Comment le numérique pourrait éviter le bonnet d’âne à l’école
Qui a eu cette idée folle...
Le 26 septembre 2013 à 13h33
9 min
Droit
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Comment structurer, en France, une filière du numérique éducatif ? Voilà le sujet sur lequel ont planché différents services de l’État avant de rendre un rapport complet sur le sujet, lequel fut d'ailleurs publié avec une série de recommandations. Formation des enseignants, gouvernance, fiscalité, interopérabilité... L'ensemble de ces questions est abordé.
« Il n’existe pas aujourd’hui de véritable filière industrielle identifiée et économiquement puissante du numérique éducatif scolaire ». Tel est le postulat de base du rapport dévoilé avant-hier par l’Éducation nationale (PDF). Missionnés par l’exécutif afin d’aider à la mise en œuvre de la stratégie numérique du gouvernement en matière d’éducation, l’IGF (Inspection générale des finances), le CGIET (Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies) l’IGEN (Inspection générale de l’éducation nationale) et l’IGAENR (Inspection générale de l'administration, de l'éducation nationale et de la recherche) présentent au travers de ce volumineux document 27 mesures censées favoriser la structuration d’une filière industrielle et la généralisation des usages pédagogiques numériques des élèves et des enseignants.
Cependant, la tâche s’avère encore fastidieuse avant que la France ne parvienne à rattraper son retard en matière de numérique à l’école. Les auteurs de ce rapport ont en effet identifié une quantité importante de freins, qu'ils soient pédagogiques, économiques, techniques, juridiques ou industriels.
Mais la première proposition phare du rapport repose sur la gouvernance. Les enjeux numériques étant décrits comme gérés « par des entités nombreuses et pas toujours coordonnées au sein même de l’État, sans pilote identifié et dédié », les auteurs du rapport estiment qu’il est aujourd'hui nécessaire d’instaurer « une direction du numérique éducatif au sein du ministère de l’Éducation nationale, reliant l’enseignement scolaire (DGESCO) et le cadre d’administration et de gestion (SG / STSI) ». Cette nouvelle gouvernance pourrait ensuite se décliner au niveau déconcentré.
Une meilleure gouvernance et davantage de mutualisation dans les achats
Le rapport prône également la mise en place d’une instance de dialogue spécifique au numérique, la « Conférence nationale des financeurs du numérique éducatif », laquelle associerait les représentants des régions, des départements et des communes, ainsi que les services de l’État en charge du numérique. Son secrétariat serait d'ailleurs assuré par la nouvelle direction du numérique éducatif. Principalement tournée vers les aspects économiques et budgétaires (acquisition de matériel), cette institution pourrait notamment « harmoniser les choix d’équipements des différents acheteurs publics ».
D’ailleurs, le rapport appelle de ses vœux davantage de mutualisation en ce qui concerne justement les achats publics. Il préconise ainsi de « généraliser les enceintes de coopération locale, telles que les syndicats mixtes ou les groupements d’intérêt public (GIP), regroupant les acheteurs de ressources, équipements et services numériques éducatifs afin de favoriser la coordination de leurs achats ». Dans le même ordre d’idée, il est recommandé aux autorités de favoriser les mutualisations d’achats de ressources éducatives numériques sous forme de groupements de commandes ou de recours à des centrales d’achat telles que l’UGAP (l'Union des groupements d'achats publics). À la clé : des avantages pour les entreprises, qui groupent les commandes, mais surtout pour les pouvoirs publics, qui peuvent prétendre à davantage de qualité et à une baisse des prix - liée à l’effet volume.
S’agissant des acquisitions d’équipements justement, le rapport estime que les moyens qui y sont consacrés devraient être alloués en priorité « aux matériels de visualisation collective, aux terminaux individuels des élèves et aux ressources logicielles à caractère pédagogique ». En particulier, il encense les tablettes numériques : ces dernières offriraient « sans doute le meilleur compromis entre performance techniques, mobilité et coûts ». Sans prendre de position ferme s’agissant du partage du coût de ces appareils entre les différents contributeurs publics et les ménages, il est néanmoins bien souligné que « compte tenu du développement de l’équipement des ménages et de la baisse des prix prévisible, les tablettes doivent être intégrées à toute réflexion en matière de déploiement numérique destiné aux élèves ».
Crédits : Flickingerbrad- CC BY 2.0
Formation des enseignants : faire plus et mieux
Avant de former les jeunes au numérique, encore faut-il que leurs professeurs le soient eux-aussi ! Même si l’exécutif avait promis de mettre le paquet sur cet aspect, les auteurs du rapport vont bien plus loin sur cette question. Ils proposent en effet de repenser totalement le « C2i2e », la certification propre aux enseignants, dans « le double objectif de former "au" numérique et "à enseigner par" le numérique ». La formation continue des enseignants à l’informatique, est également critiquée, en ce que celle-ci « a montré ses limites ». Le rapport préconise ainsi d’améliorer la formation des professeurs « en volume comme en qualité », et ce « en articulation avec les plans d’équipement des établissements ».
Un portail unique d’accès aux ressources éducatives
En matière de ressources éducatives, les auteurs du rapport jugent que la France dispose « d’un acquis important », mais que celui-ci demeure encore difficile d’accès. Et ce tant pour le public (enfants, parents, enseignants) que pour les nouveaux acteurs qui souhaiteraient entrer sur ce marché. Ils envisagent ainsi la création d’un portail unique national d’accès aux ressources numériques éducatives, même si celui-ci devra passer selon leurs voeux par une « mission de préfiguration ». L’idée est également de contrer les grandes plateformes commerciales actuellement dominantes.
Trois types de plateformes sont quoi qu’il en soit évoqués. Premièrement, il est fait référence à un moteur de recherche « éducation », lequel permettrait de sélectionner puis de localiser sur Internet des ressources indexées via leurs métadonnées. Deuxièmement, « un portail regroupant l’ensemble des ressources numériques éducatives disponibles, de façon à ce que les utilisateurs disposent d’un "guichet unique", un "EduStore", pour accéder à l’offre » est mis en avant. Troisièmement, c’est un ensemble de portails et de services numériques plus spécialisés dont il est question. Ces derniers, présentés comme principalement destinés aux enseignants, permettraient de recenser, mutualiser et « coter » les ressources disponibles, qu’elles soient payantes ou non.
Davantage d’ordre au niveau de la TVA
Les auteurs du rapport ce sont également penchés sur certains problèmes de fiscalité. Grâce à la loi Lang sur le prix unique du livre, les manuels scolaires traditionnels bénéficient de longue date et dans certains cas de rabais supérieurs à ceux consentis habituellement. Or ce n’est pas le cas pour les versions numériques des manuels scolaires... Il est donc préconisé d'étendre cette exception afin que les deux types de biens puissent en profiter.
Toujours au rayon fiscalité, les autorités sont invitées à « harmoniser les taux de TVA applicables aux différents contenus éducatifs, quels que soient leur nature et les supports sur lesquels ils sont déployés ». En cause : la distorsion entre les livres numériques, auxquels est appliqué un taux réduit de TVA, tandis les autres ressources numériques sont généralement assujetties à un taux normal de 19,6 %.
À noter qu’afin de faire face au manque à gagner des auteurs, suscité par le recours croissant aux fichiers numériques en lieu et place des photocopies, le rapport conseille de « mettre en place, via un véhicule législatif, une gestion collective obligatoire des droits des œuvres numériques couvertes par l’exception pédagogique ».
Plaidoyer en faveur de l'interopérabilité
Sans faire de recommandation particulière en faveur du libre, le rapport salue néanmoins ses avantages. « La reconnaissance de la place des produits libres [que ce soit des logiciels ou des ressources, par exemple sous licence Creative Commons, ndlr] dans le monde éducatif est nécessaire, car l’utilisation de ces produits permet d’accroître à la fois les usages, l’appétence et la compétence des enseignants, ces trois éléments étant par ailleurs indispensables au développement d’une filière industrielle du numérique éducatif » est il ainsi observé.
Interviewé dans nos colonnes, Richard Stallman, père de GNU.org, regrette pour sa part que l'école soit si attentive aux logiciels propriétaires : « il y a des entreprises qui offrent des copies gratuites ou pas chères des programmes privateurs aux écoles, comme il existe des marchands de drogue qui t’offrent ta première dose gratuite pour t’habituer, te rendre addict et dépendant. L’école ne doit jamais accepter cette offre, car enseigner l’utilisation d’un programme privateur, c’est enseigner la dépendance envers quelqu’un. Cela va à l’encontre de la mission sociale de l’école.»
S’il n’est pas question de logiciels libres au sein des propositions du rapport, celui-ci en appelle néanmoins à valoriser les formats ouverts. Pourquoi ? Afin de favoriser l’interopérabilité, mais aussi pour conserver une certaine indépendance vis-à-vis des plateformes de distribution de contenus numériques. D’autre part, les auteurs de ce document prônent un « assouplissement des contraintes et procédures de contrôle des produits et ressources numériques protégées ». Autrement dit, il souhaitent qu'il y ait moins de mesures techniques de protection (les fameux DRM) sur les manuels scolaires numériques, sans s’avancer toutefois sur les façons d’atteindre cet objectif.
Comment le numérique pourrait éviter le bonnet d’âne à l’école
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Une meilleure gouvernance et davantage de mutualisation dans les achats
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Formation des enseignants : faire plus et mieux
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Un portail unique d’accès aux ressources éducatives
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Davantage d’ordre au niveau de la TVA
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Plaidoyer en faveur de l'interopérabilité
Commentaires (34)
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Abonnez-vousLe 26/09/2013 à 13h44
C’est la photo qui est bizarre ou bien c’est le fils de Toutenkamon à gauche ??
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Le 26/09/2013 à 13h50
Le 26/09/2013 à 13h52
Le 26/09/2013 à 13h56
Qui a eu cette idée folle…
… un jour d’inventer les colles! " />
Le 26/09/2013 à 14h02
En pratique, j’ai bien vu que dans certains lycées (on m’avait proposé la maintenance d’un, et j’en ai vu d’autres de près) le coût alloué pour la maintenance est parfois ridicule, avec juste un prof qui fait ce qu’il peut et passe quelques heures par semaines.
Dans un autre endroit c’était un 2⁄3 de temps pour gérer un parc de plusieurs centaines de PC, j’ai cru à une blague au début…
Et effectivement on voit bien que le réseau est à la ramasse, tout est rafistolé plus ou moins, car il n’y a pas un vrai désir de mettre quelqu’un à temps plein dans les endroits que j’ai rencontré.
Le 26/09/2013 à 14h13
Le 26/09/2013 à 14h15
Ce genre de rapport est mignon tout plein, vu qu’il souleve des manques, raconte qu’il faudrait rattraper notre retard etc etc … mais sans proposer quoique ce soit de contraignant, a la fois cote education nationale, fournisseurs, et surtout eleves..
Pousser vers le numerique, c’est tres bien, mais ca necessite pas mal de choses, car tel que ca sera mis en place, il faudra bien gerer les materiels, les contenus et la casse.
On a eu l’exemple dans les BdR avec le plan “un portable par eleve de 5eme”, qui a peut etre coute cher ou pas (je sais pas) mais les pc en question n’ont que tres rarement ete utilises pour le boulot d’ecole, ils etaient DRMises au debut, ca a tenu 2 mois, et vazy que j’installe des jeux & co.. De plus, ils n’ont pratiquement jamais ete amenes aux colleges, donc ca a ete kado pour les gamins (pourquoi pas mais ca sort de la mission premiere). Donc passer a des tablettes, ca sera idem..
Pour les contenus, a part les livres, on n’aura pas les cours des profs qui n’ont pas a rendre open source ce qui est leur travail (pour certains plusieurs annees de preparation, modifications, etc) donc le probleme sera de saisir ces cours, d’ou cahier en parallele, et on perd aussi l’interet qui est de soulager les cartables des gamins.
Et quand a la casse, imaginez la vie d’un iPad dans un cartable de gamin dans le bus ou autre.. je leur donne pas 3 jours pour avoir l’ecran en miettes…
Bref, la solution, c’est des tablettes de type kindle, dans lesquelles on transfere les bouquins de l’annee, et qui restent dans l’etablissement (dans un casier ou en libre service a l’entree de classe ou de l’etablissement). Mais ca necessite une gestion du materiel, mises a jour, etc, et donc du pognon pour creer des postes…
Le 26/09/2013 à 14h17
“C’est blanc bonnet ou bonnet blanc.”
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Le 26/09/2013 à 14h18
une quantité importante de freins, qu’ils soient pédagogiques, économiques, techniques, juridiques ou industriels.
Pédagogiques : cercle vicieux ?
Economiques : faut-il vraiment une bête comme PC ?
Techniques : quoi, le prix de l’OS
Juridiques ou industriels : Brevets propriétaires ?
Ecolage à l’Usine ? " />
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Le 26/09/2013 à 14h27
Il faudrait déja donner les moyens au profs de faire cours dans de bonnes conditions, et ce quelque soit l’établissement………
Vouloir les équiper en tablettes et PC quand certains collèges ne peuvent même pas se payer des livres " />" />
Mais tant qu’on restera sur une vision a court terme (max 2-3 ans) et non sur la durée avec un projet qui suit sans se soucier du bord politique du ministre, l’éducation ne sera jamais performante………
Le 26/09/2013 à 14h36
Le 26/09/2013 à 14h37
La gamification du système éducatif est en marche. Centralisation, uniformisation et stigmatisation sont les outils de la future pyramide d’usine à gaz technocratique de rééducation étatique qui doit insérer au forceps le tripotage d’écran coloré comme substitution à un enseignement convenablement effectué.
On s’étonnera plus tard, ne s’étant pas posé la question initialement de l’évaluation pédagogique de l’utilisation de certains outils et méthodes, de pourquoi notre système éducatif est en recul d’année en année au point de ne plus faire partie des statistiques des pays modernes.
Mais il est vrai que ruiner l’avenir de ces jeunes, c’est assurer dans le même temps le futur marché électoral de la politocaille ambiante et le maintien de la même bureaucratie qui les aura aidé dans cette tâche orwellienne.
Le 26/09/2013 à 14h41
Qui a eu cette idée folle…
Le 26/09/2013 à 14h47
Le 26/09/2013 à 14h51
Le 26/09/2013 à 14h53
Le 26/09/2013 à 15h04
Mais qu’attendons-nous pour fabriquer une tablette correspondant aux besoins des écoliers ?
L’avenir est à la dématérialisation et au tout numérique. Retarder l’échéance pour de bonnes ou, plus souvent, de mauvaises raisons, c’est, à l’évidence, entrer à terme dans le quart-monde. La question ne devrait même pas se poser. Qaunt à la question des cours numérisés des profs, c’est un faux problème car il faut se tourner vers le concept de MOOC Wikipedia Ça ne supprime pas les profs, on est bien d’accord, hein ? Parce que j’en vois d’ici qui crient déjà à la mort des profs…
Cette fois, ils auront vraiment le temps de se consacrer à la pédagogie et il y a des choses formidables à faire dans ce domaine avec le numérique. Encore faut-il qu’ils soient RÉELLEMENT formés.
Le 26/09/2013 à 15h06
Le 26/09/2013 à 15h13
Le 26/09/2013 à 15h15
Le 26/09/2013 à 15h21
Le 26/09/2013 à 15h24
“Dites moi ce qu’il vous faut, je vous dirai comment vous en passer” depuis les années 2000 c’est le leitmotif des échelons supérieurs.
Avant l’utilisation, il faudrait déjà une prise électrique par salle et une prise RJ45 reliée à quelque chose derrière. Ce qui dans beaucoup d’établissements, ce n’est pas encore le cas.
Alors 30 élèves, qui viennent avec portable ou tablette, ça veut dire pas mal de prises électriques et réseaux. Le wifi est, très souvent, mal vu des gestionnaires face au risque des ondes. Ce n’est donc même pas encore pour après demain." />
Le 26/09/2013 à 15h44
Le 26/09/2013 à 15h51
Si l’élève n’est pas fautif, faut-il remonter le(s) bonnet(s) d’âne aux sommets de l’état ? " />
Le 26/09/2013 à 16h02
Pauvres gosses…se péter les yeux devant des écrans à cet age c’est n’importe quoi !! 8h/jours pendant x années de leur vie ça devrait être suffisant pour qu’on les laisse profiter de leur jeunesse comme on le faisait à notre époque !!
Le 26/09/2013 à 17h12
Vite, dépensons des milliards en équipements au lieu de réformer l’école. Ensuite on se demandera comment les utiliser et ce que ça peut nous apporter.
Gauche ou droite, personne n’a les cojones pour réformer le mammouth. Et quand la droite l’a, de toute façon, c’est pour faire n’importe quoi. Alors à la place on va distribuer des euros, ça fait toujours plaisir.
Le 26/09/2013 à 18h14
Comment le numérique pourrait éviter le bonnet d’âne à l’école
En dématérialisant l’école… et les étudiants aussi tant qu’on y est. " />" />
Le 26/09/2013 à 20h00
Le 26/09/2013 à 22h23
École libératrice ou école aliénante ?
Les VRP de la mondialisation libérale ont tranché !
La fabrique à petits robots serviles et malléables est en marche.
L’essentiel est que les élèves sachent user des outils numériques sans se poser de questions ; il ne faut surtout pas leur permettre d’accéder à leur compréhension ni à leur maitrise !
L’informatique n’est d’ailleurs pas une science, c’est un domaine technique (inventé par Apple et Microsoft puis repris et perfectionné par d’autres grandes marques qui comme Oracle ont développé JAVA, MySQL, SOLARIS…) dont, seuls et exclusivement, les industriels sont habilités à en breveter les idées.
Le 26/09/2013 à 23h59
Comme si l’école avait appris à la plupart d’entre nous à utiliser un pc … " />
Le 27/09/2013 à 07h55
Le 27/09/2013 à 14h03
Le 27/09/2013 à 14h11
Le 27/09/2013 à 21h55
Il ne reste plus qu’à pratiquer le BYOD accompagné d’une petite subvention CAF pour les élèves ne pouvant pas se payer un AïePad.
On y vient !! " />