À l’Assemblée, de nouveaux arguments pour coupler vidéosurveillance et reconnaissance faciale
Les tubes du Brenier
Le 02 octobre 2017 à 08h42
6 min
Droit
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Après une vaine tentative lors des débats autour du projet de loi contre le terrorisme, la députée Marie Brenier insiste pour que l’on puisse détecter les individus fichés S par la vidéosurveillance et ce, afin de prévenir les actes de terrorisme. Elle a déposé une proposition de loi en ce sens.
« Capables d’identifier des individus en fonction de l’écartement des yeux, des caractéristiques des oreilles ou encore du menton, des arêtes du nez ou de la commissure des lèvres, ces systèmes automatisés sont en constante amélioration ».
C’est en partie avec ces quelques lignes enjouées que la députée des Alpes-Maritimes a déposé une proposition de loi pour rendre possible la reconnaissance faciale par les caméras de surveillance.
Avec ce texte, Marine Brenier revient en quelque sorte à la charge. L'élue Les Républicains, proche de Christian Estrosi, avait déjà tenté ce couplage lors des débats sur le projet de loi antiterroriste, aux côtés notamment d'Éric Ciotti.
Le 28 septembre, dans l’hémicycle, Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l’Intérieur, lui avait opposé cependant que « la vidéoprotection (…) doit encore faire l’objet de nombreux ajustements, aux plans technique et juridique ». Si « la technologie de la reconnaissance faciale fonctionne plutôt bien pour un nombre limité de personnes », ajoutait la proche de Gérard Collomb, pour une population plus nombreuse, cela se gâte.
En effet, « balayer une foule exige de disposer de caméras ultra haute définition et d’énormes capacités de calcul. On cite souvent la police anglaise, qui a procédé à des tests, notamment lors d’un récent carnaval à Notting Hill au cours duquel des difficultés sont survenues : des gens qui ne sont pas recherchés ont été arrêtés et il en est résulté des complications juridiques ».
Les yeux doux sur le Patriot Act
Anticipant son échec en séance, la parlementaire avait pris soin de faire enregistrer la veille une proposition de loi reprenant l’intégralité de son amendement, avec la même structure : d’un côté des images aspirées par ces yeux électroniques disséminés dans les rues, de l’autre des données comparées avec les photos stockées dans le fichier automatisé des empreintes digitales et celui des personnes recherchées.
Le tout, soumis à autorisation du Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques du renseignement. Emballé, c’est pesé !
Le plus intéressant n'est pas dans cette tentative, qui succède à tant d'autres, mais dans l’argumentaire ciselé pour faire passer ce rêve orwellien à la réalité française. « De nombreux pays soucieux des libertés individuelles de leurs ressortissants ont déjà expérimenté les dernières technologies en matière de sécurité et de biométrie faciale à des fins de lutte antiterroriste » avance l’auteure de la proposition de loi.
Elle s’appuie sans rougir sur le Patriot Act qui « a permis d’affirmer la cybersurveillance comme prévention contre le terrorisme ». Autre somptueux exemple : « Au Canada, les services frontaliers souhaitent recourir à un dispositif comparant les caractéristiques faciales des individus entrant avec les photos des individus indésirables sur le territoire canadien. »
Contourner la contrainte constitutionnelle
Juridiquement surtout, la députée combat ceux qui, comme le gouvernement, lui opposent la décision du 22 mars 2012. Ce jour, le Conseil constitutionnel avait épinglé le fichier TES, première version. Ce fichier devait permettre, à l’aide des seules données biométriques attachées aux titres d’identité, de remonter à la personne de son détenteur.
Compte tenu en particulier de la nature des données enregistrées, l’ampleur du traitement, ses caractéristiques techniques, le juge y avait surtout vu une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
Identifier un individu avec son sillage biométrique ou son visage d’apparence angélique reviendrait donc à la même conclusion : c’est niet. Selon la députée, au contraire, les deux systèmes sont incomparables.
Sa proposition de loi « demande l’accès à l’identité des seuls individus faisant l’objet d’une « fiche S » au sein du fichier des personnes recherchées (FPR), complétée des données anthropométriques issues du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) ». C’est tout, et rassurez-vous, il s’agit simplement « de constituer une base de données fiable, qui sera ensuite reliée à un système de vidéo-protection et exploitée par les forces de police et gendarmerie ».
Insistant sur cette voie, elle tambourine : « en aucun cas, il ne s’agit de collecter et interpréter les données biométriques de la ‘quasi-totalité de la population française’ » comme l’avait censuré le Conseil constitutionnel.
L'autoriser pour l'encadrer
Et si de son côté la CNIL a vu dans la reconnaissance faciale une possible remise en cause de la liberté d’aller et venir anonymement, la députée renverse l’argumentaire : il est vrai que ce dispositif « ne doit pas faire peser des risques sur les libertés individuelles », dès lors prévoyons « un cadre juridique adapté ».
Dans son modeste système, il ne s’agirait que de surveiller 20 000 fichés S (dont 10 500 pour appartenance ou lien avec la mouvance islamique), pas plus. « Aucune personne ne figurant pas dans ces fichiers ne pourra être identifiée ou localisée au moyen de ce dispositif », promis, juré.
En dépit de ces propos, tôt ou tard, la brèche sera forcément ouverte aux autres finalités que la lutte contre le terrorisme. Comme souvent, une fois qu’un traitement sécuritaire est adopté, rien n’empêche le législateur d’étendre son périmètre. Enfin, n’oublions pas que pour identifier une seule personne, il faudra toujours scanner tous les visages passant sous les caméras...
À l’Assemblée, de nouveaux arguments pour coupler vidéosurveillance et reconnaissance faciale
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Les yeux doux sur le Patriot Act
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L'autoriser pour l'encadrer
Commentaires (38)
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Abonnez-vousLe 02/10/2017 à 09h54
A force de toujours tout mettre dans le même sac et avec le même “niveau” supposé de conséquences, le rédacteur devrait faire un petit boulot d’instrospection sur ce qu’il veut réellement produire: des réactions épidermiques ou de la réflexion chez ses lecteurs ?
En effet tout réside dans le ton des articles et surtout leur mise en perspective.
Le 02/10/2017 à 09h54
“proche de Christian Estrosi”… “aux côtés notamment d’Éric Ciotti”
Oh ben ca alors. Ils sont vraiment pénibles ces perroquets à demander sans cesse la même chose toujours pour raboter les droits du citoyen. Ces 2 là ont trop de couverture médiatique par rapport à leur rôle réel.
Le 02/10/2017 à 09h57
L’élue Les Républicains, proche de Christian Estrosi
Donc elle a eu la preuve en sangs et en larmes que la ville de Christian " /> Estrosi, blindée de caméras de surveillance à tous les coins de rue, NE PEUT PAS EMPECHER UN ATTENTAT, et elle pense encore que c’est la solution, c’est quoi déjà la définition de la folie selon Einstein? " />
Le 02/10/2017 à 10h04
Et comme disait l’autre: “Ah ! Les saligauds. Un veilleur de nuit noir. Si ça c’est pas un coup dans le dos. C’est dégoûtant, ils se croient tout permis ces gens là.”
Comment leurs caméras de flicages vont reconnaitre un noir dans la nuit noire? " />
Le 02/10/2017 à 10h04
Que de bêtises !
Il y a peu de risque que ce genre de mesure poussée par la frange droitière de LR passe.
Les 2 prochaines nominations seront faites en 2019, une par le président de la république et l’autre par le président de l’assemblée nationale qui me semble avoir assez de personnalité pour le faire en toute indépendance.
De plus, les membres du conseil constitutionnel ont toujours montré une indépendance que facilite leur nomination pour 9 ans en censurant des lois présentées par ceux qui les avaient nommés. Il n’y a aucune raison que cela change.
Le seul point que je rejoins, c’est que la saisine du CC par les parlementaires est plutôt difficile actuellement surtout sur ce genre de sujet où LR soutiendra la majorité ainsi sûrement qu’une partie du PS, mais en fait, c’était déjà pareil lors de la précédente législature. J’ai d’ailleurs signalé ce point dans un de mes commentaires ce WE.
Je ne remercierai jamais assez N. Sarkozy d’avoir passé la QPC dans la constitution. C’est certes moins rapide que la saisine par les parlementaires, mais c’est une sécurité appréciable.
Le 02/10/2017 à 10h09
Si Mme la députée veut absolument localiser les fichés S, il y a une solution beaucoup plus simple, et qui a pour ENORME avantage de laisser tranquille le reste de la population: elle n’a qu’à faire passer une loi qui oblige les fichés S à porter un bracelet électronique, avec géolocalisation. Problème réglé " />
Le 02/10/2017 à 10h09
Agreed. Merci Marc Rees. Il faut garder la foi.
Le 02/10/2017 à 10h19
Le 02/10/2017 à 10h26
Le 02/10/2017 à 10h30
Et si il porte une capuche, on a le droit de l’abattre préventivement comme aux USA? " />
Le 02/10/2017 à 10h30
blague à part, l’avantage du “bracelet” est qu’il n’est pas visible…
Le 02/10/2017 à 10h35
Ouais enfin les fichés S ne sont coupables de rien, le bracelet c’est seulement pour les condamnés, par exemple les députés qui vont à l’assemblé nationale avec " />
Le 02/10/2017 à 10h37
coupables de rien? C’est pas un problème, Mme la députée et ses copains se feront un plaisir de créer un nouveau délit de radicalisation " />
Le 02/10/2017 à 11h13
Petit rappel : la fiche S est tenue secrète. Même les maires ne savent pas si il y a une personne faisant l’objet d’une fiche S dans leur commune.
Car si une personne savait qu’elle faisait l’objet d’une fiche S elle normaliserait son comportement jusqu’à ce qu’elle ne soit plus sous surveillance.
Le 02/10/2017 à 11h32
Le 02/10/2017 à 11h39
Ca dépend s’il aime les concerts de musique country.
Le 02/10/2017 à 08h43
A force, cela va passer comme dans du beurre." />
C’est juste la première fois que ces douloureux." />
Le 02/10/2017 à 09h03
Il faut rendre hommage à Marc Rees qui n’hésite pas à écrire toutes les semaines sur les mêmes sujets au risque de lasser les lecteurs.
Alors certes, certains railleront son coté Don Quichotte… mais d’autres sauront reconnaitre la défense d’une idée non-Orwellienne du monde.
" />
Le 02/10/2017 à 09h03
….des gens qui ne sont pas recherchés ont été arrêtés …
ah, quand même !
mince alors !!!
c’est qu’ils insistent, les bougres, leur Loi a été retoquée une 1ère fois, pas grave :
on essaye une 2..3..4..5. etc…." />
Le 02/10/2017 à 09h07
Le 02/10/2017 à 09h08
Pas touche à mon beurrier ! " />
Donc, on va faire comme les anglais et avoir plein de faux positifs ? les fichés S seront partout d’après le système, même là où ils ne sont pas. Et on arrêtera les sosies en masse, on demandera des explications au fiché S qui finira par savoir qu’il est fiché…
C’est super efficace, sociétalement, c’est le début de la méfiance de tout le monde envers les forces de l’ordre qui peuvent vous arrêter sur un faux positif de reconnaissance faciale. Donc, tout le monde se méfie des forces de l’ordre, elles perdent en efficacité, on augmente l’insécurité et les terroristes se fondent dans la masse des gens qui se méfient, puisque c’est la norme.
On peut trouver mon raisonnement moisi, mais pas moins que celui de nos députés.
Le 02/10/2017 à 09h13
Tu as raison pour la répétition, mais il faut avant tout rendre hommage à ces députés LR du sud qui sans relâche essaient de faire notre bien malgré nous et reproposent sans faiblesse ces mêmes mesures .
Trop de soleil serait-il mauvais pour le cerveau ?
Le 02/10/2017 à 09h26
Le 02/10/2017 à 09h45
Pour travailler étroitement avec les acteurs du domaine, ce n’est techniquement pas encore faisable. Ces députés seraient bien inspirés d’arrêter de se fonder sur leurs idées fantasmées des techniques d’identification biométriques.
Le 02/10/2017 à 09h46
Cela dit, l’État français finance abondamment les projets de recherche en la matière…
Le 02/10/2017 à 09h47
La Récidive En Marche. " />
Le 02/10/2017 à 09h48
J’aime bien ce genre d’article parlant d’une proposition de loi émanant de l’opposition et n’ayant aucune chance de passer.
Mais cela ne va pas suffisamment loin: pour plus de justesse (et de lecteurs), il faudrait aussi y ajouter tous les amendements proposés par les députés FN…
Exemple de ce que ce genre d’article crée comme suspicion et autres commentaires:
Le 02/10/2017 à 11h40
Le 02/10/2017 à 15h06
Les gens qui portent des capuches, cagoules et autres écharpes ont tous quelque chose à cacher, même si c’est inconscient. Il est donc parfaitement normal de les arrêter.
Le 02/10/2017 à 15h07
ça marche si on imprime la photo de quelqu’un d’irréprochable, comme le merveilleux M. Macron et qu’on se la colle sur le visage?
Le 02/10/2017 à 15h08
Le 02/10/2017 à 16h29
L’élue Les Républicains, proche de Christian Estrosi…
Tout est dit." />
Le 02/10/2017 à 16h30
Le 02/10/2017 à 18h17
Le 03/10/2017 à 04h23
Le 03/10/2017 à 08h05
….Le seul point que je rejoins, c’est que la saisine du CC par les parlementaires est plutôt difficile actuellement surtout sur ce genre de sujet …
jugez-en par vous même…“que c’est TROP lourd, comme système, ET qu’il faudrait le réformer” !
(conditions)
Toutefois, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit dans la Constitution un article 61-1 qui crée la question prioritaire de constitutionnalité. Cette réforme ouvre aux citoyens le droit de contester la constitutionnalité d’une loi promulguée à l’occasion d’un procès. Le juge transmet la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation ou au Conseil d’État. Le Conseil constitutionnel peut en être saisi par le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation. Il doit statuer dans le délai de trois mois.
La loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, complétée par le décret n° 2010-148 du 16 février 2010, a défini l’architecture du dispositif juridictionnel et les principales règles de procédure selon lesquelles le Conseil constitutionnel pourra être saisi de questions prioritaires de constitutionnalité soulevées à l’occasion des litiges noués devant les deux ordres de juridiction.
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/le-consei…
Le 04/10/2017 à 15h07
Cet article est trop orienté… please j’apprécie l’information objective, pas emplie d’adjectifs péjoratifs.
Le 04/10/2017 à 15h29
Tu peux préciser les adjectifs qui te choquent et que tu trouves péjoratifs ?