À l’Assemblée, de maigres mesures contre l’obsolescence logicielle
Mise à jour de l'an
Le 31 décembre 2019 à 14h00
6 min
Droit
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Alors que les sénateurs souhaitaient que les téléphones et tablettes bénéficient de mises à jour pendant au moins dix ans, les députés ont préféré opter pour une durée de deux ans (néanmoins étendue à tous les « appareils numériques »). La piste d'une dissociation obligatoire entre mises à jour de sécurité et de « confort » n'a pas été retenue.
« Cela n’est pas du tout à la hauteur », s’est emporté le communiste André Chassaigne, mercredi 11 décembre, dans le cadre des débats sur le projet de loi « anti-gaspillage ». Et pour cause : en commission, la majorité a fait disparaitre les dispositions, introduites par le Sénat, obligeant les constructeurs de smartphones et de tablettes à proposer des mises à jour de leurs systèmes d’exploitation pendant au moins dix ans.
Une mesure destinée à lutter contre l’obsolescence logicielle, qui rend difficile (voire impossible) l’utilisation de certains appareils, pourtant encore en état de marche. Le cas typique : un ordinateur qui ne peut plus recevoir de mises à jour, le constructeur considérant l’appareil comme trop vieux pour lui en fournir.
En lieu et place, les députés ont renforcé les obligations d’information pesant sur les fabricants. L’idée ? Que les consommateurs soient systématiquement informés de « la durée au cours de laquelle les mises à jour des logiciels fournis lors de l’achat du bien restent compatibles avec un usage normal de l’appareil ».
Vers une meilleure information des consommateurs
Depuis les bancs de la majorité, le député Vincent Thiébaut a fait valoir que cette réforme permettrait « d’informer le consommateur, au moment de l’achat du produit, sur la durée au cours de laquelle il peut s’attendre à recevoir des mises à jour logicielles suffisantes pour l’utiliser ».
Un argumentaire qui n’a toutefois pas convaincu André Chassaigne. « Nous devons précisément prendre des dispositions tendant à faire en sorte que les téléphones portables et les tablettes soient encore fonctionnels dix ans après leur commercialisation. Il y a là une profonde différence d’approche entre nous », a martelé l’élu communiste.
Ce dernier proposait, par le biais d’un amendement, d’imposer aux fabricants « d’appareils numériques » de fournir des « mises à jour correctives du système d’exploitation utilisé par leurs appareils » pendant au moins dix ans après leur mise sur le marché. Le tout sous peine de deux ans de prison et 300 000 euros d’amende.
« Rien n’interdit de faire en sorte – comme le demandent de nombreuses associations de consommateurs – que les mises à jour correctives du système d’exploitation soient disponibles pendant la durée de commercialisation de l’équipement, et au moins cinq à dix ans après. Les fabricants et les éditeurs de logiciel peuvent tout à fait s’organiser à cet effet », s’est justifié André Chassaigne. Poursuivant : « À défaut, on pourrait imaginer que les logiciels qui ne sont plus maintenus tombent dans le domaine public. On pourrait également obliger les fabricants et les éditeurs à fournir des supports d’installation des logiciels d’origine. »
Le gouvernement comme la majorité se sont opposés à cet amendement, en raison d’un « double problème de compatibilité avec le droit européen et de faisabilité technique », dixit la rapporteure, Graziella Melchior (LREM).
Des mises à jour pendant au moins deux ans
La rapporteure a néanmoins fait adopter, avec le soutien du gouvernement, un amendement censé permettre à la France de « franchir un pas supplémentaire » contre l’obsolescence logicielle.
Première mesure : les vendeurs devront veiller à ce que chaque consommateur « reçoive les mises à jour nécessaires au maintien de la conformité » du bien qu’il vient d’acheter, pendant au moins deux ans. L’exécutif pourra étendre cette période, par décret, pour certaines catégories de produits, « eu égard au type et à la finalité des biens et éléments numériques et compte tenu des circonstances et de la nature du contrat ».
Calqué sur une directive européenne en date du 20 mai 2019, l’amendement prévoit d'autre part que le consommateur devra être informé par le vendeur « des mises à jour, y compris des mises à jour de sécurité, qui sont nécessaires au maintien de la conformité de ces biens ». Les « modalités d’installation de ces mises à jour » devront être présentées « de façon suffisamment claire et précise ».
Libre ensuite au consommateur de refuser ces mises à jour, poursuit l’amendement. Le vendeur devra d’ailleurs informer son client « de la conséquence du refus d’installation ». Bénéfice du dispositif : le vendeur ne pourra être tenu pour responsable « d’un éventuel défaut de conformité qui résulterait de la non-installation de la mise à jour concernée ».
Pas de dissociation entre mises à jour de sécurité et « de confort »
Autre proposition ayant émergé au cours des débats : obliger les fabricants à dissocier les mises à jour de sécurité, indispensables au bon fonctionnement des appareils électroniques, des mises à jour « de confort », facultatives. « Ainsi, chacun choisira, et les appareils numériques répondront mieux aux attentes des Français » a fait valoir François-Michel Lambert (Libertés et Territoires).
« Nous sommes tentés de changer de smartphone parce qu’on nous oblige à télécharger des mises à jour de confort en même temps que des mises à jour de sécurité. En vérité, elles créent une confusion s’agissant de l’usage de l’appareil, et le ralentissent parfois, car les options que nous ajoutons sans en avoir besoin le sollicitent jusqu’à le saturer », s’est justifié l’élu.
Son amendement imposait une distinction, « de manière à permettre au consommateur, s’il le souhaite, de n’installer que les mises à jour de sécurité à l’exclusion des autres mises à jour, sans que ce choix entraîne de défaut de conformité du bien ». Cette proposition n’a cependant pas prospéré, suite à un simple « avis défavorable » du gouvernement et de Graziella Melchior.
Ce sujet pourrait néanmoins être remis sur la table du Parlement prochainement. En vue de la transposition d’autres mesures issues de la directive du 20 mai 2019, le projet de loi « anti-gaspillage » prévoit que le gouvernement présente un rapport « sur la durée de vie des appareils numériques et connectés, sur l’obsolescence logicielle et sur les options pour allonger la durée de vie des équipements concernés ».
Dans ce cadre, l’exécutif devra plancher sur différentes évolutions législatives, dont « une dissociation entre les mises à jour de confort et les mises à jour de sécurité ».
Le gouvernement ayant enclenché la procédure accélérée sur le projet de loi « anti-gaspillage », il n’y aura pas de seconde lecture. Députés et sénateurs se réuniront prochainement au sein d’une commission mixte paritaire, à l’issue de cette première lecture, en vue de trouver un compromis. Faute de quoi, le dernier mot sera donné à l’Assemblée nationale.
Il est donc plus que probable que ces dispositions soient maintenues, au moins dans les grandes lignes.
À l’Assemblée, de maigres mesures contre l’obsolescence logicielle
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Vers une meilleure information des consommateurs
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Des mises à jour pendant au moins deux ans
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Pas de dissociation entre mises à jour de sécurité et « de confort »
Commentaires (22)
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Abonnez-vousLe 01/01/2020 à 13h17
Le 01/01/2020 à 15h14
Le 01/01/2020 à 15h43
2 ans de mise à jour… foutage de gueule, vu que c’est la période de garantie.
5 ans aurait déjà couvert bon nombre d’appareil numériques dont la durée de vie est (hélas) proche de cette durée.
Le 01/01/2020 à 18h05
Le 01/01/2020 à 18h10
Deux ans, c’est trop court mais cela va déjà bien déranger les fabricants des tablettes qui sont quasiment des déchets le jour même de l’achat. Je pense à toutes les marques prête nom telles que polaroid ou thomson.
Deux ans, c’est déjà suffisant pour déranger Lenovo qui a abandonné ma tablette un an seulement après son achat.
C’est donc un premier coup de pied dans les produits les plus miséreux qui ne seront peut-être plus mis en vente en France. Si nous restons les seuls à agir ainsi, la Chine continuera à exporter ses déchêts sans vergogne.
J’attend la loi qui assimilera les produits à vie trop courte à des produits à usage unique et les taxera en conséquence.
Le 01/01/2020 à 20h36
Ce n’est pas tant l’arrêt des mises à jour qui est regrettable dans le terme « obscolescence logicielle », ce sont plutôt l’arrêt des serveurs/API/fonctionnalités, de manière volontaire, après un certain temps d’utilisation. Alors que ces mêmes fonctionnalités fonctionneraient encore…
Le 01/01/2020 à 21h17
Le 02/01/2020 à 08h17
Le 02/01/2020 à 08h59
Les MAJ, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant…
Les failles de sécu devraient être traiter comme des vices cachés, avec obligation d’information et de réaction rapide.
Les MAJ « fonctionnelles » permettant de rester au niveau de l’écosystème environnant devait être fournies pendant au moins 5 ans (la durée de vie moyenne des smartphones aujourd’hui est de 18 à 24 mois, donc leurs 2 ans ne permettront pas de l’augmenter…).
Il est impératif de garantir l’interopérabilité, la « migrabilité » ou la diffusion en Open Source des services Cloud indispensables au fonctionnement d’un appareil numérique pendant la même durée…
Bref, « ça » n’a pas pris une ride et on n’en prend toujours pas le chemin…
Le 02/01/2020 à 11h27
Vice caché qui n’est pas nécessairement imputable à l’assembleur.
Pour voir espérer changer les choses il faudrait plus de contrats d’assurance pro. qui garantissent qu’une expertise indépendante couvre les fameux vices cachés. Elle serait ainsi applicable aux dépendances…
Mais encore faudra-t-il accepter une définition commerciale de ce que beaucoup appellent encore une fonctionnalité non définie.
Le préjudice n’ayant d’ailleurs de sens qu’à un niveau collectif, les fameux assureurs auront ainsi tendance à faire grimper les prix et l’état de catastrophe naturel est difficilement transposable aux failles logicielles. " />
Le 02/01/2020 à 22h10
“Le gouvernement comme la majorité se sont opposés à cet amendement, en raison d’un « double problème de compatibilité avec le droit européen et de faisabilité technique », dixit la rapporteure, Graziella Melchior (LREM).”
Amusant à comparer avec la loi contre l’accès au porno aux mineurs. Dans cette loi c’était “les sites porno doivent se démerder pour trouver une solution technique permettant de contrôler l’âge du visiteur” et maintenant quand on parle de mise à jour c’est “holala, on va quand même pas imposer un truc aussi compliqué techniquement aux constructeurs”.
Il y a aucune cohérence …
Enfin reste que j’entends l’argument : proposer des mises à jour sur 10 ans ça a un gros coût et c’est assez chiant (c’est jamais drôle autant que dev de trainer sur la maintenance de projet, surtout quand il est vraiment vieux). Mais proposer 2 ans ? C’est une presque non-évolution par rapport à ce qui se fait déjà dans le marché des smartphones (et très faible par rapport à ce qui se fait sur les pc). Je pense que 5 ans aurait été un meilleur compromis, à la porté de tous les constructeurs.
Le 03/01/2020 à 12h17
Le 03/01/2020 à 18h40
Le 05/01/2020 à 21h52
robin4002 a écrit :
Amusant à comparer avec la loi contre l’accès au porno aux mineurs. Dans cette loi c’était “les sites porno doivent se démerder pour trouver une solution technique permettant de contrôler l’âge du visiteur” et maintenant quand on parle de mise à jour c’est “holala, on va quand même pas imposer un truc aussi compliqué techniquement aux constructeurs”.
Il y a aucune cohérence
Je pense que dans l’esprit de beaucoup de gens, il y l’idée que “matériel = compliqué” , donc ingénieurs, systèmes productifs, logistique, …. donc coûts.
Alors que dans “logiciel” (voire pire : “internet” , il y a l’idée du petit génie boutonneux dans sa cave qui bosse pour rien tant que tu lui fourni pizza & coca a volonté, et qui peux résoudre tout problème par la magie du “nordinateur”.
L’un des problèmes étant par ailleurs que le marketing des boites de soft a un peu tendance à promettre du rêve aussi (cf la vidéosurveillance + IA)
Le 06/01/2020 à 09h52
…il y a l’idée du petit génie boutonneux dans sa cave, et qui peux résoudre tout problème
par la magie du “nordinateur”.
c’est vrai…qu’il m’est arrivé de tomber de tomber sur des gens ‘surprenants’ !
“qui touchent leurs billes” !!!
(je me débattais* avec ‘un truc’ depuis 2 jours, et lui : hop…3 heures, c’était réglé”–>purée) !!!
* novice ? " />
Le 31/12/2019 à 14h24
Dommage, encore un progrès en moins à destination des usagers, au profit des banquiers (ou paradis fiscaux).
Le 31/12/2019 à 15h22
2 ans c’est déjà un progrès puisque certains produits vendu n’ont même pas de maj de sécurité à jour …
Le 31/12/2019 à 15h50
« Cela n’est pas du tout à la hauteur » ET ..Il y a là une profonde différence d’approche entre nous »
“des 10 ans, du début,…on se retrouve à 2 ans”–>pff !!!!
(ils auraient dû ‘couper la Poire en 2’) 5 ans " />
Le 31/12/2019 à 20h10
Clairement 5 ans de maj de secu ça aurait été déjà pas mal. :/
Là on a très peu voir pas de changement au final. :(
Le 01/01/2020 à 09h03
Le temps de la garantie donc…
Le 01/01/2020 à 09h50
C’est quoi cette lubie de faire un distingo entre màj de sécurité et màj de confort ?
Un téléphone non mis à jour peut fonctionner parfaitement, exactement comme au premier jour.
Afficher la durée de dispo des mises à jour risque d’avoir l’effet négatif d’une DLUO sur un pot de yaourt !
“Le yaourt est périmé il faut le jeter” / “Mon téléphone est foutu y’a plus de mises à jour”
La bonne idée serait d’imposer une période de màj minimale (2ans voir plus) suivi de l’obligation d’ouverture du code source quand la période est passée.
Deuxième solution au pb d’obsolescence des téléphones interdire tout mécanisme de blocage des downgrade: ça n’a aucune raison technique d’exister,
Tous les iphones finissent à la poubelle avec cette cause ! iOS fonctionne bien, je vais essayer le nouveau à bon mon téléphone est une brique inutilisable, et Apple vient d’annoncer que mon modèle n’aura plus aucune nouvelle version d’iOS, et je ne peux plus revenir en arrière.
Le 01/01/2020 à 11h15
Personnellement tel que décrit dans l’article je ne vois rien de contraignant, le sens même du mot “mise à jour” est juste un “gros fourre-tout”… à chacun de l’interpréter à son goût. Et si un fabricant de mobile ne délivre aucune mise à jour pendant 2 ans, l’appareil reste dans son état inital d’achat, donc conforme à ce que le client a acquéri initialement…
Quelqu’un peut-il éclaircir un cas d’usage où la loi aurait un impact quelconque sur les constructeurs et les utilisateurs ???
EDIT : 2 ans de mise à jour SW pour prétendre lutter contre l’obsolescence, alors que c’est précisement la durée légale de conformité que le constructeur doit déjà au client… franchement un texte qui en l’état ne sert à rien… Et puis qui se débarrasse de son mobile ou sa tablette au bout de 2 ans parce que le SW n’est plus à jour ???