Comme bien d’autres administrations (Pôle emploi, CAF...), le fisc ne respecte pas encore ses nouvelles obligations de transparence relatives aux algorithmes servant à prendre des décisions individuelles. Un député a profité d’une audition à l’Assemblée nationale pour demander des explications à Bercy.
Afin d’approfondir les réflexions autour du logiciel Admission Post-Bac, qui devrait bientôt disparaître, l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) organisait jeudi 16 novembre, à l’Assemblée nationale, une table ronde intitulée « Les enjeux des algorithmes au service de l’action publique ».
Lionel Ploquin, Administrateur des données de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), fut ainsi invité à faire le parallèle avec les algorithmes utilisés par Bercy. « En ce qui concerne le calcul de l'impôt sur le revenu, on est dans une situation totalement différente puisque le résultat ne dépend absolument pas de la concurrence de bénéficiaires potentiels », a expliqué le haut fonctionnaire.
APB a en effet pour objet de désigner un attributaire « au regard d'un ensemble multiple de concurrents », ce qui signifie que « le résultat n'est pas stable dans le temps ». À ses yeux, le (contesté) programme d’affectation des bacheliers « créé du droit et comble quelque part les vides du droit ».
Alors que l’administration fiscale, elle, « coll[e] de façon extrêmement précise au droit. Et quand il y a des interstices dans la loi fiscale, il y a la doctrine. » Cette interprétation est d’ailleurs « systématiquement écrite quand elle est nécessaire », a souligné Lionel Ploquin.
« Je dis cela parce que ça conditionne la façon dont le ministère de l'Action et des comptes publics envisage la publicité et la transparence de l'algorithme – objectif que bien entendu nous partageons totalement » a poursuivi ce « relais » de l’Administrateur général des données, Henri Verdier. « Pourquoi ? Parce qu'il fonde la confiance que les usagers ont à l'égard de notre action. La transparence est absolument essentielle, mais on ne peut pas la concevoir de la même façon, pour ce qui nous concerne et pour ce qui concerne APB. »
De nouvelles obligations de transparence qui restent lettre morte
La loi demeure néanmoins la même pour toutes les administrations. Depuis le mois de septembre, en application de la loi Numérique, toute décision individuelle prise sur le fondement d’un traitement algorithmique – pour une attribution d’aide, le calcul d’un impôt... – fait désormais naître deux obligations pour les acteurs publics :
- Intégrer une « mention explicite » informant l’usager que la décision qui le concerne a été prise sur le fondement d’un traitement algorithmique, et qu’il a de ce fait le droit de savoir comment fonctionne ce programme (les modalités d'exercice de ce droit doivent également être précisées).
- Communiquer, sur demande, les « règles » et « principales caractéristiques » de mise en œuvre de l’algorithme utilisé.
En ce qui concerne le calcul de l’impôt sur le revenu, « une part importante du travail est déjà faite » selon Lionel Ploquin. « Si, comme nous y invite et le prescrit la loi pour une République numérique, nous devons demain faire un effort de transcription en langage compréhensible et clair pour un usager de l'algorithme, nous n'aboutirions pas à un résultat différent de ce que notre documentation aujourd'hui met à la disposition des usagers » a-t-il déclaré.
En clair, la DGFiP s’estime en mesure de répondre à la seconde des obligations évoquées ci-dessus, du fait des nombreux documents explicatifs qu’elle propose d’ores et déjà, mais pas encore à la première : « Ce sur quoi nous travaillons, en relation avec Etalab, c'est de faire le lien entre l'information donnée à l'usager pendant le process déclaratif ou lorsqu'il reçoit sa notification, sur le fait que le résultat qu'il a est le résultat d'un algorithme. »
Nous en avions nous même fait le constat il y a quelques semaines : les avis de taxe d’habitation 2017 ne comportaient pas la « mention explicite » pourtant prévue par la loi Numérique.
Ces explications ont laissé le député Julien Aubert (LR) plutôt dubitatif. « Est-ce qu'il faut abandonner les prescriptions de cet article [de la loi Numérique] sur la transparence, sur certaines administrations, parce qu'en réalité ça ne sert à rien ou que c'est impossible ? Et si on ne doit pas abandonner, quand est-ce que ça entrera en vigueur ? »
Le parlementaire a confessé ne pas comprendre comment était calculée sa taxe d’habitation. « J'ai l'impression de ne pas être le seul dans cette salle, a-t-il fait valoir. Je serai intéressé d'avoir l'information, déjà pour comprendre en tant que citoyen comment est-ce qu'on arrive à un résultat et surtout quand on déménage qu'est-ce que ça signifie concrètement comme impact. »
Aucun calendrier de dévoilé pour l'intégration de « mentions explicites »
« Notre objectif est bien entendu de mettre en œuvre cette prescription de la loi pour une République numérique » a répondu Lionel Ploquin, sans toutefois s’avancer sur le moindre calendrier. « Ce que j'ai évoqué, c'est notre préoccupation d'articuler ce droit nouveau offert aux usagers avec notre documentation existante pour renforcer notre souci de transparence (...). Et nous y travaillons, de concert et en réflexion collective avec d'autres administrations et avec Etalab. »
« Nous avons beaucoup progressé sur l'explicitation des règles », est par la suite intervenu Bruno Rousselet, le directeur des systèmes d’information de la DGFiP. « Elles sont toutes en ligne », a-t-il assuré.
Il n’en demeure pas moins que faute de savoir qu’ils disposent d'un droit d’accès à ces informations, difficile bien souvent pour les usagers d’en profiter pleinement... La loi Numérique impose au passage aux administrations de fournir « sous une forme intelligible » des informations plus cadrées que les épaisses brochures de la DGFiP :
- Le degré et le mode de contribution du traitement algorithmique à la prise de décision
- Les données traitées et leurs sources
- Les paramètres de traitement et, le cas échéant, leur pondération, appliqués à la situation de l'intéressé
- Les opérations effectuées par le traitement
Commentaires (14)
#1
Lionel Ploquin ^^
Y à pas un sketch d’Omar et Fred avec monsieur Poklin ? x)
#2
Il est vrai qu’arriver à comprendre le montant de la taxe d’habitation c’est très fort.
Je me demande même si c’est possible
#3
D’un certain côté, j’ai envie de savoir mais de l’autre si jamais pour une raison X ou Y certains calculs sont faux, j’ai comme l’impression qu’il va y avoir du grabuge (surtout dans la tranche moyenne, les plus riches ayant les paradise papers pour se mettre à l’abri de se désagrément)
#4
#5
C’est pour cela qu’elle est augmentée de 4,4% pour frais de calculs et de recouvrement. " />
D’ailleurs quand je tape “comment est” dans google ou bing, la première proposition est “comment est calculée la taxe d’habitation”.
#6
#7
#8
bah vu qu’elle va disparaitre pour 80% de gens, je ne le pense pas.
Par contre c’est ça disparition qui va faire mal en fait et pas quon caisse de l état.
#9
Le parlementaire a confessé ne pas comprendre comment était calculée sa taxe d’habitation. « J’ai l’impression de ne pas être le seul dans cette salle, a-t-il fait valoir. Je serai intéressé d’avoir l’information, déjà pour comprendre en tant que citoyen comment est-ce qu’on arrive à un résultat et surtout quand on déménage qu’est-ce que ça signifie concrètement comme impact. »
La taxe d’habitation est basée sur le taux Relatif Amorti Nominal Direct Opérationnel Moyen. " />
(Note: c’est plus clair quand on utilise son acronyme)
#10
Ca va surtout faire mal aux 20% qui vont continuer de la payer, quand elle sera augmentée pour compenser les pertes. Et tous ceux-là n’ont pas de compte en Suisse et ou de jet déTVAisé " />
#11
Bah avant la révolution numérique, c’était des humains tout ce qu’il y de plus faillible qui appliquaient des algorithmes. Ils faisaient et font des fois des erreurs (probablement plus que les machines).
C’est pareil avec l’interprétation des dispositions des lois. On interprète et des fois on interprète mal, quelqu’un ouvre action parce qu’il pense que la loi a été mal interprétée et on corrige. Il n’y a pas mort d’homme, et c’est la responsabilité de chacun de contrôler que sa taxation est juste.
Sinon on part du principe que le calcul est volontairement erroné, mais là c’est une accusation très grave et un tout autre débat.
#12
Et à mon avis faut aussi compter sur une augmentation de la taxe foncière …
#13
#14