Reconnaissance faciale : la ville de Nice n’a pas reçu « d’autorisation » de la CNIL
Salade niçoise ?
Le 19 février 2019 à 17h17
6 min
Droit
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Contrairement aux affirmations de Christian Estrosi, la ville de Nice n’a pas reçu de feu vert de la CNIL pour expérimenter un système de reconnaissance faciale à l’occasion du fameux carnaval, mais a plutôt bénéficié d'un accompagnement. La commission regrette surtout l’agenda serré dans lequel elle a été amenée à ausculter ce dispositif. Explications.
La ville de Nice va tester un système de reconnaissance faciale auprès de 1 000 volontaires. Six caméras seront implantées dans un corridor d’accès au carnaval organisé entre le 16 février et le 2 mars. Elles scruteront les visages pour tenter de détecter, trois jours durant, une correspondance entre les vidéos et des photos fournies préalablement par ces cobayes.
Selon Christian Estrosi, maire de Nice, la ville peut s’enorgueillir d’avoir reçu « l’autorisation » le 15 février d’expérimenter ce système. « Nous devons utiliser toutes les innovations possibles au service de notre sécurité » conclut-il.
Plus d’autorisation préalable depuis le 25 mai
Seul détail, la CNIL n’a su s’empêcher d’apporter une relecture de ces propos rappelant que depuis l’entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données personnelles, ces dispositifs biométriques ne sont plus soumis à autorisation préalable, mais au consentement des personnes physiques concernées, filmées et reconnues par ces yeux électroniques.
Contactée, la mairie nous confirme finalement cette version des faits : « effectivement, il ne s’agit pas d’une autorisation au sens juridique du terme, mais nous avons travaillé avec la CNIL qui a posé des recommandations et observations que nous avons respectées, nous permettant ainsi de mener cette expérimentation ».
L’argument « Reporty »
Elle relativise néanmoins : « quand nous avions lancé l’expérimentation de Reporty, nous avions eu un refus. Là ce n’est pas le cas ». Reporty ? Cette application permettait aux citoyens de dénoncer des incivilités, des infractions, en les filmant depuis un smartphone pour adresser le flux au centre de supervision urbaine et donc les policiers municipaux. La CNIL avait pilonné ce système, jugé hors des clous de la loi.
En somme, puisque la CNIL ne s'oppose pas cette fois au déploiement de la reconnaissance faciale, mais au contraire adresse des recommandations, c'est finalement qu’elle y consent d'une certaine manière. Cette grille de lecture souffre cependant de fragilités calendaires.
L’application Reporty date du début 2018, soit avant l’entrée en vigueur du RGPD. L'ère des régimes d’autorisation ou de déclaration préalable a disparu depuis le 25 mai, date de mise en musique du règlement qui s'appuie sur une logique de responsabilité préalable au plus tôt de la conception des systèmes (notre dossier, ligne par ligne).
En somme, ce n’est pas parce que l’autorité a dit « niet » à Reporty qu’elle dispose depuis de la faculté juridique d’autoriser ou interdire la reconnaissance faciale niçoise.
Les regrets de la CNIL
La CNIL nous a surtout adressé un historique complet de ce dossier. Elle a été informée par la municipalité le 1er février. Dans un calendrier restreint, elle a organisé une réunion et des échanges avec les équipes municipales.
Surtout, la CNIL « regrette l’urgence dans laquelle ses services ont été sollicités, ces circonstances n’étant pas de nature à favoriser un travail d’analyse approfondie du dispositif projeté » nous souffle-t-elle.
Dans l’examen de ce dossier, la commission ajoute avoir porté « une vigilance toute particulière sur les garanties annoncées pour s’assurer de la validité du consentement » des personnes volontaires. « Le consentement serait « libre » dans la mesure où une entrée alternative est proposée pour les personnes ne souhaitant pas participer à cette expérimentation ».
De même, « il serait également « éclairé », car des formulaires d’information seraient distribués aux personnes concernées et des panneaux d’affichage informent les personnes de cette expérimentation en quatre langues et de leur possibilité d’utiliser un autre accès ». S’y ajoute une suppression des données enregistrées 24 heures après la fin de l’expérimentation.
En appui d'un courrier reçu de la CNIL le 15 février, la municipalité maintient le cap : ce document « nous permet donc de procéder à l’expérimentation. Nous en voulons pour preuve que celle-ci a fait de nombreuses recommandations que nous respections scrupuleusement. C’est une décision historique et qui va dans le bon sens car toutes nos précédentes demandes avaient été refusées. »
Un bilan dans deux mois, une proposition de loi ensuite
La CNIL a surtout souhaité qu’un bilan soit dressé dans les deux mois de la fin de l’expérimentation qui ne pourra s’étendre au-delà. « En effet, si le dispositif était effectivement utilisé à des fins de sécurité ou de prévention (prévention et détection des infractions pénales, enquêtes et poursuites, protection contre les menaces pour la sécurité publique), il y aurait lieu de faire application non pas du RGPD, mais de la directive Police Justice du 27 avril 2016 ».
Cette fois, on change de périmètre. Le consentement des personnes ne suffira plus. Il faudra au contraire un décret en Conseil d’État ou une loi dédiée afin d’assurer une base légale solide à ce couplage entre caméras et d'éventuels fichiers de sécurité.
Ce n'est donc sans doute pas un hasard si Christian Estrosi a annoncé sur Twitter sa volonté, à l’issue de l’expérimentation, de rédiger une proposition de loi « qui doit permettre de faire évoluer les lois Informatique et Liberté de 1978 et celle sur la vidéosurveillance de 1995 ». « Nous avons saisi les parlementaires et le gouvernement qui seront destinataires tout comme la CNIL d’un rapport retraçant un bilan détaillé ayant pour objectif de faire évoluer la loi » nous précise encore la ville de Nice.
Le manque d’encadrement dézingué par la CNIL
Alors que depuis des années propositions de loi, amendement et expérimentations se succèdent pour marier reconnaissance faciale, big data et fichiers de sécurité, la commission avait justement invité en septembre dernier les pouvoirs publics à engager un « débat démocratique sur les nouveaux usages des caméras vidéo ».
Selon elle, en effet, « le cadre juridique actuel, précis sur certaines technologies (caméras fixes, certains usages de caméras-piétons) et certaines finalités (visionnage « simple » d’images), n’apporte (…) nécessairement de réponse appropriée à l’ensemble des techniques et usages nouveaux ». Et celle-ci d’exiger un réexamen complet du droit français, dont le Code de la sécurité intérieur.
Ces demandes sont pour l’heure restées lettre morte.
Reconnaissance faciale : la ville de Nice n’a pas reçu « d’autorisation » de la CNIL
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Un bilan dans deux mois, une proposition de loi ensuite
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Le manque d’encadrement dézingué par la CNIL
Commentaires (27)
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Abonnez-vousLe 24/02/2019 à 22h09
Le 19/02/2019 à 18h34
Estrosi serait donc un menteur ?
Je n’ose le croire. " />
Le 19/02/2019 à 18h37
Mô non, ils sont tous réglos et n’ont pas de casier judiciaire ! " />
Le 19/02/2019 à 18h44
À Nice comme partout ailleurs où la fin justifie les moyens, les petits mensonges et inexactitudes ne portent pas à conséquence quand les preux chevaliers des temps modernes ont décidé que c’était pour le bien de la brave populace trop bête pour comprendre de toute manière.
Aucune justification avancée sur les buts poursuivis (à part le flan habituel), et surtout aucune obligation de mesure a posteriori des conséquences souvent inattendues et pires.
Nul doute que l’expérience sera un succès. Si ce n’est pas le cas, ce sera parce qu’elle n’aura pas été tentée à grande échelle. Comme si on ne nous avait jamais fait le coup. " />
Le 19/02/2019 à 18h45
Mr estrosi n est pas le maire officiel de Nice, contrairement à ce que les apparences peuvent laisser à penser.
Le 19/02/2019 à 19h20
Le 19/02/2019 à 19h45
Le tout- caméras ne sert à rien (le 14 juillet 2016 l’a prouvé), mais on continue d’autant plus loin dans cette voie, pour encore mieux fliquer la populace!
Le 19/02/2019 à 19h49
Tout ça à cause de Napoléon III
Le 19/02/2019 à 20h58
Et dans quelques semaines : “oups, nous avons oublié de décocher une option, donc tous les visages ont été enregistrés, et pas seulement ceux des volontaires” " />
Le 19/02/2019 à 21h30
Il n’y a que moi pour penser que faire une expérimentation de reconnaissance faciale lors d’un carnaval où les gens portent des masques est une mauvaise idée ?
Le 19/02/2019 à 21h32
Comme dans les milieux autorisés qui s autorisent des trucs, on prete à estrosi le fait (à la suite de l analyse sur la smartcity) d avoir souhaité la disparition de la CNIL (bien que je trouve aucun article sur ce souhait), ca m étonne moyen ^^
Le 19/02/2019 à 21h35
Le 19/02/2019 à 22h42
nan mr estrosi est juste le directeur de la plus grosse maison de retraite française et peut donc faire passer ce qu’il veut aupres de ses pensionnaires alzheimer
ils sont tellement en mode légume qu’ils se rappellent plus qu’un camion filmé par leur vidéoprotection a écrasé 85 personnes, c’est dire!!!
Le 19/02/2019 à 23h03
Le 19/02/2019 à 23h20
En effet, ca déplace le problème… et rien ne vaut des hommes sur le terrain plutôt que derrière des caméras.
Le 20/02/2019 à 06h08
Estrosi n’arrive pas à détecter un camion sur une route réservée aux voitures… y a de la marge avant 1984 " />
Le 20/02/2019 à 08h01
…président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, il est président de la métropole
Nice Côte d’Azur depuis 2012 et maire de Nice de 2008 à 2016 puis à nouveau depuis 2017.
Wikipedia
Le 20/02/2019 à 08h08
c’est bien connu :
“on leurs donne (juste) le doigt, ET ils te prennent TOUT le bras” !!! " />
Le 20/02/2019 à 08h28
Le 20/02/2019 à 09h11
Comme souvent, l’outil est très bon, il va permettre de retrouver les gens potentiellement dangereux et de trouver pickpocket, voleur, agresseurs etc… Mais dans les mauvaises mains c’est mauvais pour le citoyen lambda…
Ca me fait terriblement penser a “Batman The Dark Knight” ou Batman développe son méga sonar pour retrouver le joker mais qu’il donne le code d’auto-destruction à Fox.
Mais je pense que Estrosi n’est ni Fox ni Batman donc que c’est pas un bon point pour nous ^^’
Le 20/02/2019 à 09h24
Le 20/02/2019 à 09h28
L’argument « Reporty »
Minority Reporty ?
" /> " />
Le 20/02/2019 à 09h44
Dans l’examen de ce dossier, la commission ajoute avoir porté « une vigilance toute particulière sur les garanties annoncées pour s’assurer de la validité du consentement » des personnes volontaires. « Le
consentement serait « libre » dans la mesure où une entrée alternative
est proposée pour les personnes ne souhaitant pas participer à cette
expérimentation ».
De même, « il serait également « éclairé », car des formulaires
d’information seraient distribués aux personnes concernées et des
panneaux d’affichage informent les personnes de cette expérimentation en
quatre langues et de leur possibilité d’utiliser un autre accès ». S’y ajoute une suppression des données enregistrées 24 heures après la fin de l’expérimentation.
Cette position de la CNIL va à l’encontre des principes pourtant clairement établis dans le RGPD:
le consentement doit être libre et éclairé, il ne se présumé pas => ça signifie qu’il faut recueillir le consentement de chacune des personnes participantes et il faut fournir la preuve de ce consentement: un écrit donc.
Formulaires d’informations et panneaux d’affichage ne constituent en aucun cas une preuve que la personne a donné son accord.
Et surtout l’histoire de possibilité d’utiliser un autre accès est un foutage de gueule énorme: quand tu vas à ce type de manifestation, la foule est dense, l’accès difficile et l’attente longue. Donc quand tu arrives enfin à l’entrée et qu’on te dit que tu seras fliqué tout le long de l’évènement, tu es obligé d’accepter, tu ne vas pas rebrousser chemin alors que t’as galéré pour y accéder enfin.
Le consentement est ainsi vicié.
Bref, voici une très mauvaise décision de la CNIL: prendre une décision dans l’urgence n’autorise pas ce genre d’horreur juridique.
Le 20/02/2019 à 13h07
Il suffit de demander :)
Twitter
Le 20/02/2019 à 17h00
Le 20/02/2019 à 20h25
" /> La cnil date de 77 et Estrosi de 83 pour sa carrière en politique. A une époque o`u il n’y avait pas non plus de smartphone. Qu’on le supprime aussi ! " /> (<- Edit A l’attention de l’avocat de M. Estrosi, ceci est un smiley en forme de troll pour indiquer qu’il s’agit d’humour, d’un mauvais humour je le concède mais les dires de monsieur sont injurieux et injustes envers l’institution qu’est la CNIL)
Le 24/02/2019 à 17h32
Wikipédia fait parfois de l’humour sans le vouloir :
MM. Machins 1,5,9 - avocat
MM. Trucs 2,4,8 - médecin
MM. Bidules 3,6,7 - negociant
…
Christian Estrosi, pilote de moto
" />
P.S.: Minority Reporty avec Tom Cruise sur sa moto dans le rôle d’Estrosi !
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