La Commission européenne s’attaque au Luxembourg d’Amazon et à l’Irlande d’Apple
Au Luxembourg, Amazon Prime.
Le 04 octobre 2017 à 15h30
6 min
Droit
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Journée faste pour l’actualité fiscale. La Commission européenne vient de trainer l’Irlande devant la CJUE pour non récupération des 13 milliards consentis à Apple. Le Luxembourg se voit, lui, enjoindre de récupérer 250 millions d’aides indues accordées à Amazon.
En août 2016, la Commission avait étrillé les coups de pouce accordés par l’Irlande à Apple. Ces avantages fiscaux indus ont conféré « à l'entreprise un avantage significatif par rapport aux autres sociétés qui sont soumises aux mêmes règles nationales d'imposition » concluait l’institution bruxelloise après deux années d’enquête.
Un taux d’imposition de 0,005 %
C’est bien simple, les taux d’imposition effectifs sur les sociétés dont a pu bénéficier la Pomme ont pu rendre poire les concurrents : de 1 % en 2003 à 0,005 % ! En tout, l’Irlande se voyait ordonner de réclamer 13 milliards d’euros, somme évaluée dans les limites de la prescription décennale.
Dès la décision connue, le ministre des Finances irlandais avait fait état d’un « profond désaccord » ajoutant que selon lui, « il est important que nous envoyions un message fort : l'Irlande reste un endroit attrayant et stable pour des investissements importants à long terme ».
Seul hic, alors que le pays a depuis fait appel de cette décision, la Commission a rappelé dès l’origine qu’il n’était en aucun cas suspensif. En clair : il doit récupérer l’aide, peu importe les stratégies juridictionnelles du débiteur.
Aucun effort dans la récupération de ces 13 milliards
Un an plus tard, l’agacement de la Commission gagne un cran. Elle vient de décider d'assigner l'Irlande, peu pressée de récupérer ce pactole qui vient salir la beauté de ses charmes fiscaux.
Margrethe Vestager, commissaire chargée de la politique de concurrence, concède que le processus puisse être long et propose son aide, mais dans tous les cas, « les États membres doivent faire des progrès suffisants pour rétablir la concurrence ». Une manière diplomatique de stigmatiser la passivité irlandaise.
L’Irlande a désormais quatre mois pour corriger le tir puisque « tant que l'aide illégale n'est pas récupérée, l'entreprise en question continue de bénéficier d'un avantage indu, ce qui explique pourquoi la récupération doit avoir lieu le plus rapidement possible ».
Si le pays en venait à persister dans son refus, il s’engagerait dans un processus plus douloureux où, aux 13 milliards, s’ajouteraient des astreintes.
Le Luxembourg doit récupérer 250 millions d’euros chez Amazon
La même commission a visiblement voulu marquer cette journée au fer rouge. En même temps que cette annonce, elle vient de taper sur les doigts du Luxembourg. Nos voisins sont accusés d’avoir accordé 250 millions d’euros d’avantages fiscaux à Amazon.
Même logique : des ristournes qui ont permis au géant du e-commerce de payer beaucoup moins que les autres entreprises. Une aide d’État en conséquence illicite que doit récupérer le pays. Sur le terrain, l’enquête a débuté voilà trois ans. Elle ne concerne que la période de mai 2006 à juin 2014, date à partir de laquelle Amazon a changé sa structure.
La Commission a eu beau fouiller, elle n’a pas trouvé de justification valable pour ce « tax ruling » où Amazon a pu « transférer la majeure partie de ses bénéfices depuis une société du groupe Amazon assujettie à l'impôt au Luxembourg (Amazon EU) vers une société qui ne l'est pas (Amazon Europe Holding Technologies) ».
Plus en profondeur, Amazon EU et Amazon Europe Holding Technologies sont deux sociétés de droit luxembourgeois contrôlées par la maison mère Amazon.com Inc. aux États-Unis. La première se charge de l’exploitation, et donc de la vente au détail. La seconde est un intermédiaire entre celle-ci et Amazon.com Inc.
La holding « détient certains droits de propriété intellectuelle pour l'Europe dans le cadre d'un "accord de répartition des coûts" passé avec Amazon aux États-Unis » explique la Commission européenne. « La société holding ne fait elle-même aucun usage actif de cette propriété intellectuelle. Elle accorde simplement une licence exclusive sur cette propriété intellectuelle à la société d'exploitation, qui l'utilise pour exploiter les activités de vente au détail d'Amazon en Europe ».
Amazon Europe Holding Technologies, une coquille vide
C’est par le jeu des paiements de juteuses redevances en faveur d’Amazon US que les flux finalement imposables en Europe ont été considérablement dégonflés. Alors que la société d’exploitation est en charge de toute l’activité, « la société holding était une coquille vide qui transmettait simplement les droits de propriété intellectuelle à la société d'exploitation, laquelle en faisait un usage exclusif ».
De leur côté, les services fiscaux luxembourgeois avaient validé le paiement d'une redevance par Amazon EU à Amazon Europe Holding Technologies venant raboter son bénéfice imposable. La Commission a considéré que les montants de ces redevances, liées aux droits de propriété intellectuelle, étaient excessifs et sans lien avec la réalité économique.
Au final, près des trois quarts des bénéfices d'Amazon ont été indûment attribués à la holding, où ils n’ont pas été imposés. Une très belle affaire pour le géant du e-commerce. Comme pour l’Irlande face à Apple, le Luxembourg doit maintenant sortir de sa léthargie fiscale pour récupérer cette somme, avec au loin, la menace d’une action devant la CJUE.
De son côté, Amazon a contesté par communiqué avoir reçu de traitement de faveur. « Nous nous sommes acquittés des taxes requises en parfaite conformité avec les lois luxembourgeoises et internationales. Nous allons étudier la décision de la Commission et examiner nos recours juridiques, y compris l’appel. Nos 50 000 employés à travers l’Europe demeurent dédiés au service de nos clients et des centaines de milliers de petites entreprises qui travaillent avec nous ».
Deux dossiers dans le ciel de la fiscalité du numérique
La colère bruxelloise ne doit rien au hasard. Ces deux affaires interviennent alors que la question de la fiscalité du numérique est à l’honneur de l’actualité européenne.
La France, l’Allemagne et d’autres pays militent pour une réforme fiscale afin de faire payer davantage les géants du Net. Paris souhaite ainsi une taxe égalisatrice sur le chiffre d’affaires. Seul hic, plusieurs pays s’y opposent : Malte, Chypre, les Pays-Bas, mais également l’Irlande et le Luxembourg, qui craignent de rendre l’Europe moins compétitive sur le marché mondial.
La Commission européenne s’attaque au Luxembourg d’Amazon et à l’Irlande d’Apple
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Un taux d’imposition de 0,005 %
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Aucun effort dans la récupération de ces 13 milliards
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Le Luxembourg doit récupérer 250 millions d’euros chez Amazon
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Amazon Europe Holding Technologies, une coquille vide
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Deux dossiers dans le ciel de la fiscalité du numérique
Commentaires (38)
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Abonnez-vousLe 04/10/2017 à 15h34
Nos 50 000 employés à travers l’Europe demeurent dédiés au service de nos clients et des centaines de milliers de petites entreprises qui travaillent avec nous
La menace à peine voilée " />
Le 04/10/2017 à 15h41
Le 04/10/2017 à 15h42
Quelle menace ? L’Europe est un marché trop important pour qu’Amazon s’en passe.
C’est tout au plus un plaidoyer larmoyant.
Le 04/10/2017 à 15h52
Encore une fois on sent bien la menace sur l’emploi en Europe … Quand est-ce qu’on arretera ce cirque où ce sont les habitants d’un pays qui se font racketter en taxe ou augmentation d’impots en tout genre car les GAFA ou autres utilisent d’artifices certe légal mais pas du tout équitables .
Les actionnaires en veulent tellement toujours plus qu’ils sont prêt à utiliser n’importe quel stratagème pour garder un rendement sur les actions … Quand est-ce qu’on leur explique que ce sont les gens qui achètent leurs produits qui permet de generer un benefice derriere et que si ces gens n’ont plus d’emploi il ne peuvent plus acheter leurs produits …
Il est grand temps que l’Europe pose ses c… sur la table et utilisent la même méthode que les USA à savoir te balancer des grosses amendes ou merci de dégager.
Le 04/10/2017 à 15h56
+1
sinon je vois pas à quoi sert l’europe au niveau économie. Comme le dit fred42, l’europe représente un tel marché qu’aucune entreprise ne peut s’en priver. A un moment faut arreter d’être le dindon de la farce.
Le 04/10/2017 à 16h29
Le 04/10/2017 à 18h16
Et à l’Irlande de Microsoft ? OpenBar quand tu nous tient.
Le 04/10/2017 à 23h51
Au pire, on se retrouvera tous sur priceminister et la fnac " />
Le 05/10/2017 à 07h07
Cette commissaire européenne à une paire d’ovaires en titane quand même ^^
Le 05/10/2017 à 07h16
éh oui, dès qu”une société fait du chantage à l’emploi…hop on lâche “du lest” !
(ça marche à tt.-les-coups) " />
Le 05/10/2017 à 08h08
Le 05/10/2017 à 09h24
Le 05/10/2017 à 09h29
Tant qu’a sortir des chiffres inventés pourquoi pas mettre 99% ?
La dépense publique est de 48.5% du PIB en europe pour info. Dont les 2⁄3 sont représenté par la protection sociale (40%) la santé (15% ) et l’enseignement (10%).
Ces choses sont vraiment tellement maigres que des dizaines de milliers de gens meurent chaque année pour en avoir ne serait ce qu’une miette..
Mais bon laissons faire le marché c’est tellement mieux " />
Le 05/10/2017 à 10h26
Le 06/10/2017 à 22h20
Le 06/10/2017 à 22h35
Le 07/10/2017 à 08h03
Le 07/10/2017 à 14h56
Ce sont moins tes raisonnements logiques que tes conclusions qui me font tiquer.
Pour cette nouvelle citation, encore une fois, hm, oui, et alors ?
Le 07/10/2017 à 19h39
Le 08/10/2017 à 03h05
Cette vision fantasmée du marché est aussi utopiste que les volontés d’ordre parfait des anarchistes.
elle fonctionnerait peut-être si tout le monde était Ayn Rand.
Il y aura toujours quelqu’un pour casser l’auto-régulation du marché, volontairement ou non : il y a des phénomènes d’emballement non volontaires assez pervers qui sont à prendre en compte.
Il faut vraiment cesser de théoriser une économie parfaite si tu veux comprendre l’économie réelle.
Le 08/10/2017 à 11h00
Le 08/10/2017 à 13h58
Ayn Rand, une philosophe, à la bonne heure " />
Pour ton dernier paragraphe, vraiment, étudie l’histoire de l’économie. Ça serait beaucoup plus pertinent pour ta culture économique que de lire les inepties d’une auto-proclamée philosophe.
Les marchés sont trop intriqués dans le tissu social et économique mondial aujourd’hui pour qu’on puisse s’amuser à jouer aux apprentis sorciers.
Quand le prix international du blé est en jeu, il n’y a pas de place pour l’amateurisme et la pseudo-science qu’est celle d’Ayn Rand et de ses potes.
Le 05/10/2017 à 11h54
Le 05/10/2017 à 12h52
ça fait 1 an que l’amende a été prononcée contre Apple !
“en même temps on NE lâche pas 13 Mds. comme ça……..piou” !!! " />
Le 05/10/2017 à 13h07
Le 05/10/2017 à 16h31
Le 05/10/2017 à 16h36
Le 05/10/2017 à 16h38
Le 05/10/2017 à 16h48
Le 05/10/2017 à 17h03
Le 05/10/2017 à 17h17
Le 06/10/2017 à 00h24
Tes grands airs de savant économiste du 21ième siècle me font toujours un peu rire " />
D’abord, ta diatribe dissonante n’a aucun rapport avec le commentaire auquel tu sembles vouloir répondre, wow, bravo.
D’autre part, tu parles de “dépense publique”, mais est-ce vraiment une dépense ?
Dans le même sens, une dépense publique est-elle vraiment une dépense ? L’argent ne sert pas à paver les rues, ou ce n’est pas non plus du foin pour nourrir les fonctionnaires !
Quand tu payes des impôts, toi en tant que personne tu vas perdre X euros, mais la société va en perdre 0.
Partant de là, toi tu t’es peut-être appauvri, mais “les gens” c’est-à-dire la société dans son ensemble ne se sont pas appauvris.
C’est la même chose avec les sociétés privées, comme Amazon.
Avec la technique évoquée dans l’article, la dépense est pure, et l’argent ne reviendra jamais dans la société.
C’est ça que l’UE cherche à éviter en combattant la distorsion de concurrence. Des sociétés locales doivent assumer tout le contexte civil qu’Amazon assume beaucoup moins grâce à son caractère transnational. Ce n’est pas raisonnable économiquement.
Idéalement, tout profit généré dans une société civile donnée (autrement dit tout profit extrait de cette société parce que c’est bien de cela qu’il s’agit) devrait subir les lois d’imposition de cette société.
En passant, la relative ambiguïté des profits générés par Google sur des profils publicitaires et identités de client, même si lesdits profits sont effectués loin du pays d’ “origine”, ne change rien à la donne si on considère ces profils et identités comme des marchandises, et la logique douanière qui en découle.
Le 06/10/2017 à 06h31
Le 06/10/2017 à 16h08
Ah mais je maintiens.
Explique moi le rapport parce que franchement je ne le vois pas.
Le 06/10/2017 à 19h12
Le 06/10/2017 à 19h48
Le 06/10/2017 à 20h23
Le 06/10/2017 à 21h00
Mais… pourquoi tu me parles de création de richesse maintenant ? " />
Évidemment qu’un impôt ne créée pas de richesse, ce n’est pas sa nature, ça ne l’a jamais été, et le préciser ainsi est un peu curieux.
Par contre, dire qu’un impôt détruit la richesse (?) parce qu’il est improductif (??) et appauvrit (???) par sa nature, c’est péremptoire. Et assez audacieux ?
Ce qui s’énonce sans arguments se nie sans argument.
Je nie donc sans arguments.
Pour ton point 4, tu as vraiment lu l’article ? Écrire de but en blanc “les importations rendent plus riches” comme conclusion c’est audacieux pour ne pas dire idiot face au contenu.
Pour le point 5, excuse moi mais je ne vais pas aller lire 40 pages d’un PDF obscur sur le site d’un think tank de droite britannique.
De même, j’ai de gros doutes sur la pertinence d’un arbitrage des sophismes (pourquoi pas, après tout) par un papier prônant aussi ouvertement un marché mondial libéral. Ça me parait quand même très peu neutre et donc fort peu à propos.
Je préfère ignorer la citation d’Ayn Rand que je trouve insultante par sa seule présence. Citer cette illuminée égocentrique ne va pas faire avancer quoi que ce soit…
(Sans compter qu’elle est tout à fait vide de substance et de nouveauté).