparablement supérieure à celle d’une brigade entière dans la rue. (et là il ne risque pas de se faire agresser ou de prendre froid " />)
Reste à adjoindre systématiquement un cinémomètre à chaque caméra et on aura là la plus efficace arme de répression massive jamais mise en place.
Le 17/02/2014 à 11h33
Le 17/02/2014 à 11h41
Je pense que mis à part les atteintes à la sureté nationale, les crimes “importants” (ex: Un bijoutier qui se fait dévaliser pour quelques millions) ou bien ceux ayant un retentissement médiatique important, alors là oui la vidéosurveillance sera utilisée. Pour le reste, j’en doute fort. Non, la vidéosurveillance ne protège pas le quidam. Et si l’on voulait éviter de poser des caméras un peu partout, il faudrait surtout essayer de bâtir une société plus juste et des relations internationales plus justes…
Le 17/02/2014 à 11h54
On s’en fout se savoir si c’est efficace ou pas. On ne veut pas être surveillés, merci.
Le 17/02/2014 à 12h01
Le 17/02/2014 à 12h22
une centaine de caméras exploitées en direct 7⁄7 jours et 24 h/24 h implique d’affecter environ une douzaine d’agents à cette fonction. »
Pour relancer l’économie , installation de plus 8 millions de caméra donc pas loin de 1 millions de chômeurs en moins , ce qui induit l’explosion du nombre de pvé générer donc plus de rentrer pour l’État. " />" /> Semi-troll.
Le 17/02/2014 à 13h37
J’ai entendu parlé de maires qui utilisent la vidéo-surveillance pour savoir où et quand l’opposition distribuent des tracs.
On peut aussi surveiller les collages d’affiches pour décoller aussi vite.
La vidéo-oppression, c’est génial !
Le 17/02/2014 à 13h38
Le 17/02/2014 à 13h39
Le 17/02/2014 à 13h42
Le 17/02/2014 à 13h48
Commande and conquer
" />
Plus sérieusement, je crois (ma mémoire est pas vraiment infaillible, au contraire) que des inpactiens ont déjà donné des chiffres précis sur l’efficacité de la vidéosurveillance (dans les commentaires d’une autre actualité sur la vidéosurveillance).
J’avais trouvé ces chiffres décevants (bien que mon avis était déjà fait).
Le 17/02/2014 à 14h00
Le 17/02/2014 à 15h14
« le prestataire retenu sera connu au tout début 2014 »
On est mi-février là " />
« de lutter efficacement contre toutes les formes de délinquance »
L’augmentation des divers indicateurs de délinquance en sont évidemment une preuve irréfutable " />
Le 17/02/2014 à 17h30
On passera sur la novlangue et sa “vidéo protection” mais soyons cynique jusqu’au bout : l’insécurité est en premier lieu un sentiment avant d’etre un fait, donc si ca rassure les gens, c’est efficace.
Si t’as 2 ans on te file un doudou, si t’es un adulte inquiet on te file une caméra.
Le 17/02/2014 à 19h06
pour avoir un membre de ma famille s’étant fait tabassé et volé son sac et son téléphone devant une caméra de “vidéoprotection” je peut dire qu’il aurait sans doute préféré qu’un vrai flique soit présent, quelqu’un qui peut vraiment agir.
Et bien sûr les responsable n’ont jamais été chopé. Alors quand je vois des gents qui se mettent a trouvé la “vidéoprotection” génial parce que dans un cas assez spécifique ça a servi a retrouver deux délinquants pas très doué qui seront libéré le lendemain et recommenceront le jour d’après; ça me fait doucement rire, jaune.
Mais vous avez raisons virons les fliques et les gendarmes et installons ces bidules invasifs, inutiles et régulièrement vandaliser …
Le 18/02/2014 à 05h39
L’État commande une étude pour mesurer l’efficacité de la vidéosurveillance
Attention, boule de cristal, tadada, voici les conclusions en avant-première de l’étude :
Nos observations font donc état de la relative inefficacité de la vidéoprotection à l’heure actuelle mais aussi de son immense potentiel dans le cas de figure d’une stratégie centralisatrice à l’échelle nationale intégrant les autres sources de renseignement que sont les bases de données faciales, les fichiers d’immatriculation et les techniques modernes d’analyse comportementale et cinétique des flux vidéos. Nous ne pouvons qu’encourager le législateur à ignorer les craintes émanant des minorités réactionnaires et à entrer de plain pied dans une modernité embrassant une richesse informationnelle omniprésente.
Le 19/02/2014 à 03h20
Le 19/02/2014 à 03h36
Le 19/02/2014 à 04h12
Le 17/02/2014 à 07h45
Encore de l’argent balancé par les fenêtres. Au pire, ils ont qu’à demander à Estrosi si ça fonctionne bien à Nice, ça coute pas un rond.
Le 17/02/2014 à 07h52
Manuel Valls n’a cependant pas attendu les conclusions de cette étude pour se prononcer sur l’efficacité de la vidéosurveillance… Le mois dernier, l’intéressé affirmait ainsi à l’Assemblée nationale qu’il s’agissait d’un outil permettant « de lutter efficacement contre toutes les formes de délinquance ».
Faut demander une autorisation pour mettre une gopro sur la tête de chaque élu et membres du gouvernement, on verra alors si c’est efficace contre le lobbying “actif”(graissage de pattes ou enveloppes kraft " />) et les délits financiers, d’initiés etc. " />
Le 17/02/2014 à 08h09
Pourquoi une étude?
On sait déjà que la vidéo-surveillance ne fonctionne pas, qu’elle engraisse les copains des décideurs qui ont toujours (comme par hasard) des amis dans la vente de caméras, etc.
Pire, à Londres, championne du monde, ça n’a même pas augmenté le nombre de résolution des délits!
Au “mieux”, la délinquance va se déplacer dans les villes voisines. " />
Putain de lobbies…
Le 17/02/2014 à 08h20
Quand on voit que des mecs se filment eux même en train de faire des délits en tout genre, je pense que l’efficacité de ces caméras est limitée XD
Le 17/02/2014 à 08h32
« étude indépendante de l’efficacité de la vidéoprotection de la voie publique »
Je n’en peu plus du terme de vidéoprotection… " />
Comme si la camera allait te défendre. A moins d’être monté en série avec une tourelle franchement je ne vois pas.
Le terme vidéosurveillance est très bien.
Le 17/02/2014 à 08h33
Le 17/02/2014 à 08h36
Il n’y a pas eu une grande étude sur l’impact de la CCTV dans la ville de Londres (qui a un des plus gros réseaux au monde) il y a quelques années ?
D’ailleurs, je crois me souvenir que le bilan était assez mitigé. Illusion de sécurité ?