La reconnaissance du burn-out en maladie professionnelle bientôt en débat à l’Assemblée
Burn to be alive
Le 08 janvier 2018 à 15h51
5 min
Droit
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La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale examinera le 24 janvier prochain une proposition de loi défendue par le groupe La France Insoumise afin de « reconnaître comme maladies professionnelles les pathologies psychiques résultant de l’épuisement professionnel ». Un sujet récurrent depuis quelques années.
Smartphones, emails, messages sur les réseaux sociaux... L’hyper-connexion est plus que jamais dans les esprits lorsqu’on évoque les problèmes de burn-out, tant les nouveaux moyens de communication peuvent s’immiscer facilement dans la vie privée du salarié (sur le trajet, dès le matin ou tard le soir, les week-ends, etc.).
Au-delà de l'aspect purement médical de ce qu’on appelle aussi le syndrome d’épuisement professionnel, certains responsables politiques s’élèvent depuis quelques années contre les modalités de prise en charge des burn-out par l’Assurance maladie. « Est-il normal que les Assedic, ou la sécurité sociale, supportent le coût des défaillances managériales ? » s’interrogent faussement les députés La France Insoumise (LFI) au travers d’une proposition de loi déposée fin décembre devant l’Assemblée nationale.
Pour une prise en charge via les cotisations patronales
« Cela fait des décennies que ce syndrome est identifié », clament les parlementaires menés par Jean-Luc Mélenchon. « Les maladies que produit cet épuisement professionnel sont connues de tous les médecins (...), elles sont nommées, classées : la dépression, le trouble anxieux généralisé et le stress post-traumatique. »
Si les burn-out peuvent théoriquement être reconnus comme maladie professionnelle, « seuls 200 à 300 épuisements » seraient déclarés comme tels chaque année. En Belgique, poursuivent les députés LFI, 83 155 cas auraient pourtant été reconnus en 2014.
L’explication, selon eux ? « Aujourd’hui, cette reconnaissance n’est possible que « hors tableau », via les « comités régionaux de reconnaissance », en déployant force preuves », déplorent les parlementaires. Pour qu’un dossier soit recevable, il faut que le salarié malade commence par présenter un taux d’incapacité permanente partielle de 25 % minimum. « Alors que la victime est bien souvent en lambeaux, fragile mentalement, ce parcours du combattant est plus que dissuasif » estime le groupe des « insoumis ».
Leur proposition de loi prévoit ainsi qu’un « tableau spécial » soit mis en place par l’exécutif à partir du 1er janvier 2019, afin d’énumérer d’une part « les pathologies psychiques relevant de l’épuisement professionnel », et d’autre part les conditions dans lesquelles celles-ci « sont présumées avoir une origine professionnelle lorsque les victimes ont été exposées d’une façon habituelle à des facteurs limitativement énumérés par ce tableau ».
Les élus n’hésitent d’ailleurs pas à suggérer un tableau, à partir d’un rapport remis en 2011 au ministre du Travail.
Ces éléments permettraient selon les auteurs du texte d’instaurer « une « présomption d’imputabilité » de ces pathologies à une organisation du travail, avec instruction par la caisse d’assurance-maladie ».
Principe de « pollueur-payeur »
Jean-Luc Mélenchon et ses collègues souhaitent surtout qu’avec cette reconnaissance, les burn-out soient plus systématiquement pris en charge par la branche « Accident du Travail - Maladie Professionnelle », « financée à 97 % par les cotisations des employeurs » : « Les entreprises aux pratiques néfastes se verront pénalisées, leurs taux de cotisations AT/MP augmentant. Sera ainsi appliqué le principe, de bon sens, du « pollueur-payeur ». »
Les députés LFI considèrent que « frappées aux portefeuilles, les entreprises seront très concrètement incitées à améliorer leur management, leurs conditions de travail, à protéger la santé de leurs salariés ». Alors que le gouvernement s’apprête à abaisser la vitesse sur certaines nationales, ils poursuivent : « Sur la route, radars et amendes n’ont-ils pas fait leurs preuves face aux chauffards ? »
La prise en charge du salarié devrait par ailleurs être distincte, sans parler des effets psychologiques d’une telle reconnaissance :
« Le salarié épuisé, déclaré « inapte », ne bénéficie, aujourd’hui, que d’un simple chômage. Comme « maladie professionnelle », les indemnités journalières seront prises en charge à 90 % pendant un mois, puis à 80 % ensuite, tous les soins seront couverts, une rente sera versée, proportionnelle au dommage causé. Le travailleur sera protégé contre le licenciement, et en cas de licenciement pour inaptitude, son indemnité sera doublée. À l’égal, simplement, d’un salarié subissant un accident du travail. »
L’origine « professionnelle » du burn-out difficile à établir
La nouvelle majorité ne devrait cependant pas se montrer très « réceptive » face à ce texte très marqué à gauche. En 2015, le législateur s’était résolu à lâcher un peu de lest en acceptant que les « pathologies psychiques » puissent être expressément reconnues comme des maladies d'origine professionnelle (mais sans toucher au seuil de 25 % d’incapacité permanente partielle).
« Le concept de burn-out renvoie à une pathologie psychique qui semble assez difficile à cerner et à mesurer précisément. Les causes en sont souvent multiples : professionnelles, certes, mais aussi personnelles, familiales, sentimentales ou liées à une fragilité de la personnalité. Or je ne vois pas comment les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, même avec l’expertise de psychologues ou de psychiatres, arriveront à déterminer si la cause essentielle de la maladie est d’origine professionnelle » avait notamment objecté le centriste Jean-Marc Gabouty, (devenu par la suite rapporteur du projet de loi El Khomri pour le Sénat).
Alors que la pression des membres de l’aile gauche du PS montait à quelques encablures de la course à la présidentielle, notamment sous la pression de Benoît Hamon, la ministre de la Santé avait annoncé en février 2016 qu’un groupe de travail composé de médecins, experts et chercheurs serait installé « pour définir ce qu’est médicalement le burn-out, la manière de le traiter » (alors que les travaux ne manquent pourtant pas sur ce dossier). Une initiative dont on attend encore des nouvelles...
La reconnaissance du burn-out en maladie professionnelle bientôt en débat à l’Assemblée
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Pour une prise en charge via les cotisations patronales
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Principe de « pollueur-payeur »
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L’origine « professionnelle » du burn-out difficile à établir
Commentaires (34)
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Abonnez-vousLe 08/01/2018 à 16h52
Le 08/01/2018 à 16h53
Le 08/01/2018 à 16h53
+1 c’est le pire job étudiant que j’ai fait (pourtant j’en ai un paquet, d’aide soignant à livreur), d’ailleurs le manager a bien fini finir à l’hosto (et j’suis resté que 3 semaines …).
Jamais vu des crevures pareils.
Le 08/01/2018 à 16h55
En même temps quand tu as une entreprise qui dépasse clairement les seuils légaux tant au niveau des heures de travail et des temps de repos le burn out devrait quand même être simple à prouver.
Le 08/01/2018 à 17h11
“Or je ne vois pas comment les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, même avec l’expertise de psychologues ou de psychiatres, arriveront à déterminer si la cause essentielle de la maladie est d’origine professionnelle”
Les causes seront déterminées à l’autopsie. " />
Le 08/01/2018 à 17h12
Le 08/01/2018 à 17h53
Le Burn out est la conséquence de plusieurs choses qui arrivent en même temps :
L’esprit de compétition que veulent aujourd’hui les patrons sans ménager son personnel engendre de plus en plus à dégrader le mental de ceux-ci
Le 08/01/2018 à 19h24
Le 08/01/2018 à 23h58
Le burn(e) out c’est quand tu a chaud aux fesses " />
Le 09/01/2018 à 06h37
Le 09/01/2018 à 07h25
Le problème du Burn-Out n’est pas dans sa reconnaissance, il faudrait être fou pour dire que cela n’existe pas. Le problème c’est la prise en charge, et plus particulièrement la question de : Qui paye ?
La fragmentation de la couverture sociale (Ce qui relève de la simple maladie, c’est la sécu. Ce qui relève du travail c’est autre chose) implique qu’il doit être identifié un “coupable” pour savoir qui paye. Mais dans le cas d’une personne qui est soumis au stress au travail et qui a une vie personnelle qui part en cacahuète (sans liaison directe), qui est le bon coupable ?
Nos systèmes sociaux sont très mal foutu pour prendre en charge des pathologies aux causes multiples dont les sources se trouvent à la fois dans la vie personnelle et dans la vie professionnelle.
Le 09/01/2018 à 08h56
Normal, les gens n’y travaillent pas pour vivre, mais y vivent pour travailler…
Un autre monde.
Le 09/01/2018 à 09h02
Je ne sais pas. Tu n’as pas tord, mais les autres maladies professionnelles ont la même problématique du “qui paye” non?
Quand on passe (sans burn out) au moins 7h sur 24 sur le lieu de travail, une augmentation du stress a de fortes chances d’y être liée.
J’ai connu (sans connaitre son nom) le bored out, et je suis persuadé que les causes sont semblables.
Oui une très forte part m’incombe, j’étais jeune et je n’ai pas été vigilant.
Oui la vie privée est aussi responsable, je vivais seul et me couchais tard.
Il n’empêche qu’il n’y aurait pas eu bored out si le temps de travail n’avait pas été si vide et les collègues si isolants.
Pour le burn out c’est pareil: pas de burn out si les conditions de travail sont correctes. Si la vie privée est vraiment la cause, alors ce n’est pas un burn out.
Le 09/01/2018 à 10h01
je rejoins dematbreizh
Tu ne peux pas sanctionner une vie privée qui part en cacahuète (surtout que bien souvent il n’y a pas vraiment de coupable), par contre un management qui dépasse les bornes, oui.
Alors, certes les causes sont multiples, mais je trouve ça normal que ça revienne à l’employeur car les conditions de travail sont de sa responsabilité, et la vie privée qui par en c* n’aurait pas causé, à elle seule, le burn out
Le 09/01/2018 à 11h32
Et l’employeur te répondra que c’est les conditions personnelles qui ont été “la goutte d’eau”.
Je suis largement d’accord avec vous sur le fond, juste qu’on parle ici d’argent et de loi. Le fait que la santé fonctionne comme une assurance nécessite d’identifier une cause afin de savoir qui paye.
Le 09/01/2018 à 11h41
Le Burn-Out n’est justement pas une maladie professionnelle pure à mon sens. Et je pense que faire la différence entre un Burn-Out et les syndrômes dépressifs “conventionnels” n’est pas forcément une bonne idée.
Une maladie professionnelle, c’est le plombier qui perds ses genoux et/ou son dos à 50ans. Le livreur ou le manutentionnaire qui a un tassement de vertèbre à 35 ans. La seule (hors accident) pouvant mener à ces pathologies d’effort sont le travail quotidien.
Quelle est la différence psychologique entre un employé qui fait un Burn-Out à cause d’un métier ultra-stressant et une personne au RSA qui enchaîne les petits boulots alimentaires à 2h de chez lui et qui craque à force d’être systématiquement sur le fil ? Les deux sont des épuisements nerveux liés à un surmenage émotionnel et physique. Pourquoi l’un serait un Burn-Out pour lequel une entreprise doit payer et l’autre une dépression qui relève de la sécu ?
A mon sens, il serait nécessaire de passer à : C’est une maladie => Traitement par la sécu.
Si il y a clairement une cause professionnelle, ce devrait être un cas poursuivi d’office au niveau des prudhommes.
Le 08/01/2018 à 16h06
C’est une maladie spécifique au milieu high tech ?
Sinon comme toutes les news qu’on peut voir sur les propositions de loi: celle-ci étant marquée France Insoumise, elle ne passera pas.
Si on ne cherche pas de consensus dessus AVANT de faire une proposition de loi, c’est juste un coup de pub’ sur un groupe à l’assemblée. LR fait la même chose avec des propositions de loi plutôt axées répression.
Le 08/01/2018 à 16h08
j’ai lu la liste des travaux susceptibles de provoquer la maladie, le premier point ça pourrait s’appeler “admin réseau”
Le 08/01/2018 à 16h14
T’as patché tous tes kernels avant de prendre une pause pour commenter? " />
Le 08/01/2018 à 16h14
Comme précisé dans le tout premier paragraphe, c’est lié au tout connecté et indirectement au fameux droit à la déconnexion, si je ne m’abuse.
Le 08/01/2018 à 16h16
Le 08/01/2018 à 16h20
Le 08/01/2018 à 16h33
Ca pourrait être débattu au Sénat, mais ça n’a aucune chance de passer à l’AN.
La tendance générale en macronie est de considérer qu’on est responsable de son état : on est pauvre parce qu’on n’est pas assez bon gestionnaire de son argent, on est chômeur parce qu’on est trop flemmard pour trouver du boulot, on a malade parce qu’on est faible, porter des charges lourdes n’est pas une pénibilité, etc.. La hiérarchie n’est responsable de rien, tout est la faute du salarié qui n’est pas apte à travailler et cherche des excuses pour aller aux Maldives avec son SMIC (je grossis volontairement le trait mais l’idée est là).
Le 08/01/2018 à 16h46
J’ai entendu dire qu’au Japon il y a des boîtes qui passent de la musique pour inciter certains employés très zélés à rentrer chez-eux après les heures normales de travail… " />
Il paraît que beaucoup de gens meurent suite à un “burn-out” là bas.
Un pays qui doit faire rêver les gattaz et Cie… " />
Le 08/01/2018 à 16h49
Le 08/01/2018 à 16h50
Macron va pas être content, et la croissance ?
Vous allez tuer toutes les entreprises vivant d’emplois précaires avec vos lois de gauchistes.
Le 09/01/2018 à 13h11
Le 09/01/2018 à 13h25
Le 09/01/2018 à 13h27
Ce n’est pas faux.
Ce qui effectivement ne va pas c’est de cataloguer ça en maladie: tu prends un arrêt, te reposes, et tu y retournes.
Ce qui ne résoudra rien.
Mon point était de le cataloguer en “professionnel”, pas de cataloguer ça en “maladie”.
Après on voit déjà des entreprises nier l’effet de l’amiante sur d’anciens employés malades… ou morts. edit: ce qui rejoint ton dernier post.
Le 09/01/2018 à 16h04
Je suis pas tout a fait d’accord de mettre la dépression et le burn-out dans le même panier : la 1ère est causée par un hypo-stress tandis que l’autre par l’hyper-stress, ce qui nettement différent. Certes l’épuisement nerveux en est la finalité mais la causalité est différente.
Et pour revenir sur la “goutte d’eau”, c’est inapproprié comme défense, puisque les conditions de travail sont les seules variables qui peuvent être changées et sous la responsabilité d’un tiers. Que ce soit ça la goutte d’eau ou le côté privé, on n’aurait jamais dû tolérer de mauvaises conditions de travail…
Le 10/01/2018 à 04h57
Moi bizarrement,j’ai fait un burn out en bossant chez Free. J’ai fait un bored out chez Orange. J’enchaîne les boîtes de merde.
Le 10/01/2018 à 07h59
Le 10/01/2018 à 09h05
Le 11/01/2018 à 07h42