Ce 3 avril, au ministère de la Culture, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique a confié au professeur Pierre Sirinelli une mission visant à poser les bases d’une future réforme de la responsabilité des hébergeurs. Un souhait des ayants droit, répété ad nauseam depuis de longues années.
Début 2015, au sein du CSPLA, le professeur de droit Pierre Sirinelli avait déjà publié un premier rapport sur la révision de la directive 2001/29 sur le droit d’auteur dans la société de l'information. Pour faire (très) bref, il considère qu’une telle réforme n’est pas souhaitable, ce texte étant suffisamment moderne et flexible.
Seul hic, la Commission européenne n'est pas de cet avis, tout comme Julia Reda. Au Parlement européen, l’eurodéputée de Parti pirate (apparentée Vert) a en effet été chargée de rédiger une résolution. Dans ce texte d’essence politique, elle a déjà proposé plusieurs pistes afin notamment de faire tomber les frontières qui enferment ce secteur. Du côté des ayants droit, ces assauts contre leurs fiefs nationaux sont évidemment très mal vécus (relire par exemple les propos d’Hervé Rony, président de la SCAM). Pour eux, ces barrières internes sont comme des remparts à l’uniformisation culturelle.
Articuler des textes européens au profit des seuls ayants droit
Rue de Valois, le soutien à leurs intérêts est par nature sans faille, peu importe le contexte. Une nouvelle mission a ainsi été confiée début avril par le CSPLA au même Pierre Sirinelli afin de trouver cette fois « des pistes concrètes pour mieux articuler la directive 2001/29 avec d'autres textes communautaires, tout particulièrement la directive 2000/31 Commerce électronique, qui conditionnent l'application effective des droits d'auteur et droits voisins dans l'environnement numérique », selon la lettre de mission que nous avons pu nous procurer.
Derrière son nom un peu compliqué, cette directive 2000/31 est celle qui encadre la responsabilité des intermédiaires techniques. Faut-il faciliter la mise en cause des YouTube et autres Dailymotion et Vimeo pour les contenus qu’ils stockent à la demande des utilisateurs ? La réponse est simple : l’« articulation » souhaitée au ministère, entre ces deux textes européens, devra se faire au profit des seuls ayants droit, non des hébergeurs.
Extrait de la lettre de mission du CSPLA
Pierre-François Racine, président du CSPLA, commande en effet au juriste des propositions « pour corriger les effets négatifs que les dispositions de la directive commerce électronique sur le régime de responsabilité des prestataires techniques peuvent engendrer dans le champ de la propriété littéraire et artistique ». Il lui demande donc de proposer d’ici juillet 2015 « des modifications des dispositions actuelles du droit de l’Union européenne permettant une application effective des droits d’auteur et droits voisins dans l’environnement numérique, notamment sur les plateformes de diffusion de contenus protégés ».
Déjà des pistes de réforme
Pierre Sirinelli a déjà posé dans son premier rapport des pierres utiles à ce mur protecteur. Ainsi, il s’est fait l’écho de la proposition de la Sacem, laquelle voudrait faire payer aux intermédiaires une compensation pour toutes les utilisations licites ou illicites de leurs œuvres. Problème, comme l’ont rappelé cette semaine encore les juristes Étienne Wéry et Raphaël Liotier, l’idée d’instaurer une taxe sur les FAI au profit de ces sociétés de gestion collective n’est cependant pas bien simple au regard du droit européen. Du coup, une telle réforme exigerait une refonte pointue de la directive de 2000 sur les intermédiaires techniques.
L’autre suggestion, émise cette fois par les producteurs de disques, reviendrait en substance à faire primer la directive droit d’auteur sur celle sur le commerce électronique dans les contentieux opposants les acteurs de ces deux univers. Autre chemin possible, la création d’une nouvelle catégorie d’intermédiaires, les « plateformes », débroussée cette fois par le Conseil d’État. Elle permettrait de faire peser de plus lourdes obligations à ceux qui sont aujourd’hui qualifiés d’hébergeurs.
Évidemment, les travaux de Mireille Imbert-Quaretta phosphorent tout autant. La présidente de la commission de protection des droits de la Hadopi souhaite pour sa part étendre les systèmes d’empreinte numérique et le filtrage chez les hébergeurs. L’idée serait qu’un contenu déjà dénoncé ne puisse être remis en ligne par une tierce personne. Or, à ce jour, les notifications adressées par les ayants droit visent les URL, non les contenus, nuance. Elle voudrait aussi implanter un mécanisme de liste noire afin de placer les mêmes intermédiaires en situation de « connaissance » d’un fait manifestement illicite (une liste de sites massivement contrefaisants, etc.). Au regard de la loi sur la confiance dans l’économie numérique, nous a-t-elle soutenu, cette mise à l’index engagerait la responsabilité des intermédiaires qui resteraient un peu trop impassibles.
Ces travaux auront ils des effets à Bruxelles ? le commissaire Oettinger a promis aussi d'engager une réflexion sur la question des intermédiaires, et spécialement la neutralité des plateformes. Une fenêtre que ne manquera pas de viser le ministère de la Culture.
Commentaires (52)
#1
Encore une belle rustine pour préserver les belles rentes et les beaux rentiers, quel beau pays nous avons ! Quelle créativité ! Imaginons une seconde que ces gens fassent de la musique, que de merveilles ils produiraient ! A ben non en fait ^^
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C’est fou d’en être arrivé à une telle méconnaissance d’internet. Progressivement, on va vers une dictature sur le net pour les ayant-droits.
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Bon ben c’est définitif les hébergeurs vont se barrer de france, la loi renseignement, ca… Claiement le gouvernement n’a rien compris…
Le véritable truc à faire c’est réformer les sociétés de droit d’auteur l’unifier (oui oui pas en avoir 26) et limiter leur rémunération à 1% du CA récupéré (et non 33% actuellement) et là bizarrement les ayants droits… seront heureux parce qu’ils vont récupérer plein de pognon d’un coup.
#5
Rien de ce que je viens de lire est incontournable. C’est sidérant de dépenser des millions pour des idées aussi farfelues (une empreinte numérique, sérieux ?), pire vouloir faire peser sur un pan de l’économie un poids qui le tuera, là où des pays comme l’Irlande, le Danemark ou la Lituanie font les yeux doux à tous les acteurs du numérique., tous cela au profit de quelques uns.
#6
Faut reconnaitre, ils sont pied au plancher pour protéger les ayant-droits et installer leur lois sur la surveillance, mais pour essayer de relancer l’économie, presque personne." />
#7
Servira à rien ! C’est le droit d’auteur qu’il faut adapter et aussi les mentalités des ayants droit vautour (les autres ont compris).
Je ne comprends toujours pas pourquoi il est si difficile de comprendre qu’un hébergeur n’est, comme un imprimeur, qu’un simple intermédiaire technique. Ça, ça m’échappe complètement. C’est pourtant évident à comprendre non ? D’accord, il faut connaitre un minimum comment fonctionne internet. Peut-être que ça n’est pas à la portée du premier politique venu ou du lobbyiste parasite lambda.
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#9
Bah, entre le ministère de la culture l’industrie culturelle, le ministère de l’écologie la pollution, le ministère de l’intérieur la surveillance, le ministère du travail chômage et le ministère de l’économie des partenariats public-privé, on est bien servi, en France.
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Tout cela pour les taxer derrière….la neutralité du net …mon cul !
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Hormis le fait qu’on ne puisse pas taxer pour un truc illégal (c’est pas assimilé au recel d’ailleurs?), pour toi c’est normal de payer de nouveau pour une acquisition légale?
Genre, “bonjour vous avez acheté une de nos chansons mais vous allez la payer une seconde fois car on aime tellement l’argent”
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Vivement que tous les acteurs numériques se cassent de la France, mettant ces incapables de politiques face à face avec la réalité et leur connerie…
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Le problème c’est que les site / forum / blog ne contiennent aucun contenu illégal ….
ils font tous l’amalgame …ce ne sont que des liens.
Et on fait la différence du forum qui partage ses liens et google et consort qui font la même chose en t’aidant à les trouver dès la première page de recherche.
Après , tu as les sites de “direct download” là où y a réellement le contenu mais ils ont un système de demande de retirer le contenu / signalement pour l’enlever.
Donc impliquer les fai ou hébergeurs, je trouve hors sujet ..perso
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#17
bah en poussant bien, ils peuvent se faire payer une bonne centaine de fois chaque oeuvre vendue à chaque personne, ils auraient tort de se priver puisqu’ils ont les faiseurs de loi pour eux.
J’aimerai croire qu’un jour ça pètera mais l’optimisme et moi ça fait 2
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arf,moins j’aime bien le canada dry " />
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" /> savent pas ce que c’est que les bonnes choses " />
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Où puis-je héberger un site de propagande nazie sans risque?
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En effet, j’aurais dû dire j’aime encore moins " />
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Moi je propose de rendre le droit d’auteur impossible à donner, transmettre ou vendre.
Hop ! Plus de problèmes.
C’est quand même HALLUCINANT que ce soient les DIFFUSEURS qui possèdent les droits des oeuvres que les artistes ont créé…
Droit d’auteur… n’est-il pas censé être lié à l’auteur ?
Tout ça pue à des millions de km. Ces gros flemmards, retranchés dans leurs tours dorées, ne vivent que du lobbying politique pour protéger leurs rentes. Ils ne méritent que de crever la gueule ouverte (précision “mode 2015” : c’est une expression que j’utilise et je conteste vivement souhaiter la mort de quiconque. Cette phrase ne vise qu’à illustrer de manière imagée, comme on le faisait il y a quelques années, mon attitude de dégout face à l’injustice dont profitent les ayants-droits. Je conteste et réprime toute revendication violente ou tout appel à la violence envers une personne physique ou morale. Je suis Charlie ! Merde quand même !)
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Je pense qu’au Ministère de la Culture, il y aurait mieux à faire en contrôlant les dépenses délirantes (entre autres de taxis) des directeurs d’organismes qui sont sous sa tutelle. " />
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bouarf, je me dis que j’ai encore une marge de progression avant d’arriver au niveau des ayants-droits, je suis encore un noob dans ce domaine " />
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ca me va " />
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tu me parles d’honneur, je choisis celui qui en a le plus, parasite par rapport à AD et il doit etre plus simple de passer de utile à inutile que l’inverse " />.
Connais pas ca, ca semble assez mauvais pour les récoltes
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je viens de la faire rapidement justement, et c’est ce que j’ai pu lire sur Wiki et un autre site sur le chanvre.
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Oui on pourrait citer les bébés aussi mais ça serait un chouya glauque " />
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Certains d’entre eux deviennent même des AD. On tient un truc, ça sent le prix Nobel avec le gène du parasitisme
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Pendant ce temps à Vera Cruz :
http://www.wsj.com/articles/u-s-tech-firms-increase-eu-lobbying-efforts-14303076…
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Pour eux, ces barrières internes sont comme des remparts à l’uniformisation culturelle.
Superbe expression qui démonte subtilement toute l’argumentation mercantiliste de ces pharisiens cupides et faux monnayeurs du droit soutenus par le politique contre les intérêts du public.
#52
C’est incroyable que les ayants droits obtiennent tant de faveurs de l’Etat et ce sur 2 gouvernements consécutifs.
Hadopi, Taxe copie privée, mission pour accentuer la responsabilité des hébergeurs, des discussions a n’en plus finir.
A coté de ça je vais à l’hypermarché du coin pour acheter de la musique et je trouve des CDs au rayon que je suis obligé de crackés (DRM oblige) pour pouvoir l’écouter sur mon ibidule.
Bref, camper sur de la non-innovation, faire 0 effort pour s’adapter à un monde nouveau si ce n’est de lobbiyser l’Etat pour faire des lois protégeant une incompétence profonde en scotchant un business model en total déperdition…
Lecon de marketing numero 1 : Tout marché -> Croissance / Stagnation / Déclin.
Est ce que le cordonnier qui a de moins en moins de chaussures à réparer va obtenir une taxe pour chaque Nike vendue ? S’il veut s’en sortir il doit innover, et réparer des ceintures, se spécialiser dans des produits de luxe ou devenir serrurier etc
Et tous les 5 ans je suis sensé voté quoi moi ? Je refuse la démocratie ou je ferme ma gueule pendant 5 ans ou le gouvernement croit qu’il a m’a bénédiction pour laisser les Français crever, et mettre tout en place pour aider des ayants droits qui prennent des marges incestueuses sur les créateurs de la culture.
A vomir!