L’Open Data « par défaut » aux portes du tribunal administratif de Paris
Démêler le vrai défaut
Le 30 octobre 2018 à 08h56
6 min
Droit
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Le tribunal administratif de Paris a examiné mercredi dernier le recours engagé par Next INpact au sujet de l’Open Data « par défaut ». Les juges en charge du dossier devraient rendre leur décision début novembre.
Que faut-il donc faire pour que les administrations respectent leurs nouvelles obligations d’ouverture de données publiques ? En décembre dernier, constatant que de nombreux acteurs publics rechignaient à respecter un article issu de la loi Numérique de 2016, Next INpact a décidé de saisir la justice de deux recours – symboliques –, au nom du droit à l'information.
Le premier d’entre eux, qui vise le ministère de l’Intérieur, fut examiné mercredi 24 octobre par le tribunal administratif de Paris.
Sur le papier, nous réclamons la mise en ligne d’un rapport d’évaluation des « caméras-piétons », ces appareils portés au niveau du torse par certains policiers. Ce document public nous avait déjà été transmis par la Place Beauveau (nous l’avons d'ailleurs publié sur notre site), après saisine de la Commission d'accès aux documents administratifs.
Pourquoi dès lors saisir la justice ? Parce que depuis le 7 avril 2017, les administrations d'au moins 50 agents (ministères, autorités administratives indépendantes, hôpitaux, écoles...) sont tenues de mettre à la disposition de tous, sur Internet, les documents administratifs qu'elles communiquent individuellement, par email, à des personnes en ayant fait la demande sur le fondement de la « loi CADA ». Il peut s'agir aussi bien de rapports que de statistiques, de codes sources, de délibérations, etc.
En somme, le ministère de l’Intérieur nous avait « communiqué » ce document administratif, mais sans le diffuser par la suite, comme le voudrait pourtant le nouvel article L312-1-1 du Code des relations entre le public et l’administration, issu de la loi Numérique.
Un recours en justice pour que l’Open Data « par défaut » ne reste pas lettre morte
Alors que le gouvernement a promis en avril dernier, dans le cadre de son plan d’action 2018 - 2020 pour l’Open Government Partnership, de « faciliter et faire appliquer le principe d’ouverture des données par défaut », le ministère de l’Intérieur a justifié son refus de se plier à ce fameux principe à l’appui d’un dossier de plus de 400 pages !
Plutôt que de mettre en ligne un simple PDF de quatre pages, la Place Beauvau a en effet présenté fin août un épais mémoire dit « en défense », affublé de volumineuses pièces jointes (l’étude d’impact du projet de loi Numérique, notamment).
Ses arguments : différents vices de forme, une absence d’intérêt à agir... Les services du « premier flic de France » estiment que nous contestons un refus de « publication » (et non plus de « communication »), nécessitant dès lors un nouveau passage devant la Commission d’accès aux documents administratifs.
Le rapporteur estime lui aussi qu'il aurait fallu saisir la CADA une seconde fois
Mercredi dernier, devant le tribunal, le rapporteur public a d’ailleurs suivi l’analyse du ministère de l’Intérieur. Il a ainsi cité l’article L342-1 du Code des relations entre le public et l’administration, selon lequel la saisine de la CADA « est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux ».
Ce même article précise que l’autorité indépendante peut être sollicitée par toute personne « à qui est opposé un refus de communication ou un refus de publication d'un document administratif ».
« Quand bien même [la demande de Next INpact] ferait suite à la communication du rapport suite à une première consultation de la Commission d'accès aux documents administratifs, il vous faudra en conséquence (...) rejeter la requête pour irrecevabilité », a ainsi conclu le rapporteur, en direction du premier président et de ses conseillers.
Le ministère de l'Intérieur absent lors de l'audience
Invités par le tribunal à présenter nos observations, nous sommes intervenus à la barre pour mettre en avant différents arguments.
Sur la forme, nous avons notamment souligné que nous contestions le non-respect, par le ministère de l’Intérieur, d’une obligation lui incombant (mettre en ligne des documents administratifs communiqués suite à des demandes individuelles).
Sur le fond, surtout, nous avons expliqué qu’il nous semblait surprenant d’avoir à saisir une seconde fois la CADA, pour un document déjà jugé « communicable » par ses soins, et qui nous avait par la suite été transmis par le ministère de l’Intérieur lui-même.
Cela signifie en effet qu’il aurait très concrètement fallu :
- Demander la communication du rapport
- Saisir la CADA, faute de retour du ministère de l’Intérieur sous un mois
- Obtenir le rapport (suite à l’avis favorable de la CADA)
- Demander la publication de ce même rapport, faute de mise en ligne spontanée
- Saisir la CADA pour refus de publication
- Effectuer un recours en justice, faute de mise en ligne du document
Autant dire un sacré parcours du combattant, d'autant que la CADA met parfois près de six mois avant d'examiner un dossier ! Une telle grille de lecture semblerait d’autant plus absurde que la loi Numérique permet également de demander à ce qu’un document administratif soit directement diffusé sur Internet (la publication est ainsi devenue l’une des modalités de communication des documents administratifs).
Mais surtout : quel citoyen irait réclamer la mise en ligne d’un document qu’il a déjà pu obtenir individuellement ? Ces dispositions étaient en effet taillées pour qu’un fichier ouvert une première fois le devienne pour le plus grand nombre, automatiquement... Ce qui aurait profité aux administrations elles-mêmes, puisqu’un document administratif disponible sur Internet n’a plus à être communiqué individuellement.
Le ministère de l’Intérieur, qui n’était pas représenté, n’a pas participé aux débats.
La décision a été mise en délibéré. Elle sera rendue sous quinzaine.
Notre second recours, qui vise le ministère de l’Éducation nationale, n’a quant à lui donné lieu à aucun retour de la part de la Rue de Grenelle.
Le 30 octobre 2018 à 08h56
L’Open Data « par défaut » aux portes du tribunal administratif de Paris
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Un recours en justice pour que l’Open Data « par défaut » ne reste pas lettre morte
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Le rapporteur estime lui aussi qu'il aurait fallu saisir la CADA une seconde fois
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Le ministère de l'Intérieur absent lors de l'audience
Commentaires (15)
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Abonnez-vousLe 30/10/2018 à 09h19
#1
Argh, si le rapporteur est d’accord avec le fait de devoir demander un 2° avis CADA, cela se présente mal puisque dans 90% des cas il est suivi (et oui c’est beau les Juridictions administratives ^^ ).
Mais en tout cas, beau combat Xavier ! :)
Le 30/10/2018 à 09h27
#2
Merci :)
C’est vrai que ça se présente mal… Mais s’il y a rejet de la requête, ça montrera bien que le truc est voué à rester inappliqué. Qui irait refaire une demande CADA après avoir déjà obtenu gain de cause à titre personnel ? Pas grand-monde…
Peut-être que le législateur n’avait pas fait attention à ce potentiel angle-mort…
Et pour la petite histoire, le rapporteur a conclu au rejet de toutes les requêtes examinées avant la notre^^ (une petite dizaine au total)
Le 30/10/2018 à 09h36
#3
Le rapporteur est en mode assemblé nationale “rejet, rejet, rejet”
C’est bien triste.
En tout cas merci pour votre engagement. Keep up the fight !
Le 30/10/2018 à 09h36
#4
Le 30/10/2018 à 09h49
#5
Super démarche.
Est-il prévu de ressaisir la CADA si vous étiez débouté de votre demande (ne serait-ce que pour montrer l’idiotie de la situation) ?
Le 30/10/2018 à 10h43
#6
Putain, heureusement que vous êtes là pour déployer cette énergie colossale nécessaire à faire bouger le mammouth " />
Le 30/10/2018 à 15h46
#7
Ouais, beau combat et bon courage.
“Open”, quand on met autant d’obstacles plus ou moins artificiels sur le chemin, ça sonne bizarre " />
Le 30/10/2018 à 16h17
#8
Quelle tâche de Sisyphe !
Bravo pour la détermination en tout cas " />
Le 30/10/2018 à 16h25
#9
Je suis très partagé sur l’article.
Au delà du fait que je m’interroge sur le fait de savoir si c’est bien votre rôle de faire ce type de démarche, je ne vois pas en quoi on peut reprocher au ministère de se défendre en prenant un mémoire et d’y ajouter des pièces (on est en procédure écrite).
De même, c’est le type de procédure qui ne nécessite pas de se présenter à l’audience. S’ils ne veulent pas y aller, ma foi, c’est leur choix, ils ont fait valoir leurs arguments.
Le 30/10/2018 à 21h06
#10
www.youtube.com/watch?v=c45FtDhdDoY
(edit: attention, ça date de 1976 quand même " /> )
Le 31/10/2018 à 07h09
#11
Le 31/10/2018 à 08h14
#12
Le 31/10/2018 à 10h15
#13
Certes, mais le point qui me dérange (pas trop je te rassure), c’est de savoir dans quelle mesure c’est le travail d’un journaliste de faire ce type de démarche.
D’autant que je ne suis pas tout à fait certain que NXI ait les moyens de ses ambitions. Il me semble que c’est dans un de ces dossiers qu’on a commencé par saisir le Conseil d’Etat qui a renvoyé pour compétence au TA par exemple.
Certes, ils ont bien pensé à soulever un moyen de légalité externe au cas où, mais au delà de ça, je ne suis pas persuadé que la procédure administrative soit forcément la spécialité de la maison.
S’offusquer de recevoir un mémoire en défense par exemple - même si j’imagine que ça fait toujours bien de montrer le volume de l’échange - c’est assez curieux. Le ministère respecte pour le coup la procédure et communique ses arguments de défense et ses pièces.
Pour être le fer de lance d’une question originale dans un droit prétorien, il me semble préférable d’y aller en maximisant ses chances et je ne pense pas que ce soit le cas ici.
Le 31/10/2018 à 10h23
#14
Le 02/11/2018 à 12h28
#15
Un peu dommage que l’administration montre ici qu’elle préfère pondre des rapports pompeux plutôt que d’aller dans le sens du bien commun / de la loi … mais je m’y attendais un peu.
Excellente démarche par contre, et beau boulot, heureusement qu’il y a NXI pour essayer de faire bouger les lignes " />