Connexion
Abonnez-vous

MTop Slim, le capteur biométrique nomade qui répond aux désidératas du ministère de l’Intérieur

Made in Morpho, logique

MTop Slim, le capteur biométrique nomade qui répond aux désidératas du ministère de l'Intérieur

Le 14 avril 2023 à 15h26

Le ministère de l'Intérieur veut acquérir 7 000 capteurs biométriques « nomades », pour 21 millions d'euros, d'ici aux Jeux olympiques de Paris 2024. Or, Idemia, leader mondial de la biométrie, en commercialise un qui répond en tous points aux caractéristiques techniques figurant dans le cahier des charges du ministère.

Next INpact révélait hier que le ministère de l'Intérieur venait de passer un appel d'offres, ce 1er avril, afin de se faire livrer, à compter de novembre 2023 et d'ici aux Jeux Olympiques de Paris de 2024, 7 000 « capteurs nomades d’empreintes digitales doigts et palmaires », pour un montant estimé à 21 millions d'euros. 

Or, Idemia (ex-Morpho, puis Sagem Morpho, puis Safran Identity & Security), le pionnier français de la biométrie, qui se présente comme « le leader des technologies d’identité » et qui avait été racheté pour plus de 2 milliards d'euros par le fonds de pension américain Advent International en 2016, propose un capteur biométrique semblant répondre point par point à l'appel d'offres.

Ce dernier précise en effet que ces capteurs devront peser moins de 400 grammes, et « tenir aisément dans la main pour correspondre au plus grand nombre de personnes et sans crainte de le faire tomber », tout en étant susceptibles de « pouvoir absorber les chutes et les chocs et susciter la confiance de l'utilisateur quant à la robustesse du produit » : 

« Le capteur doit également pouvoir être porté par le personnel (c’est-à-dire être temporairement mis dans les poches du blouson, du pantalon d'intervention, ou dans des emplacements des chasubles d'intervention). »

Le Cahier des clauses techniques particulières (CCTP, expression officielle désignant le cahier des charges) de l'appel d'offres précise par ailleurs que son fournisseur devra en outre, et « obligatoirement », respecter un « plan de livraison » dont les délais ont été fixés comme suit, semblant indiquer qu'il aurait été défini pour permettre aux policiers, gendarmes et douaniers d'être équipés à marche forcée d'ici aux Jeux Olympiques d'été de 2024 à Paris : 

  • 1000 capteurs au plus tard le 01/11/2023 ;
  • 2000 capteurs au plus tard le 31/12/2023 ;
  • 2000 capteurs au plus tard le 01/03/2024 ;
  • 2000 capteurs au plus tard le 01/05/2024.

« Aussi il est demandé au candidat de vérifier ses capacités d’approvisionnement avant de candidater », précise le CCTP. Sachant que les candidats ont jusqu'au 11 mai 2023 pour déposer leurs offres, et que le marché ne sera probablement pas attribué avant plusieurs semaines, voire mois.

Les données de plus de 2 milliards de personnes dans le monde 

Il est improbable qu'un opérateur économique parvienne, en si peu de temps, à créer puis industrialiser de toutes pièces un capteur susceptible de répondre aux désidératas du ministère. Nous avons donc été regarder si Idemia en proposait un.

L'entreprise propose effectivement deux modèles de « capteur livescan dix empreintes », Mtop et MTop Slim, conçus tout spécialement pour la capture, l'enregistrement et l'authentification par empreintes digitales « dans le cadre de programmes à grande échelle », notamment « dans la sphère gouvernementale (recensement de la population, élections, etc.) » : 

« Certifié IAFIS-IQS Appendix F1 par le FBI, le capteur d’empreintes MTop permet une authentification rapide et fiable que ce soit pour des applications civiles (émission de documents d’identité ou de voyage, gestion de prestations sociales ou des listes électorales, etc.) ou pour un relevé d’empreintes au poste de police. »

MTop, qualifié de « très robuste » et « doté d’une technologie qui permet de réaliser des enrôlements biométriques y compris dans des conditions difficiles », aurait « déjà permis aux clients d’IDEMIA d’enregistrer les données de plus de deux milliards de personnes à travers le monde », explique Idemia.

Des caractéristiques en tout point conformes au cahier des charges

La comparaison des nombreuses exigences très précises mentionnées par le ministère dans le CCTP avec les caractéristiques du MTop Slim est, à ce titre, éclairante : 

« D’une épaisseur de 3 centimètres seulement, pesant à peine 400 grammes et alimenté par USB, MTop Slim établit de nouvelles normes pour la capture d’empreintes digitales en alliant un design compact et une efficacité incomparable. Grâce à sa conception ultraplate et moderne et à un capteur de haute qualité, ce terminal est encore plus facile à utiliser. »

Le CCTP précise en effet que le poids du capteur « ne doit pas excéder 400 g », qu'il devra être « alimenté par la connexion USB » et mesurer 120 mm de largeur, 130 de longueur et 30 de hauteur.

La brochure technique de MTop Slim précise qu'il en existe trois déclinaisons : une version « produit » de 14,5 x 13 x 2,6 cm, une version « module » de 10,4 x 9,9 x 1,3 cm, et une version « mobile », reprenant cette dernière mais en y rajoutant une coque de protection contre les chutes, mesurant 12,8 x 11,7 x 2,7 cm, et ne pesant que 320 grammes, contre 400 pour la version « produit », et 200 pour la version « module ».

Idemia MTop Slim ProductIdemia MTop Slim Mobile

Le CCTP précise également que « le capteur doit atteindre en valeur cible un niveau de protection d’enveloppe, aux intrusions de corps solides et liquides, selon l’indice de protection IP 53 minimum ». De fait, MTop Slim est « doté d’une protection IP 54 », en référence au niveau d'indice de protection (IP) le protégeant des risques d'infiltrations par la poussière et des projections d’eau.

Un certificat du FBI, et des méta-données elles aussi concordantes

Le capteur réclamé par le ministère devra, en outre, « être certifié norme FBI EBTS Appendix F Mobile ID FAP60 ». MTop Slim a, de fait, reçu un certificat de conformité « EBTS Appendix F Mobile ID FAP 60 » de la part du FBI en 2017. Certificat qui révèle que MTop est la contraction de MorphoTOP, son nom d'origine.

Idemia MTop Slim FBI

Le FBI explique en effet dans une FAQ que « l'annexe F de la spécification relative à la transmission biométrique électronique (EBTS) impose des conditions strictes en matière de qualité d'image, se concentrant sur la comparaison d'empreintes digitales humaines et facilitant l'opération de correspondance un-à-plusieurs à grande échelle ».

« IDEMIA surpasse la concurrence dans le dernier test comparatif du NIST sur les traces d’empreintes digitales et palmaires pour les applications policières », se félicitait l'entreprise en novembre 2022 : 

« IDEMIA, le leader mondial des technologies d’Identité, démontre une fois encore sa place de leader incontesté proposant les algorithmes les plus précis sur des jeux de données d’empreintes digitales et palmaires lors du récent test d’évaluation des technologies de traces papillaires (ELFT) du National Institute of Standards and Technology (NIST). »

MTop, comme le réclame le CCTP, fonctionne sur les systèmes d'exploitation Windows 10 64 bits, Android 11, et Ubuntu 20.04, et permet l'acquisition d'empreintes digitales « à plat » ou « en enroulé ». 

Une seconde brochure technique précise que MTop Slim dispose, par ailleurs, d'une résolution de 500 dpi, qu'il permet l'enrôlement de 4 empreintes en simultané, comme le réclame le CCTP, qui précise également que « le capteur et son logiciel doivent pouvoir détecter automatiquement ou capturer automatiquement le doigt lorsqu'un doigt est placé dessus », ce que semble illustrer l'image de présentation du MTop.

Idemia MTop Slim
  • Téléchargez les brochures (.pdf) de présentation de 20222019, et 2017 de présentation de M(orpho)Top Slim

Hasard ou coïncidence, les méta-données de la brochure technique du capteur d'Idemia/Morpho et du CCTP du ministère de l'Intérieur indiquent qu'ils ont tous deux été enregistrés sous Microsoft Office 2016 le 30 mars 2023, à 17h06 et 19h36, soit à 2h30 d'écart, et deux jours seulement avant la mise en ligne de l'appel d'offres, le 1er avril dernier.

Idemia MTop méta-donnéesACIM méta-données

À quoi serviront les capteurs, pendant et après les JO 2024 ?

Comme nous le relevions dans notre précédent article, cet appel d'offres faisait par ailleurs suite à une demande d'information (DI, ou RFI en anglais), adressée en 2021 « aussi bien aux opérateurs leaders sur le marché de la biométrie qu’aux startups, TPE, PME, centre de recherche ou toute autre entité située en France ou au sein de l’Union européenne », afin d'aider le ministère de l'Intérieur à identifier comment doter ses agents de nouvelles « solutions de capteurs biométriques » mobiles, « de préférence via un smartphone/tablette, voire à partir de l'appareil photo d'un smartphone/tablette ».

Il n'est donc pas si étonnant de découvrir que les caractéristiques techniques mentionnées dans le CCTP de l'appel d'offres correspondent peu ou prou à une solution d'ores et déjà présente sur le marché. 

Reste cela dit à savoir si un industriel concurrent pourrait estimer que le marché serait dès lors faussé. Mais également de comprendre pourquoi ces terminaux coûteraient si cher (à raison de 3 000 euros pièces, garantie, housse semi-rigide et valise de transport compris).

Mais on peut aussi et surtout se demander à quoi serviront ces capteurs biométriques « nomades » pendant les Jeux olympiques de Paris 2024, et après.

En 2018, comme nous le relevions par ailleurs, une mission d'information consacrée aux fichiers mis à la disposition des forces de sécurité déplorait qu'en matière de contrôle « en bord de route », les terminaux Android Néo et Néogend utilisés par la police et la gendarmerie ne permettaient précisément pas ce type de contrôles biométriques « nomades ».

Elle notait par contre que la Commission européenne travaillait « par exemple » à la mise en œuvre de « contrôles par l’iris de l’œil ». 

Commentaires (16)

Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.

Abonnez-vous
votre avatar

@Jean-Marc,
Le “Hasard ou coïncidence” semble sarcastique.
Tu sous-entends que qu’Idemia aurait pu, très fortuitement bien sûr, assister directement le ministère pour la rédaction du CCTP ? C’est assez courant, mais en l’espèce, dans les procédures de marché public en France, c’est autorisé sous réserve d’exclusion automatique de “l’aidant”, dont le rôle d’AMO est ainsi constitué de fait, pour le dit marché qu’il a participé à spécifier.



Bien sûr, ceux qui montent le marché coté ministère peuvent faire du sourcing auprès d’un panel de soumissionnaires potentiels, de manière formalisée (RFI par exemple) ou non, c’est légal. Mais demander à un attributaire pressenti de fournir des specifications techniques pour que ce dernier soit (seul) dans les cordes et que tout roule, c’est à minima amoral.



Sinon, pour les marchés de travaux publics, au delà d’un certain montant, à minima 3 soumissionnaires doivent remettre des offres conformes pour que l’appel d’offre puisse aboutir à une attribution de marché. D’après ce qu’indique le début de l’article, ca risque d’être difficile ici non ? J’imagine que le ministère de l’intérieur bénéficie de procédures d’attribution plus souples que d’autres maîtres d’ouvrages. A creuser ?

votre avatar

Je ne sous-entends rien, mais constate une coïncidence d’autant plus “hasardeuse” que, et comme indiqué, MTop existe depuis des années (cf les manuels de 2022, 2019 & 2017), et que je ne vois pas pourquoi Idemia aurait eu besoin de mettre à jour son guide d’installation le jour même où le CCTP était lui aussi rédigé.



En tout état de cause, je ne vois pas non plus pourquoi le ministère de l’intérieur bénéficierait de procédures d’attribution plus souples.

votre avatar

La Wayback d’Internet archive ne permettrait pas d’avoir la version précédente ?

votre avatar

Anecdote perso : il fut un temps où je bossais pour Assystem qui bossait pour Sagem, qu’un des chefs chez Sagem appelait un pote chef chez Assystem pour lui dire « prépare toi, y’a un nouveau contrat sur le passeport biométrique qui arrive. » « Ah bon ? Et quels sont les délais ? » « Allume ta télé ». Et à la télé y’avait Sarko qui annonçait “Dans un an, nous aurons le passeport biométrique !”.



Donc ouais, ça m’étonne pas qu’ils se refilent les plans comme ça, direct.



A noter également que vers cette époque (anecdote précédente ~2009-2010, celle-ci ~2010-2011), Morpho avait à disposition un lecteur d’empreintes digitales à distance, sans contact : tu pouvais passer ta main à plat dans un espace vide de 50x50x50cm à la vitesse de la marche, et ça ouvrait la porte automatiquement. C’était pas déployé, juste une démo interne qui servait de semi-sécurité d’accès. Mais c’était ultra impressionnant.

Juste pour dire que j’imagine que maintenant, ça pourrait être déployé en mode portable, pour lecture dans la foule, sans trop de soucis…

votre avatar

Toi tu parles du MorphoWave, mais vu la taille, le mode portable c’est pas pour demain :)
https://www.idemia.com/fr/lecteur-dempreintes-sans-contact

votre avatar

Oh merci pour l’info, j’avais pas été fouiller pour voir ce que c’était devenu.



Effectivement ça semble plus… massif que dans mon souvenir :D

Mais je me demande à quel point le massif pourrait être déporté…

votre avatar

ça ne serait pas la premiére fois qu’un marché public est fléché vers un prestataire identifié en amont … mais comme dit l’adage “plus c’est gros plus ça passe”

votre avatar

Si cela ne sert qu’au JO, la facture des 21 M€ est a remettre à Mme Hidalgo (elle a les moyens) ! Par contre si ça peut servir pour accélérer la constitution des dossiers des CNI et des passeports l’État pourrait participer pour 10%.

votre avatar

ImpactID a dit:


Sinon, pour les marchés de travaux publics, au delà d’un certain montant, à minima 3 soumissionnaires doivent remettre des offres conformes pour que l’appel d’offre puisse aboutir à une attribution de marché.


C’est pas un marché publics de travaux, mais un marché public de fournitures.
Les 3 devis c’est lorsque le montant est inférieur à 40 k€, sinon c’est marché public avec mise en concurrence sans minimum de réponses exigées.

votre avatar

Hasard ou coïncidence, les méta-données de la brochure technique du capteur d’Idemia/Morpho et du CCTP du ministère de l’Intérieur indiquent qu’ils ont tous deux été enregistrés sous Microsoft Office 2016 le 30 mars 2023, à 17h06 et 19h36, soit à 2h30 d’écart, et deux jours seulement avant la mise en ligne de l’appel d’offres


Houlala… ca sent le complot reptilien tout ça.



L’état à besoin de 1000 capteurs avant nov-2023 et le CCTP correspond “comme par hasard” à un appareil disponible sur le marché et fabriqué par une entreprise française . Alors qu’on sait tous que la démarche normale dans ce genre de cas aurait été qu’un technocrate ponde un CCTP irréaliste et que l’état se retrouve le bec dans l’eau en novembre.



#nousachon

votre avatar

J’ai comme l’intuition que le gagnant de l’appel d’offre sera Idemia avec son M(orpho)Top Slim.
Je deviens devin ! :=)



Mais d’un autre coté cet appareil n’est pas recommandé à la lumière directe du soleil (selon le certificat du FBI).



C’est balo (alias Bulletin des Annonces Légales Obligatoires), il y a du soleil en France. :=)

votre avatar

FrancoisA a dit:


J’ai comme l’intuition que le gagnant de l’appel d’offre sera Idemia avec son M(orpho)Top Slim. Je deviens devin ! :=)



Mais d’un autre coté cet appareil n’est pas recommandé à la lumière directe du soleil (selon le certificat du FBI).



C’est balo (alias Bulletin des Annonces Légales Obligatoires), il y a du soleil en France. :=)



  • Quelle est la concurrence, de préférence française tant qu’à faire?

  • Ben il suffit de mettre une casquette au dessus du capteur…

votre avatar

Cet article montre un gros risque de non conformité au code des marchés publics (notamment en raisons de critères trop restrictifs, et non justifiés). Qu’un seul candidat déçu decide de le contester et l’appel d’offre sera cassé, et la procédure devra alors être relancée de zero.

votre avatar

Est-ce que ce ne serait pas un marché défense et sécurité non soumis à concurrence ?

votre avatar

inextenza a dit:




  • Quelle est la concurrence, de préférence française tant qu’à faire?


Il y a Thalès : https://www.thalesgroup.com/en/markets/digital-identity-and-security/government/biometrics/biometric-fingerprint-scanners/CS500f



(C’est l’équivalent du MorphoTop pas “slim” mais j’avoue n’avoir pas cherché à vérifié s’ils avaient l’équivalent du TOPS)



En France, je n’en connais pas d’autre.

votre avatar

Donc au premier controle avec ce truc, on est fiché ?



J’imagine que les empreintes vont se balader chez ideia et un cloud americain ?

MTop Slim, le capteur biométrique nomade qui répond aux désidératas du ministère de l’Intérieur

  • Les données de plus de 2 milliards de personnes dans le monde 

  • Des caractéristiques en tout point conformes au cahier des charges

  • Un certificat du FBI, et des méta-données elles aussi concordantes

  • À quoi serviront les capteurs, pendant et après les JO 2024 ?

Fermer