Jusqu’à 20 ans de surveillance pour les auteurs d’infractions terroristes, à l’issue de leur peine
Par surveillance électronique mobile notamment
Le 12 mars 2020 à 11h18
5 min
Droit
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Les députés de la République en Marche ont déposé une proposition de loi « instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine ». Puisqu’il s’agit d’une « PPL », le texte est dénué d’étude d’impact ou d’avis du Conseil d’État. Il prévoit des mesures de surveillance jusqu’à 20 ans.
Alors que tous les yeux sont aujourd’hui tournés sur la pandémie du coronavirus, les députés de la majorité ont déposé une proposition de loi visant à répondre « à la menace terroriste ». Une menace qui demeurerait « à un niveau élevé ».
Si la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a inscrit dans notre droit plusieurs mesures inspirées de l’état d’urgence, le texte tout juste déposé vient muscler davantage encore le droit positif.
L’enjeu cette fois ? Le fait que certaines de ces personnes condamnées pour fait de terrorisme puissent « présenter, à leur sortie de détention, de sérieux risques de réitération ou de passage à l’acte ». Selon les chiffres fournis par le ministère de l’Intérieur, « au 4 février 2020 (…), étaient détenues dans les prisons françaises 531 personnes purgeant une peine de prison pour des faits de terrorisme (terroristes islamistes – TIS). 43 d’entre‑elles devraient être libérées en 2020, une soixantaine en 2021, 46 en 2022 ».
Selon les cas, ces personnes peuvent faire l’objet de mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (dans le jargon : « MICAS ») « mais la durée de ces mesures ne peut en tout état de cause excéder douze mois » regrettent les élus. Ils proposent aussi d’introduire dans notre droit « un régime ad hoc de sûreté » destiné « à s’appliquer aux personnes condamnées pour des faits de terrorisme et en passe d’être libérées lorsque les dispositifs existants s’avèrent insuffisants ».
Qu'en est-il avec ce nouveau texte ?
Des mesures de sûreté visant le droit pénal du terrorisme
Le régime à venir concerne les faits de terrorisme, exception faite de la provocation ou de l’apologie du terrorisme et de l’extraction, de la reproduction ou de la transmission intentionnelle « des données faisant l'apologie publique d'actes de terrorisme ou provoquant directement à ces actes ». Par contre, le délit de consultation habituelle de ces sites tombera dans ce champ si du moins l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté.
Donc, si à l’exécution de la peine, l’auteur présente « une particulière dangerosité caractérisée par un risque élevé de commettre l’une de ces infractions », alors la proposition de loi, dans son article unique, programme une salve de mesures de sûreté :
- Obligation de répondre aux convocations du juge d’application des peines
- Obligation d’établir sa résidence en un lieu déterminé
- Obligation d’obtenir une autorisation avant tout changement d’emploi ou de résidence
- Obligation d’obtenir une autorisation avant tout déplacement à l’étranger,
- Obligation de présentation périodique aux services de police ou aux unités de gendarmerie
- Interdictions d’entrer en relation avec certaines personnes ou catégories de personnes spécialement désignées
- Interdiction de paraître dans certains lieux,
- Placement sous surveillance électronique mobile
Une décision prise pour un an, renouvelable pendant 20 ans maximum
Sur réquisitions du procureur de la République, c’est le tribunal de l’application des peines qui ordonnera à l’encontre de l’individu une ou plusieurs de ces mesures. Elles seront ordonnées sur une période maximale d’un an. « À l’issue de cette période, les mesures de sureté peuvent être renouvelées par le tribunal de l’application des peines et pour la même durée dans la limite de dix ans ».
La limite sera même portée à vingt ans « lorsque les faits commis par le condamné constituent un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement ».
Plusieurs conditions préalables
Plusieurs autres filtres sont imposés pour conditionner cette décision : il faudra que « les obligations imposées dans le cadre de l’inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des infractions » en cause. Et si ces mesures de sûreté « constituent l’unique moyen de [les] prévenir ».
C’est la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté qui évaluera le degré de dangerosité trois mois avant la libération de la personne concernée. Cette évaluation sera faite par un placement du condamné, « pour une durée d’au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues aux fins d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité ».
La décision finale sera prise par débat contradictoire où le condamné sera assisté par un avocat.
Le fait de ne pas respecter les mesures de sûreté sera lui-même puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
Le texte commence son périple par une examen en commission. Il sera ensuite examiné en séance avant d'être transmis au Sénat. Les sénateurs LR ont d'ailleurs déposé, bien avant, un texte similaire qui prévoit des mesures de surveillance de même durée.
Le 12 mars 2020 à 11h18
Jusqu’à 20 ans de surveillance pour les auteurs d’infractions terroristes, à l’issue de leur peine
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Des mesures de sûreté visant le droit pénal du terrorisme
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Une décision prise pour un an, renouvelable pendant 20 ans maximum
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Plusieurs conditions préalables
Commentaires (33)
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Abonnez-vousLe 12/03/2020 à 11h45
#1
Un “accident” mortel en prison serait quand même plus simple et moins couteux " />
Le 12/03/2020 à 11h54
#2
À la sortie de l’école du crime, on instaure le contrôle continu.
On pourrait réformer la prison, mais il faudrait réfléchir, écouter, échanger… Pas le temps, Pignouf premier veut faire de la com’.
Le 12/03/2020 à 11h56
#3
Le 12/03/2020 à 12h03
#4
on ne voit plus les émoticônes sur mobile ?
Le 12/03/2020 à 12h15
#5
On lance les paris??
Si l’on se fie aux discussions et votes des précédentes lois en matière de sécurité, cette proposition va faire l’objet d’amendements par la majorité pour que ces mesures de sécurité ne soient plus limitées au seul terrorisme et puissent d’appliquer à tout crime ou délit, ainsi qu’à toute infraction pouvant porter atteinte à l’ordre public.
Il n’y aura pas de débat contradictoire pour la prise de ces mesures (trop compliqué), il n’y aura pas d’évaluation de la dangerosité (trop cher) et la personne concernée n’aura pas droit à un avocat (trop génant).
Ces mesures se cumuleront bien évidemment aux précédentes mesures de contrôle/sanctions.
Le 12/03/2020 à 12h19
#6
toi tu vas avoir des problèmes !
Le 12/03/2020 à 12h33
#7
Déjà, cette surveillance est appliquée comment : par un équipement type bracelet électronique ? Une équipe qui suit l’individu ? Par le système de vidéo-surveillance ?
La première solution peut être contournée s’il est mécaniquement possible de retirer le bracelet ou si sa résilience est perfectible, mais si il fonctionne bien elle représente une solution peu coûteuse et parfaitement ciblée
La deuxième est trop coûteuse, peu appréciée du grand public et assez peu efficace.
La troisième consiste à surveiller toute la population avec les risques inhérents en cas de dérive, c’est loin d’être la plus fiable mais elle a un pouvoir marketing plutôt efficace.
Que va t-on choisir hum hum…
Parce que bon, le gars il se pointe pas à la gendarmerie parce qu’il est parti à l’étranger, comment on fait pour appliquer la règle “3 ans de taule et 45k€” ?
Le 12/03/2020 à 12h34
#8
Le 12/03/2020 à 12h51
#9
Puis la loi sera étendue aux pédophiles, puis dans quelques années à tout le monde.
Le 12/03/2020 à 12h53
#10
Le 12/03/2020 à 13h21
#11
marketing. Plus de moyens pour payer.
Le 12/03/2020 à 13h50
#12
Qui assumerait la responsabilité de l’accident ? Qui va assumer une telle décision ? Quel serait le fondement juridique pour la mise en place ? Article Lxxx Lorsque le détenu est condamné pour une peine d’au moins dix ans fondé sur un fait de terrorisme tel qu’énoncé à l’article Lyyyy, le directeur de la prison a autorité pour provoquer un accident volontaire devant entrainer la mort avec intention de la donner.
Je doute que cela puisse passer. Surtout que c’est juste totalement contraire à l’article 66-1 de notre constitution.
Raconter n’importe quoi sur le droit à la vie d’un humain n’est pas un bon moyen pour faire progresser la justice.
Le 12/03/2020 à 13h59
#13
Il est certain que nous avons un problème avec la prison, plus précisément le sens de la peine.
Doit-on considérer la prison comme une peine, une sanction, où le détenu va devoir expier sa faute, où il va devoir souffrir pour faire disparaître son forfait ?
Doit-on considérer la prison comme un période obligatoire de mise à l’écart qui va permettre de reconstruire un avenir avec le détenu pour qu’à la sortie il puisse réintégrer la société.
On n’est pas obligé de choisir une des deux, suivant les cas, on peut envisager l’une plutôt que l’autre. Notamment pour les quelques condamnés à la prison à perpétuité incompressible. Eux, aucun intérêt à prévoir une réinsertion, jamais ils ne sortiront.
Mais pour la grande majorité des détenus, il faut se poser cette question et choisir ce que veut notre société, ce qui n’a jamais été fait. Aujourd’hui, il y a des budgets très importants qui sont débloqués pour rénover et construire de nouvelles places de détention, budget qui sont pris sur ceux utilisés pour la réinsertion, pour l’aménagement des peines, pour l’aménagement de la détention.
Enfermer quatre personnes dans une cellule de 9m² durant 22 heures par jour n’est pas l’idéal pour favoriser une réinsertion.
Et avant même la prison, il faut se poser cette question sur la valeur de la peine. Certains pays y arrivent et ferme des prisons tout en constatant une diminution forte de la délinquance et des crimes.
Pendant ce temps, la France se fait condamner sévèrement par la Cours Européenne des Droits de l’Homme pour l’état de ces prisons, pour le nombre trop élevés de personnes détenues, pour les mauvais traitements infligés aux détenus. Et notre gouvernement préfère payer plutôt que de tenter de s’en occuper.
Le 12/03/2020 à 14h00
#14
Le 12/03/2020 à 14h46
#15
C’est moralement incorrect pour nos cultures, nous ne sommes pas encore en Chine (d’ailleurs techniquement ce serait pire : eux au moins c’est officialisé et tu le sais d’avance. Un accident ce serait d’une hypocrisie sans nom…)
Bon par ailleurs contrairement à d’autres semble-t-il je sais que tu disais ça en plaisantant… " />
Sinon ce projet de loi, encore une fois, c’est une magnifique fabrique à récidive…
-> Obligation de présence à convocations régulières : excellent moyen de renouveler la culpabilité et bien indiquer que t’es marqué à vie.
-> Obligation d’autorisation préalable pour changement de job ou résidence : parfait pour t’empêcher toute reconstruction professionnelle par laquelle tu pourrais évoluer, entre les inévitables lourdeurs administratives (surtout pour “s’occuper d’un ex-terroriste”) et le déni social qui ne saurait éviter d’arriver dans 95% des boîtes (“ah, il te faut une autorisation spéciale, en fait t’es un grand criminel, bah écoute tu pues, oublie-nous tu seras mignon”).
-> Interdiction de fréquenter certains lieux / publics + bracelet électronique permanent : assurance de prévenir toute tentative honnête de réinsertion sociale.
En gros, c’est la prison, en plus confortable (pour un temps, jusqu’à te retrouver à la rue), et en beaucoup plus hypocrite. Sans compter tout l’investissement en temps, hommes et en argent dédié à cette forme subtile mais indéniable de répression, qui aurait pu être autrement consacré à, “au hasard”, développer les aides à la réinsertion voire complètement autre chose (hôpital, éducation, transports, énergie, voire même les prisons elles-mêmes… Ce sont pas les postes en souffrance qui manquent).
Comme toujours, selon une formule de mon invention que j’aime partager, ces députés…
“Les limites de leur connerie m’éblouissent tant elles brillent par leur absence”.
Le 12/03/2020 à 15h29
#16
Le 12/03/2020 à 17h55
#17
Le 12/03/2020 à 18h51
#18
Suffit de balancer tout les prisonniers dangereux sûr une île déserte et de les surveiller avec des navires." />
Le 12/03/2020 à 21h24
#19
Le 13/03/2020 à 08h40
#20
Continuez comme cela avec vos commentaires: c’est toujours un plaisir de vous lire et surtout de voir votre foi dans la nature humaine " />
Le 13/03/2020 à 09h25
#21
J’imagine bien le type qui sort de prison:
“bonjour, je souhaite obtenir un travail, n’importe quoi
Et paf, ça fait un type sans revenu qui va détester l’état un peu plus.
Le 13/03/2020 à 09h42
#22
Le 13/03/2020 à 09h48
#23
Un appel au meurtre, ce n’est pas de l’humour, c’est un délit.
Le 13/03/2020 à 09h53
#24
Le 13/03/2020 à 14h01
#25
Le 13/03/2020 à 14h30
#26
Le 13/03/2020 à 21h47
#27
On dirait un texte conçu pour essayer de “régulariser” la traitement que subit Kamel Daoudi ( actuellement dans sa 12 année d’assignation à résidence)
Il y a juste la partie “l’auteur présente « une particulière dangerosité caractérisée par un risque élevé de commettre l’une de ces infractions »,” pour laquelle il faudra broder…
Le 15/03/2020 à 10h11
#28
On peut aussi être un poil moins susceptible quand même…
Le 15/03/2020 à 10h21
#29
Pour moi la prison, ce sont les deux à la fois.
On expie et on prépare la réintégration.
Le 17/03/2020 à 12h23
#30
Les condamnés à la prison à perpétuité incompressible sont dans des centres de détention. Oui, ils peuvent être en contact avec des détenus pour d’autres peines très lourdes, au minimum 10 ans. La difficulté n’est pas de les resocialiser mais de ne pas les désocialiser. Suivant les cas, les contacts peuvent être plus ou moins limités, en fonction du détenu essentiellement.
Les besoins en rénovation sont énormes, on vient de très loin et on avance moins vite que la dégradation. Je ne parle pas que de l’aménagement, mais aussi de la notion de réinsertion, ce qui implique de la formation, du sport, de la socialisation, ne pas perdre les liens, refaire un carnet d’adresses qui ne soit pas que des personnes d’origine carcérales,… C’est dans ces moyens que sont pris les budgets pour de nouvelles places ou des réhabilitations. En effet, on pourrait plus utiliser des peines de substitution et autres, mais notre société considère que si une personne soupçonnée d’un délit n’est pas immédiatement enfermée pour plusieurs années, la justice n’est pas faîtes. Et nos politiciens ont besoin du soutien de ce peuple pour être réélu. Construisons de nouvelles prisons.
Sur le reste, on est entièrement d’accord.
Le 17/03/2020 à 12h28
#31
En réalité le budget de la justice diminue depuis des années. Il a “augmenté” récemment parce que la charge du transfèrement de détenus dépend maintenant de la justice et plus des services de police et gendarmerie.
Sauf que l’augmentation est loin de couvrir le besoin réel. Que l’on se retrouve avec des convocations reportées par manque d’effectifs pour exécuter les transfères, que l’on se retrouve avec encore plus de difficultés pour les détenus à accéder à des services de médecines, que l’on se retrouve avec des personnes libérées car le juge n’a pas pu terminer les investigations dans les délais, que l’on se retrouve avec une justice au rabais avec des “audiences” par “téléconférences” où personne ne comprend ce qu’il s’y dit.
Et, en effet, c’est loin de s’arranger. Le petit comptable y est pour quelque chose, mais le gouvernement d’amateurs (pas au sens noble du terme), qui l’entour ne facilite pas les choses.
Le 17/03/2020 à 12h35
#32
Les deux sont incompatibles. Tu ne peux pas simultanément punir et préparer la réintégration. La balance centrale entre les deux est un échec des deux. Tu dois donc choisir, dans ta politique carcérale/répressive entre l’un ou l’autre côté des choses (enfin, pas toi, sauf si tu es une femme et ministre de la justice !).
Et, personne (cela n’est pas issu de ce gouvernement) ne veut choisir. Il suffit de se rappeler du fiasco Sarkozy avec les peines plancher où d’un côté on rajoutait de la durée répressive, sans moyens pour la réinsertion et de l’autre on augmentait les conditions de libération anticipés, les réductions de peines, le seuil avant l’incarcération obligatoire. Ou, toujours avec Sarkozy, le test des jurys populaire en cours criminel qui a abouti à une diminution des peines prononcées (alors que le petit avait tablé sur un durcissement des sanctions, trop légères prononcées par les juges).
Il faut choisir où on met la balance. Ma conviction est qu’il faut insister sur la réinsertion, comme dans de nombreux pays plus nordiques, qui en arrivent à fermer des prisons suite à la diminution de la délinquance.
Le 17/03/2020 à 17h03
#33
Je ne suis pas d’accord.
La punition est une partie intégrante du projet. Elle renforce la nécessaire prise de conscience du puni, elle permet de l’éduquer.
C’est plutôt la question du dosage de celle-ci et de sa part dans l’ensemble qui est difficile à évaluer et qui pourrait avoir un impact sur le processus de réhabilitation.
Je dirais même que l’on peut le voir comme un processus séquentiel punition/réinsertion, voire concurrentiel (mais je suis plus sceptique).
Évacuer la punition n’est pas une bonne chose selon moi.
Le sauvageon qu’il suffit de reprendre et d’élever par l’éducation restera un sauvageon s’il n’est pas contraint par la punition. Ensuite, l’éducation/réinsertion jouera son rôle.