Liberté d’expression : la Cour de cassation censure l’arrêt LesArnaques.com
Partenaire particulier
Le 02 avril 2014 à 14h33
4 min
Droit
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Fin 2012, le forum de l’association Lesarnaques.com avait provoqué la colère de l’entreprise Le Partenaire Européen, une société d’annonces immobilières. Des messages dénonçaient les pratiques supposées de l’entreprise qui avait du coup réclamé vainement la suppression de ces contenus non modérés. Finalement l'association et le directeur de la publication avaient été condamnés sur le fondement d'un article de la loi Hadopi.
« Il faut se rendre à l'évidence : on a payé pour rien », « Comme beaucoup d'internautes, j'ai l'impression de m'être fait arnaquer (...). Le démarcheur m'a fait signer un document de crédit Sofinco avec des mensualités sans intérêt (étrange) et a encaissé la modique somme de 2 650 euros » etc. En tout une vingtaine de messages d'internautes en colère contre Le Partenaire Européen fut considérée comme autant d’abus à la liberté d’expression par la Cour d’appel de Montpellier.
En novembre 2012, celle-ci avait, contrairement au TGI de Montpellier, estimé ces propos diffamatoires et condamné le forum associatif LesArnaques.com et son directeur de publication.
La liberté d'expression restreinte par la loi Hadopi
Pourquoi ? La loi Hadopi du 12 juin 2009 a discrètement, mais profondément réformé le régime de la responsabilité en matière de liberté d’expression et de modération a posteriori : il suffit désormais de démontrer que le directeur de la publication n’a pas supprimé « promptement » un message problématique dont il avait simplement « connaissance », et le voilà responsable pénalement comme l’auteur principal du message.
Certes, le directeur de publication peut échapper à cette condamnation en démontrant sa bonne foi. Classiquement, la Cour d’appel avait rappelé que le directeur de publication peut échapper à sa condamnation s’il démontre avoir fait preuve « de prudence dans l’expression, au respect du devoir d’enquête préalable, à l’absence d’animosité personnelle et à l’intention de poursuivre un but légitime ». Mais la Cour avait dans le même temps considéré que le site n’étant pas modéré a priori, LesArnaques avait mécaniquement fait preuve d’un manque de prudence.
Dans le même sens, les magistrats estimaient que le directeur de publication avait eu connaissance de tous les contenus puisqu’il avait répondu à un (1) message. Bref, le fait de répondre à un message impliquait la connaissance de tous les autres messages. Pire, il n’était pas intervenu pour les supprimer alors que la vingtaine de messages litigieux avait été dénoncée par l’entreprise Le Partenaire Européen.
Le directeur de la publication et LesArnaques furent condamnés à 9 000 euros de dommages et intérêts et 2000 euros pour couvrir les frais. On se souvient que pour protester contre cette décision, le site décidait de fermer pendant 24 heures.
Nécessité de caractériser l'allégation
Finalement, l’affaire est remontée jusqu’à la Cour de cassation qui vient d’invalider l'arrêt de la Cour d’appel. La haute juridiction rappelle en effet que l’imputation, siège de la diffamation, doit se présenter « sous la forme d’une articulation précise de faits de nature à être, sans difficulté, l’objet d’une preuve ou d’un débat contradictoire ». À défaut, il s’agit d’une injure ou d’un outrage. Nuance.
Or, pour la Cour de cassation, la Cour d’appel a quelque peu mal ficelé son analyse. Elle a considéré la masse de ces messages comme diffamatoires, mais « sans caractériser pour chacun d'eux l'allégation de faits de nature à être sans difficulté, l'objet d'une preuve ou d'un débat contradictoire ». De ce fait, elle a renvoyé les parties devant la cour d’appel de Lyon qui devra rejuger les faits.
Par la même occasion elle a condamné Le Partenaire européen à payer 3000 euros au directeur de la publication et à l’association LesArnaques.com. L’affaire sera à suivre de près puisqu’elle pourrait, selon son sens, mettre un nouveau et sérieux tour de vis sur le régime de responsabilité des forums non modérés a priori.
Liberté d’expression : la Cour de cassation censure l’arrêt LesArnaques.com
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La liberté d'expression restreinte par la loi Hadopi
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Nécessité de caractériser l'allégation
Commentaires (54)
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Abonnez-vousLe 02/04/2014 à 16h48
Le 02/04/2014 à 16h50
effectivement, j’ai lu ton explication plus haut….
Le 02/04/2014 à 16h51
Le 02/04/2014 à 17h09
Le 02/04/2014 à 17h09
Le 02/04/2014 à 17h16
Je serais bien tenté de dire que l’un n’empêche pas l’autre…
Le 02/04/2014 à 17h26
Le 02/04/2014 à 17h40
Le 02/04/2014 à 17h52
Le 02/04/2014 à 17h55
le problème c’est que la justice n’a pas l’air de faire la différence entre la diffamation mensongère et la diffamation basée sur des faits réels.
D’ailleurs dans l’usage commun du mot, en général la diffamation est implicitement mensongère.
Or dans dans le cas présent les internautes étaient surement honnêtes dans leurs allégations (en tous cas “Le Partenaire Européen” n’a rien fait pour montrer le contraire).
Pour moi ça serait normal que seule la diffamation mensongère soit punie. Mais la loi semble différente… dura lex sed lex…
Le 02/04/2014 à 18h23
Le 02/04/2014 à 18h32
Le 02/04/2014 à 18h42
Le 02/04/2014 à 18h57
J’avoue qu’en tant qu’ex-administrateur et trésorier de LesArnaques.com (sous le pseudo “Nash”), cette décision me ravit. Enfin un vrai retour à la loi ! " />
Le 02/04/2014 à 19h41
Le 02/04/2014 à 22h45
Si finalement ils sont condamnés du coup toutes les personnes qui troll Apple, Google, microsoft, racontent leurs mésaventures avec leurs fai ou leurs matos pc ici peuvent faire condamner PC Inpact?
Le 02/04/2014 à 14h57
Le 02/04/2014 à 14h59
oh une entreprise malhonnete , nooooon ? une entreprise qui vend de la merde c’est pas possible ! ca n’existe pas !
la diffamation c’est pour faire retirer les commentaires , mais va savoir …
sinon ca peut aussi etre la concurrence … va savoir …
moi je connais des sites internet info , quand tu leur dis dans les commentaires qu’ils sont partiaux avec justifications, ils effacent ton commentaire et ils disent que tu les diffames histoire de discrediter les gens ( pas sur pcinpact bien sur, mais parmi vos site infos preferes), y a plein de techniques pourris pour faire parler de soi et en bien uniquement , n’est ce pas ?
Le 02/04/2014 à 15h17
une telle affaire en dit long sur “Le Partenaire Européen” " />
Le 02/04/2014 à 15h18
Le 02/04/2014 à 15h21
En compensation du précédent jugement.
Le 02/04/2014 à 15h21
Le 02/04/2014 à 15h22
Le 02/04/2014 à 15h23
La diffamation est un sujet complexe lorsque les faits enonces n’ont aucun fondement verifiable.
Lorsque c’est verifiable, c’est simple :
soit il y a mensonge ou manipulation de la verite, auquel cas c’est bien une diffamation;
soit il s’agit de la verite, et dans ce cas la il n’y a pas de diffamation : ne peut diffamer que celui qui ment ou tourne volontairement la verite sous un autre jour.
(exemple : mettre le fait “diffamatoire” sur le dos d’une personne dont on ne peut pas prouver l’implication)
Article 35
La vérité du fait diffamatoire, mais seulement quand il est relatif aux fonctions, pourra être établie par les voies ordinaires, dans le cas d’imputations contre les corps constitués, les armées de terre, de mer ou de l’air, les administrations publiques et contre toutes les personnes énumérées dans l’article 31.
La vérité des imputations diffamatoires et injurieuses pourra être également établie contre les directeurs ou administrateurs de toute entreprise industrielle, commerciale ou financière, faisant publiquement appel à l’épargne ou au crédit.
La vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée, sauf :
a) Lorsque l’imputation concerne la vie privée de la personne ;
b) Lorsque l’imputation se réfère à des faits qui remontent à plus de dix années ;
c) Lorsque l’imputation se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision ;
Les deux alinéas a et b qui précèdent ne s’appliquent pas lorsque les faits sont prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal et ont été commis contre un mineur.
Dans les cas prévus aux deux paragraphes précédents, la preuve contraire est réservée. Si la preuve du fait diffamatoire est rapportée, le prévenu sera renvoyé des fins de la plainte.
Dans toute autre circonstance et envers toute autre personne non qualifiée, lorsque le fait imputé est l’objet de poursuites commencées à la requête du ministère public, ou d’une plainte de la part du prévenu, il sera, durant l’instruction qui devra avoir lieu, sursis à la poursuite et au jugement du délit de diffamation.
Le 02/04/2014 à 15h50
Un site comme les arnaques.com est une plaie comme les petites entreprises. Je ne dit pas qu’il faut interdire ce genre de site mais qu’il faut contrôler sérieusement leur contenu.
Vous semblez tous défendre le point de vue consommateur mais l’impact est souvent bien plus important pour les entreprises. J’ai moi même vécu ce cas lors de la création de mon entreprise et une remarque sans fondement m’a bien foutu dans la merde…
Le 02/04/2014 à 15h54
Le 02/04/2014 à 16h00
Le 02/04/2014 à 16h02
Le 02/04/2014 à 16h07
Il faut montrer qu’il y a diffamation, c’est différent de la critique.
Par exemple, quand Bedos dit que Morano est une conne, et qu’elle lui fait un procès, il gagne à coup sûr " />
Le 02/04/2014 à 16h09
Le 02/04/2014 à 16h33
abus à la liberté d’expression
J’ai toujours été sidéré par ça. En Corée du Nord aussi, il y a de “l’abus à la liberté d’expression”
Le 02/04/2014 à 16h45
Le 03/04/2014 à 05h36
Le 03/04/2014 à 07h56
Le 03/04/2014 à 08h15
ça me fait marrer tout de même, un journaliste peut dire qu’untel a un compte en Suisse, blablabla, est-ce qu’on fait fermer le journal pour le simple fait de le dire?
Le 03/04/2014 à 08h35
Le 03/04/2014 à 10h01
Le 03/04/2014 à 10h15
Le 03/04/2014 à 10h23
Le 03/04/2014 à 12h07
Le 03/04/2014 à 22h39
Le 02/04/2014 à 14h40
Sans entendre les personnes ayant posté leurs avis, comment juger de manière honnête d’une éventuelle diffamation?
L’exemple dans l’article est a mes yeux une simple constatation de faits, rien n’indique leur réalité ou non.
Le 02/04/2014 à 14h40
Déjà que l’on peut se faire condamné pour mettre un lien vers une page litiieuse " />
Le 02/04/2014 à 14h41
pfouu ca commence a devenir tendu de dire la vérité quand on est victime de pratiques abusives.
Le 02/04/2014 à 14h43
C’est complexe.
Mais, je suis peut-être terre à terre, mais les propos étaient-ils mensongers ?
La diffamation c’est complexe, mais en un sens ça fait peur, et ça met les responsables de tous les forums dans une position de censeurs contraints et forcés… On a quand même l’impression qu’ils sont accusés car ce sont eux les plus faciles à identifier…
Le 02/04/2014 à 14h44
Et si au lieu de se plaindre sur un forum, les victimes portaient plainte ? " />
Le 02/04/2014 à 14h48
On va condamner le maire d’une ville pour une affichette diffamatoire posé sur un mur?
Sans dec’ internet deviens un lieu de non expression avec des lois totalement délirantes sur les responsabilités des internautes et des hébergeurs.
Le 02/04/2014 à 14h48
Le 02/04/2014 à 14h50
De part le fait que ca pourrit un peu plus les conneries contenues dans Hadopi c’est pas plus mal
Ca évite aussi à une entreprise de faire supprimer des avis négatifs sous prétexte que ca lui plait pas (on est sur un site “d’arnaques” soit mais ca se rapproche d’un avis de consommateur il me semble)
Enfin meme si les propos étaient mensongers et émis par un concurrent par exemple, ca ne justifie pas pour moi la procédure qu’a balancé l’entreprise. Normalement, une boite qui se croit propre et dans son droit évite de faire régler ce genre de cas directement en justice… ca sent pour le coup les gens qui ont quelque chose à se reprocher.
Et même si c’est pas le cas, je ne cautionne pas le recours en justice, à moins que l’entreprise ne puisse prouver que les avis lui ont fait du tord
Le 02/04/2014 à 14h51
Le 02/04/2014 à 14h52
Je suis estomaqué par cette loi " />
Et je suis d’accord avec ce qui a été dit au-dessus : l’extrait de témoignage relève plus d’une constatation des faits.
Vivement que les “class actions” se mettent en place.
Le 02/04/2014 à 14h52
Le 02/04/2014 à 14h52
Le 02/04/2014 à 14h56