Le projet de loi « relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement » ne va pas seulement mettre à jour la loi de 2015. Il prévoit aussi de nouveaux moyens de lutte contre les drones « présentant une menace ».
Le projet sera examiné en commission des lois le 19 mai prochain. L’ensemble des articles sera ausculté et au besoin mis à jour, sachant qu’une rustine, une « lettre rectificative », est attendue pour le 12 mai.
Elle devrait ajuster le régime de conservation des données de connexion, dont une évaluation régulière de la menace, pour la justifier à des fins de sauvegarde de la sécurité nationale. Autres dispositions attendues, rendre « conformes » les avis de la Commission nationale des techniques de renseignement, et enfin une extension de la surveillance par boites noires (851 - 3 CSI) et en temps réel (851 - 2) aux "adresses" afin d’inclure les URL.
Cette rustine exigera l’avis de la CNIL, de l’ARCEP, de la CNCTR et enfin du Conseil d’État, outre une étude d’impact. Elle complètera le projet de loi tout juste déposé.
En attendant, ce projet prévoit des dispositions qui dépassent le cadre du renseignement. On pense en particulier à celles inscritent à son article 12 destinée à aiguiser la « lutte contre les aéronefs circulant sans personne à bord présentant une menace ».
Dans l’étude d’impact associée au projet de loi, le gouvernement constate qu’à ce jour, « le livre II relatif aux communications électroniques du code des postes et des communications électroniques ne comporte pas de disposition particulière permettant de lutter spécifiquement contre les drones aériens malveillants ».
Des incidents par centaines chaque année
Or, il relève dans le même temps que les drones sont « de plus en plus nombreux » en France et que les incidents se multiplient : « le nombre des survols illicites constatés de zones interdites (dont des centrales nucléaires) est élevé et constant sur les 3 dernières années selon les données du ministère de l’Intérieur (2017 : 384 ; 2018 : 370, 2019 : 335). Les données du ministère de la Justice font également apparaître le phénomène des survols de prisons par drone (2018 : 48 ; 2019 : 54, 2020 : 53) ».
Non sans anticiper une future attaque terroriste par ce biais ; « Bien qu’à ce jour, l’usage de drones à des fins terroristes n’ait pas été identifié sur le territoire national, les utilisations des drones par Daesh ont démontré l’étendue des menaces qui peuvent un jour se déporter sur le territoire national ».
En France, selon le Code des transports, « tout aéronef peut circuler librement au-dessus du territoire français ». Une disposition du même code prévoit toutefois l’interdiction de certaines zones « pour des raisons d'ordre militaire ou de sécurité publique », définies par décret en Conseil d’État.
Nécessité d’un texte
Au regard du déficit des textes, l’exécutif juge nécessaire de préciser les dispositions du Code des postes et des communications électroniques « pour fonder et permettre explicitement la mise en œuvre d’un dispositif de neutralisation des ondes émises ou reçues par un aéronef circulant sans personne à bord dont la trajectoire ou le positionnement sont de nature à créer une menace pour l’ordre public ».
L’usage d’un brouilleur, relève-t-il, « est susceptible d’altérer la liberté de communication (découlant de l’article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789) d’un tiers dont la fréquence du moyen de communication, tel un téléphone portable ou une radio, serait temporairement affectée ».
De plus, il va aussi porter atteinte au droit de propriété puisque son usage aura pour « conséquence de faire chuter le drone et d’entrainer sa détérioration ou sa destruction ».
En conséquence, la mise en cause de ces deux dispositions de rang constitutionnel oblige l’exécutif à passer par une loi pour les concilier avec les exigences inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation.
Si ce sujet est suivi depuis plusieurs années à l'Assemblée nationale comme au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, l'article 12 du projet de loi tout juste déposé rend ainsi possible l’utilisation par les services de l’État de « dispositifs » permettant de « rendre inopérant l’équipement radioélectrique d’un aéronef circulant sans personne à bord ».
Le texte ne va pas plus loin dans le niveau de détail. L'usage de ces appareils sera autorisé sous plusieurs conditions :
- Une menace imminente,
- Une réponse aux besoins de l’ordre public, de la défense et de la sécurité nationale ou du service public de la justice
- ou destinée à prévenir le survol d’une zone interdite
C'est un décret en Conseil d’État qui déterminera les modalités de mise en oeuvre, dont la liste des autorités compétentes « chargées de la prévention des menaces pour la sécurité des personnes et des biens » en capacité de mettre en œuvre ces brouilleurs Si « les services de police sont déjà équipés de matériels de détection et de neutralisation », cela concernera les services relevant de la sécurité intérieure, de la défense nationale et l’administration pénitentiaire.
Relevons que dans l’avant-projet de loi, le gouvernement se satisfaisait d’un seuil de déclenchement plus bas. Il suffisait d’une « menace ». Le Conseil d’État a estimé toutefois nécessaire de mieux la caractériser en rajoutant l’adjectif « imminente ».
Commentaires (20)
#1
Un drone autonome ou semi-autonome (ordres enregistrés à l’avance) résisterait aux brouilleurs …
#2
Combien de temps avant que des manifestants désossent des fours micro-ondes pour rendre la pareil ? Les bonnes idées servent les deux côtés.
#3
Le sous-titre
#4
Ça dépend, sur un terrain inconnu, un drone autonome risque d’avoir un peu de mal à se diriger sans GPS. Tu peux pas juste enregistrer et rejouer les commandes de pilotage.
Il doit y avoir un moyen de s’orienter via quelques capteurs/caméras, mais c’est pas tout à fait “clé en mains”.
#4.1
de ce que j’ai lu, on ne parle pas de brouiller les signaux GPS mais uniquement les moyens de communication entre la machine et le télépilote/station de contrôle :
“neutralisation des ondes émises ou reçues par un [drone]”
Brouiller fort les communications pour un objet qui vole à 50 mètres de hauteur c’est déjà compliqué et impose une grosse zone de brouillage. le faire pour du GPS se serait mettre en danger pas mal de monde potentiellement. (cf les conditions de test et démo des “fusil” GPS anti drones).
et au-delà, un appareil qui vole au GPS de façon autonome sans émettre ou recevoir de télémétrie radio c’est quasi indétectable…
#4.2
Si, il existe des capteurs qui, une fois calibrés par GPS (au décollage), conservent une précision de moins d’un mètre après plusieurs kilomètres de vol :)
Et lorsqu’on additionne les capteurs, la précision devient folle :)
#4.3
Intéressant, mais comment l’appareil peut réajuster sa trajectoire en cas de perturbation (je pense au vent) ?
#4.4
Gyroscopes, capteur ToF, accéléromètres 3 dimensions 6 axes (roulis inclus) , caméra classique utilisée pour faire de la compréhension d’environnement, etc…
Toutes ces choses sont déjà maîtrisées dans le quotidien, alors dans le militaire je n’imagine même pas…
#4.5
C’est pas bête en effet, quand tu vois la facilité avec laquelle un bête joycon s’oriente dans l’espace avec quelques capteurs grand public.
#5
À coté de cette disposition le crash de Roswell passerait presque pour de la rigolade.
#6
N’importe quel oiseau équipé d’une caméra aussi tu me diras… Bon c’est sûr que si les terroristes doivent devenir fauconnier ou je ne sais pas quel espèce volante capable de porter une caméra…. ça risque de faire moins de personnes aptes
#7
J’ai du mal à voir comment une antenne très directionnelle pointée en l’air sur un drone va avoir un impact sur d’autres récepteurs GPS. à moins que l’antenne du “fusil” à GPS soit en carton (Pringles ?).
#7.1
Aussi ciblée soit-elle, une antenne a toujours une diffusion parasite.
Par exemple, tu la pointe sur un drone dans de grands arbres, le signal peut retourner vers le sol.
Puis y’a des récepteurs GPS qui volent aussi ^^
#8
Ça va principalement dépendre de la portée du brouilleur. Je pense que le risque existe mais qu’il est surévalué. D’un autre côté, si on donne d’autres moyens au drone pour se déplacer, un fusil normal sera plus efficace pour l’arrêter
#8.1
La portée dépend de ce qu’il y a dans le sac à dos… si c’est de l’hydrogène on va vite se dire qu’on est pas si loin d’un lance-flammes.
#9
Sauf si l’antenne est montée sur un drone.
#10
En théorie il faudrait une émission focale. Un peu sur le même principe que les lasers… ou la photographie.
Le plus simple reste de trouver l’émetteur ou d’attrapper le papillon (de lumière) au filet !
#11
Sérieusement, avec l’évolution de l’électronique embarquée, naviguer avec une référence optique n’est pas si difficile. En plus, avec un peu d’intelligence et des antennes adaptées, on pourrait imaginer le drone utiliser les brouilleurs (qui ne sont que des émetteurs) pour trianguler sa position.
#12
Le projet est de brouiller des télécommunications entre l’engin volant et un autre équipement. Après on pourrait passer au laser plus difficile à brouiller.
Si on brouille le GPS, il faut aussi le faire pour Beidu, Glonass, Galileo voire QZSS et IRNSS. Il faut être assez haut pour brouiller parce qu’une feuille d’alu doit pouvoir masquer un émetteur au sol sans couper les signaux satellitaires. Enfin si on altère même légalement, ces signaux que peuvent dire le opérateurs GNSS. Resteraient-ils sans voix ?
#13
Le brouillage les signaux modernes à étalement de spectre de type COFDM et cie, est très compliqué : l’émetteur et récepteur négocient continuellement les transmissions sur un nombre de fréquences très élevées. Sans compter les problèmes de localisation du brouillage : l’affaiblissement des ondes électromagnétiques n’est jamais “tout ou rien”.
Je pense que le decret, en pratique est très compliqué à mettre en oeuvre et le sera que dans des cas graves avec des moyens importants.
Ce qui m’amuserai en alternative serait des drones “filets à papillon” destinés à attrapraper les drones enemis : ça aurait de la gueule!