Loi « fake news » : les seuils de transparence imposés aux plateformes
Seuil de vigne
Le 08 janvier 2019 à 09h23
4 min
Droit
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Le gouvernement a notifié à la Commission européenne le projet de décret d’application appelé par la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information. Le texte, toujours susceptible de modification, fixe les seuils de déclenchement des obligations de transparence pesant sur les plateformes.
Fin décembre, la loi contre les « fake news » a été publiée au Journal officiel. Le texte prévoit de nouvelles obligations pour les plateformes de diffusion, en particulier durant les trois mois précédents des élections générales (présidentielles, législatives, européennes, etc.).
Une transparence devra être assurée par les opérateurs, du moins ceux dépassant un seuil de connexion. Ils devront alors révéler à chaque utilisateur « une information loyale, claire et transparente » sur l’identité de ceux qui ont payé pour promouvoir « des contenus d’information se rattachant à un débat d’intérêt général » et sur l'utilisation des données personnelles.
En outre, ils rendront public le montant des rémunérations reçues en contrepartie de cette promotion « lorsque leur montant est supérieur à un seuil déterminé ». Ces informations devront enfin être agrégées dans un registre en ligne, mis à la disposition du public, dans un format ouvert, régulièrement mis à jour.
Le moindre écart sera susceptible d’être sanctionné d'un an de prison et de 75 000 euros d’amende.
Le législateur a renvoyé à un décret le soin de déterminer ces deux seuils, outre les modalités concrètes de ce nouveau régime. Ce projet de texte a justement été notifié hier en fin de journée à la Commission européenne. Un formalisme inévitable dès lors qu’un texte vient introduire une nouvelle norme sur les services en ligne.
5 millions de visiteurs uniques, 100 euros HT pour les campagnes publicitaires
Déjà, le texte fixe à cinq millions de visiteurs uniques par mois et par plateforme, le seuil de connexion au-delà duquel les obligations de transparence s’imposent. Un tel niveau devrait nécessairement concerner Facebook ou Twitter, Youtube/Google ou Dailymotion, et même un grand nombre d’acteurs ayant une certaine popularité.
De même, l’obligation de révéler le montant des rémunérations reçues en contrepartie de la promotion d’un contenu « d’information se rattachant à un débat d’intérêt général » sera effective au delà de 100 euros HT par campagne.
Toutes les informations prévues par la loi devront alors être précisées « à proximité de chaque contenu ». Le texte laisse la possibilité aux plateformes de les afficher « également (…) dans une rubrique directement et aisément accessible à partir de chaque contenu d’information se rattachant à un débat d’intérêt général ».
Enfin, le registre d’informations précité sera lui-aussi accessible par simple lien à partir de toutes les pages qui comportent ces contenus.
En somme, tous les acteurs, même internationaux, devront ajuster leurs sites pour respecter ces dispositions nationales.
Un décret applicable pour les européennes
Pour le ministère de la Culture, en charge de ce texte d’application, ces obligations renforcées de transparence sont toutefois nécessaires pour les services « utilisés de manière massive et sophistiquée par ceux qui souhaitent propager de fausses informations, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l’industrie ».
Rappelons que le Conseil constitutionnel a quelque peu raboté la portée de l’expression « contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général ». Ces informations ne sont que celles en « lien avec la campagne électorale ». Il appartiendra donc à chaque plateforme de déterminer celles en lien et celles qui ne le sont pas.
Sous cette réserve interprétative, imposée à l’ensemble des institutions, il a jugé ces obligations conformes aux libertés et droits fondamentaux puisqu’elles visent à « fournir aux citoyens les moyens d'apprécier la valeur ou la portée de l'information ainsi promue et contribue par là même à la clarté du débat électoral ».
Le décret notifié à Bruxelles est censé être applicable à partir du 15 avril. Il devrait ainsi s'appliquer lors des prochaines élections européennes, prévues entre les 23 et 26 mai 2019.
Notons pour finir que d’autres dispositions devraient en toute logique être notifiées à la Commission européenne, sauf à être inapplicables juridiquement. En particulier, l’article 14 du projet qui impose aux opérateurs de plateforme en ligne qui recourent à des algorithmes de recommandation d’afficher publiquement toute une série de statistiques.
Loi « fake news » : les seuils de transparence imposés aux plateformes
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5 millions de visiteurs uniques, 100 euros HT pour les campagnes publicitaires
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Un décret applicable pour les européennes
Commentaires (13)
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Abonnez-vousLe 08/01/2019 à 09h35
J’ai du mal à imaginer comment ça sera mis en pratique et la pertinence du truc. Genre une mention sous un tweet pour indiqué qu’il a été “Propulsé par @lesRepublicains” ?
Je comprend pas la pertinence. En quoi ça lutte contre les fake news ? C’est pas plutôt les militants, les journalistes etc. qui relaient des infos sur twitter et facebook ? Là, dans les faits, un site hébergé en Russie qui publie des “fake news” et qui est relayé par des militants il est pas concerné par la loi.
Ou j’ai rien compris.
Le 08/01/2019 à 09h37
Tout pareil.
Le 08/01/2019 à 09h56
sur l’identité de ceux qui ont payé pour promouvoir « des contenus d’information
se rattachant à un débat d’intérêt général »
“Balka….t’es démasqué” ! " />
Le 08/01/2019 à 10h43
La plupart du temps, ce sont les médias eux-mêmes qui sont à l’origine de fake news, soit par leur incompétence, soit par leurs raccourcis rapides, soit par leur affiliation politique.
Le 08/01/2019 à 11h01
sources ?
Le 08/01/2019 à 11h15
Le 08/01/2019 à 11h46
Le 08/01/2019 à 11h48
C’est pas sur la “transparence” que la Loi est problématique, bien que j’ai quelques interrogations pratiques, par exemple la notion de “débat d’intérêt général” en droit de la presse est très très large, puisqu’il suffit de pouvoir rattacher même indirectement n’importe quel écrit, formule ou écrit etc… à un débat d’intérêt général, pour ouvrir certains moyens de défense (principalement la liberté d’informer) contre une partie civile se disant victime de propos diffamatoires. Est-ce que du coup, l’obligation de transparence risque pas de devoir s’appliquer à tout et n’importe quoi sans lien véritable avec les élections ?
Le 08/01/2019 à 12h13
Le 08/01/2019 à 14h02
Le 08/01/2019 à 14h27
tu n’as pas tort sur les zones rurales, en oubliant quand-même les pollens, qui y sont très présents aussi en saison et fournisseurs importants de “micro-particules”.
Mais il ne faut pas oublier dans quel contexte se place cette question et cette remarque de Macron : il voulait justifier la hausse des taxes sur le carburant en disant que “nous, on est courageux, on augmente des taxes sur les carburants même si c’est impopulaire pour sauver des vies”. Dans l’esprit de nos élites, les micro-particules ne sont pas un problème à la campagne, mais dans les villes (ce en quoi le sitehttp://www2.prevair.org/ leur oppose d’ailleurs le plus souvent un superbe démenti).
Tout ça pour dire : les “fake news”, il y en a partout, de tous les côtés, parce-que personne ne prend la peine / le temps de vérifier les sources scientifiques, le protocole des études, les petits caractères, etc. Pour rester sur ce cas typique, il est plus vendeur pour un journaliste ou un politique de dire : “48000 morts causées par les micro-particules en France” (info scientifiquement fausse) que de dire : “entre 11 et 48000 morts prématurées imputables chaque année en France aux micro-particules, selon les hypothèses envisagées” (info issue directement de l’étude, donc a priori scientifiquement fiable).
Le 09/01/2019 à 13h11
Le 10/01/2019 à 18h14
Quid de WhatsApp ?
Des opposants du nouveau président brésilien Bolsonaro le mettraient en cause pour y avoir propagé de la propagande (légal?) et de la désinformation (illégal?) - l’ayant fait gagner.
Par contre ce n’est pas un réseau social, mais un client de messagerie !
La même chose aurait en théorie pu se passer avec des textos… mais semblerait-il qu’au Brésil les textos soient en général payants, alors que l’utilisation des données de WhatsApp soit souvent intégrée dans les forfaits. (Bonjour la Neutralité du Net !)
Cf aussi l’organisation des gilets jaunes par Facebook Messenger (plus que par Facebook lui-même ?)
A voir avec les européennes qui approchent…