Terrorisme : dernière ligne droite pour le projet de loi post-état d’urgence
Le jour d'après
Le 09 octobre 2017 à 10h00
6 min
Droit
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Les parlementaires se réuniront aujourd’hui à 16 heures pour arbitrer la version finale du projet de loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Plusieurs points d’arbitrage touchent au droit des nouvelles technologies.
Après les sénateurs, les députés ont adopté à leur tour le projet de loi anti-terroriste déposé par le gouvernement, pour y apporter plusieurs modifications. Cet après-midi, la commission mixte paritaire se réunira en CMP pour départager les différences entre les deux versions.
Le temps presse puisque ce texte est destiné à prendre la suite de l’état d’urgence qui s’achèvera au 1er novembre prochain. On retrouve d’ailleurs dans ses lignes, plusieurs dispositions inspirées de cet état exceptionnel. Si l’analyse est contestée par l’exécutif, c’est en tout cas celle faite par Bernard Cazeneuve lors d’une conférence « Nuit du Droit », organisée la semaine dernière au Conseil constitutionnel.
Zone de protection, fermeture des lieux de culte
Ainsi, le Préfet pourra décider de mettre en place des périmètres de protection dont l’accès sera contrôlé dès lors qu’un lieu ou un évènement sera exposé à un risque terroriste à raison de sa nature et de l’ampleur de sa fréquentation.
Le même pourra décider la fermeture des lieux de culte « dans lesquels les propos qui sont tenus, les écrits, idées ou théories qui sont diffusés ou les activités qui se déroulent provoquent à la violence, à la haine et à la discrimination et provoquent à la commission d’actes de terrorisme ou font l’apologie de tels actes ». Le texte déborde ainsi de la seule lutte contre le terrorisme.
En outre, suite à un vote des députés, des propos diffusés sur Internet pourront à eux seuls justifier cette décision de fermeture.
Les mesures individuelles de surveillance
Des mesures individuelles sont prévues par le même texte à l’encontre de certaines personnes. Il s’agit de celles à l’égard desquelles il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement « constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics » et qui, soit sont en contact avec des groupes terroristes, soit soutiennent, diffusent ou adhèrent à la commission d’actes de terrorisme ou en font l’apologie.
Elles pourront se voir astreintes à rester dans un périmètre de la taille de la commune, pointer au moins une fois par jour à la police, et déclarer leur changement de lieu d’habitation. À titre alternatif, au lieu du pointage, la personne soupçonnée pourra porter un bracelet électronique.
L’obligation de déclarer ses identifiants
En lieu et place de ces mesures, les députés ont réintroduit une obligation initiale qui avait sauté au Sénat. Elle vise notamment à obliger les suspects à déclarer durant 6 mois, l’ensemble de leurs identifiants électroniques, sachant que si cette mesure ne concerne pas les mots de passe, son spectre d’application est très vaste pour ne pas dire indéfini. Soit un joli terreau pour une possible censure constitutionnelle.
Députés comme sénateurs ont validé le principe des visites et saisies notamment informatique, deux miroirs des perquisitions chères à l’état d’urgence. Avec une nuance : il faut cette fois l’autorisation initiale du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris, saisi par le préfet.
Nouveauté à l’Assemblée nationale : le ministère de l’Intérieur devra informer « sans délai » les deux chambres des mesures de surveillance, des visites et des saisies mises en œuvre sous le règne de la nouvelle loi jusqu’au 31 décembre 2020.
À cette fin, les autorités administratives, essentiellement les préfets, devront « leur transmettre sans délai copie de tous les actes qu’elles prennent en application de ces dispositions. L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures. »
Géolocalisation en temps réel, enquêtes administratives
Toujours chez les députés, a été ajoutée la possibilité, pour les investigations relatives aux infractions de terrorisme, de procéder à la géolocalisation en temps réel d’une personne ou d’un véhicule, sans le consentement de son propriétaire.
Même sens pour la réalisation d’enquêtes relatives aux emplois publics relevant en particulier des missions de souveraineté de l’État ou du domaine de la sécurité ou de la défense. Désormais, afin de déceler des incompatibilités avec l’exercice des fonctions ou des missions envisagées, ces enquêtes pourront être menées en vue de s’assurer que le comportement des personnes n’est pas devenu, avec le temps, incompatible avec leur poste.
Remarquons au passage que ces enquêtes pourront être nourries par la consultation de l’ensemble des fichiers relevant de la sécurité de l’État.
Des boites noires étendues jusqu’en 2020
D’autres traitements automatisés sont programmés par les parlementaires dans le cadre du passager name record (ou PNR). Comme l’a signalé la CNIL, « le traitement mis en œuvre au niveau national est en outre plus étendu que ce que prévoit la directive [PNR], dans la mesure où il peut être utilisé, par les services de renseignement, à des fins de prévention des atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation ».
Outre la mise à niveau du code de la sécurité intérieure relative à la surveillance hertzienne, censurée dans sa première version parle Code de la propriété intellectuelle, le projet de loi étend désormais l’expérimentation des boites noires jusqu’en 2020. Le rapport d’étape parlementaire, lui aussi programmé par la loi renseignement, a été repoussé tout autant de deux années par les députés.
Selon le gouvernement, à l’origine de l’amendement modifiant ce terme, « la date de 2018 retenue par le législateur au moment de l’examen du projet de loi relatif au renseignement semble cependant prématurée et il apparaît que le bilan qui pourrait être tiré de la mise en œuvre de cette technique de recueil de renseignements au 30 juin 2018 ne permettra pas au Parlement de se prononcer de manière satisfaisante sur l’opportunité de pérenniser cette technique ou d’y mettre fin ».
Terrorisme : dernière ligne droite pour le projet de loi post-état d’urgence
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Zone de protection, fermeture des lieux de culte
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Les mesures individuelles de surveillance
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L’obligation de déclarer ses identifiants
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Géolocalisation en temps réel, enquêtes administratives
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Des boites noires étendues jusqu’en 2020
Commentaires (58)
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Abonnez-vousLe 09/10/2017 à 11h19
Et dire qu’on nous demandait de faire barrage au FN, et pour finir on se retrouve avec ça.
Le 09/10/2017 à 11h23
Le 09/10/2017 à 11h34
Selon le gouvernement, à l’origine de l’amendement modifiant ce terme, « la date de 2018 retenue par le législateur au moment de l’examen du projet de loi relatif au renseignement semble cependant prématurée et il apparaît que le bilan qui pourrait être tiré de la mise en œuvre de cette technique de recueil de renseignements au 30 juin 2018 ne permettra pas au Parlement de se prononcer de manière satisfaisante sur l’opportunité de pérenniser cette technique ou d’y mettre fin ».
C’est à ce moment précis qu’on peut craindre l’utilisation de la lutte contre le terrorisme comme un bon prétexte à la mise en place d’un Etat policier.
Le 09/10/2017 à 11h36
Le 09/10/2017 à 11h39
Dans certains états, tu es terroriste si tu tiens des propos subversifs…
Jamais perdre de vue que ‘terrorisme’ est un concept purement politique, et que sa définition varie selon la forme de pouvoir en place.
D’une manière, avec ce type de notion floue, ont peut tout justifier.
Le 09/10/2017 à 11h41
Le 09/10/2017 à 11h46
Le PS, il dérive déjà tellement que sa probabilités d’atteindre le totalitarisme (ou quoique ce soit) est extrêmement faible. La probabilité est qu’il disparaisse comme un cachet effervescent dans la mer.
Le 09/10/2017 à 11h47
Le 09/10/2017 à 11h50
La France insoumise époque “constituante vénézuelienne” ou celle époque “syriza grecque” ? " />
Le 09/10/2017 à 11h56
Le 09/10/2017 à 11h58
Le 09/10/2017 à 12h05
Je ne pense pas.
Comme souvent on emploie des termes savants alors qu’ils savent très bien qui sont visés " />
Le 09/10/2017 à 12h07
Le 09/10/2017 à 12h14
" />
Quand à la constituante vénézuelienne, les chavistes se sont auto-octroyés le pouvoir législatif absolu au détriment de l’assemblée nationale. Bref, pas du tout une dérive totalitaire…
Le 09/10/2017 à 12h23
Pour compléter, parce qu’il ne connaît peut-être pas non plus ce que veut dire vénézuélienne.
Et le Venezuela une source d’inspiration pour Mélenchon (19 avril 2013).
Bon, c’était avant la constituante. Il semble avoir pris ses distances avec Maduro.
Le 09/10/2017 à 12h25
Le 09/10/2017 à 13h59
“Ce qui est drôle” c’est que pendant ce temps la un mec sans papier pas français ayant commis 8 délit avec 8 identité différentes soit relâché dans l’après midi parce que “c’est samedi” pour ensuite poignarder deux gamines dans la rue 2 jours plus tard… Alors qu’en 5 minute il aurait été possible de croiser des empreintes et de le renvoyer chez lui…
Mais bon “dormez tranquille” on va réguler internet " />
Le 09/10/2017 à 14h02
Le 09/10/2017 à 14h04
Le 09/10/2017 à 14h15
Le 09/10/2017 à 14h15
Ce taux d’erreur peut aller jusqu’à 100 %.
En fait, ce n’est pas le taux d’erreur qu’il faut regarder mais l’absence de contrôle possible par la majorité des citoyens, en particulier sur la triche. Don, mon taux de 100 % est en fait obtenu en cas de triche totale.
Si tu t’intéresses au sujet, va lire les commentaires des derniers articles de NXI sur le sujet du vote électronique, on ne va pas refaire le débat ici.
Mais dans le contexte de mon message, il était important de rappeler que l’on ne peut pas voter rapidement de chez soi sur son PC et être sûr que notre avis sera compté comme il faut.
Le 09/10/2017 à 14h17
Le 09/10/2017 à 14h21
Comme on te l’a dit : en période électorale, il ne se passe pas grand chose, donc bon on ne serait plus gouverné.
Et sans stabilité, on n’avancerait pas beaucoup, si la majorité change tous les mois, elle déferait juste ce que la précédente a commencé à faire. J4y vois plus d’inconvénients que d’avantages.
En plus, la proportionnelle ne permettrait plus de majorité, ce qui rendrait encore plus difficile de gouverner.
On dirait que tu veux réinventer la IVème république et son instabilité gouvernementale chronique.
J’aime beaucoup ta dernière phrase qui enlève toute crédibilité à ta proposition. " />
Édit :
Le 09/10/2017 à 14h24
Le 09/10/2017 à 14h34
Le 09/10/2017 à 14h37
Le 09/10/2017 à 14h50
Le 09/10/2017 à 15h18
Le 09/10/2017 à 15h39
Le 09/10/2017 à 16h28
Le 09/10/2017 à 16h30
Le 09/10/2017 à 16h55
Le 09/10/2017 à 11h11
La notion de “discrimination” pouvant inclure la celle appliquée aux femmes, je pense que de très nombreux lieux de cultes de toutes les obédiences vont devoir être fermés…
Le 09/10/2017 à 12h29
Le 09/10/2017 à 12h29
Le 09/10/2017 à 12h30
Le 09/10/2017 à 12h31
Le 09/10/2017 à 12h31
Le 09/10/2017 à 12h33
Le 09/10/2017 à 12h39
Cazeneuve suggère au président de saisir lui-même le CC dans son intervention à la « Nuit du Droit » (citée dans l’article : on retrouve les vidéos sur le site du CC), rappelant que Hollande l’a fait pour une loi sur la sécurité qui était décriée. Il est revenu plus avocat que ministre de l’intérieur. " />
Souhaitons qu’il le fasse, mais j’ai bien peur qu’il s’abstienne, hélas.
Édit : ajout d’une précision sur Nuit du Droit.
Le 09/10/2017 à 12h40
J’ai du mal a faire confiance à un parti qui s’appelle anticapitaliste tout en s’étiquetant “gauche radicale” (donc pas anticapitaliste) pour faire plus gentil. " />
Le 09/10/2017 à 12h48
Le 09/10/2017 à 12h50
Le 09/10/2017 à 13h07
Le 09/10/2017 à 13h28
Le 09/10/2017 à 13h33
Le 09/10/2017 à 13h45
un peu hs mais le CC ne semble plus vraiment efficace.
La loi de travail el khomeri avait été retoquée par le CC. La nouvelle loi de travail (soi disant puissance 10 par rapport à celle d’el khomeri) est passée comme une lettre à la poste …
cherchez l’erreur …
Le 09/10/2017 à 13h47
Allez, explique nous concrètement comment cela pourrait fonctionner des élections en permanence.
Et n’oublie pas que le vote électronique (local sur des machines à voter ou par Internet) ne permet pas d’assurer les sécurités qu’apporte notre vote papier avec des urnes transparentes et des humains pour surveiller.
N’oublie pas non plus qu’élection signifie choisir par le vote des représentants. du latin eligere (choisir) et du substantif electio (choix).
Le 09/10/2017 à 13h58
Le CC a seulement validé que la loi permettant de légiférer par ordonnance était conforme à la constitution, il n’a pas validé le contenu des ordonnances. Il aurait d’ailleurs eu du mal à le faire parce que ce contenu était inconnu au moment où il s’est prononcé.
Le 09/10/2017 à 16h58
Le 09/10/2017 à 17h19
Le 09/10/2017 à 20h41
Le PS n’a jamais été autre chose qu’un moyen pour François Mitterrand de devenir Président de la République.
Il a utilisé un parti moribond, le SFIO pour en faire une machine électorale contre Charles de Gaulle en particulier et le gaullisme en général.
Tout le reste n’est que poudre aux yeux..
Le 09/10/2017 à 20h50
La VIeme République n’est pas concept de la FI. Je te recommande de lire l’essai de Montebourg qui en parlait en 2002. C’est très intéressant même si on ne peut pas être en accord avec certaines approches.
https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/sciences-politiques/constitution-de-la-6e-republique_9782738116864.php
Le 09/10/2017 à 21h06
Allons, vous reprendrez bien un peu de dictature avant d’aller travailler vos 72h hebdomadaires en CDDI chers électeurs ?
Le 09/10/2017 à 21h06
Post-état d’urgence, ou post-état de droit???
Le 10/10/2017 à 04h38
Le 11/10/2017 à 08h48
Mais l’histoire se répète, le marxisme est antinomique avec le processus électoral. « Rien n’est plus inoffensif qu’une demi-colère » (Raphaël Enthoven) :
« Comment parler d’un « coup d’Etat » quand le pouvoir est parfaitement élu ?
Et faut-il parler d’un « coup d’état social » à propos d’une réforme du code de travail, dont les avantages et les inconvénients font l’objet d’un débat entre les salariés eux-mêmes ?
Soit l’expression n’a aucun sens, soit elle est excessive.
Mais ce n’est pas l’examen des faits qui dicte un tel diagnostic ; c’est l’histoire des idées.
En parlant de « coup d’Etat social », la La France insoumise - Groupe parlementaire s’inscrit ds le sillage de Marx, aux yeux de qui la démocratie représentative et les débats parlementaires ne sont qu’une mascarade, qui cachent une superstructure dont le seul but est de garantir la domination de la bourgeoisie sur le prolétariat. Pour le dire simplement, les partis qui font semblant de s’engueuler ds l’arène capitonnée du Parlement ne sont en vérité que les gardiens des intérêts des nantis… De sorte que chaque élection renouvelle le “coup d’état social” permanent que la bourgeoisie impose aux travailleurs !
Le Parlement aux yeux d’un marxiste, c’est l’institutionnalisation de l’inégalité. C’est la raison pour laquelle le philosophe Alain Badiou (qui est tout à fait communiste) parle systématiquement de « capitalo-parlementarisme »…
Ce n’est pas Macron, le « coup d’Etat social ». C’est l’idée même de gouvernement !
C’est pour ça que - à moins d’entrer eux-mêmes au gouvernement - tous les partis communistes de toutes les démocraties de toutes les époques ont toujours vu les élections comme une défaite pour la classe ouvrière… Et c’est pour ça qu’à leurs yeux, par définition, la rue doit prévaloir sur le Parlement… Ce qui explique tous les discours des insoumis sur le thème « la démocratie n’est pas tout le pouvoir au président, ce n’est pas une fois tous les 5 ans, et c’est dans la rue que ça se gagne, etc »
Rien n’est plus inoffensif qu’une demi-colère. »
Le 11/10/2017 à 09h10
« Tout le reste n’est que poudre aux yeux.. »
Une façon “élégante” de balayer d’un revers de manche le Programme commun entre le Parti socialiste, le Parti communiste français et les Radicaux socialistes.