DGSI et DRSD alertent sur les ingérences étrangères dans le milieu scientifique
La contre-méthode scientifique
Dans une note « flash » la DGSI explique que des acteurs étrangers ciblent particulièrement les chercheurs lauréats de distinctions scientifiques. De son côté, la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense publie son panorama des ingérences à l’encontre de la sphère défense en 2023 où elle évoque l'émergence de nouveaux acteurs de la menace cyber et le ciblage de chercheurs français.
Le 09 juillet à 15h43
6 min
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Si la recherche française manque de moyens, elle bénéficie encore d'une certaine reconnaissance internationale et on retrouve régulièrement encore des chercheurs français dans la liste des récompenses scientifiques les plus prestigieuses. L'année dernière encore, Anne L'Huillier, Pierre Agostini et Moungi G. Bawendi ont obtenu un prix Nobel. Le mathématicien français Hugo Duminil-Copin a aussi été récompensé lors de la dernière fournée de médailles Fields (attribuée tous les quatre ans) de 2022.
D'autres récompenses plus nationales permettent de distinguer les chercheuses et chercheurs les plus en vue dans leur domaine. Les médailles du CNRS sont un bon exemple. Le centre vient tout juste de décerner sa médaille de l’innovation à trois lauréats.
Mais la DGSI signale que ces distinctions peuvent aussi permettre à des acteurs étrangers de repérer des cibles pour effectuer des actions d'ingérence. Dans sa dernière note « Flash ingérence » (.PDF) de conseils aux entreprises, la Direction générale de la sécurité intérieure revient sur les « Intérêts étrangers pour les chercheurs français lauréats de distinctions scientifiques ».
Virement inexpliqué, récupération de carnet d'adresses, promesses de projets inédits
Dans cette note, les services français prennent trois exemples de chercheurs français approchés.
L'un d'entre eux, « lauréat d’une haute distinction académique en France » a, par exemple, « reçu, de manière inexpliquée, un virement d’une importante somme d’argent en provenance des organisateurs » d'un symposium auquel il participait à l'étranger.
Le chercheur a expliqué à la DGSI avoir été invité avec prise en charge intégrale et visites privées de sites sensibles « habituellement fermés au public ». Il a aussi été interrogé sur des sujets d'ordre politique lors de son séjour. Suite à sa visite, il a aussi appris qu'il serait récompensé par un prix pour sa coopération scientifique avec le pays étranger.
Promesses de moyens
Les services prennent aussi appui sur un exemple qui fait écho à de nombreux cas que l'on peut croiser dans le domaine : la DGSI explique qu'une entreprise étrangère a recruté « un scientifique reconnu pour ses compétences et ayant pris part à plusieurs projets d’envergure internationale » pour diriger sa filiale française.
Elle souligne que le chercheur a accepté « en raison de la possibilité de travailler sur un sujet innovant qui, faute de moyens, ne faisait plus partie des domaines d’étude de son laboratoire ». On peut donc en déduire que le manque de financement de la recherche française pousse certains à accepter de travailler pour des entreprises étrangères.
« Ce premier recrutement a permis à la société étrangère de s’appuyer sur la renommée et le vaste réseau de l’expert français afin de faciliter le débauchage d’autres chercheurs issus du même centre de recherche et ayant reçu des récompenses à des compétitions nationales et internationales », explique la DGSI.
La DGSI demande aux chercheurs de se méfier en cas de coopération internationale
Le service de contre-espionnage français prend un troisième exemple : celui d'un chercheur français « issu d’un laboratoire sensible, spécialisé dans un domaine scientifique de pointe ». Si la DGSI précise que les sujets de ses recherches ont des « applications duales », elle ne précise pas le domaine concerné. Elle décrit par contre une approche progressive pour que ce chercheur coopère de plus en plus avec les universités du pays qui le ciblait.
Dans le milieu scientifique, il n'est pourtant pas rare que les chercheurs travaillent avec d'autres universités ou partent même faire carrière à l'étranger sans que ça n'alerte les collègues. Mais la DGSI semble y voir les signes d'une ingérence grave. Elle précise qu'elle a été alertée de ce cas par un fonctionnaire de sécurité et de défense de l'établissement du chercheur et qu'elle a « sensibilisé le chercheur et le personnel du laboratoire aux risques de détournement de leurs recherches à des fins de prolifération ».
Elle commente ces exemples en expliquant qu' « afin de convaincre les chercheurs français primés d’engager des coopérations formelles ou informelles, ces acteurs étrangers promettent fréquemment des projets de recherche inédits et stimulants auxquels sont alloués des moyens financiers et matériels conséquents, ainsi que des cadeaux et des compensations financières attractives. Ils peuvent également tirer profit du besoin de financement des établissements auxquels les chercheurs sont rattachés pour les contraindre à consentir à des partenariats académiques déséquilibrés ».
Les « conseils » de la DGSI
La DGSI conseille aux chercheurs qui reçoivent une distinction honorifique de « vérifier régulièrement les informations qui figurent sur [leurs] profils en ligne afin de supprimer les informations trop personnelles ».
Elle leur demande aussi de « prendre attache avec le fonctionnaire de sécurité défense (FSD) de [leur] structure de tutelle avant d’accepter tout partenariat étranger ».
La DGSI demande aussi de « sensibiliser régulièrement les chercheurs et personnels des structures de recherche sensibles aux risques de détournement des savoir-faire ».
Elle conseille de rester vigilant à l'occasion de déplacements à l'étranger, « de privilégier l’utilisation de matériel informatique dédié aux séjours à l’étranger et de n’emporter que les informations nécessaires à la mission », mais également de « maintenir une posture de vigilance lors des échanges avec des interlocuteurs étrangers ».
« Il est fortement déconseillé de se déplacer avec l’intégralité de ses travaux de recherche » commente l'agence, qui demande aussi aux chercheurs de « ne pas accepter de cadeaux dont la valeur semble disproportionnée ».
Rappelons que la plupart des chercheurs et chercheuses français sont des fonctionnaires pour lesquels le code pénal prévoit une peine spécifiquement lourde en cas de corruption. La DGSI demande aux chercheurs de lui signaler des approches répétées et intrusives par des acteurs étrangers.
Dans son panorama des ingérences à l’encontre de la sphère défense en 2023 (.PDF), la dernière lettre d'information économique de la Direction du Renseignement et de la Sécurité de la Défense (DRSD) évoque, elle aussi, le ciblage des chercheurs français.
Elle mentionne notamment une campagne chinoise en cours depuis novembre 2022 qui ciblerait particulièrement les « structures de recherche contribuant à la défense ». « Le Service a ainsi pu confirmer que plus de 650 approches échelonnées ont été identifiées au cours de l’année 2023 », assure la DRSD.
DGSI et DRSD alertent sur les ingérences étrangères dans le milieu scientifique
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Virement inexpliqué, récupération de carnet d'adresses, promesses de projets inédits
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Promesses de moyens
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La DGSI demande aux chercheurs de se méfier en cas de coopération internationale
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Les « conseils » de la DGSI
Commentaires (18)
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Abonnez-vousLe 09/07/2024 à 17h18
Le 09/07/2024 à 20h53
Comme expliqué par l'article, les chercheurs et les laboratoires participent parfois à des projets de recherche avec des informations sensibles (défense, informations provenant d'entreprises stratégiques, nucléaire, etc). Ces chercheurs étant la plupart du temps payés par l'état, il est normal que l'état se soucie du devenir des informations que détiennent ces chercheurs.
Le 10/07/2024 à 11h50
- les privatiser pour en faire bénéficier la mafia (on va pas parler de thalès, dassault, les concessions autoroutes, la privatisation subreptice d'EDF avec son énorme pôle R&D, etc.)
- le transférer à l'étranger directement (nucléaire israëlien made in france, filière atomique concrètement abandonnée au profit des USA selon Proglio lui-même, etc.)
- le maintenir sous gouvernance de giga-fonds tels que blackrock, directement ou indirectement (par le contrôle sur la dette FR qui représente une broutille dans le bilan de blackrock)
Le patriotisme est censé commencer par le haut, pas par le bas. Des cosmopolites demandent aux gens de ne pas l'être pour pouvoir vendre les bijoux français en exclusivité.
Beaucoup de chercheurs l'ont très bien compris et constituent la fuite des cerveaux actuelle. Il n'y a plus aucune raison de rester en france : pas de protection d'état, salaires ridicules, haute-trahison systématique, etc.
Le 10/07/2024 à 12h16
Il n'empêche que la DGSI n'est pas le gouvernement et qu'elle fait juste son travail ici et que les fautes que tu listes ici sont des choix politiques fait par des gouvernements ou des chef d'entreprises, pas le choix de l'administration. C'est étrange de critiquer ceux qui vont dans ton sens...
Le 10/07/2024 à 13h05
Le 10/07/2024 à 13h24
Le 09/07/2024 à 17h53
Le 10/07/2024 à 04h48
Le 10/07/2024 à 07h50
Le 10/07/2024 à 11h01
Le 10/07/2024 à 10h22
L'un ET l'autre sont des problèmes en France.
La DGSI pourra alerter en permanence un chercheur passionné cherchera toujours à aller au bout de ses projets et si l'Etat ne lui en donne pas les moyens, devinez ce qui peut arriver.
Le 10/07/2024 à 10h52
Le 10/07/2024 à 10h53
Le 10/07/2024 à 10h58
Ça, ce n'est pas interdit et ça se fait déjà. On a même eu droit ici à un article rappelant que la recherche avait peur que le RN empêche la circulation des chercheurs (dans le sens entrant en France).
Par contre, rester chercheur en France et collaborer avec une puissance étrangère, ça c'est interdit et c'est puni.
Le 10/07/2024 à 12h56
Le programme du RN c'est la négation même des valeurs des chercheurs.
A l'opposé, l'exode de chercheurs français qui étaient restés jusque la malgré le salaire et les difficultés inhérentes aurait été bien réelle.
"Entre autre" parcequ'il y aussi le passage dans le privé.
Pour le reste ce n'est pas la collaboration qui est interdite mais la corruption.
J'ai l'impression que tu as très mal vécu le résultat des dernières élections.
Le 10/07/2024 à 13h23
Pour ta dernière phrase : ce que j'ai très mal vécu, c'est la dissolution qui pour moi était une énorme connerie. Le reste n'est que des péripéties qui sont la conséquence de cette dissolution.
Mais quand on voit maintenant la composition de l'AN et les discours de la gauche qui ne peut pas gouverner seule (elle se ferait exploser à la première motion de censure), ça fait pleurer : je me demande ce qui va se passer. Je pense que la France n'avait pas besoin de cela. En observant les répartitions des sièges, j'ai du mal à voir à une solution à court terme, Ensemble même aidé de LR et encore plus le RN se feraient aussi censurer et on n'est mal parti pour une large coalition.
Après, ce que j'apprécie mal, c'est le traitement fait ici (et ailleurs aussi). On ne peut pas ostraciser un parti (le RN) qui rassemble autant d'électeurs, il faut détourner ces électeurs de ce parti (c'est aux autres partis de faire cela, mais j'ai l'impression que l'on est mal parti). C'est peut-être pour cela que tu tires une mauvaise conclusion de ton observation.
Le 10/07/2024 à 15h34
Tu vois on n'est pas d'accord sur ce qui se passe actuellement.
Pour moi la composition de l'AN est une énorme chance: pour la 1ère fois depuis le début de la Ve, elle reflète a peu prés l'orientation politique des électeurs.
Aucun parti n'est majoritaire avec 3 grands poles autour de 20/30% des sièges.
Ce qu'il se passe actuellement c'est que nos politiques n'ont jamais été habitués à travailler dans la négociation permanente. Donc ils sont complètement perdus.
Les vociférations de Mélenchon, de certains élus du NFP, de l'aile droite ou gauche d'Ensemble et des LR ne changent rien à l'affaire. (Le RN ne vocifère pas, ils savent qu'ils ne seront inclus dans aucune coalition, LFI ne l'a pas encore compris mais cela viendra).
Il va falloir que certains groupes se mettent autour d'une table pour négocier, sinon c'est gouvernement technique pendant 1 an en attendant une nouvelle dissolution.
Et si ils négocient on devrait arriver à des réformes un peu plus supportables et supportées (dans l'idéal)
Pour finir sur le traitement du RN: tu voudrais prendre en compte leurs électeurs ?
Mais quelle partie ?
- ceux qui ont voté pour la partie xénophobie / immigration
- ceux qui ont voté pour l'augmentation du SMIC ou baisse de l'age de la retraite
- ceux qui ont voté contre les éoliennes, les voitures électriques et le retour au tout pétrole
- ceux qui ont voté contre les sachants et les scientifiques
- ceux qui ont voté contre le mariage pour tous et le "wokisme"
- ceux qui ont voté pour la suppression de l'impot sur la fortune immobilière
- ceux qui ont voté parcequ'ils se sentaient exclus et que le vote RN faisait trembler les autres.
Certains points, notamment sociaux, pourraient être abordés en dehors du RN. Ceux relatifs aux rejets des autres et à la xénophobie ne le seront pas et c'est tant mieux.
Pour finir, la claque qu'a prise le RN par rapport aux projections provient aussi du choix des candidats et qui montre que le RN n'est clairement pas préparé à prendre le pouvoir à l'AN.
Dans mon département, AUCUN candidat RN n'a répondu aux journalistes. C'était le délégué départemental qui le faisait à leur place.
Dans ma circonscription, la candidate était même invisible: aucun meeting, aucun déplacement, même pas de photo sur la profession de foi.
Le 10/07/2024 à 16h27
Juste un truc pour l'anecdote : dans ma circonscription non plus, le candidat RN parachuté n'avait pas sa photo sur sa profession de foi et son bulletin de vote. Le candidat sortant Horizon s'en est moqué sur sa propre profession de foi du second tour.