Google Shopping : la Commission européenne inflige une amende de 2,42 milliards d’euros
Vds place en tête de recherche
Le 27 juin 2017 à 12h00
5 min
Droit
Droit
Pour la Commission européenne, Google profite de son moteur de recherche pour donner un avantage indu à son comparateur de prix, reléguant la concurrence au fond des résultats. Ce depuis des années. Google a 90 jours pour donner plus de place aux autres services, et pense faire appel de cette amende record de 2,42 milliards d'euros.
Après six ans d'enquête, la Commission européenne vient de prononcer une amende de 2,42 milliards d'euros à l'encontre de Google, accusé d'abus de position dominante sur la comparaison de prix. Google Shopping a été avantagé illégalement via le moteur de recherche, conclut l'institution, sur la base des documents de la société, de ses concurrents et d'une « vaste enquête » sur ces pratiques.
Concrètement, le moteur est accusé d'avoir indument mis en avant son service, tout en reléguant dans les tréfonds des résultats ceux des concurrents. Il n'a pas fourni de voie de concurrence loyale à ses compétiteurs, ni de possibilité aux consommateurs d'avoir un libre choix de service, tance la commissaire à la concurrence, Margrethe Vestager.
Il s'agit de la plus grosse amende prononcée par la Commission pour abus de position dominante, la précédente de 1,06 milliard d'euros avait touché Intel en 2009. Le fondeur était accusé d'abus sur les processeurs x86.
Des services tiers relégués en quatrième page
Selon l'enquête européenne, Google a commencé à fournir un traitement de faveur à ses services dès 2008. « Il est établi que même le service concurrent le mieux classé n'apparaît en moyenne qu'à la page quatre des résultats de la recherche de Google, les autres figurant encore plus bas » détaille l'institution.
La pratique a été constatée dans 13 pays : « Depuis que chaque abus de position dominante a commencé, le trafic du service de comparaison de prix de Google a été multiplié par 45 au Royaume-Uni, par 35 en Allemagne, par 29 aux Pays-Bas, par 19 en France, par 17 en Espagne et par 14 en Italie ».
Dans un billet de blog, publié très rapidement, Google conteste encore les accusations européennes, et affirme se réserver le droit de faire appel. Pour l'entreprise, la déliquescence des concurrents est l'effet du désintérêt des internautes, avec la montée d'acteurs comme Amazon. Une défense déjà utilisée en novembre 2016.
90 jours pour se conformer
La Commission laisse 90 jours à Google pour se conformer, l'institution veillant au grain. Au-delà, l'entreprise sera passible d'astreintes pouvant atteindre 5 % du chiffre d'affaires mondial quotidien d'Alphabet. La société est libre de la méthode pour rééquilibrer le jeu concurrentiel, mais doit bien redonner plus de place aux autres services en moins de trois mois.
En outre, quiconque aura souffert de ces comportements pourra demander réparation à des tribunaux nationaux. La porte est donc ouverte pour l'ensemble des acteurs qui ont poussé le dossier en Europe, comme les lobbies FairSearch et l'Open Internet Project (mené par Qwant notamment), qui mènent les combats contre Google depuis quelques années.
.@Google gave illegal advantage to own comparison shopping service by abusing its search dominance: It must stop & pay fine of €2,4 bn.
— Margrethe Vestager (@vestager) 27 juin 2017
Dans un communiqué, l'OIP se félicite de cette amende record, ainsi que des mesures correctrices. L'an dernier, dans nos colonnes, le lobby louait d'ailleurs la prise en main des dossiers de concurrence par Margrethe Vestager, mise en opposition à son prédécesseur Joaquín Almunia, accusé de faire trainer le dossier, en cherchant à tout prix un compromis qui n'est pas venu.
« La décision arrive après sept années d'enquête, il était temps ! Les concurrents ont disparu, pilotent leurs activités depuis les États-Unis ou ont des difficultés à innover comme Kelkoo et LeGuide » note Nicolas Jornet, directeur de la stratégie de Kelkoo, interrogé sur le sujet. Désormais, « je ne vois pas comment Google pourrait ne pas faire face à ses responsabilités ».
D'autres dossiers en cours
Cette amende est donc le dernier fait d'armes attribué à Margrethe Vestager. D'autres dossiers sont toujours en cours face aux grands groupes américains, comme les 13 milliards d'euros que la Commission veut voir l'Irlande récupérer d'Apple. Autant d'« avantages fiscaux indus » dont l'Irlande ne veut pas. Le pays serait actuellement en négociation avec Apple pour une récupération temporaire de la somme, qu'il devrait déjà avoir en sa possession depuis début janvier.
Chez Google, deux autres enquêtes sont en cours. Le premier concerne la préinstallation des Play Services sur la grande majorité des terminaux Android européens, avec des incitations financières directes à n'intégrer que son moteur de recherche. Si l'entreprise reconnaît la plupart des pratiques dénoncées, elle nie leur portée, insistant sur la mobilité des consommateurs entre les systèmes mobiles.
Le second porte sur AdSense, service publicitaire pour sites tiers. Google est accusé d'avoir empêché des sites d'intégrer des publicités de régies tierces. « Le comportement anti-concurrentiel de Google se poursuit au-delà du dossier Shopping dans d’autres dossiers comme ceux d’Android, de la cartographie, des images, etc. et d’autres secteurs de l’économie européenne. Dans ce contexte, l’OIP encourage la Commission à poursuivre toutes les autres affaires en cours à l’encontre de Google » écrit l'Open Internet Project, qui semble savourer sa victoire.
Google Shopping : la Commission européenne inflige une amende de 2,42 milliards d’euros
-
Des services tiers relégués en quatrième page
-
90 jours pour se conformer
-
D'autres dossiers en cours
Commentaires (18)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 27/06/2017 à 14h06
C’est vrai qu’elles ont éclos plus tard, mais a mon sens c’est bien plus parce que la réalité ne répond pas souvent à tous les critères de la théorie qu’en tant que “rustines” que ces règles sont devenues essentielles aux Etats.
Dès qu’un acteur acquiert suffisamment de force pour se soustraire à la loi du marché, les propriétés de celui-ci empêchent implicitement la théorie de fonctionner.
edit: ceci-dit la théorie a évolué également c’est vrai
Le 27/06/2017 à 16h01
Tu peux très bien être en position dominante sans pour autant en abuser.
Et Google en abuse, regarde cette image, où Google renvoie vers des liens vers son service Shopping, alors que l’utilisateur utilise le service de recherche.
Le 27/06/2017 à 16h32
Le 27/06/2017 à 16h44
Je suis prêt à parier que Qwant finira comme Exalead : au fin fond des oubliettes.
PS: Exalead était “le fleuron” de l’internet à la Française.
Pour ce qui est du comparateur de prix, j’utilisais pendant un temps le i-comparateur, mais au final la procédure était toujours la même :
Je trouvais un produit informatique sur LDLC et Top Achat via les spécifications, je comparais les prix sur le i-comparateur, et finalement achetait le truc sur Amazon parce que les frais de port sont gratuit pour un SAV impeccable. (Et parce que je boycott Cdiscount)
Depuis j’ai zappé le comparateur de prix, et cherche juste le nom du modèle avec les specs qui m’intéressent Top Achat et LDLC pour savoir quoi acheter sur Amazon.
Le 27/06/2017 à 19h05
Sans concurrence, pas de main invisible, donc la notion de “monopole naturel” me paraît complètement farfelue. Tu vas nous faire croire que la concurrence pure et parfaite, la main invisible ne sont pas une invention d’Adam Smith.
“L’abus de position dominante (et autre loi anti-trusts) n’est qu’un racket qui n’a rien de libéral.” : je te reconnais bien là. Ça fait mal de voir que la théorie de Smith n’est pas aussi universelle et parfaite dans notre monde réel.
Le 28/06/2017 à 08h07
Le 30/06/2017 à 09h38
Toujours autant de condescendance dans tes postes, je ne m’habituerais jamais ! Quel talent !
Le 27/06/2017 à 12h09
(…) 6 ans d’enquête (…) " />
Avec les 2,42 milliards, ils comptent développer un vrai moteur de recherche européen ? (on me murmure “y’a déjà Qwant” à l’oreille)
Le 27/06/2017 à 12h16
insistant sur la mobilité des consommateurs entre les systèmes mobiles.
Exact ! On est sur un Android 4, puis on passe sur un Android 5. Et s’il ne nous plaît pas, on peut toujours migrer sur Android 6 !
" />
Le 27/06/2017 à 12h17
En fait je trouve ça bizarre que Google n’ait pas le droit de faire ce qu’il veut avec son moteur de recherche. Globalement personne n’est obligé de l’utiliser.
Et pourtant je ne suis vraiment pas un aficionados des GAFA ou du gros capitalisme qui n’enrichit que certains. Mais là je trouve ça intellectuellement bizarre que dans un monde qui se veut de plus en plus économiquement libéral, dès qu’un service devient le plus en vue alors tout à coup il devrait obéir à des règles différentes ?
" />
Le 27/06/2017 à 12h21
Enfin une amende disuasive ?
Le 27/06/2017 à 12h23
vu l’état moribond de Google shopping… " />
Le 27/06/2017 à 12h23
C’est le principe de l’abus de position dominante. A partir du moment où ils captent 90% des requêtes, on estime qu’ils sont en mesure de distordre le marché. Donc on est bien dans une application purement libérale, en l’occurence le principe de la libre concurrence, qui consiste à empêcher le dominant de bloquer l’accès des concurrents aux acheteurs.
Le 27/06/2017 à 12h25
Il n’y a pas de règles différentes. Toute société commerciale dans l’Union européenne connaît dès le départ les règles de l’abus de position dominante et les circonstances qui la mettrait dans l’illégalité.
Pourquoi Google est inquiété par l’Union européenne ? La raison est simple : dès qu’un acteur économique devient hégémonique, c’est lui qui établie les normes, les circuits de vente, etc. C’est la théorie libérale : une concurrence entre plusieurs acteurs permet de faire baisser les prix et de satisfaire les besoins des consommateurs.
Le 27/06/2017 à 12h28
Il y a encore 2 enquêtes de l’Union européenne à propos des activités de Google. C’est loin d’être terminé (surtout si, en plus, Google fait appel de cette décision).
Le 27/06/2017 à 12h28
le service concurrent le mieux classé n’apparaît en moyenne qu’à la page quatre des résultats de la recherche de Google, les autres figurant encore plus bas
Cette lapalissade est une lapalissade
Le 27/06/2017 à 13h02
Faux.
A la base, la théorie libérale est vraiment….libérale.
Ce n’est qu’à l’apparition des premiers cas de société devenant trop grosse que les lois anti-trust ont été créés.
Ce ne sont donc que des rustines pour contenir les “monstres” engendrés par le système libéral.
Le 27/06/2017 à 13h54
Ok, on dit néo-libéral " />
Ceci-dit, je me permets de temps en temps quelques raccourcis, ça permet de faire passer un message sans être trop technique (d’ailleurs, en ai-je véritablement les connaissances).
Concernant, ta dernière phrase : c’est joliment dit, mais ça fait tâche après une définition aussi précise du libéralisme économique.