Les télécoms face à des « injonctions contradictoires »
S’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème
Il y a quelques jours, la Fédération Française des Télécoms (FFTélécoms) tenait sa traditionnelle cérémonie des vœux pour la nouvelle année. Son président, Nicolas Guérin (également secrétaire général d’Orange) est revenu sur plusieurs sujets d’actualité, avec des vœux pour l’année 2024.
Le 03 janvier à 19h06
6 min
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Rappelons que cette fédération regroupe trois des quatre opérateurs nationaux (Bouygues Telecom, Orange et SFR), en plus d’opérateurs virtuels et/ou locaux (La Poste Mobile, Verizon, Colt…). iliad/Free est absent, malgré des appels du pied il y a plusieurs années. On passe rapidement sur le début du discours qui est, comme souvent, l’occasion de s’autocongratuler.
Des améliorations sur la fibre ? FFTélécoms et Arcep ne « voient » pas la même chose
Sur le déploiement de la fibre optique, Nicolas Guérin explique que les opérateurs font face à deux « challenges […] : les derniers raccordements et la qualité de service des réseaux existants ». Il affirme que les propositions d’améliorations remises au gouvernement et à l’Arcep « ont commencé à produire leurs effets et seront intensifiées en 2024 ». On demande à voir, car les plats de spaghettis continuent d’être bien présents dans certaines armoires.
Laure de la Raudière, présidente de l’Arcep, n’est d’ailleurs pas du tout sur la même longueur d’onde. Il y a quelques semaines, elle reconnaissait que « des actions » avaient certes été menées « chez tous les opérateurs pour décliner le plan d’action de la filière, mais [que] les résultats [n'étaient] pas encore visibles, ni perceptibles ».
Pour Nicolas Guérin, les équipes des opérateurs « sont mobilisées tous les jours et par tous les temps pour les entretenir et les réparer ». Mais le problème est plus large, comme nous l’avons déjà expliqué à plusieurs reprises. En effet, le mode STOC (y compris en v2) laisse des sous-traitants de sous-traitants intervenir sur les réseaux. Ils ne sont payés que si la ligne du client fonctionne, peu importe (ou presque) le reste. Les fibres sont donc posées à la va-vite dans les armoires, des clients débranchés pour en connecter d’autres, etc.
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Les télécoms représentent 0,1 % des émissions carbone de la France
Sur le volet environnemental, le président de la FFTélécom précise que son secteur « ne représente que 0,1 % des émissions carbone de la France ». En janvier 2022, l’Arcep expliquait que « le numérique représenterait […] 3 à 4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde et 2 % de l’empreinte carbone au niveau national (phases de fabrication et d’utilisation comprises) ».
Il en profite pour glisser un mot sur les infrastructures indispensables. Il souhaite y faire entrer les télécoms : « Les récentes tempêtes « Ciaran » et « Domingos », qui ont fait chuter 15.000 poteaux télécoms, ont montré combien nos réseaux sont dépendants du rétablissement rapide de l’alimentation électrique. Nous avions déjà été confrontés à ce sujet l’hiver dernier, avec les risques de délestage. Il nous semble que, au regard de leur criticité pour toute la population, l’ensemble de nos infrastructures mobiles doivent être considérées comme des infrastructures indispensables en cas de délestage ou de priorisation des réparations ».
« Oui à un réseau mobile […], mais non aux antennes »
Le président de la fédération change de sujet pour celui de l’économie numérique au sens large. Il explique que les opérateurs ont besoin « d’un cadre cohérent alors que chaque jour, sur le terrain, ils font face à des injonctions contradictoires ».
Quelques exemples sont donnés :
- « Oui à du réseau mobile sur l’ensemble du territoire, mais non aux antennes ;
- oui à la 5G, mais attention aux ondes ;
- oui à la fibre, mais non aux travaux dans les rues ;
- oui aux débits de plus en plus élevés et à une qualité de service optimisée, mais à des conditions sans rapport avec le niveau des investissements associés ».
Devise Shadocks
Il enchaine avec le volet économique, et une position bien connue de la FFTélécoms. Une fiscalité jugée trop lourde pour les opérateurs, tandis que les géants du Net profitent d’un blanc-seing ou presque. Il explique ainsi que les quatre opérateurs nationaux ont versé 1,5 milliard d’euros en 2022, « montant qui pourrait contribuer autrement à l’aménagement numérique du territoire ».
Sur 10 ans, le total est de « 114 milliards d’euros injectés dans les réseaux fixes et mobiles ». Et c’est sans compter les achats de fréquences mobiles. Il regrette aussi que : « plus nous investissons dans les réseaux mobiles, plus nous déployons d’antennes, plus nous payons d’impôts ».
La fédération remet donc en avant une « taxe » pour les géants du Net alors que ces acteurs, « qui paient 30 fois moins d’impôts sur les sociétés que les opérateurs, ne contribuent pas au financement des réseaux qu’ils empruntent ». Il prend les devants et ajoute rapidement : « Et pour tordre le cou à une idée tenace, il ne s’agit pas de remettre en question la neutralité du net, mais de reconnaître qu’un petit nombre de grands acteurs influent le trafic de données mondiales ». Il cite une devise Shadock pour appuyer son propos : « Pour qu’il y ait le moins de mécontents possible, il faut toujours taper sur les mêmes ».
Nicolas Guérin reprend à son compte une étude de l’Arcep : « Fin 2022, environ 54 % du trafic vers les clients des principaux FAI en France provient des cinq acteurs suivants (FCA et CDN) : Netflix, Google, Akamai, Meta et Amazon ». « Alors qu’ils ne contribuent pas à leur financement ».
Introduire plus de sobriété à tous les étages ?
Il profite de son discours pour passer un autre message au gouvernement, expliquant qu’il faudrait inciter davantage (pour ne pas dire obliger ?) ces sociétés à « introduire plus de sobriété dans l’émission, la consommation et le stockage de leurs contenus ». La question sous-jacente est celle des usages : faudra-t-il les limiter, les réguler, les interdire ? Le sujet est généralement évité pour le moment, mais il faudra s’y pencher tôt ou tard.
Le président de la FFTélécoms termine avec l’espoir que le projet de Digital Networks Act, annoncé par Thierry Breton, « aboutisse à un nouveau cadre européen pour l’économie numérique […] Car si les opérateurs ont conscience de devoir réinventer leur modèle, et s’y emploient depuis des années, le modèle lui-même doit changer aussi ». Selon le commissaire européen, ce projet (annoncé en octobre 2023) doit « redéfinir l’ADN de notre régulation des télécoms ».
Les télécoms face à des « injonctions contradictoires »
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Des améliorations sur la fibre ? FFTélécoms et Arcep ne « voient » pas la même chose
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Les télécoms représentent 0,1 % des émissions carbone de la France
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« Oui à un réseau mobile […], mais non aux antennes »
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Devise Shadocks
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Introduire plus de sobriété à tous les étages ?
Commentaires (15)
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Abonnez-vousLe 03/01/2024 à 21h03
Le 04/01/2024 à 00h10
Ils ne payent pas déjà un "abonnement" pour être raccordés à l'Internet Français par des tuyaux dédiés ?
Le 04/01/2024 à 09h36
Comme ça se fait dans certains pays et sur nos forfaits mobile où les Gigas sont compté.
Le 04/01/2024 à 09h53
Le 06/01/2024 à 10h57
Par contre, quand youtube rajoute 5 mn de vidéos pub surprise dans une vidéo de 10mn, ce sont eux qu'il faut flinguer.
Le 08/01/2024 à 18h55
Le 04/01/2024 à 19h58
C'est une mauvaise idée de refaire à nouveau payer deux fois l'accès internet comme dans le passé (une fois payer une bande passante et une seconde fois pour un volume) avec les usages de plus en plus intense côté télétravail, travail collaboratif.
Il faudrait plus revenir en arrière sur la conception de ce que c'était Internet en repartant sur le P2P pour optimiser (Microsoft par exemple le fait pour les mises à jour en local et en Opt-in depuis et vers internet, Steam le fait maintenant en local, YouTube pourrait le faire car PeerTube y arrive sans problème, Netflix est déjà en avance avec ses pods de cache posés directement chez les FAIs).
Le 04/01/2024 à 10h59
A sa décharge notre gouvernement prend également les operateurs télécoms pour des vaches à laits...
Le 04/01/2024 à 11h08
Et il oublie de prendre de bonne résolutions pour l'année à venir.
Le 04/01/2024 à 14h55
Le 07/01/2024 à 15h55
Modifié le 07/01/2024 à 16h18
Le 07/01/2024 à 20h06
Le 07/01/2024 à 20h44
Dans les commentaires de Next, quand on répond au 1er commentaire de la discussion, il n'y a pas de citation du commentaire auquel on répond.
Modifié le 06/01/2024 à 17h48
En même temps, Free ne déploie pas de fibre FttH ailleurs que dans les métropoles pour ses besoins propres, n'héberge aucun MVNO et, singularité positive, accepte de diffuser des petites chaînes TV sans se mêler du contenu éditorial : RT France (avant le conflit en Ukraine) – Arrêt sur images (pendant plusieurs années) – Le Média TV – des chaînes de gaming …