Le gouvernement entend déposer « à l’automne » un projet de loi visant à dématérialiser la propagande électorale à partir de 2018. Une réforme motivée essentiellement par des questions budgétaires, mais qui s’est jusqu’ici toujours confrontée au refus catégorique du Parlement.
La nouvelle majorité mettra-t-elle fin à l’envoi par voie postale des traditionnels plis électoraux contenant professions de foi des candidats et bulletins de vote ? Les gouvernements de Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls s’y sont essayés à plusieurs reprises, sans jamais transformer l’essai.
L’exécutif semble toutefois prêt à sauter le pas. « Un projet de loi visant à la dématérialisation de la propagande pour les élections qui se dérouleront à compter de 2018 sera déposé à l’automne 2017 », peut-on ainsi lire en parcourant les annexes du projet de loi de finances.
Plus de 400 millions d’euros d’économies sur la période 2018 - 2022
Alors que le ministère de l’Intérieur nous expliquait la semaine dernière ne connaître ni le calendrier, ni le véhicule législatif qui serait choisi pour cette réforme, on apprend que c’est bel et bien au travers projet de loi relatif au « droit à l’erreur » porté par Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des comptes publics, que le gouvernement d’Édouard Philippe entend avancer.
« En substituant à l’envoi des circulaires des candidats leur mise en ligne sur un site Internet public, la dématérialisation de la propagande devrait permettre d’en assurer un meilleur accès en révisant ses modalités de diffusion, de mieux maîtriser les coûts liés à l’organisation des élections et de garantir un meilleur impact environnemental », fait valoir l’exécutif.
On devine toutefois que le gouvernement est avant tout motivé par l’impact budgétaire de cette réforme, Bercy cherchant plus que jamais à réduire les dépenses de l’État. L’économie attendue est en effet de 414,3 millions d’euros « sur la période 2018 - 2022 » (ce qui inclurait visiblement toutes les élections, dont les présidentielles et législatives).
Vers une réforme par ordonnance
Les contours de la réforme à venir demeurent néanmoins assez flous. L’exécutif ne précise pas si la propagande électorale sera mise à disposition de la population en version papier, par exemple dans les mairies. On voit toutefois mal les pouvoirs publics se dispenser d’un tel « garde fou », à l’heure où une part non négligeable de foyers ne dispose pas d’un accès à Internet...
Ce point pourrait cependant ne pas être débattu directement par les parlementaires. Le gouvernement explique qu’il présentera un projet de loi, mais celui-ci pourrait très bien consister en une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance (comme pour la récente réforme du Code du travail).
C’est d’ailleurs ce qui était prévu dans l’avant-projet de loi transmis cet été au Conseil d’État par Gérald Darmanin. Un choix vivement critiqué par le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), pour qui les mesures envisagées par l’exécutif « nécessitent un débat parlementaire approfondi sur le sujet ». Aux yeux de l’institution, le législateur devrait notamment discuter du « souhait d’un grand nombre de citoyens de continuer à recevoir la propagande électorale ».
« Sur la dématérialisation de la propagande électorale, la disposition législative est rédigée depuis cet été et validée par le Conseil d’État », nous a cependant indiqué le ministère de l’Intérieur la semaine dernière, ce qui laisse à penser que le gouvernement pourrait persister dans sa volonté de légiférer par voie d’ordonnance.
Une mesure qui suscite de nombreuses oppositions
Restera alors à voir comment cette réforme sera accueillie par les parlementaires, et notamment par la nouvelle Assemblée. Lors de la précédente législature, députés et sénateurs s’y étaient farouchement opposés, par peur notamment d’une montée de l’abstention.
Certains avaient par ailleurs regretté que la plateforme de mise en ligne des professions de foi ne soit qu’un répertoire de documents numérisés, alors que le numérique pourrait permettre de nombreux enrichissements (liens hypertextes, etc.).
Au milieu des « pour » et « contre », le député Sergio Coronado (EELV) était monté au créneau fin 2015 pour proposer une solution transitoire (mettre un terme aux plis postaux pour les seules personnes qui se porteraient volontaires), sauf que celle-ci n’a jamais été débattue dans l’hémicycle...
Commentaires (45)
#1
Légiférer sur le code électoral par ordonnance (shuntant toute possibilité d’expression autre que oui/non/abst par la représentation nationnale), quelle riche idée pleinement démocratique.
#2
C’est un cavalier législatif. Je ne vois pas le rapport avec le droit à l’erreur. Rejeté.
#3
#4
#5
car c’est notre projeeet !
#6
Est-ce que ne pas recevoir des paperasses qui sont arrivées après les élections les deux dernières fois va modifier ma manière de voter ?
Je suppose que non…
Pourquoi ils ne veulent pas faire les choses bien ?
Comme c’est envoyé par courrier avec une adresse qui provient des listes électorales, pourquoi ne pas donner la possibilité à chaque électeur de ne plus recevoir la propagande par courrier ?
Dans un grand nombre de foyers, on les reçoit en double, triple, quadruple ou pire (en fonction du nombre de Tanguy qui sont restés chez les parents). Pendant mes études, on les recevait 4 fois, un terrible gâchis.
Si l’on dématérialise, il faut un site où l’on cherche son adresse/bureau de vote et où l’on peut voir tous les candidats facilement, avec leur affiche officielle, leur propagande officielle, et pourquoi pas un peu plus.
Quitte à faire ça bien, si l’on pouvait se désinscrire de la réception papier de la propagande en ligne, ce serait super. Peu de chances que je me déplace à la mairie pour leur dire que je n’en veux plus si jamais c’était le fonctionnement retenu…
Donc, au lieu de jeter cette modification à la figure des gens, on peut les laisser choisir !
#7
on pourra plus faire ça ?
https://www.lavozdegalicia.es/noticia/espana/2017/10/02/palol-revardit-pueblo-ca…
#8
« Une certaine idée de la France » ?
#9
On recevra l’URL de la propagande via un courrier papier du coup ? " />
#10
#11
#12
#13
#14
Voilà. Comme je suppose par ailleurs que les citoyens n’ayant pas encore accès au Web sont les personnes âgées et les plus pauvres, ça leur fera faire un peu de sport a ces feignasses " />
(Humour hein " />)
#15
C’est de toute façon du gâchis :
Le bureau de vote doit en avoir, et en plus on en envoie aux gens ?
Il faut en prévoir en quantité suffisante partout, du coup, deux fois trop.
Il faut garder bien séparés la propagande, les bulletins et les enveloppes.
Les choses nécessaires au vote seraient uniquement au bureau de vote, et on aurait le choix de recevoir la propagande ou pas.
#16
Le dis pas en rigolant, j’ai un chef qui a réussi à nous envoyer un mail pour nous dire qu’on pouvait rallumer nos pc…
#17
#18
Si ça suivait un principe de désinscription à la propagande papier, seuls ceux qui le peuvent arrêteraient de recevoir le papier.
Ce serait une économie progressive sans léser personne.
#19
Ah bah voui, parce que dans le monde digital 2.0 de la Nation Jeune-Pousse, tu accèdes à tes mails pros depuis ton ordiphone personnel " />
" />
#20
#21
#22
Il y a un autre problème, c’est celui de la vie privée et du secret de l’élection. Avec une propagande en ligne, à moins de fournir une archive contenant les PDF de toutes les professions de foi, les personnes qui tiennent le site (en clair le ministère de l’Intérieur) pourront obtenir des statistiques de consultations.
Si tu ne te rends que sur les pages (ou télécharge les PDFs) qui t’intéressent, ils le sauront.
Tant que la vidéo-surveillance vidéo-protection à domicile n’est pas encore obligatoire, le papier garde cet avantage
#23
Ah flute, je perds la main " />" />
#24
Surtout un mail dans un service en circuit fermé " />.
#25
Si on reçoit les bulletins de vote à domicile, c’est qu’il y a des raisons. Il y a, par exemple, des personnes âgées, des handicapées, des mal-voyants qui ont du mal à discerner les différences entre les candidats, à différencer physiquement 2 bulletins. Ces personnes ont besoin d’emmener leur bulletin dans leur poche. Et puis, même sans handicap, c’est un choix laissé à l’électeur. C’est aussi une façon d’être sûr de son choix (une certitude pour lui-même, et une certitude pour les autres électeurs).
Sinon, beaucoup de gens (plus qu’on pourrait le croire) se retrouveraient dans l’isoloir à tirer à pile ou face pour faire un choix (ou, plus sûrement, à ne pas se déplacer).
#26
Parce que vous êtes archaïques et n’avez pas encore migré le mail chez Google ou Outlook " />" />
#27
Le défaut des “private jokes” en public…
#28
Je ne pense vraiment pas que ça changerait l’abstention pour les indécis.
Celui qui va tirer à pile ou face dans l’isoloir, c’est son problème, le fait qu’il ait tiré à pile ou face chez lui ou ailleurs ne change pas les probabilités du résultat. S’il tire aussi à pile ou face le fait qu’il va voter ou pas, c’est encore son choix.
Et il n’y a pas que les mal-voyants qui ont du mal à discerner les différences entre les candidats si l’on compare leur exercice du pouvoir, ils disent tout ce qu’ils veulent avant, à la sortie, on a, par exemple, toujours l’Hadopi malgré de multiples promesses !
#29
#30
#31
#32
#33
#34
#35
#36
" /> Il n’y a pas mort d’homme. " />
#37
#38
Du coup, dans une optique d’un choix de ne plus recevoir la paperasse à la maison, eux, ils la gardent, ma grand mère aussi, et moi par contre, j’indique que j’en veux pas, et on sauve un arbre et quelques euros de l’état.
La solution qui ira à tout le monde, c’est qu’on puisse simplement se désinscrire et réinscrire sur la liste d’envoi.
#39
Un projet de Loi qui impacte la démocratie dont le vote serait fait par ordonnance et donc sans débat avec la représentation nationale?
Depuis le début de son mandat, je vois les prémices d’une possible dérive tyrannique de la part de M Macron.
#40
C’est clair qu’on finit par ne plus distinguer les différences de programmes, tellement les paroles de campagne sont en décalage avec les actes qui sont, eux quasi-semblables quelque soit la couleur politique de l’élu " />
Concernant l’électeur :
Que l’électeur choisisse de tirer à pile ou face son candidat, c’est son problème, il est libre de son vote.
Que l’électeur soit mal informé / qu’il soit informé dans la précipitation d’une procédure de vote incertaine ou bâclée, c’est une irrégularité du scrutin qui affaiblit la validité du scrutin.
#41
« La solution qui ira à tout le monde, c’est qu’on puisse simplement se désinscrire et réinscrire sur la liste d’envoi. »
C’est la voie la plus sensée à suivre, en effet.
La position du député Paul Molac va d’ailleurs dans ce sens.
#42
Tant que l’Assemblée nationale décide d’accorder au gouvernement le droit de légiférer, on est encore dans une procédure démocratique. On n’est pas encore dans la situation où le gouvernement décide sans contre-pouvoir ou “selon son bon plaisir”.
#43
L’exécutif ne légifère pas. Il peut proposer des textes de lois qui, et c’est le sens d’un débat démocratique, sont soumis à la représentation nationale.
Le parlement peut voter une motion de censure à l’encontre d’un gouvernement.
Dans notre cas, l’absence de débat parlementaire est un signe évident d’une présidence autoritaire qui soustrait aux représentants des citoyens sa légitimité a peser dans les choix et orientation de la France.
C’est ainsi que débute les tyrannies.
#44
Désolé, je n’ai pas compris le sens de ton premier commentaire. Moi, je te parle de la Constitution de 1958 et de son article 38. Il me semble que ces règles préétablies ne sont pas anti-démocratiques. Même l’auteur de l’essai Le Coup d’État permanent (qui fut Président de la République) a promulgué des ordonnances.
« ARTICLE 38.
Le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis du Conseil d’État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.
A l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif. »
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-consti…
#45
Je n’ai pas dit que c’était illégale.
Je dis juste que c’est plutôt illégitime si on se réfère aux citoyens qui ont voté pour EM (18%) et que c’est la voie habituellement utilisée par les futurs tyrans.