Les partis politiques français privés de financement par crypto-monnaies
Un argent double
Le 24 juillet 2014 à 10h00
6 min
Droit
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Peut-on financer des partis politiques avec des crypto-monnaies ? C’est en substance ce qu’a demandé un membre du Parti Pirate à la Commission Nationale des Comptes de Campagne et des Financements Politiques, qui a donné une fin de non-recevoir.
« Durant la campagne des européennes, le parti pirate s’était demandé s’il était possible de recevoir des dons en Bitcoin- ou en une autre crypto-monnaie -à l’instar de ce que font nos amis du parti pirate suisse » indique le Parti pirate dont l’un de ses candidats avait en sens interrogé la CNCCFP. Des partis financés par des crypto-monnaies? La Commission chargée de scruter la bonne réalisation du financement des partis, a finalement estimé qu’une telle opération était impossible. L’interdiction tient de l’encadrement, sensible, de ces flux financiers.
Une monnaie sans statut légal défini
En vertu de l’article 11 - 4 de la loi du 11 mars 1988 sur la transparence financière de la vie politique, rappelle-t-elle, « les dons consentis et les cotisations versées en qualité d’adhérent d’un ou de plusieurs partis politiques par une personne physique dûment identifiée (…) ne peuvent annuellement excéder 7 500 euros ». Le texte précise aussi que « tout don de plus de 150 euros consenti à une association de financement (…) d’un parti politique doit être versé à titre définitif et sans contrepartie, soit par chèque, soit par virement, prélèvement automatique ou carte bancaire ». Conclusion de la Commission : « les dons en bitcoins, qui est une monnaie sans statut légal défini, ne rentrent donc pas dans le cadre légal qui autorise les dons en euros à des formations politiques. »
Selon elle, il y a d’autres contradictions : « les mandataires des formations politiques doivent « ouvrir un compte bancaire ou postal unique pour y déposer tous les dons reçus en vue du financement d’un parti politique. » Or, l’utilisation de bitcoins nécessite un intermédiaire qui contrevient à cette obligation de disposer d’un compte bancaire unique » considère-t-elle. De même, « les dons en bitcoins ne peuvent ni être encaissés par le mandataire d’un parti ni faire l’objet d’une délivrance de reçus ouvrant droit à une réduction d’impôt. »
Don en nature ?
Ce membre du Parti pirate a donc ouvert une autre voie : puisque le bitcoin n’est pas une monnaie ayant statut légal, est-il possible malgré tout de l’assimiler à un don en nature ? Niet, là encore : « la monnaie virtuelle peut garantir l’anonymat de ses utilisateurs voire l’absence de traçabilité pour certaines d’entre elles ; son utilisation pour le financement des partis ou groupements politiques ne permet pas, en conséquence, de s’assurer du respect de l’article 11 - 4 de la loi du 11 mars 1988 précitée qui prévoit expressément l’interdiction pour les personnes morales de contribuer au financement des partis politiques. »
Résultat des courses : « le financement des partis politiques via des monnaies virtuelles ne permet pas de s’assurer du respect de la législation relative au financement des partis politiques. »
La déception du Parti Pirate
Pour le Parti Pirate, c’est la déception : le fonctionnement par chiffrement et la gestion en réseau du bitcoin « permettent de lutter efficacement contre toute violation de la vie privée, et empêchent donc de lutter contre les abus dans le milieu politique ». De même, il serait possible de contourner l’interdiction portée par la CNCCFP : le bitcoin « a un cours en euro (et dans d’autres devises) certes non officiel, mais bel et bien effectif, de sorte qu’on peut très bien imaginer un système de don avec conversion immédiate selon le cours au moment du don. »
Quant à l’argument lié à l’intermédiaire, le Parti Pirate y voit un « faux-semblant, puisque par "intermédiaire", la CNCCFP entend les porte-monnaie électroniques qui permettent de stocker les bitcoins, sachant qu’il s’agit en réalité du seul véritable intermédiaire nécessaire, les plateformes comme Coinbase, Bitstamp, etc, étant là pour sécuriser les échanges, sans être pour autant indispensables. »
Dans son analyse, donc, « le système électronique lui-même n’est pas un intermédiaire, ou du moins il n’est dans son fonctionnement pas fondamentalement différent du système bancaire traditionnel, si ce n’est qu’il repose sur le chiffrement des données en réseau. En jouant sur les mots, si le bitcoin n’est pas une monnaie légale, le portefeuille le stockant ne saurait être un compte bancaire, et cet argument ne serait pas vraiment valable. »
La formation politique anticipe d’ailleurs le jour où les banques s’intégreront dans le système des crypto-monnaies « en proposant leur propre service de porte-monnaie, ce qui rendrait cet argument caduc. Mais d’ici là, nous continuerons à croire que le financement des partis politiques est bien protégé contre les malversations et les abus, tandis que les élus continueront avec obstination à refuser d’amender la loi de 1988, sauf avec des modifications mineures comme celle sur de la loi relative à la transparence de la vie publique, qui a limité le don à 7500 € par an tous partis confondus, alors que les nombreux scandales nous prouvent que cette loi est allègrement violée par de nombreux moyens. »
On rappellera que le sujet a désormais l’attention de TracFin qui a rédigé un rapport pour pointer du doigt les risques de ces crypto-monnaies. Les plates-formes d’échange doivent déjà décrocher un agrément auprès de l’ACPR, elles devraient à l’avenir en plus permettre l’identité des clients lors des échanges entre euros et monnaies virtuelles. De même, l'État de New York entend pour sa part adopter un cadre réglementaire très strict sur ce système pour les activités liées aux crypto-monnaies obligeant notamment des audits et tout un système d'autorisation préalable.
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Une monnaie sans statut légal défini
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Don en nature ?
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La déception du Parti Pirate
Commentaires (46)
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Abonnez-vousLe 24/07/2014 à 11h29
Le 24/07/2014 à 11h33
Le 24/07/2014 à 11h34
Le 24/07/2014 à 11h41
Le 24/07/2014 à 12h01
On a déjà suffisamment autorisé pour ce genre d’organisation. Nul besoin de répandre en plus la suspicion électronique.
Le 24/07/2014 à 12h01
Tu voulais dire usul js2082 je suppose.
@ ActionFighter : la loi de 88 ne sert à rien, car la CNCCFP est incapable de la faire respecter. La preuve en est que même avec les casseroles à son cul (balladur et chirac en 1995, sarkozy en 2012), la droite restera légitime.
Plutôt que d’empêcher de donner de l’argent, il vaut mieux faciliter la participation de tous : bulletin unique, seuil de remboursement plus bas, égalité réelle de temps de parole, mise à disposition de salle de meeting.
Cette loi n’est que de la poudre aux yeux, elle n’empêche rien aux gros partis, et rend plus difficile le financement des petits partis. Comme toutes les lois électorales.
Le 24/07/2014 à 12h40
Le 24/07/2014 à 13h08
Le 24/07/2014 à 13h18
Le 24/07/2014 à 13h22
Le 24/07/2014 à 13h31
Le 24/07/2014 à 13h42
Le 24/07/2014 à 13h43
C’est pas le débat, mais usul a d’ailleurs reconnu par la suite avoir été trop léger sur les amitiés fachistes de chouard.
Le 24/07/2014 à 13h54
Le 24/07/2014 à 14h02
Le 24/07/2014 à 14h07
Le 24/07/2014 à 10h06
Les partis politiques pourraient pourtant miner grâce à OpenOffice, non ?
Le 24/07/2014 à 10h11
Kadhafi aurait du faire ses dons en bitcoins, ca lui aurait peut etre sauvé la vie " />" />" />
Le 24/07/2014 à 10h22
Sale coup pour Bygmalion " />
Le 24/07/2014 à 10h23
Le parti pirate se fout vraiment de la gueule du monde. Mais oui, plaidons donc autoriser des dons anonymes aux partis, histories d’être sûr de s’enfoncer encore plus dans l’oligarchie, quelle preuve d’intelligence et de responsabilité du parti pirate ! Entre bitcoin pour le financement des campagnes et le vote électronique, abolissons directement la démocratie pour filer les clés aux banques et à la NSA.
Au passage l’anonymat sur le réseau BTC n’est pas garanti par le “fonctionnement en réseau” ou “le chiffrement” mais uniquement par l’utilisation de pseudonymes (la clé publique du porte-monnaie).
Le 24/07/2014 à 10h25
Ça va être difficile pour le parti pirate de trouver des candidats supplémentaires pour les prochaines élections en 2015 à cause des nouvelles règles.
Le 24/07/2014 à 10h35
Mouais…
Le parti pirate blablate beaucoup mais évite de s’attarder sur la principale critique faite par la CNCCFP, à savoir la quasi-impossibilité d’identifier l’origine du versement et donc le risque certain de se retrouver avec un financement fait par des personnes morales.
La réponse de ce parti ne me plait pas du tout.
Ils ne cessent de se présenter comme un parti moderne, démocratique, ouvert, etc… mais il applique la même langue de bois et la même mauvaise foi que les autres partis.
Ils viennent de perdre beaucoup d’estime à mes yeux." />
Le 24/07/2014 à 10h39
Aucun parti ne peut se prétendre démocratique puisque le fonctionnement d’un parti est par essence oligarchique.
Le 24/07/2014 à 10h39
Le Parti Pirate français n’a pour moi plus aucune crédibilité depuis les dernières élections européennes et leur gestion catastrophique de la chose.
Communication désastreuse, site web sans queue ni tête, impossibilité de trouver des directives précises quant à l’impression des bulletins de votes estampillés PP, etc.
C’est même étonnant qu’ils aient fait autant de voix d’ailleurs, parce que pour voter pour eux il faut vraiment (mais alors vraiment) le vouloir.
Bref, encore une belle désillusion.
Le 24/07/2014 à 10h52
Le 24/07/2014 à 11h08
Les partis au pouvoir n’ont pas besoin du bitcoin pour se financer illégalement, ils ont déjà pléthore de moyens détournés. L’anonymat n’est qu’une excuse, aucune autorité n’est capable de réellement réguler le financement des partis politiques.
Le 24/07/2014 à 11h16
Le 24/07/2014 à 11h18
On devrait diminuer le salaire des élus et personne à haute responsabilité en fonction de leur revenu annexe, sa fera de petite économie.
http://www.hatvp.fr/index.html
Le 24/07/2014 à 11h20
Le 24/07/2014 à 11h26
Le 24/07/2014 à 14h23
Le 24/07/2014 à 14h35
Le 24/07/2014 à 14h39
Le 24/07/2014 à 14h48
Le 24/07/2014 à 14h48
Le 24/07/2014 à 15h10
Quand on veut discréditer les idées de quelqu’un, il suffit de le traiter de fasciste, même si ca n’a rien à voir. J’ai lu beaucoup de Chouard car ses idées me paraissent intéressantes, et je n’y ai jamais vu la moindre once de fascisme.
Le 24/07/2014 à 17h20
Le 25/07/2014 à 10h54
Le 25/07/2014 à 12h58
Le 25/07/2014 à 14h08
Le 25/07/2014 à 15h43
Le 25/07/2014 à 19h59
Le 26/07/2014 à 10h51
En fait si, il fallait 20 000 € par eurorégion pour avoir des bulletins (et je ne parle pas des affiches, des meetings, et des professions de foi), le PP a un budget annuel de 20 000 € justement…
Le 26/07/2014 à 10h51
Le 26/07/2014 à 11h26
ça métonnerai beaucoup car la région sud-est a eu les bulletins, professions de foi…
Le 28/07/2014 à 10h15