Pavel Durov sort de son silence, Telegram revoit (discrètement) ses règles de modération
Vous avez un nouveau message
« Je me suis fixé comme objectif de veiller à ce que nous améliorions considérablement les choses », écrit Pavel Durov dans un message posté sur Telegram, où il conteste cela dit le fait d'être « personnellement » responsable de ce dont la messagerie est accusée. Sa FAQ a d'ailleurs été discrètement mise à jour, afin d'améliorer la prise en compte des signalements d'abus.
Le 06 septembre à 08h32
5 min
Droit
Droit
Fin août, Pavel Durov (co-fondateur et CEO de Telegram) était arrêté en France à la descente de son avion. Après quatre jours de garde à vue, il était mis en examen avec une interdiction de quitter le territoire.
Si la messagerie s’était rapidement fendue d’un message pour expliquer que « Telegram se conforme aux lois européennes » et que « Pavel Durov n’a rien à cacher », le principal intéressé ne s’était pas exprimé. C’est désormais chose faite, via Telegram évidemment.
Pavel Durov répond aux accusations
Dans un long message, il revient sur les accusations qui lui sont faites : « On m’a dit que je pouvais être personnellement responsable de l’utilisation illégale de Telegram faite par d’autres, car les autorités françaises n’ont pas reçu de réponses de Telegram ».
Pour lui, cette approche est « surprenante pour plusieurs raisons », qu’il détaille dans un long argumentaire :
« Telegram a un représentant officiel dans l’Union européenne qui reçoit et répond aux demandes. Son adresse e-mail était publiquement accessible à toute personne dans l’UE qui cherchait sur Google "Telegram EU address for law enforcement".
Les autorités françaises ont eu de nombreux moyens de me contacter pour demander de l’aide. En tant que citoyen français, j’étais fréquemment au consulat de France à Dubaï. Il y a quelque temps, suite à une demande, je les ai personnellement aidés à mettre en place un support téléphonique avec Telegram pour faire face à la menace terroriste en France.
Si un pays n’est pas satisfait d’un service Internet, la pratique courante est d’intenter une action en justice contre le service lui-même. Utiliser des lois de l’ère pré-smartphone pour accuser un patron de crimes commis par des tiers sur la plateforme qu’il gère est une mauvaise approche ».
Concernant la France, la situation est compliquée vue de l’extérieur. D’un côté, il aurait ouvert un canal de communication officiel avec la DGSI dans le cadre de la lutte antiterroriste. Mais d'après Le Canard, et contrairement à sa ligne de défense, il n’aurait pas aidé le renseignement français à déjouer des attentats.
Confidentialité vs sécurité
Il parle ensuite de la difficulté de trouver un équilibre entre confidentialité et sécurité, ainsi qu’entre les différentes législations locales (une manière de pointer la singularité de l’Union européenne avec les RGPD, DSA et DMA). « En tant que plateforme, vous voulez que vos processus soient cohérents au niveau mondial », explique-t-il.
Il affirme être prêt à collaborer « pour trouver le bon équilibre », mais ajoute rapidement qu’il restera fidèle à ses principes. Et si les divergences sont trop importantes, il se dit « prêt à quitter ce pays » car « nous ne le faisons pas pour l’argent ». Il cite l’exemple de la Russie ou Telegram était interdite pendant un temps, avant de revenir, et de l’Iran.
Il veut tordre le cou aux « affirmations de certains médias selon lesquelles Telegram est une sorte de paradis anarchique […] Chaque jour, nous supprimons des millions de messages et de chaînes nuisibles ». Il n’en reste pas moins que Telegram est connu pour abriter ce genre de discussion, mais aussi pour prendre parfois trop de temps à répondre aux demandes, comme le regrettait la Ligue professionnelle de football.
Son argumentaire continue. Telegram publie des rapports de transparence (il cite deux exemples ici ou là) et dispose de « lignes d’assistance directes avec les ONG pour traiter plus rapidement les demandes de modération urgentes ».
Il affirme néanmoins être conscient que Telegram doit faire mieux et va s’y employer :
« L’augmentation soudaine du nombre d’utilisateurs de Telegram (950 millions) a causé des difficultés de croissance qui ont facilité l’abus de notre plateforme par les criminels. C’est pourquoi je me suis fixé comme objectif de veiller à ce que nous améliorions considérablement les choses à cet égard. Nous avons déjà entamé en interne, et je vous donnerai très bientôt plus de détails sur nos progrès ».
Telegram change discrètement sa FAQ sur les signalements
Du changement, il y en a déjà dans la FAQ de Telegram, mais uniquement sur la version en anglais pour l’instant. Aucune annonce officielle n’a été faite pour le moment sur ce sujet.
À la question « Il y a du contenu illégal sur Telegram. Comment puis-je le faire retirer ? », la réponse est désormais : « Toutes les applications Telegram disposent de boutons "Signaler' qui vous permettent de signaler du contenu illégal à nos modérateurs, en quelques clics seulement ». La plateforme met aussi en avant son adresse email [email protected].
Auparavant (via WebArchive), et comme nous l'avions d'ailleurs souligné, le message était : « Tous les échanges et groupes sur Telegram restent privés entre leurs participants. Nous ne traitons pas les requêtes qui y sont liées », c’est d’ailleurs toujours celui de la version française.
« Mais les lots d'autocollants, les canaux et les bots sur Telegram sont accessibles publiquement. Si vous trouvez des lots d'autocollants ou des bots sur Telegram qui vous semblent illégaux, veuillez nous contacter à [email protected] », ajoutait la messagerie.
Ce passage est supprimé puisque désormais les signalements concernent l’ensemble des contenus (capture d’écran faite le 6 septembre à 7h30) :
Pavel Durov sort de son silence, Telegram revoit (discrètement) ses règles de modération
-
Pavel Durov répond aux accusations
-
Confidentialité vs sécurité
-
Telegram change discrètement sa FAQ sur les signalements
Commentaires (24)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 06/09/2024 à 08h51
Je suis curieux de savoir si ça ne va pas se retourner contre lui au tribunal (s'il y va).
Le 06/09/2024 à 08h58
1) Ce n'est pas à lui de juger de la manière de faire
2) Un pays ne porte pas plainte contre un service parce que le service ne lui plait pas, mais parce que le service ne respecte pas la législation en vigueur
3) Le respect de la loi, c'est pour tout le monde, que la loi soit de l'ère pré-smartphone ou non. Les lois qu'ils visent sont peut être pré-smartphone mais post-internet (et avec plusieurs révisions). On n'a pas attendu d'avoir des smartphones pour avoir des communications sécurisées.
Franchement, avant, je n'avais pas d'avis sur ce monsieur. Plus l'affaire avance, moins je l'apprécie.
Le 06/09/2024 à 09h13
Le 06/09/2024 à 09h45
Le 06/09/2024 à 10h46
C'est assez classique chez les coupables de se défendre en répondant à une autre accusation que celle qui leur est portée (aka sophisme de l'homme de paille). Il en a conscience, à n'en pas douter.
Le 06/09/2024 à 10h51
Le 06/09/2024 à 10h56
Modifié le 06/09/2024 à 09h11
S'il y a prise de conscience et mise en place d'une modération effective, alors tout ça n'aura pas servi à rien
Le 06/09/2024 à 10h32
C'est un tout petit peu se moquer du monde ce me semble.
Le 06/09/2024 à 10h52
Je me concentre sur le fait qu'il indique ne pas être responsable alors qu'il montre avoir la possibilité de faire des changements : il est donc bel et bien en position d'être responsable (et donc mis face à ses responsabilités).
Le 06/09/2024 à 09h39
Effectivement, c'est une défense bien faible. Un CEO peut effectivement être tenu pénalement responsable des manquements systémiques de sa société vis à vis de la législation. C'est à lui que revient d'organiser sa société pour qu'elle respecte la loi. En général, le CEO délégue ce genre de responsabilité (département compliance, service d'audit interne, etc). Si Durov voulait tout faire, c'est lui le responsable.
Si Telegram ne répond pas aux injonctions judiciaires ou choisit d'uniquement répondre aux injonctions X et d'ignorer les injonctions Y, c'est bien un manquement systémique, et il est responsable.
J'ai l'impression qu'il veut surtout donner une bonne impression face au grand public. Le pauvre (!) petit CEO qui fait ce qu'il peut face à la vilaine machine judiciaire...
Le 06/09/2024 à 11h05
-les demandes des autorité ne sont pas toujours "légitime" voir "légal"
-il est donc nécessaire de connaitre la législation de CHAQUE pays.
Alors certes il est de sa responsabilité de créer et pourvoir les équipes nécessaire mais en attendant imagine qu'il clôture des conversations sur des demandes illégitime/illégal et bien la ce sont les utilisateurs qui lui volerons dans les plumes.
Pour rappel il y a 197 pays "officiellement" 330 selon d'autres comptes, donc même en comptant que les pays officiel à raison d'un délégué spécialiste juridique par pays ça commence à représenté de sacrée recrutement et de frais associé (ça ne sera pas des petit salaires)
Beaucoup de nouvelles société numérique fonctionne comme lui CàD à perte pendant des années et avec des effectifs réduit et cherche la rentabilité une fois une large basse utilisateur acquise. Personnellement je n'ai jamais vue une pub sur l'appli :/
Donc en vrai je reste circonspect sur tout ce qui se passe avec telegram et son CEO en ce moment.
Le 06/09/2024 à 11h38
_ C'est compliqué de recruter.
_ C'est cher de recruter.
_ De toute manière les autres aussi font comme ça.
J'ai donc une solution très simple aux deux premiers problèmes soulevés :
Tu t'assures d'avoir des équipes compétentes dans les pays concernés, et après tu lances ton service, pas l'inverse.
Le 06/09/2024 à 11h46
je dis que le fonctionnement de ses nouvelles entreprise les mette dans des position difficilement tenable.
Et je pense que par procrastination de sa part il est resté dans l'antre deux que j'ai decris.
Mais je pense aussi que beaucoup de monde lui tombe dessus de façon relativement synchrone.
Je pense que les levées de fonds de telegram aurais dû permettre de mettre en place au moins en partie les service nécessaire.
Mais je note aussi que d'autre service ne sont pas autant pointé du doigt.
Je me souvient d'une affaire ou des terroriste communiquais via un jeux en ligne. L’éditeur n'a pas été mis en cause pour autant.
D’où le fait que reste circonspet.
Le 06/09/2024 à 12h09
Il serait aussi intéressant de savoir de quel jeu il s'agit et de quelle affaire il est question afin de comparer ce qu'a mis en œuvre l'éditeur du dit jeu vs ce que mets en œuvre Telegram.
Le 06/09/2024 à 11h39
Le 06/09/2024 à 10h49
Le 06/09/2024 à 11h38
Pareil avec les apps de communication libre, ils font tomber Telegram, mais bientôt une nouvelle plateforme émergera, et les gens intéressés auront quelques années pour échanger librement avant que le gouvernement ne réagisse.
Le 06/09/2024 à 11h41
Le 06/09/2024 à 11h46
Le 06/09/2024 à 12h52
App où tu pourrais laisser un singe taper aléatoirement au clavier pendant un temps infini, et à aucun moment le pauvre primate ne finirait en garde à vue.
App qui fournit un email pour les requêtes judiciaires et le fait surveiller une fois par mois par un stagiaire russophone.
App qui est qualifiée de "zone de non droit" par ceux qui ne l'aiment pas, et par ceux qui l'aiment.
Bref ce qu'était Telegram jusqu'au mois dernier.
Modifié le 07/09/2024 à 19h23
Il me semble que la qualification exacte du ou des services fournis par Telegram manque dans le débat public (et dans l'instruction du procès ?).
Il me semble que les lois qui régissent les communications privées (messagerie) ne sont pas les mêmes que celles qui s'appliquent aux réseaux sociaux (diffusion publique ou sur des groupes publics ou considérable comme tels) ni celles qui s'applique à la distribution de contenus, au commerce ou aux transactions financières.
Est ce que Telegram n'est qu'une messagerie, comparable à Signal par exemple ou a t'elles d'autres fonctionnalités qui seraient en cause ?
Le 08/09/2024 à 01h58
Il y a des problèmes de modération sur X et on a pas vu Musk en garde à vu. Il y a déjà eu des problèmes avec Facebook et l'utilisation de données, Google et les pratiques anti concurrentiel, etc. sans qu'on voit les patrons de ces boîtes inquiétés.
C'est quoi la différence juridiquement ?
Le 08/09/2024 à 11h36
Dans le cas de Telegram, ce n'est plus que du délit. C'est du crime (terrorisme, association de malfaiteur, etc.)