Loi SREN : le Conseil constitutionnel censure le délit d’outrage en ligne et quatre cavaliers législatifs
Pour le reste, ça passe… pour le moment
Suite à l’adoption de la loi SREN, le Conseil constitutionnel avait été saisi par deux recours émanant de plus de soixante députés dans les deux cas (ici et là). S’il valide « plusieurs de ses dispositions » (une majorité même), il censure le délit d’outrage qui a largement fait parler de lui.
Le 21 mai à 17h47
5 min
Droit
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Le Conseil constitutionnel a validé l'essentiel du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN), mais censuré cinq de ses articles, dont quatre cavaliers législatifs (.pdf), relève Archimag.
Quatre cavaliers législatifs sautent
Un cavalier législatif « est une mesure introduite par un amendement dans une loi en préparation (projet ou proposition de loi) qui n’a aucun lien avec le texte en question », rappelle Vie Publique. Pour le Conseil constitutionnel, ils sont « irrégulièrement introduits dans la loi au regard de l’article 45 de la Constitution ».
Les quatre cavaliers censurés du projet de loi sont :
- l’article 10, qui « prévoyait d’abolir l’anonymat en ligne en créant, pour les Français, une identité numérique gratuite d'ici le 1er janvier 2027 », résume Archimag. Ce dernier omet de préciser que les amendements déposés par Paul Midy pour lever l'anonymat en ligne avaient finalement été retirés pour ne pas mettre en danger le vote final du texte. Dans le texte final, il ne restait donc que l’objectif que « 100 % des Français puissent avoir accès à une identité numérique gratuite ».
- l’article 11, qui planifiait la mise en place d'un service « agrégeant l’accès à l’ensemble des services publics nationaux et locaux, y compris les organismes de sécurité sociale et les organismes chargés des droits et des prestations sociales », tout en sécurisant la communication des données entre les administrations, les organismes et les collectivités territoriales ;
- l’article 18, qui comptait créer, à titre expérimental, un « dispositif de médiation des litiges de communication en ligne » offrant la possibilité aux utilisateurs de réseaux sociaux en ligne de « recourir gratuitement à un médiateur en vue de la résolution amiable du litige qui les oppose à un autre utilisateur du fait d’un contenu » ;
- l’article 58, qui entendait modifier le code des relations entre le public et l’administration, en faisant appel au comité du secret statistique lorsque l'administration envisage de refuser de faire droit à certaines demandes de consultation de documents administratifs, ou qu'elles impliquent l’interconnexion de plusieurs bases de données.
Le « délit d'outrage en ligne » dans les limbes
Le Conseil constitutionnel a par ailleurs censuré l'article 19 du projet de loi, qui proposait de créer un « délit d'outrage en ligne » pouvant être sanctionné d'une amende forfaitaire délictuelle (AFD) de 300 euros. Au-delà de l’AFD, ce délit était passible d’une amende de 3 750 euros et d’une peine d’emprisonnement d’un an.
Ce nouveau délit visait à sanctionner la diffusion en ligne de « tout contenu qui, soit porte atteinte à la dignité d’une personne ou présente à son égard un caractère injurieux, dégradant ou humiliant, soit créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». Une notion jugée par certains comme très (trop) subjective. « Or, en matière pénale, les infractions doivent être précisément rédigées pour éviter l’arbitraire », expliquait un avocat.
La mesure, qui avait été attaquée par deux saisines de La France insoumise et du Rassemblement national, a été jugée par le Conseil constitutionnel comme portant « atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée ». Les sages estiment en effet que « les dispositions contestées font dépendre la caractérisation de l’infraction de l’appréciation d’éléments subjectifs tenant à la perception de la victime ».
L’ombre de l’Europe plane toujours sur la loi SREN
Archimag rappelle que la Commission européenne avait de son côté émis quelques réserves sur le projet de loi SREN dans deux avis successifs d’octobre 2023 et de janvier 2024, concernant sa légalité au regard du droit européen.
Au-delà de cette censure partielle du Conseil constitutionnel, la Commission doit encore décider si le projet de loi SREN est conforme, ou pas, au droit européen, notamment avec le Digital Services Act (DSA) et la directive européenne de 2000 sur le commerce électronique, « exposant donc la France à des sanctions auprès de la Cour de justice de l’Union européenne », conclut Archimag.
Une « parade » (pour reprendre le terme utilisé par La Quadrature du Net) avait pour rappel été trouvée par la France pour « s’affranchir des règles européennes qui s’imposent normalement à elle » : certaines parties de la loi ne concernent que les sites français et extra-européens. Cela concernait notamment la vérification d’âge à l’entrée des sites pornos et de mesures pour l’encadrement des frais dans le cloud.
Comme le rappelle Vie Publique : « le droit de l'Union européenne prime sur le droit national, y compris les dispositions constitutionnelles ». Attendons donc de voir la réaction de la Commission européenne, qui pourrait que moyennement apprécier la pirouette française. Le Conseil constitutionnel n’a par contre pas censuré ces dispositions.
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Commentaires (11)
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Abonnez-vousLe 21/05/2024 à 19h45
Sinon, pour se mettre simultanément à dos l'Europe, une bonne partie des députés, le Conseil Constitutionnel, et qq ONG au passage, il ne faut vraiment n'en avoir rien à carrer de l'avis des autres ...
Le 21/05/2024 à 20h11
Le 21/05/2024 à 21h30
Idem pour les 49.3, tu peux faire passer autant de merde que tu veux, il n’existe aucune mesure de rétorsion envers le fautif.
Le gouvernement actuel l’a bien compris, donc tests toutes les limites du supportable par les institutions.
Le 22/05/2024 à 07h42
Le 22/05/2024 à 08h35
Il faudrait une "motion de censure seulement sur le texte" qui ne ferait pas sauter le gouvernement. Et on pourrait appeler ça... le vote de la loi ?
Je crois que je tiens un truc
Le 22/05/2024 à 10h01
Le 22/05/2024 à 18h44
Le 22/05/2024 à 19h21
Le 23/05/2024 à 07h40
Ce n'est qu'un jeu d'hypocrisie ordinaire avec des discours préenregistrés de réactions outrées à chaque usage. Alors qu'ils en feraient de même s'ils étaient au pouvoir.
En un mot : une caricature.
Mais en soit, notre démocratie est, à mes yeux, bien représentative. Je vois la même chose en entreprise : du jeu politique et des réactions dignes d'Actor's Studio.
Le 23/05/2024 à 09h49
Le 22/05/2024 à 13h41