Copie privée et annulation des barèmes : vers la fin de l’exception culturelle ?
La moine Patrie du patrimoine
Le 06 juillet 2015 à 12h30
4 min
Droit
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Une question préjudicielle posée par le Conseil d’État sans lien direct avec la propriété intellectuelle, pourrait malgré tout avoir de lourds effets dans l’univers de la redevance pour copie privée. Elle concerne la possibilité pour les juridictions administratives d’écarter temporairement le droit de l’Union, pour protéger les situations acquises. Explications.
À plusieurs reprises, le Conseil d’État a considéré que les barèmes votés en Commission copie privée étaient en contrariété avec le droit européen. Soit ils étaient maximisés en tenant compte des copies illicites, soit ils étendaient la perception aux utilisateurs professionnels. Normalement, cela aurait dû engendrer un remboursement des trop-perçus. Sauf que la haute juridiction administrative a presque toujours jugé non-rétroactives ces annulations. Pourquoi ?
Selon lui, « une annulation rétroactive serait à l'origine des plus graves incertitudes quant à la situation et aux droits des ayants droit comme des entreprises contributrices ». De plus, « elle pourrait provoquer des demandes de remboursement ou de versements complémentaires dont la généralisation serait susceptible d'affecter profondément la continuité du dispositif ». Enfin, l’existence même du système de rémunération du droit de copie privée s’en trouverait remise en cause.
Quelles sont les conséquences de cette non-rétroactivité pour les ayants droit ? Grâce à des barèmes votés au sein d’une commission où ils sont en position de force, ils peuvent prélever toujours plus, de manière illégale, sans avoir à assumer les conséquences de cette illicéité et donc, disions-nous, sans avoir à rembourser. Une vraie porte ouverte aux abus les plus massifs.
Une question préjudicielle pour chaque annulation non rétroactive ?
Dans un cadre touchant au secteur environnemental, le Conseil d’État vient cependant d’adresser une question générale à la CJUE : sans revenir sur le détail des faits, il demande si une juridiction nationale doit, « dans tous les cas, saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel afin que celle-ci apprécie s'il y a lieu de maintenir provisoirement en vigueur les dispositions jugées contraires au droit de l'Union par la juridiction nationale ? »
La réponse à cette question, très technique, pourrait impacter le contentieux de la copie privée. Si elle est positive, en effet, l'annulation non-rétroactive d'un barème sera toujours conditionnée au préalable d'une question préjudicielle.
On rappellera la position plus musclée encore du fabricant Imation, propriétaire également des marques TDK et Memorex : lors d'un référé, en 2013, celui-ci a victorieusement contesté la possibilité pour les juridictions françaises de mettre ainsi entre parenthèses le droit européen de la copie privée. Selon le fabricant, les tribunaux ne disposent pas d’une telle marge de manœuvre, sauf cas très sensible, déjà jugé par la CJUE, du péril environnemental avec menace pour la sécurité des personnes. En clair, quand un tribunal constate un barème illicite au regard du droit européen tel qu'interprété par la CJUE, il doit exiger le remboursement et non protéger les intérêts patrimoniaux des ayants droit, aussi importants soient-ils.
De l'effet direct des normes européennes
Dans le camp adverse, Copie France, la société des ayants droit, avance notamment que le droit de l’Union n’a pas d’effet direct horizontal dans les litiges entre personnes privées : la directive sur le droit d’auteur, celle qui régule la copie privée, ne peut être invoquée que par une personne privée dans un litige l’opposant à l’État, non à une société de gestion collective, soit une autre personne privée.
Bonne nouvelle pour les bénéficiaires : leur position a été validée en mai 2015 par le TGI de Paris, sauf qu’Auchan et Carrefour, acteurs cette fois en cause, ont oublié de reprendre les arguments d’Imation : les sociétés de gestion collectives disposent d’agents assermentés et de prérogatives fortes pour la gestion du service public culturel. Elles ont ainsi une façade « publique » qui permet d’infliger le droit européen même dans les litiges opposant ayants droit et industriels.
Le dossier Imation est examiné actuellement au fond. Cette affaire, doublée par celle de la question préjudicielle posée par le Conseil d’État, sera donc de première importance pour les mois à venir, notamment si la Commission copie privée parvient à se reformer.
Copie privée et annulation des barèmes : vers la fin de l’exception culturelle ?
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Une question préjudicielle pour chaque annulation non rétroactive ?
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De l'effet direct des normes européennes
Commentaires (18)
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Abonnez-vousLe 06/07/2015 à 22h57
Et encore, eux c’est les moins discrets…
Le 07/07/2015 à 08h00
Contre-objection ! Celui qui brasse le pognon n’est pas le prévenu, il n’y a rien contre lui qui permette de geler ses fonds : il ne fait qu’appliquer le barème que la loi lui demande d’appliquer.
On pourrait geler les fonds de la commission copie privée, mais j’ai bien peur que leur budget petits fours ne permette pas de rembourser grand chose par rapport au montant global de la RCP.
Bon je suis pas juriste, je ne serais pas étonné que ce soit toi qui aies raison, mais j’ai bien peur qu’ils aient prévu et contré le truc.
Le 07/07/2015 à 12h38
Il me semble que jusqu’à maintenant, les décisions prises par le Conseil d’Etat d’annuler des barèmes votés par la Commission copie privée sont fondées sur leur illégalité au regard du droit français et non du droit européen, non ?
Le 08/07/2015 à 08h16
Le 08/07/2015 à 08h21
je me disais LA MÊME CHOSE ..tiens !!!!!
Le 08/07/2015 à 14h37
merci pour cette proposition, mais il y a trop de chemin à parcourir pour que je comprenne quoi que ce soit sur cet article, désolé… (j’ai vraiment rien compris… a part le titre…)
Le 06/07/2015 à 12h35
En même temps a force de dérogations et d’exception, tout le monde se tire une balle dans le pied.
Même si a court terme, ce sont les consommateurs qui sont lésé, a long terme tout le monde sera perdant.
Le papier aura la peau de tout le monde
Le 06/07/2015 à 12h59
Le 06/07/2015 à 13h06
j’ai bien peur : que la C.C. va être “réformée”, MAIS pas en notre faveur !
(on en prend le chemin inverse) !
Le 06/07/2015 à 14h08
ha, encore une evolution culturel. " />
Le 06/07/2015 à 15h00
Le probleme si ces “derogations” sont accordees, c’est que ca valide le systeme que les ayant-droits ont etabli depuis des annees:
Cette question a la CJUE est importante pour les cas passes, mais pour l’avenir, il serait de bon ton de mettre certaines regles en place pour eviter que cette perception illegale non remboursee (un vrai racket) ne devienne une pratique habituelle et “legale” puisque non sanctionnee par le Conseil d’Etat. (Et il semble que le CE s’y prepare effectivement… “Doit-on poser la question a chaque fois?” J’adore le sous-entendu… “On sait qu’on va encore souvent contrevenir a la loi europeenne… j’espere que vous nous le permettrez directement en bloc sinon on va devoir revenir le demander chaque annee”. Je serais a la CJUE, j’aurais un peu l’impression qu’on me prend pour un abruti.)
Quelques exemples:
Il y a probablement d’autres options, mais ces trois voies me semblent les plus simples. Il y a en tout cas deux grandes idees: soit rembourser, meme si c’est difficile (qu’ils n’aillent pas pretendre que c’est impossible, on a vu bien plus “impossible” etre prononce par des tribunaux… en leur faveur); soit empecher que la repartition des sommes serve d’excuse pour ne pas rembourser.
Le 06/07/2015 à 15h11
Oui mais c’est le précieux argent des ayants droits, personne doit y toucher
Le 06/07/2015 à 16h01
Le 06/07/2015 à 17h04
il dit qu’il a rien compris…
les termes techniques de programmation ok, mais pour les termes techniques de droit ca serait sympa de vulgariser un peu pour qu’on comprennes
merci ;)
Le 06/07/2015 à 18h02
il répond qu’il doit pour cela savoir ce que tu n’as pas compris, et il prendra le temps de t’expliquer.
Le 06/07/2015 à 18h10
Les directives économiques de l’UE s’effacent devant les intérêts politiques du gouvernement.
Ca vaut en France comme en Grèce.
Le 06/07/2015 à 19h01
Objection!
Dans certaines affaires, des fonds peuvent etre geles en attendant un jugement.
De maniere generale, la presomption d’innonence n’interdit pas certaines mesures quand on peut craindre que le prevenu prenne des mesures pour eviter les consequences d’un possible verdict de culpabilite (fuite du pays, organisation d’insolvabilite, etc).
Ici, le nombre de precedents baremes juges “illegaux mais non remboursables” justifierait pleinement un telle mesure.
Le 06/07/2015 à 22h33
C’est quand même hallucinant que des mafias puissent racketter en toute impunité, voire même avec l’appui d’un gouvernement…