Dans la course aux panneaux solaires, la Chine est loin devant
Économie du soleil
L’Europe et les États-Unis peinent à lutter contre l’excédent de panneaux solaires fabriqués par la Chine.
Le 09 juillet à 09h19
6 min
Économie
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Mise à jour : une précédente version de l'article laissait entendre que le polysilicium pouvait être miné alors qu'il demande à être transformé.
La Chine a produit tellement de panneaux solaires que son marché intérieur est incapable de les absorber, constatait Bloomberg en avril. Sur la seule année 2023, le pays a installé plus de panneaux solaires que les États-Unis pendant toute son histoire. La tendance se maintient : en 2023, les États-Unis avait installé 179 gigawatts de capacités. De janvier à mars 2024, la Chine avait déployé 660 gigawatts.
L’Europe et les États-Unis ont bien tenté de faire face ces derniers mois, en soutenant les productions locales. Mais la Chine est loin devant : en 2021, les trois quarts des emplois de la filière des panneaux photovoltaïques y étaient déjà localisés.
Face aux barrières à l’importation imposées par Washington, 14 % d’emplois supplémentaires ont été délocalisés en Asie du Sud-Est au fil des dernières années, pour n’en laisser que 3 % à l’Europe et 1 % aux États-Unis, rapporte Le Monde. Dépassée en interne, la Chine accroit la pression à l’extérieur, inondant le marché de panneaux à faible coût pour écouler ses stocks – à l’heure actuelle, elle détient près de 80 % des parts du marché.
Terres rares et dumping social
Pour prendre la mesure du retard, il faut remonter à la stratégie déployée par la Chine depuis 30 ans. Dans la Guerre des métaux rares, Guillaume Pitron décrit comment le pays a fait main basse sur l’exploitation de ces matériaux essentiels à la transformation vers des énergies qualifiées de plus « vertes ». Le silicium, nécessaire à la construction des fameux panneaux, est présent en abondance dans cette partie du monde – 40 % de la production du polysilicium est réalisée dans la région du Xinjiang, où la population ouïgoure est largement soumise au travail forcé.
Outre son extraction, la Chine s’est aussi positionnée sur sa transformation, s’aidant au tournant du millénaire d’un dumping social doublé d’un dumping écologique. Comme l’écrit Le Monde, le charbon produit en masse dans le pays est un facteur essentiel de la fabrication de polysilicium et de la production générale des panneaux solaires. C’est aussi lui qui permet la production d’électricité chinoise à un coût 30 % inférieur de celle du reste du monde, répercuté sur le coût final des composants nécessaires à la fabrication de panneaux solaires.
Dans les années 2010, la population chinoise s’est emparée du sujet environnemental et la croissance économique a ralenti. Pour faire face, les dirigeants de l’Empire du Milieu ont intensifié le pari posé sur les technologies dites « vertes ». Le premier ministre Li Qiang a même qualifié les industries des panneaux solaires, des batteries et des véhicules électriques de « nouveau trio », de nature à remplacer l’ « ancien trio » que constituaient les vêtements, les meubles et l’électroménager.
L’activité est telle que les énergies dites « propres », et plus spécifiquement la production d’énergie solaire, de véhicules électriques et de batterie, a été le premier levier de croissance de la Chine en 2023, selon Carbon Brief. Sauf qu’une fois fabriqués, il faut écouler les produits : une logique qui s’opère au prix de nettes distorsions.
Guerre de subventions
Face au phénomène, l’administration Biden a déployé un programme de subvention qui couvre la plus grande partie des coûts de construction des panneaux solaires et de leur installation. Une manœuvre qui n’a pas empêché les acteurs locaux de subir de plein fouet la baisse des prix de leurs concurrents chinois.
Dans son discours sur l’état de l’Union, en septembre 2023, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a clairement indiqué que l’Union européenne n’avait « pas oublié combien [son] industrie solaire avait pâti des pratiques commerciales déloyales de la Chine ». En avril 2024, la Commission a ouvert deux enquêtes contre LONGi Solar Technologie GmbH, une filiale de LONGi Green Eneregy Technology installé à Xi’an, au centre de la Chine, et un consortium contrôlé par le Shanghai Electric Group – propriété de l’État chinois. Ce dernier travaille aussi bien au développement de l’éolien, du solaire que de l’hydrogène.
Face aux accusations de travail forcé, les États-Unis ont bloqué certaines importations de panneaux solaires. Des acteurs européens ont mis fin à certains accords commerciaux et une proposition de loi a été déposée quelques mois avant les élections européennes.
Concurrence en manque d’air
Malgré cela, le constructeur suisse Meyer Burger a annoncé en février fermer ses usines installées en Allemagne. En parallèle, elle levait des fonds pour terminer la fabrication de ses usines aux États-Unis.
Étouffé par des coûts de fabrication 35 % plus faibles qu’en Europe, le fabricant Systovi a déclaré en avril 2024 : « l’entreprise fait face à l’accélération soudaine du dumping chinois depuis l’été 2023 et les discussions réglementaires en cours en France et en Europe (…) n’auront pas d’effet dans un délai compatible avec les enjeux ». Créée en 2008 et comptant 87 employés, l’entreprise installée à Carquefou, près de Nantes, cherchait un repreneur depuis mars, mais n’avait pas reçu d’offre.
À ces préoccupations industrielles se mêlent les questions politiques et environnementales. Dans un rapport de janvier 2024, l’Agence internationale de l’énergie soulignait que pour atteindre les buts fixés par la COP28 de tripler les capacités en termes d’énergie renouvelables d’ici 2030, il y aurait besoin d’un soutien politique. Longi lui-même a joué la carte du développement durable, en soulignant que si les pays occidentaux bloquaient l’accès aux produits chinois, ils seraient incapables d’atteindre leurs propres objectifs de transition écologique.
Mais si le précédent Parlement européen s’était clairement engagé en faveur d’un « Green New Deal », sa version fraîchement élue est ancrée bien plus à droite – avec 80 députés, le nouveau groupe d’extrême-droite « Patriotes pour l’Europe » présidé par Jordan Bardella en est la troisième force politique. Or ce type de courant politique n’est pas connu pour sa promotion des objectifs environnementaux.
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Terres rares et dumping social
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Guerre de subventions
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Concurrence en manque d’air
Commentaires (14)
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Abonnez-vousLe 09/07/2024 à 10h09
En-dehors de Systovi, VMH et Recom Sillia ont aussi arrêté leur activité cette année. Le prix des panneaux chinois est extrêmement bas à cause d’un phénomène conjoncturel de stocks dans les ports européens. Ils sont bradés sous leur prix de production, qui est déjà très bas.
Au-delà de la fabrication de panneaux solaires, qui représente le dernier maillon d’une longue chaîne de valeur industrielle, il serait intéressant de détailler les différentes étapes. On ne mine pas du polysilicium, on mine du quartz, du bois et du charbon qu’on transforme en silicium métallurgique (on a heureusement encore des usines en France), puis on le purifie dans d’énormes sites chimiques (on a qu’un seul acteur en Europe). Ensuite tous se passe en Chine : faire des lingots de silicium, les découper en wafers, les transformer en cellules. C’est à ces points de souveraineté industrielle que les USA s’attaquent actuellement. Assembler les cellules en panneaux solaires, ce que fait très bien Voltec en France, c’est malheureusement le plus facile.
Attention au titre trompeur : il n’y a pas de terre rare dans les panneaux solaires. Juste du silicium, du cuivre et de l’argent. Et quelques atomes de dopants.
Le 09/07/2024 à 13h25
Problème comme dit dans l'article, les européens ont élus en partie (et pour beaucoup en France) des climatosceptiques pseudo patriotes qui d'un côté veulent réindustrialiser et de l'autre font tout pour que cela n'arrive pas (money is money)
Le 10/07/2024 à 15h24
Le 10/07/2024 à 15h47
Là, tu décris directement la Chine et le PCC.
Le 09/07/2024 à 13h43
Ca ne représente rien face aux 400% de différences entre le prix des panneaux bruts et les panneaux installés après le racket RGE.
Si les installateurs ne se gavaient pas, ça ne me dérangerai pas d'acheter des panneaux EU.
Résultat, je consomme du nucléaire.
Le 09/07/2024 à 23h47
Le 10/07/2024 à 15h55
Le 10/07/2024 à 16h20
Sinon oui, maintenir une filiale de production de panneaux solaires en Europe tient plus du choix politique qu'industriel, à ce niveau de distorsion des prix.
Le 10/07/2024 à 19h54
- soit on agit politiquement (ça veut dire surtaxer les produits qui font du dumping pour permettre à la production domestique de survivre)
- soit on descend nos prétentions salariales et environnementales au niveaux de celles de la Chine (hum hum)
- soit on ne fait rien et on se fait détruire notre industrie.
Le 10/07/2024 à 20h28
Le 10/07/2024 à 20h25
Le 31/07/2024 à 10h43
Et il n'y a pas que des impératifs de rentabilité à court terme, il faut aussi que le réseau tienne debout.
Le 10/07/2024 à 15h48
Le 10/07/2024 à 22h06
J'aimerais investir à l'avenir et acheter européen, quitte à payer plus cher. Mais si je n'ai pas de SAV / garantie car la boîte met la clé sous la porte, c'est embêtant.