L’Internet français (et européen) saturé ? Pas si vite…
Une pandémie ? Et alors…
Notre dossier sur la composition d'Internet et ses points de saturation potentiels :
Le 30 mars 2020 à 13h48
22 min
Internet
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Suite à l'expansion de Covid-19 en France et la mise en place du confinement, certains craignaient une « saturation », une « panne » ou... même un « effondrement » de l'internet français et/ou européen, chiffres à l'appui. Mais qu’en est-il exactement ? Si le réseau des FAI tient le choc, des congestions locales peuvent subvenir. On vous explique tout ça.
Cela fait des années que le plan France THD incite les FAI à revoir leurs infrastructures, pour aller de plus en plus vers la fibre jusqu'à l'abonné (FTTH) plutôt que ce bon vieux xDSL à base de cuivre. L'objectif est au 100 % fibre vers 2025, le THD pour tous (80 % de fibre) était jusque là attendu pour fin 2022. Le tout sur fond de passage prochain à la 5G.
Les choses avancent donc, mais pas toujours aussi vite que certains le voudraient. Et comme bien souvent, c'est dans ce genre de cas qu'une crise vient nous démontrer que ces grands travaux ont leur intérêt, et que repousser sans cesse leur achèvement pose plus de problèmes qu'il n'en résout. C'est ce qu'a produit la mise en place du confinement en France.
Une bonne partie de la population s'est retrouvée à la maison, devant soit télétravailler, soit s'occuper. Et dans les deux cas, les usages numériques étaient en bonne place, nécessitant large bande passante, latence réduite et stabilité... tout au long de la journée. De quoi augmenter la charge globale sur les FAI, qu'il s'agisse des quatre grands qui proposent des offres à l'échelon national, ou de ceux qui visent des marchés plus locaux et/ou spécialisés.
Mais étaient-ils tous préparés à cela ? Ces derniers jours, certains ont laissé entendre que oui, d’autres affirment que non et mettent en cause des volontés politiques et économiques, dans un contexte particulier avec le lancement – finalement reporté – de la plateforme de SVOD Disney+. Quelle est donc la réalité des faits ?
Elle n’est pas ailleurs, mais plutôt entre les deux points de vue. Car deux semaines plus tard, force est de constater que l'Internet français tient le coup. Pourtant, à y regarder de plus près, on constate une hausse des problèmes remontés ici ou là. Après vous avoir expliqué le fonctionnement du réseau des réseaux, analysons ce qu'il se passe concrètement.
- On vous explique (simplement) comment fonctionnent les tuyaux d’Internet
- L’Internet français (et européen) saturé ? Pas si vite…
- Disney+ vs Netflix : analyse de deux manières de diffuser des contenus en France
Des discours rassurants chez Orange et SFR avec des précautions...
Si les fournisseurs d’accès se voulaient confiants avant le confinement, c’est depuis un peu plus mitigé. Interrogé sur un risque d’explosion des réseaux de SFR, Grégory Rabuel, directeur général du FAI, est catégorique chez les Échos : « Non, le réseau de SFR est solide, prêt à absorber de très fortes hausses de trafic ». En même temps, on imagine assez mal un FAI affirmer haut et fort le contraire. Néanmoins, « il pourrait y avoir des problèmes de saturation significatifs en cas d'usages déraisonnables pendant plusieurs semaines », ajoute-t-il.
Même son de cloche de la part de Stéphane Richard au Figaro : « les réseaux vont tenir. On peut le dire sans forfanterie ni exagération ». Lui aussi ajoute un bémol : « Nous sommes dans un moment de l’histoire où nous assistons à un développement faramineux des usages, avec ou sans épidémie. Dans ces circonstances, il faut faire des ajustements, il faut que nous puissions intervenir, surtout pour répondre à l’accroissement de certains flux, comme ceux des professionnels de santé ».
... à analyser avec le recul des données disponibles
Au-delà de la déclaration des uns et des autres, nous avons décortiqué les données provenant de plusieurs points d’échange (IX/IPX) et d’opérateurs (les rares fois où elles sont disponibles) afin d’avoir une vision globale de la situation.
S’il y a évidemment un aspect politique dans cette histoire – avec l’éternelle question « qui-paye-quoi » – il y a également un versant technique. Le confinement et l’explosion du télétravail ont en effet des incidences sur certains des « tuyaux » d’Internet, c’est indéniable et les chiffres le montrent.
Il en est de même pour la bande passante utilisée par Netflix : après des hausses au début du confinement, elle a chuté suite aux mesures de réduction de la qualité d’image mises en place. De quoi inciter le BEREC, régulateur européen des télécoms, à intervenir et s'exprimer sur le sujet.
Des hausses sur les points d’échange ? Oui… et non
Commençons par les statistiques publiques de plusieurs points d’échange (IPX, dont l'utilité est détaillée dans la première partie de notre dossier) en France et en Europe. Ils proposent souvent des graphiques de la bande passante mesurée, avec une granularité à la journée, au mois ou à l’année.
Dans son billet de blog publié il y a quelques jours, le spécialiste des réseaux Stéphane Bortzmeyer explique, à juste titre, que les données de France-IX, le principal point d’échange français, « ne montrent qu’une faible augmentation du trafic. Même chose chez son équivalent allemand, le DE-CIX ».
Chez nos voisins outre-Rhin, il y a certes une petite hausse mi-mars, mais rien d'affolant dans une dynamique d'augmentation continue. Nous pouvons également citer celle constatée au niveau du point d’échange AMS-IX à Amsterdam (attention, son échelle ne commence pas à 0). « Mais rappelez-vous qu’à d’autres endroits, la situation peut être plus sérieuse », prévenait à juste titre Bortzmeyer.
C’est le cas au Milan Internet eXchange (MIX), où l’augmentation atteint environ 25 % (à vue d’œil depuis le graphique). Au CIXP (CERN Internet eXchange Point), l’IPX du CERN en Suisse, nous remarquons aussi une importante hausse du trafic depuis deux semaines (on doit être aux alentours de 40 %).
En Belgique, l’IPX BNIX affirme que le « passage à grande échelle au travail à domicile a un impact majeur sur le trafic de données qui passe par la plateforme BNIX. Le trafic sur le réseau Belnet [le réseau national de la recherche et de l'enseignement en Belgique, ndlr] ainsi que sur les réseaux des principaux fournisseurs Internet commerciaux est en forte augmentation […] le nœud Internet belge connaît également de grands pics de trafic de données ».
Néanmoins, le point d’échange se veut rassurant : « Belnet a vérifié la capacité de la plateforme BNIX et après analyse, il apparaît que ces connexions peuvent supporter sans problème une forte augmentation du trafic ». Tous les opérateurs et les acteurs d’Internet de cette importance disposent en effet d’une capacité bien supérieure à celle dont ils ont besoin pour absorber d’éventuels pics de consommation, quelle qu’en soit la raison.
Les FAI nationaux utilisent peu les points d’échange
On pourrait continuer longtemps, avec parfois des hausses importantes, de petits hoquets ou quasiment rien, mais cela ne permettrait dans tous les cas pas d’en conclure quoi que ce soit sur une éventuelle saturation des réseaux. En effet, connaître l’évolution du trafic sur un IPX ne permet pas de déduire ce qu’il se passe chez les FAI.
Comme nous l’avons expliqué, ils peuvent passer par plusieurs solutions pour leurs interconnexions : du peering public sur les points d’échange, mais aussi par du peering privé et du transit en dehors des points d'échanges. Selon les pays et les opérateurs, le peering public n’est pas forcément au cœur des stratégies de déploiements des opérateurs. Comme le détaille l’Arcep dans son baromètre de l’interconnexion, c’est le cas en France.
Fin 2018 (les dernières données disponibles à date), la répartition du trafic entrant sur les principaux réseaux des FAI était la suivante :
- 50 % via du transit
- 47,5 % via du peering privé
- 2,5 % seulement via du peering public (sur des points d’échange donc)
Le régulateur des télécoms apportait une précision importante sur le taux « assez élevé » du transit en France « dû en grande partie au trafic de transit entre Open transit international (OTI), Tier 1 appartenant à Orange, et le Réseau de Backbone et de Collecte Internet d’Orange (RBCI), qui permet d’acheminer le trafic vers les clients finals du FAI ».
Pour rappel, Orange (Tier 1) est en effet son propre transitaire. Qu’importe dans le cas présent. Retenons surtout la très faible proportion de trafic passant par les points d’échange : seulement 0,35 Tb/s sur un total de plus de 14 Tb/s fin 2018. Puisque les FAI ne l’utilisent pas massivement, la faible augmentation du trafic sur France-IX ne permet pas de tirer de conclusion sur l’état des liens de transit et le peering privé.
Malheureusement, la transparence atteint vite ses limites chez les FAI français. Ainsi, Bouygues Telecom, Free, Orange et SFR ne communiquent pas les taux d’occupation de leurs interconnexions. C’est d’ailleurs la règle en France, à une exception près : K-Net (nous y reviendrons). De son côté, l’Arcep ne donne pas de chiffres pour les centaines de fournisseurs locaux, spécialisés et/ou associatifs de l’Hexagone.
Une problématique européenne, le BEREC s’en mêle
Il est donc impossible de connaitre précisément l’état des réseaux en France et en Europe. On peut néanmoins se tourner vers la Commission et de l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (BEREC) pour avoir une ébauche de réponse globale à défaut de chiffres précis :
« Les données recueillies jusqu'à présent auprès des opérateurs européens indiquent toutefois que le trafic Internet augmente de manière significative », mais « l'augmentation du trafic Internet n'a pas entraîné jusqu'à présent une congestion générale du réseau »
Pour résumer : il y a plus de monde, mais tout va bien. Le régulateur européen rappelle qu’« en vertu du règlement, les opérateurs sont autorisés à appliquer des mesures exceptionnelles de gestion du trafic, notamment pour prévenir la congestion imminente du réseau et pour atténuer les effets d'une congestion exceptionnelle ou temporaire du réseau, toujours à condition que des catégories de trafic équivalentes soient traitées de manière égale ».
Dans tous les cas, le BEREC prend les devants et précise que ces mesures « ne peuvent pas être maintenues plus longtemps que nécessaire » et doivent rester exceptionnelles. En clair, les fournisseurs d’accès ne peuvent pas espérer demander à Netflix et autres services de streaming de baisser la qualité des vidéos à tout bout de champ.
La baisse de la qualité de Netflix visible (sur les réseaux)
Interrogé, un fin connaisseur des réseaux rappelle en effet que « nous ne sommes pas un sur un problème franco-français ». Preuve en est avec la réduction de la bande-passante de Netflix de 25 % en Europe et au Royaume-Uni (désormais étendu à d’autres pays en Asie et en Amérique). De nombreuses plateformes ont suivi le mouvement, d’Amazon à Google en passant par Apple, Facebook, Sony, Microsoft.
« Ça ne coûte pas grand-chose, ça permet de se donner de l’air et d’être plus serein sur les jours à venir », nous confie un expert. Les effets sont directement visibles et chiffrables, comme en témoigne la baisse significative des échanges sur l’interconnexion de Netflix avec l’opérateur Français K-Net depuis le 22 mars, après une forte hausse les jours précédents.
Le directeur général d’Orange Belgique confirme :
Le trafic data fixe qui avait beaucoup augmenté depuis le confinement, baisse de 15% grâce aux mesures de limitation de débit de @NetflixBeFR et autres 🙏
+ on continue à travailler sur les peerings
➡️ ➕ de débit pour les services essentiels: #homeworking #ecolealamaison 👍 pic.twitter.com/VaksQAbzT3
— Michaël Trabbia (@MichaelTrabbia) March 25, 2020
Un changement « pas fou » chez OVHcloud…
Octave Klaba y est aussi allé de son petit message en revenant sur la consommation en bande passante du réseau d’OVH (AS16276) : « l’augmentation de trafic n’était pas visible à l’œil nu. Au bout de 10 jours, on voit + 9 % de trafic en pic et + 12 % en volume. Pas fou… ». Là encore, il faut le prendre comme un élément parmi d’autres.
Comme le fait à juste titre remarquer Alexandre Archambault, « le sujet n’est pas tant l’augmentation de la masse du trafic, mais plutôt la question du report de gros agrégats sur d’autres agrégats. Ça serait intéressant de pouvoir disposer des volumes ventilés par AS afin qu’on puisse modéliser cela »… sans réponse du fondateur d’OVH sur cette demande.
Pour d’autres, l’augmentation est largement plus palpable, comme chez Zayo France.
…quand Zayo se prend 40 % de hausse deux jours de suite
Il s’agit d’un opérateur proposant des services d’infrastructure réseau. La société dispose de neuf centres de données répartis dans le pays, des points de présence dans des villes stratégiques en matière de connectivité (notamment Paris, Toulouse et Montpellier) et propose des services de « reprise après sinistre ou de mise à disposition de postes de travail virtuels ». Une offre visant donc majoritairement les professionnels.
« On a enregistré une augmentation entre + 20 % et + 40 % de trafic vers les plus gros fournisseurs d'accès à internet du pays » sur la journée de lundi 16 mars, affirmait le « peering manager Europe » de Zayo. Mardi 17 mars, rebelote : « Comme attendu, l'augmentation du trafic vers les plus gros FAI continue sur une progression à deux chiffres. Entre le 16/03 et 17/03, une progression de 15 % pour la plus faible et de 40 % pour la plus grosse ».
Mercredi la hausse n’était plus aussi importante mais toujours présente : « entre le 17/03 et 18/03, une progression "faible" à 4 % pour l'un deux et une fourchette entre 7 - 10% pour les autres ». La fin de semaine était plus calme : « le trafic est plutôt stable entre la journée du mercredi à jeudi vers les principaux FAI, sauf vers un qui continue de gagner 18 % ». La semaine a donc été très agitée.
Le « peering manager Europe » lance une hypothèse : « Il y a bien sûr une augmentation depuis les fournisseurs de contenu, mais ce trafic là est principalement durant les heures ouvrées et venant des réseaux d'entreprises. Je pense que les VPN tournent à plein régime par exemple ».
Les employés en télétravail se connectent donc à leur entreprise via un VPN, puis continuent de travailler comme avant (ou presque), ce qui entraîne évidemment une consommation importante de bande passante depuis les fournisseurs d’accès grand public, sur des routes peu fréquentées habituellement.
Par analogie, c'est comme si des automobilistes habitués à une nationale devaient tout à coup passer d'abord par une départementale. Ils arriveront certes à bon port dans les deux cas, mais avec de possibles ralentissements, sauf si l’opérateur avait prévu une nationale dès le début, ou avait la possibilité de réaliser rapidement des travaux pour augmenter le nombre de voies.
On touche ici à la stratégie de déploiement des FAI et à la capacité qu’ils doivent se garder sous le pied.
Un cas pratique avec l’état d'interconnexion chez K-Net
Dans les FAI français, il existe un « ovni » de la transparence sur l’interconnexion : K-Net. L’opérateur « fibre de proximité » propose ses services dans plusieurs départements et publie des statistiques détaillées sur les niveaux d’échange avec les vingt plus gros AS (Autonomous System) avec qui il est en relation, un effort louable et appréciable !
Le Top 10 est composé de Google, Netflix, NTS Workspace, Online, Akamai, Level 3, Facebook, Canal+, Twitch et Apple (dans les graphiques des AS ci-dessous, celui de gauche correspond aux transferts en IPv4, celui de droite en IPv6). Il propose des abonnements en fibre uniquement à ses clients, évitant ainsi un possible point d’engorgement, contrairement à des lignes xDSL pouvant rapidement atteindre leurs limites.
On ne peut donc pas généraliser les données de K-Net à d’autres FAI, mais elles restent intéressantes à analyser.
On peut voir ci-dessus que la situation dépend grandement des AS interconnectés. Chez Google par exemple, le trafic a largement augmenté depuis le 23 mars, alors que dans le même temps il était en baisse avec Netflix suite à la réduction de la qualité des vidéos annoncée par la plateforme.
On peut également voir sur les graphiques quand Apple a déployé ses mises à jour avec un pic important de trafic le 25 mars. Avec Facebook, l’augmentation était progressive la semaine dernière, puis s’est stabilisée depuis le début de semaine (à peu près en même temps que l’annonce de la réduction des débits).
Mais un changement important est à noter sur le réseau de K-Net : alors que le trafic passait en majorité par le point d’échange Equinix (et un peu via France-IX), il ne passe plus que par France-IX depuis le 21 mars. Voilà un parfait exemple des changements opérés en interne par les FAI, de manière invisible pour les clients finaux.
K-Net propose aussi une carte météo de son réseau
K-Net propose aussi une WeatherMap de l’état de son réseau global, avec les taux de chargement de ses différentes lignes d’interconnexion, dans les deux sens. Sans entrer dans les détails, on peut remarquer que les lignes étaient loin d’être saturées lors de notre relevé, vendredi 27 mars à 14 h (mais l’heure de pointe est généralement en fin de journée).
Une poignée de lignes étaient au-dessus des 50 % : Paris vers Lyon et Paris vers Nancy, Paris vers Equinix-IX, Paris vers Tutor/Covage et Nancy vers Tutor, etc. Dans la majorité des cas, il restait de la marge pour absorber une hausse soudaine de trafic si besoin. Là encore, impossible de savoir ce qu’il en est chez les autres FAI puisqu’ils ne communiquent aucune carte du genre… et c’est bien dommage.
Les baisses de débits arrangent tout le monde, le client fait avec
Les opérateurs ont-ils essayé de profiter de la situation et en ont-ils fait un peu trop, « aidés » par certains dirigeants politiques ? « Peut-être… » hésite un spécialiste, mais il n’en reste pas moins que l’augmentation significative du trafic sur les réseaux est une réalité à prendre en compte.
Il faut d'ailleurs voir le problème aussi depuis l’autre côté des tuyaux. Pas uniquement celui des FAI, mais des fournisseurs de contenus comme Netflix : « leurs caches ne sont pas illimités non plus. Potentiellement pour Netflix aussi il peut y avoir de la contention et ils se donnent aussi de l’air au niveau de leur infrastructure ».
En cas de liens de peering ou de cache chargés, le trafic pourrait basculer sur le transit avec des conséquences sur les finances et sur la bande-passante. Bref, tout le monde est gagnant dans cette procédure, sans autre coupable que Covid-19. Mais virus ou non, les volumes d’échange sont en perpétuelle augmentation naturelle sur les réseaux des opérateurs, qui ont donc des plannings pour les mises à jour de capacité afin de suivre le mouvement.
Problème en cette période de confinement, il peut être difficile de suivre à la lettre le plan initial, ce que laissait sous-entendre Stéphane Richard dans ses récentes déclarations. Le trafic supplémentaire raccourcit certainement les échéances prévues, tandis que la baisse des débits les repoussent un peu. Un partout, la balle au centre.
Cette bouffée d'air permet d’être plus serrein pour la suite des événements et de pouvoir gérer d’autres situations exceptionnelles qui peuvent venir s’ajouter… Ce n’est pas Orange qui dira le contraire avec deux câbles sous marins coupés en deux endroits. Actuellement, trois câbliers sont en opération en mer.
« Cette histoire de prétendue saturation […] cache d'autres enjeux »
Changement de ton avec Nicolas Guillaume, directeur général de Netalis et secrétaire de l'Association des opérateurs télécoms alternatifs (AOTA) : « Si aucun spécialiste ne contestera la complexité de bien gérer le trafic sur un réseau mobile et l'intérêt de décharger le flux 3G/4G sur des réseaux Wi-Fi [via des lignes fixes, ndlr], cette histoire de prétendue saturation de réseaux fixes m'étonne au plus haut point et elle cache d'autres enjeux que l'augmentation subite et continue du trafic ».
« Tout cet argumentaire de scénario catastrophe relayé par quelques complices peu au fait des réalités techniques n'est que du spectacle politico-économique », où l’utilisateur se retrouve au centre de la bataille. Derrière la « saturation des réseaux » se cacherait en fait « une énième menace économique avec l'arrivée de Disney+ : la perte de revenus au profit de toutes les nouvelles plateformes OTT qui déferlent dans nos pays et ne partagent pas de revenus avec les opérateurs ».
Il confirme ensuite ce que nous avons relevé : « la saturation n'existe pas sauf, localement, lorsque des liens de collectes de trafic mobile ou de NRA/NRO sont saturés ou encore des interconnexions en cœur de réseau qui se remplissent un peu trop vite. Ce sont généralement des cas de saturation ponctuels et isolés, sauf à faire de cette stratégie de saturation un moyen de pression sur des acteurs aux poches pleines ».
Si un site ne répond pas, est-ce la faute d’Internet ?
Tordons enfin le cou à une croyance populaire, renforcée en cette période d’activité inhabituelle : quand un site ne répond pas ou lentement, il ne faut pas forcément penser à une saturation d’Internet, ni même à une congestion locale : « Les tuyaux de l’Internet vont bien, ce sont certains sites Web qui faiblissent », explique Stéphane Bortzmeyer.
Il reprend ensuite une comparaison poétique proposée par Dr. Flore sur Twitter : « Dire que l’Internet est saturé, c’est comme si vous cherchez à louer un appartement à la Grande Motte au mois d’août et que tout est déjà pris, du coup vous accusez l’A7 d’être surchargée et demandez aux camions de ne pas rouler ».
« On peut se demander pourquoi certains services sur le Web plantent sous la charge (ceux de l’Éducation nationale, par exemple) et d’autres pas (YouTube, PornHub, Wikipédia). Il y a évidemment de nombreuses raisons à cela et on ne peut pas faire un diagnostic détaillé pour chaque cas. Mais il faut noter que beaucoup de sites Web sont mal conçus », affirme sans détour le spécialiste des réseaux Stéphane Bortzmeyer.
Il enchaîne : « L’écroulement sous la charge n’est pas une fatalité. On sait faire des sites Web qui résistent. Je ne dis pas que c’est facile, ou bon marché, mais il ne faut pas non plus baisser les bras en considérant que ces problèmes sont inévitables, une sorte de loi de la nature contre laquelle il ne servirait à rien de se révolter ».
De quoi plaider un peu plus pour une meilleure distribution et fédération des services et de leur hébergement ?
Un exemple récent : l’attestation de déplacement
Quelques heures après la mise en ligne du fameux document dérogatoire, le site du ministère de l'interieur plantait en raison du nombre élevé de téléchargements.
Internet n’était pas en cause, contrairement au site qui n’a pas pu tenir la charge. Pourtant la solution était à portée de main : se contenter d'une page statique – non calculée par le serveur à chaque demande – et proposer un téléchargement via un service distribué tel que BitTorrent.
Il permet en effet un téléchargement pair-à-pair sans craindre qu'un serveur ne tienne pas le choc. C'est pour cela que nous l'avons utilisé, en diffusant les empreintes pour en vérifier l'authenticité. Une pratique encore trop rare, alors qu'elle évite de potentielles exploitations par des acteurs malveillants. On aurait d'ailleurs apprécié que le ministère de l'Intérieur fasse de même, et/ou signe ces fichiers cryptographiquement.
Dans tous les cas, avant de crier au loup et d’accuser « Internet » – qui a peu de chances de s’effondrer suite à la mise en place d'un confinement général – il faut commencer par regarder si le problème ne vient pas des sites, des serveurs ou des intermédiaires, car c’est le plus souvent le cas. Le bug logiciel dans les routeurs de Google en est un autre exemple.
Plus de transparence des opérateurs et leur trafic d’interconnexion avec les autres AS – comme le fait K-Net – permettrait d'ailleurs de mieux s’en rendre compte et de vérifier si des liens d’un FAI ne sont pas proches d’une éventuelle saturation. Une bataille nécessaire, mais qui est malheureusement très loin d’être gagnée.
Dans la troisième partie de notre dossier, nous reviendrons sur deux cas particuliers en cette période de confinement : Disney+ et Netflix, dont les politiques de diffusion des contenus diffèrent grandement.
Le 30 mars 2020 à 13h48
L’Internet français (et européen) saturé ? Pas si vite…
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Des discours rassurants chez Orange et SFR avec des précautions...
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... à analyser avec le recul des données disponibles
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Des hausses sur les points d’échange ? Oui… et non
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Les FAI nationaux utilisent peu les points d’échange
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Une problématique européenne, le BEREC s’en mêle
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La baisse de la qualité de Netflix visible (sur les réseaux)
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Un changement « pas fou » chez OVHcloud…
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…quand Zayo se prend 40 % de hausse deux jours de suite
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Un cas pratique avec l’état d'interconnexion chez K-Net
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K-Net propose aussi une carte météo de son réseau
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Les baisses de débits arrangent tout le monde, le client fait avec
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« Cette histoire de prétendue saturation […] cache d'autres enjeux »
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Si un site ne répond pas, est-ce la faute d’Internet ?
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Un exemple récent : l’attestation de déplacement
Commentaires (29)
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Abonnez-vousLe 30/03/2020 à 14h01
#1
Mouais, je pense que les baissent arrangent plus ceux qui les décrètent qu’elles ne reflètent un réel problème de capacité…
Le 30/03/2020 à 14h05
#2
je crois pas que les gros opérateurs veulent être aussi transparents, ça revient à montrer les faiblesses de chaque réseau " />
merci pour cette série d’articles " />
Le 30/03/2020 à 14h06
#3
En tout cas la baisse du bitrate de Netflix est vraiment bien visible en 1080p (ça se ressent un peu moins en 4K).
Le 30/03/2020 à 14h07
#4
Quelqu’un a testé la semaine gratuite pornhub en 4k ? C’est pour faire un test de débit ? ^^
Le 30/03/2020 à 14h10
#5
Tu veux tester si tu auras assez de jus ??
^_^
Le 30/03/2020 à 14h19
#6
c’est pas un mois complet ? ou que sur la 4K ? " />
Le 30/03/2020 à 14h21
#7
Aucun souci avec K-NET depuis 2016. Aucune saturation vers les destinations.
Le 30/03/2020 à 14h22
#8
Le 30/03/2020 à 14h25
#9
Perso je penche plus vers Netflix, Youtube… qui voient l’utilisation de leurs serveurs exploser, et qui on trouvé un argumentaire de choc pour passer pour des bon samaritains:
“Afin de limiter la congestion des réseaux (qui n’existe pas), nous allons baisser la qualité de nos vidéos (et économiser des coûts pour nous). Voyez on est gentils?”.
Et du coup les politiques les croient et crient la fin du monde numérique (en plus du vrai).
Le 30/03/2020 à 14h26
#10
Le 30/03/2020 à 14h29
#11
Impossible. Même le débit est classé X. " />
Le 30/03/2020 à 14h34
#12
Il me semblait que Netflix n’avait dégradé QUE le flux 4K
Le 30/03/2020 à 14h42
#13
Pas vu de baisse de qualité perso (en 1080)
Le 30/03/2020 à 14h44
#14
Non, ça se voit pas mal sur le bitrate des videos CTRL+ALT+D il me semble pour voir les stats pendant un visionage.
Le 30/03/2020 à 14h51
#15
Je viens de me relire et ça m’a fait saigné les yeux. Il fallait bien entendu lire “je pense que les beissent” " />
Le 30/03/2020 à 15h00
#16
K-NET propose ses offres sur les RIP et les problèmes peuvent commencer avant même d’arriver dans leurs tuyaux. Je suis client chez eux sur le RIP Axione Nord-Pas-de-calais et nous constatons des engorgements quelque soit le FAI derrière (Sauf Orange et Free qui utilisent leur propre collecte). Le problème vient de la collecte et du dimensionnement du RIP.
A partir de 12h et jusqu’à 23h, on voit une diminution forte et j’ai régulièrement du 100Mbps en soirée quand certaines zones ont des débits moins bons que de l’ADSL.
Le 30/03/2020 à 15h19
#17
" />
Le 30/03/2020 à 15h49
#18
2h après l’article OVH fait tomber son réseau
Details :
We have big network troubles.
Our teams are on it.
http://travaux.ovh.net/?do=details&id=43793
Le 30/03/2020 à 16h10
#19
Le 30/03/2020 à 18h25
#20
Fake news:
Internet ne marche plus, je me retrouve lagguy en 4K sur leur site alors que je fais des speed-tests à 300Mb/s
" /> -> " />
Le 30/03/2020 à 19h50
#21
Le 30/03/2020 à 19h52
#22
J’ai pu télécharger Doom Eternal a plus de 100Mo/s vendredi midi, Steam et Free ne sont pas saturés " />
Le 31/03/2020 à 08h59
#23
Fakku a suivi le mouvement de PH d’ailleurs " />
Le 31/03/2020 à 15h35
#24
Il y a fort longtemps Free proposait lui aussi ce genre de cartographie/occupation de son réseau mais qui visiblement ont été retirés pour ne pas donner d’informations commercialement exploitables à ses concurrents, c’est regrettable.
Ceci dit je n’ai aucun soucis en termes de débit ou de connectivité tant professionnelle que privée depuis le début de la crise.
-
Le 31/03/2020 à 18h08
#25
Le 31/03/2020 à 19h19
#26
C’est le seul service en ligne qui arrive à exploiter les 300mbps de ma connexion à titre personnel.
Même Steam plafonne à 100mbps.
Le 01/04/2020 à 08h15
#27
Pour ma part, quelques lags sur Youtube en début et milieu de soirée de constatés. Et ma box qui a décroché deux fois sans prévenir.
Je ne suis pas un gros pompeur de bande passante non plus, Youtube est ce qu’il y a de plus gourmand en BP dans mes usages personnels.
Le 01/04/2020 à 13h12
#28
Ceci dit je n’ai aucun soucis en termes de débit ou de connectivité privée depuis le début de la crise…
pareil (je suis connecté en ‘Fibre’) !!! " />
Le 03/04/2020 à 08h40
#29
chez moi steam est bridé … par mon processeur
la décompression des données téléchargées le fout à 100%, du coup je peux pas DL à fond de ce que permetrait free (fibre) ou steam :p
vi, un quad core sans multi threading (phenom 955(k? X? black ?)) qui me permet de jouer encore correctement à pas mal de trucs, bride mon DL pour récupérer les jeux en question, amusant :p