Copie privée : en 2019, 270 millions d’euros collectés et très peu remboursés aux pros
Le rapport annuel de Copie France
Le 27 octobre 2020 à 15h50
10 min
Droit
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À l’heure du streaming, du replay, de Deezer, Spotify et autres Netflix, Copie France a amassé près de 270 millions d’euros en 2019. Next INpact diffuse le rapport annuel de la société de gestion collective.
Copie France n’a toujours pas mis en ligne son rapport de transparence. Celle chargée de collecter la redevance Copie privée pour la répartir aux autres sociétés de gestion collective a pourtant l’obligation de publier ce document « dans les huit mois suivant la fin de chaque exercice sur lequel ils portent ». Contactée, la société civile, qui compte pour rapporteur général Pascal Rogard, a bien voulu nous transmettre le document que nous publions.
Sur sa cinquantaine de pages, ce rapport dresse le bilan pour l’exercice 2019.
Les collectes brutes ont atteint l’an passé les 273 millions d’euros. Toutefois cette somme inclut plus de 13 millions d’euros « pour trois redevables sur des produits commercialisés de 2013 à 2018 ». En purgeant ces éléments exceptionnels, « le montant des collectes s’élève à 259 208 K€ et représente une baisse de 6,6 % par rapport à 2018 ». En clair, si 273 millions ont été collectés, « seuls » 260 sont rattachés à l'année 2019. La différence ayant été ventilée sur les années comptables concernées.
Sur ces 260 millions d’euros de redevance, « les cinq premiers redevables représentent 63 % des facturations ». Ce sont, dans l’ordre décroissant, Samsung, Huawei, Orange, Bouygues Télécom et SFR.
La baisse de 6,6 % entre 2018 et 2019 marque en tout cas « l’amorçage d’un tassement probable de nos collectes sur les années à venir, sans plus jamais atteindre le pic de 2017 de 317 millions d’euros » anticipe la société civile, qui s’attend désormais à un effet Covid sur les collectes 2020.
Les smartphones, 70 % des perceptions
Dans le détail, les collectes sur les smartphones représentent 70 % de l’ensemble des sommes facturées contre 62 % l’année précédente.
Ce sont les modèles à plus de 64 Go de mémoire qui remportent la mise. « Si l’ensemble des quantités déclarées à Copie France continue de baisser de 7 % cette année contre 5 % en 2018 (16 millions en 2019 contre 18 millions en 2018), les facturations de smartphones de hautes capacités augmentent fortement au détriment des téléphones de petites capacités. En effet, la tranche de capacité≥à 64Go représente désormais 58 % des quantités facturées contre 36 % en 2018. »
Avec autant d’œufs dans le même panier, la société gérée par les organismes de gestion collective sait ce marché dangereux d’autant que « 8 Français sur 10 entre 15 ans et 75 ans déclarent posséder un smartphone ». Il n’est donc guère étonnant qu’elle se retrouve en quête de nouvelles ressources pour limiter la casse.
Frapper les produits d’occasion
Dans les pages du rapport, pour la première fois, la société révèle ainsi avoir « engagé une réflexion et a pris position officiellement quant à l’assujettissement des appareils reconditionnés - comme les smartphones et les tablettes- qui offrent à un nouvel utilisateur la possibilité de bénéficier de fonctions identiques de copie privée ».
Cet assujettissement des produits d’occasion, déjà révélé en mai dernier dans nos colonnes, a évidemment fait bondir les acteurs du secteur.
En septembre dernier, le SIRRMIET jugeait que cette mesure allait « pénaliser à la fois le consommateur qui effectue un achat responsable en choisissant un produit reconditionné et les entreprises qui ont fait l’effort de proposer ce type de produits et qui créent un emploi qualifié et pérenne en France ».
Copie France ne s’est pas limitée à une simple « réflexion ». Elle indique avoir assigné « la société Itancia avec laquelle les premières discussions ont échoué et plusieurs autres acteurs du marché qui partagent la position de cette société ». Les dossiers sont toujours en cours.
Si les ayants droit veulent assujettir ces appareils revendus, c’est parce qu’à leurs yeux, ils « donnent lieu à deux usages distincts par deux propriétaires différents, justifiant de ce fait que la rémunération pour copie privée soit acquittée lors de leur revente ».
Ajoutons enfin que des représentants des industries culturelles ont déjà considéré par le passé que le replay relevait de la copie privée, et qu’il fallait donc l’indemniser.
Enfin, ses 12 membres, en position de force en commission copie privée, militent ainsi depuis plusieurs mois pour l’extension de la redevance aux disques durs internes d’ordinateur. Un cap qui sera délicat à franchir, alors que le télétravail est vu comme l’une des solutions pour limiter l’épidémie de Covid-19. Néanmoins le bulldozer avance et déjà une réunion est prévue dans quelques jours pour choisir l’entreprise chargée de réaliser l’étude d’usages commandée par le ministère de la Culture.
Une fois cet assujettissement consacré, il suffira d’insister sur l’essor du stream ripping pour justifier des barèmes de perception toujours en hausse, malgré la génération Streaming.
Apple en absence
Toujours sur le marché du smartphone, Samung et Huawei ont généré le plus de factures de redevance pour copie privée en 2019 (64 %). En volume d’unités importées déclarées, « Samsung reste le leader incontesté en déclarant sur l’exercice près de 7 millions de téléphones à Copie France (soit plus de 500 000 par mois) suivi de Huawei qui atteint les 3,5 millions ».
Quid d’Apple ? La marque ne figure pas dans la liste, en raison d’un particularisme : les volumes déclarés « sont fondus dans les déclarations des grossistes importateurs » précise Copie France. « En effet, depuis 2015, Apple a décidé de ne plus régler la rémunération directement à Copie France pour le compte de ses clients grossistes français. Les smartphones à la pomme sont donc toujours absents des statistiques de Copie France, hormis les déclarations effectuées par Apple Retail France », qui ne représentent que 3 % des sommes facturées.
En parts de marché des sources de facturation, les téléphones (70,6 %) sont suivis de très loin par les tablettes (11,2 %), les clefs USB (6,2 %), les cartes mémoires (3,4 %), et tout en bas, les disques durs externes et les décodeurs et box (respectivement 3 et 2,9 %).
La fonte du marché des box, les nPVR à la traine
Pour les box, c’est une dégringolade : « les sommes facturées par Copie France passent de 34 millions d’euros à 8 millions d’euros en 2019, soit une baisse de 76 % ».
Plusieurs causes sont mises en avant par Copie France : le replay « de plus en plus souvent disponible jusqu’à 28 jours après la diffusion en live », la popularité du preview, outre que les plateformes SVoD « rassemblent aujourd’hui 4,5 millions d’utilisateurs quotidiens ».
S’ajoute en outre le fait que Bouygues Télécom « longtemps fer-de-lance du décodeur TV à disque dur a basculé en 2018 avec sa box 4K dans la catégorie dite des box multimédias, auxquelles correspondaient, jusqu’en mai 2019, des barèmes de niveaux moins élevés, impactant de ce fait nos collectes » se lamente Copie France.
Cumulonimbus sur le cloud
Ce n’est pas tout. Depuis août 2019, « SFR se désengage totalement de l’offre d’enregistrement physique et lance sa box SFR BOX 8 avec une capacité dématérialisée d’enregistrement dans le Cloud ». De même, Sagem/Orange a cessé « la fabrication de son décodeur TVUHD sorti en octobre 2018 en vue du lancement d’une offre NPVR ».Quant à Free, la nouvelle Freebox Delta « confirme définitivement son désengagement du marché du support intégré », avec le cap mis sur les box à disques durs externes.
Dans le cloud, l’offre NPVR « n’est pas suffisamment déployée à ce jour pour se substituer aux offres permettant l’enregistrement de programmes TV sur un support physique comme le disque dur ». En 2019, Copie France a facturé à ces acteurs 570 000 euros, contre 1,2 million d’euros l’an passé. « Soit une baisse de 56% ». Sur ce créneau résiduel, Molotov détient « 79 % du marché déclaré à Copie France en 2019 », le reste étant partagé par SFR (15 %) et Vitis (6 %).
Des remboursements et exonérations toujours très limités
Le rapport ne se concentre pas que sur l’une des activités favorites des organismes de gestion collective. Il fournit également des chiffres sur les montants remboursés ou exonérés.
Petite explication : en France, la copie privée est prélevée au plus tôt, lors de l’importation des produits. À ce niveau commercial, il est délicat pour ne pas dire impossible pour l’importateur de déterminer le sort de tel smartphone ou telle tablette. Par l’effet de la loi française, tous les produits sont donc considérés comme de potentiels supports à copie privée d’œuvres, une liberté de copie qu’il faut donc intégralement indemniser entre les mains des ayants droit.
La directive sur le droit d’auteur de 2000 prévient toutefois que la copie privée ne profite qu’aux personnes physiques pour les reproductions réalisées à titre privé. Voilà pourquoi les professionnels n’ont pas à payer la douloureuse. Après rappel à l’ordre du Conseil d’État en 2011 survenu après un coup de semonce de la Cour de justice de l’Union européenne en 2010, la France a daigné comprendre cette logique en 2011 sa législation en prévoyant (enfin) un système de remboursement ou d’exonération des professionnels.
Seul hic, les montants rétrocédés sont encore et toujours très faibles. Dans son rapport sur la copie privée de juillet 2015, le député Marcel Rogemont relevait que « les remboursements des professionnels restent cependant très limités ».
Ainsi, « l’étude d’impact accompagnant la loi du 20 décembre 2011 évaluait les remboursements à un montant annuel de 58 millions d’euros. Or, selon les chiffres communiqués par le ministère de la Culture le 13 mai 2014, le total des remboursements depuis l’origine atteint seulement 375 805 euros, soit moins de 0,65 % de la somme prévue par l’étude d’impact ».
En 2019, le montant remboursé aux professionnels a atteint péniblement 1,2 million d’euros. En cumulé depuis 2013, il ne représente que 3,8 millions d’euros pour un total de 8 167 dossiers acceptés. On est donc loin, très loin même, des montants miroités dans l’étude d’impact de la loi de 2011 qui, s’ils avaient été exacts, auraient conduit à une rétrocession sur huit ans de 696 millions d’euros.
La liste des sociétés exonérées, l’autre voie pour empêcher à une entreprise d’avoir à supporter au final ce paiement, continue de vivoter. Au dernier décompte, seules 1 498 structures se sont vues en capacité d’acheter des supports nus de redevance. Elles étaient 1 720 en 2015, à l’époque du rapport Rogemont.
Cela signifie donc que des millions d’entreprises, organismes publics, associations et autres payent encore et toujours des supports lestés d’une redevance culturelle qu’ils n’ont pas à supporter.
Copie privée : en 2019, 270 millions d’euros collectés et très peu remboursés aux pros
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Commentaires (25)
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Abonnez-vousLe 27/10/2020 à 16h17
C’est toujours aussi incroyable, d’autant que peu de monde doit “pirater” sur son portable…
Le 27/10/2020 à 16h31
Le 27/10/2020 à 17h36
Ça pourrait être une chouette idée de proposer un article pour aider les professionnels à se faire rembourser 😉 (quel professionnel concerné, quel infos à récupérer, comment obtenir la part correspondant à la copie-privé lors de l’achat, etc)
Mais peut-être que ça exisite déjà…
Le 28/10/2020 à 07h24
Mon entreprise avait essayé une fois de se faire rembourser. Le chef avait conclut que ça couterait plus cher en temps de secrétaire/comptable de faire la demande de remboursement et de faire son suivi et que le montant économisé.
Le 28/10/2020 à 15h36
C’est la marque d’une bonne arnaque leur système ; Qui va porter plainte lorqu’il s’est fait voler 1€ ou 2 , personne mais à la fin ça donne des centaines de millions d’euros cumulés….
Le 27/10/2020 à 17h38
Ce qui est étrange c’est que ce sont les constructeurs qui semblent payer leur part de copie privé et non les clients finaux.
Ce tour de passe-passe comptable, manifestement, permet donc de camoufler le montant de la ponction sur le prix final de l’appareil et de ne surtout pas éveiller l’utilisateur sur la perversion évidente du système de copie privée rendu techniquement inopérant mais quand même “à payer”.
Ah c’est malin tiens.
Le 27/10/2020 à 18h59
C’est sur que si c’était indiqué comme la taxe de recyclage….
Le 27/10/2020 à 20h05
Et pourtant : République Française
Le 27/10/2020 à 23h09
D’autant plus que la copie privée ne prend plus en compte le piratage depuis longtemps, c’est juste la possibilité de l’usage de copie depuis un support légal qui compte. L’arnaque réside juste sur le fait qu’ils en ont rien à foutre que tu n’utilises pas ton droit de copie tant que tu payes.
Le 27/10/2020 à 23h19
Depuis le temps que le sujet reviens régulièrement, il serait peu probable que ça ne soit pas le cas mais un professionnel motivé, qui plus est ne connaît pas NXI, aura vite fait de tomber après une petite recherche sur le site de “copie france” et trouver la page qui l’intéresse.
Le 27/10/2020 à 23h26
Grillé par BarthVR.
Tu dois avoir toi aussi des gérant de commerce qui en ont rien à battre.
J’avais essayé de faire “bouger” la chose à l’intermarché près de chez moi mais il s’en bat les couilles.
Faudrait peu être le signaler à la DGCCRF mais vu l’ampleur du problème et le manque cruel d’inspecteur je pense qu’ils serait vite dépassé, un peu comme nos hôpitaux actuellement.
edit: Faudra un jour que j’aille flooder sur Signal-Conso
Le 27/10/2020 à 23h29
Que veut dire “copie privée” ? Qu’est-ce que Copie France ? Je n’ai absolument rien compris à cet article qui ne prend pas la peine de définir ce dont il parle.
Le 27/10/2020 à 23h38
En gros la copie privé est une taxe appliqué à pratiquement tout appareil qui est capable de stocker des données (clé usb, téléphone portable, box enregistreur ect). Elle est sensé rémunérer les auteurs d’œuvres culturel qui sont illégalement téléchargé.
Copie France est l’organisme de voleurs qui gère ça.
La l’article parle du rapport des encaissement de l’année 2019 et analyse l’évolution à travers les différents secteurs (téléphone, box, cloud ect)
Faudra que tu revise parce que la copie privé c’est assez souvent que ça sort ici, Copie France a tendance à toujours avoir des idées délirante pour racketter les particulier s(et professionnels qui ne sont pas au courant de cette taxe)
Le 27/10/2020 à 23h43
Faut sortir un peu plus souvent de ta grotte aussi.
Le 28/10/2020 à 07h09
Une chtite question ? => google est ton ami.
Edit : Vu que t’as l’air de débarquer d’une autre planète, je te conseille fortement de prendre avec toi une boite de kleenex avant d’attaquer plus profondément le sujet.
Le 28/10/2020 à 15h33
Et je dirai aussi de la crème anti hémorroïde…
Le 28/10/2020 à 00h06
Bonsoir
J’aurais peut être du rappeler Qq fondamentaux (je le fais régulièrement)
Pour accompagner sa compression :
Next INpact
Dossier gratos qui fut publié dans le mag #1, outre des confs que j’ai donnée qu’on peut trouver sur YouTube je crois
Bonne soirée
Le 28/10/2020 à 08h55
NXI avait déjà éprouvé le process de remboursement et l’avait décrit dans un article.
Pour info aussi, les contenus copié sur un support mais issu du piratage ne sont (normalement) pas comptés dans l’étude d’usage pour copie privée (on un taxe pas une activité illicite). Donc seul ton propre Ripping compte.
La question de fond c’est quand est ce qu’il y a un refresh des études d’usage? Parce que la quantité de contenu rippé sur mon tel c’est 0kb/32go et je pense que c’est le cas de beaucoup de monde aujourd’hui…
Le 28/10/2020 à 09h02
Quand même, taxer autant de fois que le produit change de propriétaire, c’est une vraie idée de génie.
Donc le premier, il pirate et paie donc la taxe (il faut bien qu’elle compense un vrai préjudice, non ? ).
Le second, il pirate aussi mais pas pareil, donc il paie également la taxe.
Le sketch des chasseurs, revisité.
(bon, en y réfléchissant bien, c’est quand même une escroquerie … payer pour quelque chose qui a déjà été payé …)
Le 28/10/2020 à 14h42
« engagé une réflexion et a pris position officiellement quant à l’assujettissement des appareils reconditionnés - comme les smartphones et les tablettes- qui offrent à un nouvel utilisateur la possibilité de bénéficier de fonctions identiques de copie privée ».
S’ils font payer les acheteurs, alors qu’ils remboursent ceux qui se débarrassent de l’ancien matériel… de la cohérence!!!
Le 28/10/2020 à 18h35
Un tube ne suffira pas.
Le 28/10/2020 à 20h37
Comment ils arrivent a justifier le stream ripping quand au même moment youtube-dl se fait takedown sur GitHub, et Netflix impose le DRM Widevine tellement restrictif qu’il empêche de visionner certaines résolutions pour les utilisateurs legit ?
Le 28/10/2020 à 22h30
Le fric ?
Ah non, ça c’est la vraie raison, pas la justification…
Bah alors : plus c’est gros, plus ça passe ?
Le 28/10/2020 à 22h29
ahh, le copyreich et ses magouilles…
sinon: « donnent lieu à deux usages distincts par deux propriétaires différents, justifiant de ce fait que la rémunération pour copie privée soit acquittée lors de leur revente »
y’a pas 2 usages distincts, vu que le 1er “usage” est abandonné au profit du second…
Le 29/10/2020 à 06h34
T’es trop honnête, tu ne sera jamais un “bon” Ayant Droit.